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Date: 19981230

Dossiers: 97-839-UI; 97-841-UI

ENTRE :

INFORMATION COMMUNICATION SERVICES (ICS) INC.

s/n INSURANCE COURIER SERVICES,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appels entendus le 13 octobre 1998 à Vancouver (Colombie-Britannique) par l'honorable juge suppléant D. W. Rowe

Motifs du jugement

Le juge suppléant Rowe, C.C.I.

[1] Il avait été convenu que les deux appels seraient entendus ensemble. L'appelante, Information Communication Services (ICS) Inc. (“ ICS ”), avait interjeté appel à l'encontre d'une décision du ministre du Revenu national (le “ ministre ”) en date du 5 février 1997 selon laquelle Donna Lockhart exerçait un emploi pour Insurance Courier Services, une division de D & D ICS Group Ltd., en vertu d'un contrat de louage de services — donc un emploi assurable — au cours de la période allant du 15 juillet 1991 au 7 janvier 1994.

[2] L'appelante avait en outre interjeté appel à l'encontre d'une décision du ministre également datée du 5 février 1997 selon laquelle Russell Lockhart exerçait un emploi pour Insurance Courier Services, une division de D & D ICS Group Ltd., en vertu d'un contrat de louage de services — donc un emploi assurable — au cours de la période allant du 13 septembre au 13 décembre 1993.

[3] L'avocat de l'appelante a fait savoir qu'il ne contestait pas le fait qu'il était dit dans les décisions en date du 5 février 1997 que celles-ci étaient rendues conformément à l'alinéa 61(3)a) de la Loi sur l'assurance-chômage. La période d'emploi faisant l'objet d'une demande de règlement entrait totalement dans le cadre de la Loi sur l'assurance-chômage, mais la décision du ministre quant à la nature de l'emploi de Donna Lockhart et de Russell Lockhart aurait dû être rendue en conformité avec les dispositions pertinentes de la Loi sur l'assurance-emploi.

[4] Les avocats ont convenu qu'un recueil de documents serait déposé sous la cote A-1. Les mentions de numéros de l’onglets figurant ci-après se rapportent à un document de la pièce A-1. L'avocat de l'appelante a déposé sous la cote A-2 une liste de numéros de questions et de réponses consignées lors de l'interrogatoire préalable de Dianne Martineau — un fonctionnaire autorisé à témoigner pour l'intimé — ainsi qu'une lettre jointe en annexe, soit une lettre de l'avocat de l'intimé fournissant des renseignements qui avaient été demandés lors de l'interrogatoire préalable. L'avocat de l'appelante a ensuite entrepris de faire la lecture de ces questions et réponses, soit :

[TRADUCTION]

1. Q. Cet interrogatoire préalable concerne les deux instances, soit l'affaire Donna Lockhart ou l'affaire relative à Donna Lockhart, devrais-je dire, et l'affaire relative à Russell Lockhart?

R. Oui.

2. Q. Et je pense que nous avons déjà établi qu'il s'agit des appels 97-839(UI) et 97-841(UI)?

R. Oui.

3. Q. Et vous êtes autorisée à témoigner dans cet interrogatoire préalable?

R. Oui.

4. Q. Pour l'intimé, soit le ministre du Revenu national?

R. C'est exact.

5. Q. Et vous êtes agente des appels à Revenu Canada?

R. Exact.

13. Q. Et quel a été votre rôle dans ces deux appels, qu'avez-vous fait à l'égard de ces appels?

R. On m'a attribué le dossier lorsque les appels ont été interjetés, et j'ai établi les réponses aux avis d'appel.

14. Q. Je pense que vous avez signé ces deux réponses.

R. Oui. Et j'ai été en contact avec le ministère de la Justice concernant la communication préalable. Pour l'essentiel, le dossier m'est attribué, de sorte que je m'occupe de tout ce qui se passe au sujet du dossier.

15. Q. S'agit-il de deux dossiers distincts, soit celui de Donna et celui de Russell, c'est-à-dire deux dossiers tenus séparément, ou s'agit-il d'un seul et unique dossier?

R. Vous avez deux dossiers.

16. Q. Et vous avez examiné ces dossiers du début à la fin à un moment donné?

R. Oui.

17. Q. Vous avez donc pris connaissance de tous les points de vue avancés par ICS ou pour ICS?

R. Oui.

18. Q. Et vous avez pris connaissance de toutes les communications avec Donna Lockhart et Russell Lockhart?

R. Les communications entre Revenu Canada et...

19. Q. Oui.

R. Oui.

Me ANDREWS :

26. Q. Bon, au paragraphe 6, comme vous le voyez, vous avez dit : “ La question de savoir si Donna Lockhart a ou non déduit des dépenses de son revenu aux fins de l'impôt n'est pas pertinente aux fins de cet appel ”.

Et maintenant, je voudrais simplement vous demander pourquoi vous avez dit que ce n'était pas pertinent?

R. Parce que je... la question à régler est de savoir si, sur la foi des faits de cette situation particulière, Donna Lockhart exerçait un emploi en vertu d'un contrat de louage de services ou en vertu d'un contrat d'entreprise. Et je n'estimais pas que la question de savoir si Donna avait ou non déduit des dépenses était pertinente aux fins de ce règlement particulier.

27. Q. Je pense que vous conviendrez toutefois avec moi que c'est assurément une indication quant à savoir si Donna estimait qu'elle était un entrepreneur ou un employé?

R. C'est possible, oui.

28. Q. Et, en fait, au cours de la communication de documents, au moins une déclaration de revenus a été produite, je crois. Avez-vous vu les déclarations de revenus de Donna Lockhart?

R. Oui.

29. Q. Si vous passez à l’onglet 44 du recueil de l'intimé.

R. D'accord, je l'ai.

30. Q. Bon, il s'agit de la déclaration de revenus de Donna Lockhart pour l'année 1991?

R. C'est exact.

31. Q. Et si vous passez à la quatrième page, il s'agit de l'annexe 8. Nous sommes dans un ordre différent; arrivez-vous à trouver l'annexe 8 là-dedans, intitulée Travail indépendant?

R. D'accord.

32. Q. Et vous voyez que Donna a inclus avec sa déclaration de revenus une annexe 8, intitulée Travail indépendant?

R. Oui.

33. Q. Dans laquelle elle disait qu'elle était messagère; est-ce que vous voyez cela?

R. Oui, je le vois.

34. Q. Et, si je ne m'abuse, cela renvoie à sa relation avec ICS; pouvez-vous confirmer cela?

R. Je pense que oui.

35. Q. Deux pages plus loin dans ma copie, il y a un état de revenus et de dépenses se rapportant à l'entreprise de Donna; est-ce que vous voyez cela?

R. Oui.

36. Q. Et, encore là, il semble que la déclaration de revenus qu'elle a présentée à Revenu Canada se fondait sur le fait qu'elle dirigeait une entreprise en tant que messagère; est-ce vrai?

R. Il semble que oui. Elle a inclus un état des revenus et des dépenses se rapportant à une entreprise.

37. Q. Et elle a déduit du revenu de cette entreprise diverses choses comme des frais comptables et juridiques; est-ce que vous voyez cela, 100 $?

R. Oui.

38. Q. Des frais d'assurance de 183,33 $?

R. Exact.

39. Q. Des frais d'entretien et de réparation de 371,48 $?

R. Exact.

40. Q. Et des frais de véhicule automobile, et le montant indiqué est, je pense, de 454,90 $?

R. Je pense que oui.

41. Q. Est-ce que vous voyez cela?

R. Oui.

42. Q. Des salaires de 570 $?

R. Oui

43. Q. Un montant de 70 $ pour l'indemnisation des accidents du travail?

R. Oui

44. Q. Une déduction pour amortissement de 448,50 $?

R. Exact.

45. Q. Soit des dépenses totales de 2 198,21 $?

R. Exact.

46. Q. Et elle indique 4 370 $ comme revenu provenant de cette entreprise, comme revenu brut provenant de cette entreprise?

R. Oui.

58. Q. Je vois, ça va. Examinons donc ce qu'il en est pour 1993. À la première page de la déclaration générale T1, elle indique un revenu de commissions de 30 131,36 $?

R. C'est exact.

59. Q. Et un revenu de commissions net de 15 842,89 $?

R. C'est exact.

60. Q. Et savez-vous... pouvez-vous dire si cela a trait à un revenu qu'elle a gagné relativement à ICS?

R.                    Oui, pour ce qui est des revenus et des dépenses d'entreprise ou de profession libérale, il y a un état qui dit que le nom de l'entreprise est “ Donna Lockhart, ICS courier ” (Donna Lockhart, messagère d'ICS). Et cet état indique ces chiffres.

61. Q. Je vois cela. Et il s'agit d'un état concernant les revenus et les dépenses d'entreprise ou de profession libérale?

R. C'est exact.

62. Q. Cela indique donc un peu plus de 30 000 $ de revenu de commissions qu'elle a gagné et qu'elle présente à Revenu Canada comme étant un revenu provenant d'une entreprise qu'elle dirigeait?

R. C'est exact.

63. Q. À partir de ce formulaire, pouviez-vous dire quand cette déclaration T1 avait été produite?

R.                    À la dernière page, du côté gauche, il y a le cachet de la date, soit “ 3 mai 1996 — pénalité ”.

64. Q. C'est donc à cette date que le formulaire a été reçu par Revenu Canada?

R. C'est à cette date que le formulaire a été reçu.

65. Q. Le 3 mai 1996?

R. Oui.

66. Q. Et il semble que le formulaire ait été signé le 30 avril 1996, soit la date à laquelle il est dit que le formulaire a été signé?

R. C'est exact.

67. Q. Et le formulaire est signé, semble-t-il, par Donna Lockhart?

R. Semble-t-il.

68. Q. Alors, il me semble que cela indique que Donna Lockhart déclarait à Revenu Canada en avril 1996 que, pour l'année d'imposition 1993, elle était un entrepreneur dirigeant une entreprise et non un employé d'ICS. N'est-ce pas?

R. Il semble que c'est ce qu'elle déclarait, oui, c'est ce qu'indique le formulaire qu'elle a produit.

75. Q. Et en ce qui a trait à la pièce 6, soit la déclaration de revenus pour 1991, nous avons vu dans l'annexe — l'état des revenus et des dépenses — que des salaires ont été déduits?

R. Oui.

76. Q. Y compris des cotisations d'employeur.

R. Oui.

80. Q. Je présume que cela signifie que l'entreprise... que Donna a produit cette déclaration en se fondant sur le fait que l'entreprise avait versé de l'argent à un employé, n'est-ce pas?

R. Je présume que oui.

81. Q. Vous vous attendriez normalement à ce qu'une telle inscription signifie cela, n'est-ce pas?

R. Oui.

83. Q. Et maintenant, en ce qui a trait à la pièce 7, soit la déclaration de revenus pour 1993, je vois que... ai-je raison de penser que cette pièce 7, la déclaration pour 1993, indique que des cotisations au RPC ont été versées?

R. Vous voulez dire à l'égard du revenu provenant d'un travail indépendant?

84. Q. Oui.

R. Oui, semble-t-il.

85. Q. L'annexe 9 indique une cotisation de 163,78 $?

R. C'est exact.

86. Q. Et je crois comprendre que, si nous examinons ce qui est indiqué ici, ce qui figure quelque part dans la déclaration T1 effective... où cela figure-t-il?

R. À la page 4, soit la toute dernière page.

87. Q. Oh! oui. Entendu!, c'est donc à la page portant le numéro 4, juste à l'étape 6, soit le sommaire de l'impôt et des crédits?

R. Oui.

88. Q. C'est-à-dire à la dernière page de la déclaration générale T1, n'est-ce pas?

R. C'est exact.

89. Q. Puis, plus bas, à ligne 421, un montant de 163,78 $ est indiqué comme cotisation au RPC?

R. Exact.

90. Q. Soit un montant qui est inclus dans le calcul de l'impôt?

R. Inclus dans le calcul du solde dû, oui.

93. Q. Et maintenant, qu'en est-il de... je cherche ce qui est indiqué concernant l'assurance-chômage ou l’assurance-emploi. Où est-ce que je trouverais cela dans la pièce 7?

R. Dans la déclaration de revenus pour 1993? Je ne suis pas tout à fait certaine de ce que vous voulez dire?

94. Q. J'essaie simplement de penser à la situation d'un travailleur indépendant. Le travailleur indépendant produit une déclaration de revenus; qu'est-ce que vous vous attendriez à voir dans cette déclaration concernant l'assurance-emploi : rien, n'est-ce pas?

R. C'est exact.

95. Q. Tandis que, dans le cas d'un employé, vous vous attendriez à ce qu'un montant soit indiqué dans le feuillet T4 reçu par l'employé?

R. S'il avait reçu un feuillet T4...

96. Q. S'il avait reçu un feuillet T4.

R. S'il avait reçu un feuillet T4, ce serait indiqué là-dedans, oui.

97. Q. S'il n'avait pas reçu de feuillet T4, vous vous attendriez à ce qu'il ait quelque difficulté à indiquer cela dans sa déclaration de revenus?

R. Oui.

98. Q. Où trouvez-vous cela? J'essaie de me rappeler à quel endroit dans la déclaration T1 on inscrit les montants d'assurance-emploi qui ont été retenus à la source; je devrais m'en souvenir.

R. Eh bien, si vous les avez fait retenir à la source, vous les déduisez dans le calcul de votre revenu. Donc, ce devrait être... ce serait un crédit d'impôt pour 1994. Il y a une page intitulée “ Sommaire comparatif de l'impôt ”; Donna y a indiqué des cotisations d'assurance-chômage, mais je ne vois pas de feuillet T4 d'où ce montant proviendrait ou d’où il devrait provenir.

99. Q. Vous regardez quelque chose qui s'appelle “ Sommaire de l'impôt ” pour 1993?

R. C'est le “ Sommaire comparatif de l'impôt ” pour 1993, qui pourrait correspondre à la page suivante, où il est dit “ impôt à payer ”; un montant de 903,94 $ y est indiqué concernant l'assurance-chômage. Il s'agit du calcul des crédits d'impôt non remboursables, mais je ne vois pas de feuillet T4 d'où ce montant provenait ou d’où il devrait provenir.

100. Q. Eh bien, si vous regardez à l'étape 5, à la page 3 du guide, il est dit : “ Cotisations à l'assurance-chômage (case 18 de tous les feuillets T4) : 903,94 $ ”. Donc, Donna était... c'est curieux, elle semble bel et bien avoir eu un revenu d'emploi, car si vous regardez au même endroit, à la ligne 308, un montant de 670 $ de cotisations au RPC est indiqué, ainsi qu'un montant de 163,78 $ au titre du revenu provenant d'un travail indépendant?

R. Oui.

104. Q. Et maintenant, pour ce qui est de l'état des revenus et des dépenses d'entreprise ou de profession libérale, qui provient de la même déclaration de revenus, soit l'annexe 7...

R. D'accord.

105. Q. Ce document indique des déductions de dépenses?

R. Oui.

106. Q. Des frais d'intérêt et des frais bancaires de 387,40 $?

R. Exact.

107. Q. Et il s'agit de l'entreprise appelée “ Donna Lockhart ICS Courier ”, n'est-ce pas?

R. Oui.

108. Q. Et des frais de repas et frais de représentation de 136,43 $ y sont indiqués?

R. Exact.

109. Q. Et des frais de bureau de 1 027,90 $?

R. Exact.

110. Q. Des frais en matière d'indemnisation des accidents du travail de 318,16 $?

R. Exact.

111. Q. Des dépenses totales de 1 869,89 $?

R. Exact.

112. Q. Puis, à la page suivante, il y a une annexe qui dit : “ Annexe des sociétés — revenus d'entreprise ou de profession libérale ”; est-ce que vous voyez cela?

R. Oui.

113. Q. Et d'autres dépenses y sont déduites?

R. Exact.

114. Q. Des frais d'automobile de 8 679,40 $?

R. Exact.

115. Q. Et des frais de logement de 4 057,34 $?

R. Oui.

119. Q. Savez-vous pourquoi... eh bien, un instant, quelque chose m'a échappé ici. Voyez-vous en haut, dans la zone A, les noms au complet des associés, du conjoint; est-ce que vous voyez cela? Sur la même feuille?

R. Oui, mais on n'y trouve aucune répartition de revenus.

120. Q. Mais Donna semble dire...

R. J'imagine, je ne sais pas ce que cela... je veux dire qu'elle n'a pas attribué une part quelconque des revenus à qui que ce soit d'autre.

121. Q. Non, mais, sous le nom des associés, elle a inscrit “ Conjoint ”.

R. C'est là.

131. Q. J'aimerais également savoir si elle a fait l'objet d'une nouvelle cotisation ou d'une cotisation concernant cette déclaration de revenus?

R. D'accord.

132. Q. Et les mêmes questions concernant la déclaration de revenus pour 1991, soit la pièce 6. Ai-je raison de penser que la déclaration de revenus figurant dans la pièce 6, soit la déclaration pour 1991, a été produite vers la fin d'avril 1992?

R. C'est ce que je penserais, car aucun cachet de la date n'a été apposé. Et, de façon générale, un tel cachet n'est apposé que si la déclaration a été produite en retard.

143. Q. Avons-nous des... je ne pense pas, mais avons-nous des déclarations de revenus de Russell Lockhart?

R. Non.

144. Q. Y a-t-il une raison particulière pour laquelle nous avons déposé celles de Donna mais pas celles de Russell?

R. C'est parce qu'il ne les a pas produites.

145. Q. Oh! il ne les a pas produites; eh bien, c'est une bonne raison. D'accord.

R. Il n'y en avait pas à déposer.

146. Q. Et maintenant, revenons finalement aux actes de procédure. Au paragraphe 9 de l'avis d'appel... je ne vais pas me donner la peine de dire qu'il s'agit du paragraphe 9 de l'avis d'appel concernant Donna Lockhart, car les actes de procédure sont presque identiques.

Donc, lorsque je vous poserai ces questions, je me fonderai sur le fait que cela est commun aux deux, sauf si vous vous souvenez ou si je me souviens qu'il y a quelque chose de différent concernant Donna.

R. D'accord.

147. Q. Donc, au paragraphe 9, il est allégué par l'appelante : “ Que, durant toute la période pertinente, ICS n'avait aucun employé à Nanaimo et n'y avait aucun bureau ”. Est-ce que vous voyez cela?

R. Oui.

148. Q. Et la réponse figurant au paragraphe 7 est que : “ Le ministre nie les faits énoncés dans la première phrase du paragraphe 9 de l'avis d'appel ”.

R. Exact.

149. Q. Bon, je ne veux pas m'empêtrer ici dans les questions de sémantique, mais reconnaissez-vous qu'ICS n'avait à Nanaimo aucun travailleur qu'elle considérait comme étant un employé?

R. Oui.

150. Q. Elle n'avait aucun... par exemple, elle n'avait à Nanaimo aucun employé de bureau ou membre du personnel de gestion?

R. Non.

151. Q. Les seules personnes liées à ICS qui travaillaient à Nanaimo étaient les personnes qu'ICS considère comme des agents?

R. Oui.

165. Q. Et maintenant, pour ce qui est du paragraphe 15, on y mentionne que Donna Lockhart changeait de parcours avec son mari, sa belle-mère et son fils et modifiait l'ordre dans lequel elle se rendait chez des clients sur son parcours. Êtes-vous au courant que Donna Lockhart — je pense que vous avez déjà dit que vous l'étiez — faisait en sorte de temps à autre que d'autres personnes effectuent pour elle son parcours?

R. C'est ce que j'avais cru comprendre.

166. Q. Savez-vous à qui elle faisait appel pour cela? Savez-vous si, par exemple, elle demandait à son mari, à sa belle-mère ou à son fils d'effectuer son parcours?

R. D'effectuer son parcours?

167. Q. Oui.

R. Je crois qu'elle faisait appel à sa belle-mère et à son fils; je ne suis pas certaine quant à savoir si elle faisait appel à son mari.

174. Q. Le dernier paragraphe de cette page-là... eh bien, tout d'abord, est-ce un document qui a été établi par Donna Lockhart?

R. Oui.

175. Q. Et qui a été fourni à Revenu Canada?

R. Oui.

176. Q. Et ce dernier paragraphe, je pense, dit : “ Pourvu que je tienne ICS au courant à l'aide de feuilles d'itinéraire à jour, ce que je faisais toujours, ICS ne se souciait pas de savoir qui faisait quoi, pourvu que le travail soit accompli et qu'ICS ne reçoive aucune plainte, soit la seule chose dont ICS entendait parler ”. Est-ce que vous voyez cela?

R. Oui.

177. Q. Et, manifestement, c'est quelque chose qui... telle est la description de la situation donnée par Donna Lockhart?

R. Oui.

178. Q. Bon, ce type de litige est un peu exceptionnel en ce sens qu'il ne s'agit manifestement pas d'une poursuite judiciaire entre ICS et Donna Lockhart, mais Revenu Canada agit, du moins en partie, sur la foi de renseignements reçus de Donna Lockhart.

Je voudrais donc vous poser une question à laquelle vous pouvez réfléchir si vous le voulez, mais Revenu Canada accepte-t-il comme exacte cette déclaration que je viens de vous lire?

R. Oui, sauf qu'il semble qu'il y ait d'autres endroits où ce n'est pas exactement ce qui a été dit. Toutefois, oui.

186. Q. J'aurais pensé qu'il était plutôt entendu que ces personnes n'étaient pas traitées comme des employés par ICS et qu'elles ne recevaient pas — commençons par ceci — les avantages habituels auxquels des employés ont légalement droit.

R. On a demandé à ces personnes si elles avaient une paye de vacances ou des congés de maladie.

187. Q. Et qu'est-ce qu'elles ont dit?

R. Et elles ont dit que non.

188. Q. Et est-ce que Revenu Canada accepte cela comme étant une déclaration exacte?

R. Oui.

190. Q. Et vous ne savez probablement alors rien de... eh bien, j'ai préjugé la question. Savez-vous si les Lockhart ont reçu des feuillets T4 d'Insurance Courier Services?

R. Je ne crois pas qu'ils en aient reçu.

191. Q. Et savez-vous si ICS a effectué des retenues concernant l'impôt sur le revenu, l'assurance-chômage ou le RPC?

R. Pour autant que je sache, non.

192. Q. Et je pense qu'on a effectué une vérification concernant la paye, n'est-ce pas?

R. Oui.

193. Q. Et je pense qu'il se dégage assez clairement du résultat de cette vérification, si je me souviens bien, qu'il n'y avait pas de retenues, n'est-ce pas?

R. Oui.

194. Q. Bon, et à la fois Donna et Russell Lockhart... non, ce n'est pas vrai. Donna Lockhart s'est inscrite auprès de la commission des accidents du travail, n'est-ce pas?

R. Oui.

195. Q. Et le numéro d'inscription ou d'enregistrement cité au paragraphe 20 de l'avis d'appel est également mentionné dans cette note que nous avons devant nous, à la page 5, au paragraphe 27?

R. Exact.

196. Q. Donc, n'est-il pas admis qu'elle s'est inscrite auprès de la commission des accidents du travail sous le no 453841-541(020)?

R. Il est admis que tel est son numéro, oui.

197. Q. Et qu'elle était inscrite auprès de la commission des accidents du travail?

R. Qu'elle était inscrite auprès de la commission des accidents du travail, oui.

201. Q. Et il semble que Donna Lockhart était un inscrit aux fins de la taxe sur les produits et services, sous le no 130084816?

R. Exact.

202. Q. Auprès de qui était-elle inscrite?

R. Auprès de qui elle était inscrite?

203. Q. Oui, auprès de qui s'inscrit-on aux fins de la taxe sur les produits et services? De qui obtient-on son numéro de TPS?

R. De Revenu Canada.

204. Q. De Revenu Canada, d'accord. Plus loin, il est dit : “ La travailleuse avait demandé des remboursements de TPS à deux reprises, mais elle n'a reçu qu'un chèque, l'autre étant impossible à livrer après qu'elle eut changé d'adresse sans aviser le ministère ”. Est-ce exact?

R. Oui.

205. Q. Bon, pour ce qui est des remboursements de TPS, cela indique, si je ne m'abuse, que Donna Lockhart payait de la TPS relativement à un certain aspect de cette entreprise de messageries qu'elle exploitait?

R. Je n'en suis pas certaine. Je sais qu'elle était un inscrit, car elle avait un numéro de TPS, mais je ne sais pas relativement à quoi.

206. Q. Pouvez-vous trouver cette information pour moi?

R. Je peux essayer, oui.

223. Q. Eh bien, je ne suis pas... je veux simplement être certain que nous ne sommes en désaccord que s'il y a lieu de l'être. Je crois comprendre que les agents... pardon, que la compagnie ne payait rien au titre de l'indemnisation des accidents du travail...

R. Oui, nous admettons cela.

224. Q. .... pour les agents. Vous admettez cela?

R. Oui.

225. Q. D'accord. Et maintenant, pour ce qui est de l'assurance soins dentaires, de l'assurance-vie et de l'assurance-invalidité, je pense que, dans certains cas, il y avait une différence entre ce que les employés et ce que les agents avaient; est-ce exact, d'après ce que vous avez cru comprendre?

R. Je crois que oui. Oui.

226. Q. Et maintenant, est-il exact que les Lockhart n'étaient pas tenus de porter un uniforme, un uniforme d'ICS?

R. Pour autant que je sache, c’est exact.

227. Q. Est-il exact aussi — je regarde la même note, page 2, paragraphe 10 — “ que toute rectification nécessaire, c'est-à-dire s'il y avait un type quelconque d'erreur concernant une livraison ou quelque chose de ce genre, était à la charge du travailleur. Le travailleur n'était pas payé pour des travaux à reprendre ”.

R. Oui.

230. Q. Je ne vous interrogerai pas là-dessus si vous n'avez pas lu cela. Je crois comprendre qu'il est entendu que Donna Lockhart n'avait pas à pointer ou à consigner ses heures?

R. Oui.

231. Q. Et il en était de même pour Russell?

R. Oui.

232. Q. Vous ne savez pas s'il y avait une répartition par radio?

R. Je ne sais pas.

233. Q. Et est-ce que vous... est-ce que Revenu Canada admet qu'il n'y avait à Nanaimo aucun employé d'ICS pour exercer une supervision sur les agents travaillant à Nanaimo?

R. Il n'y avait personne de présent à Nanaimo, non... oui, nous l'admettons.

234. Q. Et que, concrètement, les Lockhart pouvaient trouver d'autres personnes pour effectuer leurs parcours, de manière à prendre congé ou s'ils étaient malades ou pour ce genre de raisons?

R. Oui.

235. Q. Et que les Lockhart échangeaient bel et bien des parcours avec d'autres membres de leur famille de temps à autre?

Qu'ils “ changeaient ” des parcours, pour reprendre le mot employé dans le document.

R. Oui.

236. Q. Est-ce que Revenu Canada reconnaît que Donna Lockhart contribuait à la détermination de l'ordre dans lequel elle se rendait chez les clients sur son parcours?

R. Je crois comprendre que Donna avait repris un parcours établi et j'imagine que, si de nouveaux clients s'ajoutaient, c'est elle qui déterminait où les placer.

237. Q. D'accord, c'est vraiment de cela dont je parle.

R. Oui.

238. Q. Et qu'elle pouvait se rendre chez les divers clients selon l'itinéraire qu'elle avait choisi?

R. Je crois que oui.

240. Q. Bon, et vous savez que les Lockhart sont propriétaires des véhicules qu'ils utilisent?

R. Oui.

241. Q. Et vous savez que les Lockhart prenaient en charge tous les frais liés à leurs véhicules, à l'utilisation de leurs véhicules dans cette entreprise?

R. Oui.

242. Q. Ils devaient payer les frais de réparation, les frais de fonctionnement, l'essence, les assurances sur le véhicule, c'est-à-dire ce genre de choses?

R. Exact.

243. Q. Alors, n'est-il pas juste de dire que, en fait, les Lockhart pouvaient — utilisons des termes neutres — influer sur la quantité d'argent qu'ils tiraient de ce travail, en contrôlant leurs dépenses, dans la mesure où ils pouvaient le faire?

R. Eh bien, moins ils avaient de dépenses, plus leur revenu, évidemment, était élevé, oui.

244. Q. Je veux dire que, par exemple, s'ils décidaient de louer une Mercedes pour faire ces livraisons et que leurs paiements de location étaient élevés, ils ne tireraient aucun argent de... ils ne tireraient probablement aucun argent de ce contrat?

R. Fort probablement pas.

245. Q. Tandis que, s'ils ont un véhicule dont les frais d'acquisition et d'entretien sont peu élevés et à l'égard duquel le coût de l'essence est faible, ils peuvent augmenter le revenu qu'ils reçoivent d'ICS, c'est-à-dire le revenu net?

R. Ils auraient un montant net plus élevé si leurs dépenses étaient moindres, oui.

246. Q. N'est-il pas juste alors de dire qu'ils ont bel et bien... qu'ils avaient bel et bien la capacité jusqu'à un certain point d'influer sur le montant du profit ou de la perte provenant de cet arrangement conclu avec ICS?

R. Dans la mesure où, je suppose, ils pouvaient choisir le type de véhicule qu'ils conduisaient et que cela influait sur le montant des frais afférents à leur véhicule, oui, cela faisait une différence dans la paye nette ou le revenu disponible.

247. Q. Mais, ce qu'ils faisaient, c'était ramasser et livrer des colis, pour l'essentiel?

R. Oui.

248. Q. Et le véhicule qu'ils choisissaient et l'itinéraire qu'ils décidaient de suivre me semblaient des aspects importants de ce qu'ils faisaient et non pas simplement une chose mineure, n'est-ce pas?

R. Eh bien, ils avaient besoin d'un véhicule de toute évidence.

249. Q. Je veux dire que le plus gros de ce qu'ils faisaient impliquait la conduite d'un véhicule?

R. Oui.

250. Q. Donc, la décision quant à savoir quel véhicule acquérir et utiliser me semble une décision passablement importante pour des personnes dans leur position.

R. Eh bien, le choix d'un véhicule serait important si les frais fluctuaient au point où cela ferait une différence.

251. Q. Eh bien, avez-vous une idée de la différence relative aux frais de location d'une camionnette et d'une petite voiture d'occasion, par exemple; en avez-vous une idée?

R. Non, mais j'imagine que les coûts seraient dans un cas beaucoup plus élevés que dans l'autre, oui.

252. Q. Mais il pourrait y avoir une différence importante entre les deux, n'est-ce pas?

R. Oui.

253. Q. Et pour ce qui est du nombre de kilomètres, par exemple, pour ce qui est du nombre de kilomètres et de la consommation d’essence. Savez-vous sur quelle distance à peu près s'étendait le parcours de Donna?

R. Non.

254. Q. C'était plus de 200 kilomètres par jour; elle allait jusqu'à Port Alberni.

R. Exact.

255. Q. Donc, le nombre de kilomètres pouvait avoir une incidence importante, n'est-ce pas?

R. Eh bien, il me semble que le nombre de kilomètres est intégré dès le départ. Ils connaissent la distance qu'ils doivent parcourir.

256. Q. Pardon, c'est ma faute. Je parle de la consommation d'essence de la voiture, du nombre de kilomètres au gallon.

R. Le type de voiture, vous voulez dire, ferait une différence, oui.

257. Q. Je veux dire que, si vous avez une voiture qui fait 40 kilomètres au gallon, et je ne sais pas si cette proportion a du sens, mais cela pourrait faire une grande différence au bout du compte si l'on parcourt 200 kilomètres par jour, 5 jours par semaine, 50 semaines par année, par exemple.

R. Exact. Selon le véhicule, les dépenses seraient différentes, oui.

260. Q. Avez-vous déjà, dans le cadre de votre travail, examiné des questions comme les facteurs économiques de base relatifs à ce genre d'entreprise?

R. Pour ce qui est de déterminer le nombre de kilomètres au gallon qu'un véhicule devrait parcourir ou quant à savoir combien...

261. Q. Non, simplement quelque chose qui vous permettrait de déterminer, en gros, si des décisions comme celles dont nous parlons maintenant pourraient avoir une incidence importante sur la rentabilité fondamentale du travail dont nous parlons.

R. Je reconnais qu'elles pourraient avoir une incidence, mais je ne sais pas si cette incidence serait importante. Évidemment, il s'agit d'une décision personnelle qu'ils prennent, quant au type de véhicule qu'ils choisissent, ce qui influe sur le montant de leurs dépenses.

262. Q. Eh bien, cela “ aurait ” une incidence et non “ pourrait ” avoir une incidence.

R. Cela aurait une incidence.

263. Q. Et le montant de leurs dépenses aurait une incidence sur la rentabilité du travail qu'ils accomplissaient?

R. Oui.

266. Q. Et Revenu Canada n'a jamais, dans le cadre de cet appel, pris de mesures pour déterminer quel genre d'incidence sur la rentabilité ou sur un autre aspect de ce genre de travail de telles décisions pourraient avoir?

R. Non, car je pense que nous prenons en considération le véhicule particulier qui est utilisé. Si vous parlez de ce cas particulier, nous ne prendrions en considération que le véhicule, par exemple, que Donna Lockhart utilisait pour ses livraisons.

267. Q. Quel était le véhicule qu'elle utilisait?

R. Je ne sais pas.

268. Q. Mais elle aurait pu choisir de changer de véhicule quand elle le voulait?

R. Certainement.

269. Q. Donc, Revenu Canada n'a jamais considéré l'aspect économique du travail qu'elle accomplissait, pour déterminer si ce type de décision pouvait avoir une incidence importante sur la rentabilité du travail qu'elle accomplissait?

Je peux examiner ces documents et je n'y trouverai rien qui indique que quelqu'un a pris le temps de déterminer ce que les paiements locatifs auraient comme incidence, pour déterminer la consommation d'essence, le nombre de litres en cause et tout le reste; personne n'a pris le temps de déterminer cela à votre connaissance?

R. Je ne pense pas, non.

270. Q. Donna Lockhart était chargée de fournir un véhicule, n'est-ce pas?

R. Oui.

271. Q. Donc, si son véhicule faisait défaut, il lui faudrait en trouver un autre?

R. Oui.

272. Q. Et si cela signifiait louer un véhicule par exemple pour la journée, en remplacement, il lui aurait fallu faire cela?

R. Je crois que oui.

273. Q. Et si, par exemple, elle conduisait imprudemment et qu'elle écopait de billets pour excès de vitesse, si elle avait des accidents et qu'elle engageait des dépenses, il lui faudrait prendre cela en charge?

R. Exact.

274. Q. L'ICS ne la renflouerait pas?

R. Non.

275. Q. Et cela pourrait avoir une incidence sur la rentabilité du travail qu'elle accomplissait?

R. Oui, cela pourrait avoir une incidence sur le montant de ses dépenses.

290. Q. Quoi qu'il en soit, je pense que nous sommes d'accord sur le fait que l'ICS ne disait pas à la personne qu'il lui fallait accomplir son travail de telle ou telle manière et que l'ICS lui disait plutôt qu'elle pouvait l'accomplir comme elle le voulait pourvu que les clients soient satisfaits. Est-ce exact? Est-ce que ce n'est pas ce que Donna Lockhart a écrit dans le passage que nous avons examiné plus tôt?

R. Oui, concernant les changements de parcours ou d'horaires, pourvu que le client soit satisfait, oui.

296. Q. Et maintenant, à l'alinéa f), vous dites : “ Donna Lockhart était présentée aux clients de l'appelante comme faisant partie de l'entreprise de l'appelante ”.

R. Oui.

297. Q. Et à quoi faites-vous là allusion?

R. Eh bien, ils avaient... les clients avaient conclu un contrat avec l'ICS, et je pense qu'ils présumaient que les personnes qui allaient faire les ramassages et les livraisons étaient des employés de l'ICS plutôt que des...

298. Q. Avez-vous mis cette hypothèse à l'épreuve, avez-vous parlé à des clients d'ICS?

R. Non.

299. Q. Au-delà de cette hypothèse, y a-t-il quoi que ce soit d'autre à quoi vous songiez relativement à ce paragraphe, à cet alinéa?

R. Non, je pensais seulement au fait que les clients savaient qu'elle était un représentant d'ICS, car elle se rendait là pour ramasser des choses, et leur contrat avait été conclu avec ICS à l'égard de ces ramassages et de ces livraisons devant être effectués.

300. Q. D'accord, eh bien, pour en arriver à quelque sorte au fait de base, aux choses sur lesquelles nous pouvons soit... sur lesquelles nous pouvons probablement nous entendre, je pense que ce que vous me dites, c'est que, à votre connaissance, le contrat était conclu entre le client et ICS?

R. Oui.

301. Q. Premièrement. Et, deuxièmement, elle allait effectivement ramasser des choses et en livrer?

R. Exact.

302. Q. Bon, à part cela, y a-t-il d'autres faits pertinents à cet égard?

R. Je ne pense pas.

303. Q. J'ai constaté quelque part... il est possible que j'aie la référence, oui, c'est dans le recueil de documents de l'intimé, à l’onglet 23, page 10. Bon, ce document est un questionnaire qui a été rempli par Donna Lockhart?

R. Exact.

304. Q. Et qui a été livré à Revenu Canada?

R. Oui.

305. Q. Le 4 janvier 1995?

R. Oui.

306. Q. Et maintenant, si vous examinez le paragraphe 28, il semble que Donna décrive ces personnes comme étant, et je cite : “ mes clients ”?

R. Oui, je vois cela.

310. Q. Donc, diriez-vous que, chaque fois que quelqu'un offre des services à un membre du public et qu'un élément de ce service est assuré par une autre personne, cette personne est ainsi intégrée à l'entreprise et est un employé?

R. Pas dans toutes les situations, non.

312. Q. Eh bien, par exemple, si je passe un contrat pour vous construire une maison, que je suis toutefois un entrepreneur général, que je ne connais rien à la pose de cloisons sèches ou à quoi que ce soit et que j'embauche quelqu'un pour qu'il accomplisse ce travail pour moi. J'ai besoin de l'installateur de cloisons sèches aux fins d'un service que je vous assure. Ce n'est pas vraiment un facteur qui fait de cette personne un employé, n'est-ce pas?

R. Non.

313. Q. Si j'embauche une compagnie qui installe des cloisons sèches, par exemple. N'est-ce pas?

R. Si, comme sous-traitant, vous embauchez...

314. Q. Si je suis un entrepreneur général et que je vous construis une maison. Mais je n'ai pas d'ouvriers. Je dois vous fournir une maison, de sorte que j'ai besoin de personnes pour la réalisation de certains éléments du service que je vous assure. Ce que je veux dire, c'est que cela ne signifie pas que tous ceux qui réalisent des éléments du service que je vous fournis sont des employés.

A. Cela ne signifie pas que ce sont des employés et cela ne signifie pas non plus que ce ne sont pas des employés. ”

[5] Peter Watts a déclaré dans son témoignage qu'il exerce un emploi en tant que superviseur pour ICS. Il a terminé ses études secondaires en Australie, puis a suivi un cours de quatre ans en mécanique automobile. Il a travaillé dans son domaine pendant cinq ou six ans, puis, après s'être installé en Colombie-Britannique, il est devenu messager, travaillant sous le titre d'“ agent ”, soit une désignation qui était et qui est encore d'usage fréquent dans l'industrie des messageries. Dans son esprit, ce terme désigne des particuliers qui travaillent comme entrepreneurs indépendants, avec leur propre véhicule, qui exploitent une entreprise et qui déclarent un revenu de travail indépendant aux fins de l'impôt sur le revenu. M. Watts a dit qu'il avait travaillé comme agent pour la General Insurance entre 1981 et 1987, année au cours de laquelle cette entité a été acquise par ICS. En novembre 1987, il est devenu directeur des opérations pour ICS; il était chargé d'assurer le transport des marchandises en temps opportun et d'embaucher des agents ainsi que des employés pour veiller à une livraison efficace des colis. On lui a confié la responsabilité de mettre sur pied un système faisant appel aux services d'autres compagnies de transport et/ou de livraison de façon à desservir des régions où l'ICS n'oeuvrait pas. Durant les périodes pertinentes aux fins des appels considérés en l'espèce, il travaillait dans la région de Vancouver. Il a expliqué que l'ICS avait loué un local de 550 pieds carrés à Nanaimo (Colombie-Britannique) pour que les colis puissent y être triés. On y trouvait une plateforme de chargement, un téléphone et d'autres petits articles. À Nanaimo, il n'y avait pas d'employés de l'ICS, mais il y avait des personnes comme Donna Lockhart et son mari, Russell Lockhart, ainsi que d'autres personnes qui étaient considérées comme des entrepreneurs indépendants du fait qu'ils travaillaient tous comme agents dans le cadre du système commun aux entreprises de messageries. M. Watts a dit que les agents qui travaillent comme messagers pour l'ICS ont leurs propres véhicules et payent toutes les dépenses y afférentes. Il a expliqué qu'il pouvait ne pas contacter un agent pendant deux semaines et que, toutefois, durant certaines périodes où les circonstances le justifiaient, il pouvait avoir une communication quotidienne avec l'agent. Les articles à livrer aux destinataires de la région de Nanaimo étaient transportés à Nanaimo par une ligne d'autobus n'appartenant pas à l'ICS. À Nanaimo, un des agents ramassait les colis et les apportait au bureau de l'ICS, où ils étaient triés, selon le parcours de chaque agent. La salle de triage comportait un meuble à fentes, et les agents triaient les articles à livrer selon leur propre méthode, de façon à les intégrer dans l'ordre de livraison adopté pour l'itinéraire général. Lorsque les agents ramassaient des articles chez des clients pour fins de livraison, ces articles étaient triés et placés dans des sacs distincts, puis déposés au terminus d'autobus, d'où ils étaient transportés jusqu'au bureau de Vancouver de l'ICS. Le siège social de l'ICS est situé à Woodstock (Ontario), et la compagnie se spécialise dans les livraisons pour les secteurs des finances, des assurances et de l'optique. Dans la région de Nanaimo, les livraisons et les ramassages étaient effectués en même temps. À l'occasion, des livraisons étaient faites à un destinataire ne faisant pas partie d'une liste de clients établis, et ces personnes pouvaient prendre des dispositions avec un des agents de la région de Nanaimo pour qu'un colis soit livré dans les environs, soit des dispositions ne faisant pas appel à l'ICS. Le travail requis, aux fins des livraisons dans le contexte d'un parcours particulier, commençait par le ramassage au terminus d'autobus, puis c'était le triage. Ensuite, un agent passait les six ou sept heures suivantes sur la route à faire les livraisons. L'itinéraire de Donna Lockhart exigeait qu'elle parcoure 230 kilomètres par jour, cinq jours par semaine. Les agents n'avaient pas de radio-téléphones, de téléphones cellulaires ou de téléavertisseurs pour contacter l'ICS ou pour être contacté. M. Watts a dit que les agents étaient libres de modifier l'ordre des livraisons, mais il a ajouté que la plupart des clients s'attendaient que le messager arrive chaque jour à la même heure ou à peu près. Les messagers pouvaient choisir le trajet le plus efficace ou le plus pratique pour assurer le service au client et pour minimaliser la distance à parcourir. Les agents remplissaient des rapports de chauffeur, qui étaient envoyés au bureau de Vancouver de l'ICS. M. Watts a dit que Donna Lockhart avait modifié l'itinéraire plusieurs fois au cours de la période de sa relation de travail avec l'ICS et que, toutefois, elle était tenue de se rendre jusqu'à Port Alberni cinq jours par semaine. Il y avait certains clients qui n'avaient pas besoin d'un service de ramassage quotidien. M. Watts a dit que Donna Lockhart — ainsi que Russell Lockhart par la suite — était libre de prendre des dispositions pour qu'un autre chauffeur effectue le parcours pour elle quand elle le voulait. Avant de conclure son propre contrat avec l'ICS, Russell Lockhart avait souvent effectué le parcours pour Donna Lockhart, tout comme l'avaient fait le fils et la belle-mère de Donna. On pouvait utiliser une voiture ordinaire pour faire les livraisons, car, selon M. Watts, les frais de fonctionnement d'un véhicule étaient un élément important de l'entreprise, notamment si le parcours était long; une camionnette ou un autre véhicule cher, consommant beaucoup d'essence ou coûteux à entretenir et à assurer influait sur la rentabilité. Durant la période où elle a travaillé comme agent pour l'ICS, Donna Lockhart utilisait également son véhicule pour livrer des journaux avant d'entreprendre son parcours quotidien pour l'ICS. M. Watts a renvoyé à un contrat en date du 15 juillet 1991 entre l'ICS et Donna Lockhart (onglet 1). Le contrat conclu avec Russell Lockhart était daté du 10 septembre 1993 (onglet 2). L'acompte de 230 $ versé par Donna Lockhart et l'acompte de 180 $ versé par Russell Lockhart étaient destinés à payer des cotisations à la commission des accidents du travail de la Colombie-Britannique, soit le Workers Compensation Board (WCB). Dans les cas où des travailleurs étaient considérés par l'ICS comme étant des employés, l'ICS payait elle-même les cotisations au WCB, fournissait un véhicule pour les livraisons et payait toutes les dépenses. Au paragraphe 3 du contrat, l'ICS consentait à obtenir pour ses employés les permis de transport routier requis par la commission des transporteurs routiers de la Colombie-Britannique, soit la Motor Carrier Commission, tandis que les agents devaient obtenir eux-mêmes de la municipalité tous les permis nécessaires. M. Watts a expliqué que l'ICS avait eu un avis juridique selon lequel il était très difficile pour des entrepreneurs indépendants — les agents — d'obtenir leur propre permis de transport/livraison, soit une plaque spéciale différente de la plaque d'immatriculation habituelle. Le permis, délivré à l'ICS par la commission, figure à l’onglet 6. Au paragraphe 6 des contrats conclus avec Donna Lockhart et Russell Lockhart, il y avait des dispositions concernant “ la responsabilité et la garantie de l'agent ”. Bien qu'il ait été exigé que la compagnie — ICS — donne expressément son consentement avant qu'un agent puisse prendre des dispositions pour qu'un autre chauffeur le remplace aux fins des livraisons à faire sur un parcours, M. Watts a dit que cette exigence n'était pas rigoureusement respectée lorsque des agents choisissaient de se faire remplacer. Les agents n'avaient pas à suivre un horaire particulier, mais les clients faisant partie d'un parcours devaient être satisfaits du service. Il n'était pas exigé qu'un agent fasse rapport à l'ICS durant la journée. Un parcours devait être effectué cinq jours par semaine, et un agent était payé sur cette base. Si le parcours n'était pas effectué une journée donnée, le chauffeur n'était pas payé. Par comparaison, les véhicules appartenant à l'ICS étaient laissés sur place à la fin de la journée de travail, et les chauffeurs étaient rémunérés selon un taux horaire, soit différents niveaux de paye, variant selon la municipalité où le travail était accompli. L'ICS versait à Donna Lockhart 115 $ par jour, tandis que Russell Lockhart recevait 90 $ par jour, pour effectuer un parcours d'environ 35 kilomètres de moins. Le contrat conclu avec les agents contenait une clause de non-concurrence en vertu de laquelle les agents acceptaient de ne pas passer de contrat avec d'autres compagnies de nature semblable et de se comporter correctement envers toutes les personnes et entreprises qu'ils pouvaient contacter au nom de l'ICS. M. Watts a dit que, lorsqu'il avait interviewé Donna Lockhart, il avait abordé de nombreux aspects du contrat, y compris la nécessité de s'inscrire auprès du WCB et le fait que Donna devait fournir son propre véhicule et payer tous les frais de fonctionnement. Donna savait en outre que, aux fins de l'impôt sur le revenu, il n'y aurait aucune retenue sur les paiements faits par l'ICS, soit des paiements basés sur le taux quotidien de 115 $. Le parcours de Donna Lockhart a été mis à jour de temps à autre; on en trouve un exemple à l’onglet 7. Le document qui figure à l’onglet 4 — le manifeste d'itinéraire — contenait une liste de colis pour lesquels les clients devaient signer à la livraison, soit habituellement des opticiens recevant des lentilles, des montures et des produits pour les soins de la vue. Donna Lockhart avait fourni son propre chariot pour utilisation sur son parcours. Si un client ayant initialement été inscrit sur une liste de ramassages quotidiens n'avait plus besoin d'un service quotidien, le chauffeur passait à un système dans lequel le client téléphonait au bureau de Nanaimo de l'ICS et laissait un message à l'intention d'un agent particulier. Les agents n'étaient pas tenus de porter un uniforme de l'ICS, mais le véhicule devait arborer un décalque indiquant que l'ICS était le titulaire du permis, de façon à satisfaire la Motor Carrier Commission. Les chauffeurs pouvaient réduire considérablement le parcours en choisissant le chemin le plus efficace selon leur expérience. L'ICS n'utilisait aucun manuel et aucune politique ou procédure écrite concernant les agents, car la communication était verbale. Les employés de l'ICS, soit les personnes inscrites dans le livre de paye de l'ICS, travaillaient généralement dans le centre de grandes villes, tandis que les agents faisaient des livraisons pour l'ICS dans des régions non métropolitaines, conformément à leur contrat.

[6] En contre-interrogatoire, Peter Watts a dit que l'ICS avait un créneau particulier où le volume compensait la faiblesse des taux demandés aux clients. Dans les secteurs ruraux où il n'y avait pas de superviseur ou d'employé de bureau de l'ICS, les services d'agents étaient retenus à contrat, et l'ICS réalisait des économies du fait qu'elle n'avait pas à acheter de véhicule, contrairement à ce qu'il en était dans le cas d'employés ordinaires. Les agents sont tenus de veiller à ce que leur véhicule reste propre et présentable. Ils étaient tenus par contrat d'apposer sur leur véhicule le décalque indiquant leur affiliation à l'ICS. L'entrepôt de Nanaimo, qui coûte à l'ICS environ 550 $ par mois, comportait une table de triage, des classeurs, des formulaires, des étiquettes, des manifestes, des attaches, des sacs de tri, un téléphone et un répondeur téléphonique. L'ICS avait une norme nationale selon laquelle la livraison était faite le jour suivant, et M. Watts a dit qu'il avait donné pour directives à Donna Lockhart de ne pas offrir de faire des livraisons le jour même à des clients de l'ICS de la région de Nanaimo. Il y avait trois personnes qui travaillaient comme agents dans la région de Nanaimo et ces personnes déterminaient entre elles qui irait au terminus d'autobus à 7 heures pour ramasser ce qui avait été envoyé le matin de Vancouver par l'ICS. Donna Lockhart avait pris l'habitude d'arriver à Parksville à 11 heures, mais M. Watts lui a donné pour directives d'y arriver au plus tard à 10 h 30. M. Watts a formé Donna Lockhart pendant deux jours avant qu'elle commence à faire des livraisons sur le parcours particulier qui avait été établi précédemment. Si un nouveau client s'ajoutait au parcours, l'endroit en cause était incorporé dans la liste de livraison par l'agent, à sa discrétion. Le centre de Nanaimo était utilisé comme point de division pour les divers parcours. Une fois un contrat avec l'ICS signé par un agent, le volume variait très peu pendant la durée du contrat. Si le volume augmentait, un nouveau parcours était créé après consultation des agents existants. L'ICS demandait au chauffeur de lui présenter un rapport dans les 48 à 72 heures suivantes, et le manifeste d'itinéraire était remis à l'ICS par les agents. Bien que Donna Lockhart et Russell Lockhart aient de temps à autre fait en sorte que d'autres personnes effectuent le parcours pour eux, ni l'un ni l'autre ne pouvait en fait céder le contrat sans le consentement écrit de l'ICS, et ce, en vertu du paragraphe 12 du contrat. Donna Lockhart avait demandé — au début — s'il était possible que son mari, son fils ou sa belle-mère la remplace à l'occasion, et M. Watts a déclaré qu'il avait dit que ce serait acceptable pour l'ICS. Après cela, Donna n'avait plus demandé de permission pour se faire remplacer au besoin par un autre chauffeur. Toute plainte de clients était habituellement déposée au bureau de Vancouver de l'ICS. Si une livraison particulière devait être faite à un endroit situé à plus de trois kilomètres d'un parcours existant, l'agent négociait un prix supplémentaire pour faire la livraison et, s'il ne parvenait pas à s'entendre avec l'ICS sur un montant pour ce service, l'ICS prenait d'autres dispositions pour assurer la livraison. L'ICS déterminait si un nouveau client serait ajouté au système de livraison aux tarifs fixés à l'échelle nationale. Si un agent cessait de travailler pour l'ICS, la plaque délivrée par la Motor Carrier Commission devait être rendue à l'ICS. L'ICS examinait un parcours donné et établissait un prix qui restait en vigueur jusqu'à ce qu'un nouvel agent prenne la relève. Toute analyse d'un nouveau parcours comportait la détermination du nombre de kilomètres en cause. Les tarifs par kilomètre payés par le gouvernement fédéral à ses employés étaient utilisés comme repères. De temps à autre, un superviseur faisait une vérification concernant un parcours de manière à être convaincu que le temps nécessaire pour livrer les colis justifiait la rétribution versée à un agent par l'ICS. M. Watts a dit que l'ICS acceptait qu'un agent effectue une livraison entre les livraisons faites pour des clients de l'ICS ou une succursale de l'ICS, pourvu que ce soit le même jour, et l'agent conservait alors le montant qu'il avait déterminé avec le client. La norme nationale de l'ICS était d'assurer la livraison le jour suivant, et Donna Lockhart avait été informée qu'elle ne devait pas promettre à des clients de l'ICS qu'ils pourraient avoir une livraison la journée même. Des dispositions relatives à la résiliation du contrat figuraient au paragraphe 10. M. Watts a dit qu'il y avait eu des fois où les taux payés aux agents avaient été augmentés en raison d'une hausse des coûts de l'essence ou des primes d'assurance-automobile ou en raison de l'expansion d'un itinéraire, c'est-à-dire d'une augmentation du volume des livraisons. Les personnes travaillant comme agents bénéficiaient du régime de soins dentaires et d'assurance-vie dont profitaient tous les employés de l'ICS et n'avaient pas à payer une part quelconque du coût de la prime.

[7] Au cours du réinterrogatoire, Peter Watts a dit que de nombreux clients essayaient de régler les problèmes directement avec les agents, qu'ils ne le contactaient qu'en dernier recours. Toutefois, certains lui téléphonaient bel et bien dès le début pour lui communiquer leurs préoccupations. Une fois, Donna Lockhart avait modifié un parcours et, lorsque des clients s'étaient plaints, il lui avait donné pour directives de revenir au trajet initial, ce qu'elle avait accepté.

[8] L'avocat de l'appelante soutenait qu'il n'y avait guère de contrôle qui était exercé sur Donna Lockhart et Russell Lockhart et que les frais de fonctionnement des véhicules utilisés pour effectuer les parcours étaient totalement pris en charge par eux. Ainsi, le choix du véhicule et le mode d'exploitation influaient sur le “ résultat net ”, c'est-à-dire sur le bénéfice de l'agent. De l'avis de l'avocat, des éléments de preuve indiquent que Donna Lockhart considérait les clients comme étant les siens, et elle et les autres agents étaient libres d'utiliser leurs propres véhicules pour exercer d'autres activités lucratives, pourvu que ce ne soit pas pour une entité en concurrence avec l'ICS. Les agents avaient une certaine latitude dans les livraisons à faire sur le parcours qui leur avait été attribué par contrat, compte tenu des facteurs géographiques et des besoins des clients, mais ils devaient rectifier à leurs frais les erreurs commises dans les livraisons ou les ramassages. Malgré le fait que c'est à l'ICS que la Motor Carrier Commission avait délivré le permis des Lockhart — pour des raisons pratiques — l'avocat considérait que les Lockhart exploitaient leur propre entreprise et n'étaient pas pleinement intégrés dans l'entreprise de l'ICS. Ainsi, il était normal que des clients se plaignent à l'ICS parce que, lorsqu'une entreprise assure un service à une autre entreprise qui a elle-même des clients, il arrive souvent que l'utilisateur final se plaigne non pas au sous-traitant, mais plutôt à l'entrepreneur général, de qui on s'attend qu'il règle le problème avec l'entrepreneur indépendant, à la satisfaction générale du client.

[9] L'avocat de l'intimé soutenait que l'ICS exerçait un contrôle sur les travailleurs et que le fait que le permis était délivré à l'ICS par la Motor Carrier Commission était extrêmement révélateur par rapport à l'aspect de l'intégration. Les agents ne pouvaient contrôler le flux de revenus, soit des revenus fixés selon un taux quotidien, mais ils avaient bel et bien un contrôle sur les dépenses. Les tarifs de livraison étaient fixés par l'ICS, et il est clair que c'était l'entreprise de l'ICS qui était exploitée par les agents, qui travaillaient en vertu d'un contrat de louage de services et exerçaient donc pour l'appelante un emploi assurable.

[10] Dans l'affaire S & S Investments Ltd. s/n Our Messenger Service c. Le ministre du Revenu national, soit un jugement non publié, en date du 2 octobre 1996, l'honorable juge Sobier a examiné la situation, du point de vue de l'emploi, d'une personne travaillant comme messager, c'est-à-dire comme “ agent ”. Vu la similitude des faits et de la question ainsi que de l'analyse du juge Sobier, je reproduis ci-dessous un large extrait de ce jugement, de la page 7 à la page 14, c'est-à-dire jusqu'à la conclusion.

À l'heure actuelle, on se fonde sur l'arrêt Wiebe Door Services Ltd. v. M.N.R., 87 DTC 5025 (C.A.F.), dans des affaires comme celle-ci. Les divers critères permettant de déterminer s'il existe un contrat de louage de services (s'appliquant à un employé) ou un contrat d'entreprise (s'appliquant à un entrepreneur indépendant) y ont été analysés et examinés. En fin de compte, il semble que la Cour d'appel fédérale a décidé à l'unanimité, par l'entremise du juge MacGuigan, que les critères qui avaient déjà été énoncés, à savoir le contrôle, la propriété des instruments de travail, les chances de profit ou les risques de perte ainsi que les critères d'intégration ou d'organisation ne constituaient pas un critère qui comprend quatre éléments, mais un critère composé de quatre parties intégrantes, l'accent demeurant sur ce que lord Wright appelle “l'ensemble des éléments qui entraient dans le cadre des opérations” même si l'utilité des quatre critères accessoires est reconnue

Le critère du contrôle a peut-être moins d'importance que celle qu'il a déjà eu lorsqu'il était l'un des critères les plus importants ou déterminants, mais il a encore sa place dans la gamme des critères. Le degré de contrôle et la méthode de contrôle peuvent être encore fort utiles lorsqu'il s'agit de déterminer l'existence d'une relation employeur-employé. Toutefois, comme il a été dit à la page 5027 de l'arrêt Wiebe Door :

En common law, le critère traditionnel qui confirme l'existence d'une relation employeur-employé est le critère du contrôle, que le baron Bramwell a défini dans Regina v. Walker (1858), 27 L.J.M.C. 207, à la page 208 :

[TRADUCTION] À mon sens, la différence entre une relation commettant-préposé et une relation mandant-mandataire est la suivante : —un mandant a le droit d'indiquer au mandataire ce qu'il doit faire, mais le commettant a non seulement ce droit, mais aussi celui de dire comment la chose doit être faite.

Ce critère est tout aussi important aujourd'hui, comme la Cour suprême du Canada l'a indiqué dans l'affaire Hôpital Notre-Dame de l'Espérance et Théoret c. Laurent, [1978] 1 R.C.S. 605, en souscrivant à l'énoncé suivant, à la page 613 : “le critère essentiel destiné à caractériser les rapports de commettant à préposé est le droit de donner des ordres et instructions au préposé sur la manière de remplir son travail”.

Néanmoins, dans Vicarious Liability in the Law of Torts, Londres, Butterworths, 1967, le professeur P. S. Atiyah a affirmé, à la page 41, que [TRADUCTION] “le critère de contrôle établi par le baron Bramwell... est d'une simplicité trompeuse qui... tend à perdre toute valeur après analyse”. Ce critère a le grave inconvénient de paraître assujetti aux termes exacts du contrat définissant les modalités du travail : si le contrat contient des instructions et des stipulations détaillées, comme c'est chose courante dans les contrats passés avec un entrepreneur indépendant, le contrôle ainsi exercé peut être encore plus rigoureux que s'il résultait d'instructions données au cours du travail, comme c'est l'habitude dans les contrats avec un préposé, mais une application littérale du critère pourrait laisser croire qu'en fait, le contrôle exercé est moins strict. En outre, le critère s'est révélé tout à fait inapplicable pour ce qui est des professionnels et des travailleurs hautement qualifiés, qui possèdent des aptitudes bien supérieures à la capacité de leur employeur à les diriger.

Néanmoins, malgré l'avertissement donné par le professeur Atiyah, le critère du contrôle tel qu'il est ci-dessus énoncé est valide lorsque des professionnels et des travailleurs qualifiés ne sont pas en cause.

Les instructions détaillées que l'appelante donnait aux agents figuraient dans un manuel. On dit non seulement ce qu'il faut faire, mais aussi comment le faire. On dit à quel moment l'agent doit fournir les services et où il doit les fournir, et on précise l'ordre dans lequel il doit les fournir. Les agents n'ont aucune latitude, sauf lorsqu'il s'agit de proposer de modifier la méthode employée et de demander la permission de l'appelante pour effectuer une modification. Il fallait même obtenir la permission de l'appelante pour modifier l'horaire de quinze minutes.

Quant aux chances de profit ou aux risques de perte, on constate que l'appelante a constaté que si la formule qui est utilisée dans le calcul de la rétribution des agents est suivie, il y a peu de risques de perte, à moins que le véhicule utilisé par l'agent ne soit impliqué dans un grave accident. Les frais d'essence sont calculés et n'entraîneront pas de pertes. Si le courtier réalise des économies d'essence, il peut améliorer sa marge de profit, mais il s'agit simplement d'une possibilité de faire plus d'argent en réduisant les frais. L'agent ne peut pas augmenter son flux de revenu étant donné qu'il est fixe.

Dans ce cas-ci, il semble que le contraire se soit produit étant donné que les agents ont été obligés d'accepter une réduction de 5 p. 100 sur leur rétribution sans avoir un mot à dire. L'appelante a unilatéralement imposé la réduction aux agents parce qu'elle faisait face à des difficultés financières et qu'au lieu d'accroître ses recettes en augmentant son chiffre d'affaires ou en déployant ses efforts de vente, elle a choisi de réduire les frais et de faire supporter cette réduction aux agents. Cela étant, quelles sont les chances de profit pour les agents?

Nous avons ici un stratagème par lequel l'appelante réduit ses dépenses en immobilisations en ce qui concerne l'acquisition ou la location des véhicules de livraison en exigeant que d'autres personnes fournissent ces biens tout en continuant à payer les frais d'utilisation, mais cette fois en imputant ces frais indirectement à l'agent et non directement aux fournisseurs et aux chauffeurs. La rétribution de l'agent est fondée sur ce que l'appelante versait à ses chauffeurs, plus les frais d'utilisation qu'elle estimait raisonnables dans les circonstances. Cela étant et en l'absence de quelque désastre, les agents recevaient la même rétribution que les chauffeurs, plus un montant pour les frais d'utilisation, puis ils déduisaient ces dépenses, ce qui leur donnait un salaire de base, plus tout avantage inattendu découlant des économies d'argent réalisées. Ce n'est pas ainsi qu'un homme d'affaires exploite son entreprise. Bien sûr, son entreprise profitera de la réduction des frais, mais fait encore plus important, elle profitera de l'augmentation des recettes. Or, les agents ne bénéficient pas de cet avantage. Il n'y a pas de chances de croissance. La structure empêche l'agent de développer son entreprise en sus de ce que lui offre l'appelante. Bien sûr, c'est ce que prévoit le critère d'organisation.

Après avoir examiné la question de savoir si Wiebe Door pouvait exploiter une entreprise en l'absence des installateurs (et, dans ce cas-ci, si l'appelante peut exploiter une entreprise en l'absence des agents), le juge MacGuigan ajoute ceci, à la page 5030 :

De toute évidence, le critère d'organisation énoncé par lord Denning et d'autres juristes donne des résultats tout à fait acceptables s'il est appliqué de la bonne manière, c'est-à-dire quand la question d'organisation ou d'intégration est envisagée du point de vue de l'“employé” et non de celui de l'“employeur”. En effet, il est toujours très facile en examinant la question du point de vue dominant de la grande entreprise, de présumer que les activités concourantes sont organisées dans le seul but de favoriser l'activité la plus importante. Nous devons nous rappeler que c'est en tenant compte de l'entreprise de l'employé que lord Wright a posé la question “À qui appartient l'entreprise”.

C'est probablement le juge Cooke, dans Market Investigations, Ltd. v. Minister of Social Security, [1968] 3 All E.R. 732 (Q.B.D.), qui, parmi ceux qui ont examiné le problème, en a fait la meilleure synthèse (aux pages 783 et 739) :

[TRADUCTION] Les remarques de lord Wright, du lord juge Denning et des juges de la Cour suprême des États-Unis laissent à entendre que le critère fondamental à appliquer est celui-ci : “La personne qui s'est engagée à accomplir ces tâches les accomplit-elle en tant que personne dans les affaires à son compte”. Si la réponse à cette question est affirmative, alors il s'agit d'un contrat d'entreprise. Si la réponse est négative, alors il s'agit d'un contrat de service personnel.

Si l'on examine la question d'une manière subjective, il faut se demander si M. Capicio a une entreprise, si l'entreprise peut prendre de l'essor, s'il peut accroître son revenu. Objectivement, il faut répondre par la négative.

M. Capicio devait faire le travail que l'appelante lui confiait. Il ne pouvait pas en faire plus. Il doit faire ce travail de la façon dont l'appelante lui demande de le faire et au moment où l'appelante lui dit de le faire.

Le passage qui suit les remarques précitées du juge Cooke est ainsi libellé :

Aucune liste exhaustive des éléments qui sont pertinents pour trancher cette question n'a été dressée, peut-être n'est-il pas possible de le faire; on ne peut non plus établir de règles rigides quant à l'importance relative qu'il faudrait attacher à ces divers éléments dans un cas particulier. Tout ce qu'on peut dire, c'est qu'il faudra toujours tenir compte du contrôle même s'il ne peut plus être considéré comme le seul facteur déterminant; et que des facteurs qui peuvent avoir une certaine importance sont des questions comme celles de savoir si celui qui accomplit la tâche fournit son propre outillage, s'il engage lui-même ses aides, quelle est l'étendue de ses risques financiers, jusqu'à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion, et jusqu'à quel point il peut tirer profit d'une gestion saine dans l'accomplissement de sa tâche. L'utilisation du critère général peut être plus facile dans un cas où la personne qui s'engage à rendre le service le fait dans le cadre d'une affaire déjà établie; mais ce facteur n'est pas déterminant. Une personne qui s'engage à rendre des services à une autre personne peut bien être un entrepreneur indépendant même si elle n'a pas conclu de contrat dans le cadre d'une entreprise qu'elle dirige actuellement.

M. Capicio était assujetti à un degré de contrôle élevé. Il ne pouvait pas faire grand-chose si ce n'est se plier aux exigences de l'appelante. Selon le contrat, il ne pouvait pas permettre à d'autres personnes de conduire et d'effectuer des livraisons. Il ne pouvait pas réaliser énormément de profits en sus de ce qu'on lui versait, moins ses frais. Il ne collaborait pas à la gestion d'une entreprise. Aucune gestion saine de sa part dans l'exercice de ses fonctions n'augmenterait la rentabilité.

Par conséquent, lorsqu'on répond à la question de savoir à qui appartient l'entreprise, si elle est posée du point de vue de M. Capicio, il faut dire qu'elle appartient à l'appelante. M. Capicio n'exploitait pas sa propre entreprise. Il fournissait ces services pour le compte de l'appelante et, par conséquent, il a conclu un contrat de louage de services, et ce, quelle que soit la façon dont le contrat a été formulé.

Pour ces motifs, l'appel est rejeté et le règlement est confirmé.

[11] Dans la présente espèce, la période pertinente en ce qui a trait à Donna Lockhart va du 15 juillet 1991 au 7 janvier 1994. La période correspondante pour Russell Lockhart est une période de trois mois seulement allant du 13 septembre au 13 décembre 1993. Naturellement, la plupart des éléments de preuve se rapportent à des détails de la relation entre Donna Lockhart et l'ICS, et la nature de la relation existant avec Russell Lockhart doit être dégagée de la preuve concernant le mode d'exploitation de l'ICS et concernant les personnes travaillant dans la région de Nanaimo dans le cadre du système en place à l'époque pertinente aux fins de ces appels.

[12] Pour ce qui est de la question du contrôle exercé sur Donna Lockhart, on ne conteste pas le fait qu'il n'y avait aucun superviseur de l'ICS dans la région de Nanaimo. Peter Watts ainsi que le personnel de bureau de l'ICS et les messagers inscrits sur la liste de paye ordinaire de l'ICS travaillaient à Vancouver. Les agents de Nanaimo n'étaient pas contactés par l'ICS par radio ou téléphone cellulaire. Le témoignage de Peter Watts et les réponses de Donna Lockhart au questionnaire que lui avait envoyé Revenu Canada — soit des réponses mentionnées lors de l'interrogatoire préalable de Dianne Martineau — indiquent qu'il y avait des fois où plusieurs jours s'écoulaient sans qu'il y ait de communication entre des superviseurs de l'ICS et les agents. Les agents, y compris Donna Lockhart et Russell Lockhart, n'avaient pas à pointer. Initialement, Donna Lockhart s'était entretenue avec Peter Watts quant à savoir si elle pourrait au besoin se faire remplacer par d'autres chauffeurs aux fins de son parcours, et M. Watts avait accepté que cela puisse se faire en vertu du contrat, après quoi Donna Lockhart s'était fait remplacer au besoin par son mari, son fils ou sa belle-mère. L'information fournie par Donna Lockhart au ministre sur la question du contrôle figure à la question 176 de l'interrogatoire préalable de Dianne Martineau, soit :

[TRADUCTION]

“ Pourvu que je tienne ICS au courant à l'aide de feuilles d'itinéraire à jour, ce que je faisais toujours, ICS ne se souciait pas de savoir qui faisait quoi, pourvu que le travail soit accompli et qu'ICS ne reçoive aucune plainte, soit la seule chose dont ICS entendait parler ”.

[13] Dans cette approche pratique de l'exécution des modalités du contrat, l'ICS versait quand même à l'agent le taux quotidien approprié pour le parcours, malgré le fait que quelqu'un d'autre avait effectué le parcours un jour donné par suite de dispositions prises avec un agent — directement — sans aucune participation de l'ICS. Dans sa déclaration de revenu pour l'année d'imposition 1991 — qu'elle a produite à titre de travailleur indépendant exploitant une entreprise — Donna a déduit certaines sommes qu'elle avait payées à un employé à titre de salaire, y compris certaines cotisations qu'elle avait versées conformément à son statut d'employeur. Dans sa déclaration de revenu pour l'année d'imposition 1993, Donna Lockhart a de nouveau indiqué un revenu à titre de travailleur indépendant et elle a déduit certaines dépenses relatives à l'exploitation de ladite entreprise. Pour cette année-là, il semble qu'elle ait en outre tiré un revenu d'emploi d'une autre source. Il était également clair sur la foi de la preuve que Donna Lockhart gagnait un revenu en utilisant son propre véhicule pour livrer des journaux à Nanaimo avant d'effectuer son parcours pour l'ICS. Les agents avaient une certaine latitude quant à la manière dont le parcours était effectué et ils n'étaient pas sous la coupe d'un superviseur qui aurait été dans la même ville et qui les aurait constamment contactés par un moyen de communication quelconque. Donna Lockhart avait repris un parcours établi et, lorsque des clients supplémentaires devaient être servis, elle déterminait où les incorporer dans l'ordre des livraisons, selon la manière générale dont elle remplissait ses fonctions le long du parcours. De même, les agents pouvaient emprunter le chemin qu'ils voulaient entre les emplacements des clients.

[14] En ce qui a trait à la propriété des instruments de travail, les Lockhart avaient leurs propres véhicules, qu'ils utilisaient sur les parcours. Ils étaient responsables de tous les frais de fonctionnement, y compris l'essence, l'entretien, les assurances, les réparations, les permis ordinaires et le stationnement, et leurs véhicules subissaient une dépréciation, soit, dans le cas de Donna Lockhart, un véhicule qu'elle utilisait pour parcourir plus de 1 200 kilomètres par semaine. S'ils ne pouvaient utiliser de leurs propres véhicules pour effectuer le parcours quotidien, il leur fallait utiliser un véhicule de location ou un taxi ou prendre d'autres dispositions, de manière à être payés pour cette journée-là. Donna Lockhart fournissait en outre un chariot aux fins des livraisons. Le local fourni par l'ICS était utilisé comme salle de triage par les agents et comportait très peu de matériel de bureau; il comportait bel et bien certains articles, un téléphone et un répondeur, mais ces articles n'avaient guère d'importance une fois le tri matinal effectué. Le permis spécial nécessaire aux Lockhart pour faire les livraisons était délivré à l'ICS par la Motor Carrier Commission, et le décalque de l'ICS était apposé sur les véhicules personnels des Lockhart, conformément aux conditions énoncées dans ce permis. Dans d'autres jugements, j'ai exprimé l'opinion selon laquelle le concept traditionnel de propriété des instruments de travail est en train de devenir moins pertinent, au point où il peut être inopportun de l'appliquer à la technologie commerciale moderne. De nos jours, l'exploitation d'une entreprise peut comporter des droits et des permis concernant l'utilisation de méthodes et procédures spécialisées ou l'utilisation de certaines propriétés intellectuelles. Les instruments de travail modernes ayant remplacé les outils traditionnels des générations précédentes, comme les scies, les marteaux, les clés et les ciseaux, ne se limitent pas aux équipements sous forme d'ordinateurs et d'accessoires. Il me semble qu'un permis ou droit pourrait être considéré comme un instrument nécessaire pour l'exercice d'une activité commerciale. Cependant, la proposition selon laquelle un permis spécialisé peut être considéré comme un instrument de travail dans l'application des critères selon la manière imposée par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Wiebe Door, précité, n'a guère recueilli l'appui de mes collègues ou l'appui d'autres tribunaux. Donc, le permis qui était délivré à l'ICS par la Motor Carrier Commission et qui permettait à Donna Lockhart et à Russell Lockhart d'effectuer leurs parcours ne peut être considéré comme un instrument de travail appartenant à l'appelante.

[15] La possibilité pour les Lockhart de tirer un profit de l'exploitation du parcours quotidien — au taux de 115 $ par jour d'abord, puis de 120 $ par jour dans le cas de Donna Lockhart et au taux de 90 $ par jour dans le cas de Russell Lockhart — dépendait en grande partie de leur capacité de contrôler les frais de fonctionnement de leurs propres véhicules. Toutefois, ils pouvaient demander un prix pour faire des livraisons la journée même d’un client faisant partie de leur parcours à un autre, et ce, sans que l'ICS ne le sache ou n'y consente. De même, si une livraison devait être faite à un endroit situé à plus de trois kilomètres d'un parcours existant, un prix pour ce service était négocié entre l'ICS et l'agent et, si aucune entente ne pouvait être conclue, l'ICS prenait d'autres dispositions pour assurer la livraison. La preuve n'indique nullement que les Lockhart auraient été assujettis à une réduction arbitraire du taux quotidien qui était versé, et il a été reconnu que des hausses du coût de l'essence ou des primes d'assurance ainsi qu'une extension d'un parcours ou une augmentation de volume appelaient une renégociation du contrat existant. Les Lockhart devaient rectifier à leurs frais les erreurs commises dans les livraisons ou les ramassages et devaient payer les chauffeurs par qui ils se faisaient remplacer. Je reconnais que la capacité d'augmenter les revenus est un facteur important, mais il importe également de tenir compte du fait qu'un grand nombre de petites entreprises fournissent un produit ou service à une grande organisation à un taux qui est — à toutes fins utiles — fixé par cette organisation. Un tel système de paiement est commun à tous les niveaux des administrations publiques, qui lancent des appels d'offres pour que des produits ou services soient fournis — selon des exigences particulières (et souvent nombreuses) — à un tarif préétabli qui est précisé dans la publicité. Dans ces cas-là, l'entrepreneur indépendant doit surveiller le résultat net, car le flux de revenus est fixé pour toute la durée du contrat. Les frais de fonctionnement entrent vraisemblablement en ligne de compte dans le désir de soumissionner, mais il est nécessaire de veiller constamment à contrôler les dépenses le plus possible, de manière que les dépenses n'aient pas d'incidence négative sur la rentabilité. Il y avait aussi la possibilité de négocier un taux qui dépendait de l'importance du parcours et de la fiabilité de l'agent particulier par rapport à la capacité d'assurer un service satisfaisant au cours d'une certaine période. Dans le contexte actuel, où la concurrence est féroce et les marges bénéficiaires étroites, la capacité de contrôler les coûts — même dans une proportion de l'ordre de 5 à 15 p. 100 — est extrêmement importante. L'embauchage de chauffeurs de remplacement — dans le but de prendre congé — influait sur le bénéfice mais, en confiant à un remplaçant le soin d'effectuer le parcours, Donna Lockhart pouvait tirer un revenu d'une autre source en 1993. De plus, Donna Lockhart utilisait son propre véhicule pour gagner un revenu en livrant un autre produit — des journaux — sur une base régulière, et les frais y afférents étaient inclus dans les rapports financiers généraux qu'elle entreprenait d'établir au moment de remplir sa déclaration de revenu, qu'elle produisait à titre de travailleur indépendant.

[16] Du point de vue des Lockhart, la question est de savoir à qui appartient l'entreprise. Des éléments de preuve indiquent que Donna Lockhart considérait les destinataires des livraisons comme “ ses clients ”, mais cela est fréquent chez les travailleurs consciencieux du secteur des services quand ils parlent de personnes avec qui ils ont un contact régulier. Des éléments de preuve indiquent que — jusqu'à un certain point — Donna Lockhart incorporait les activités de l'ICS dans son propre horaire en ce sens qu'elle utilisait son véhicule pour faire des livraisons avant de se rendre au terminus d'autobus — si c'était à son tour de le faire — et de trier les colis destinés à des clients de l'ICS faisant partie de son parcours. La possibilité d'embaucher des remplaçants et la nécessité de payer ces personnes de sa propre poche cadrent avec l'exploitation d'une entreprise, quoiqu'il s'agisse d'une entreprise dans laquelle le contrat conclu avec l'ICS jouait un rôle extrêmement important, produisant le plus gros des recettes des Lockhart. Il est évident que Donna Lockhart se considérait comme étant un travailleur indépendant, comme étant dans les affaires à son propre compte, vu la manière dont elle produisait ses déclarations de revenus, lesquelles n'ont pas été assujetties à une nouvelle cotisation par le ministre. Donna Lockhart s'était également inscrite comme entrepreneur auprès du WCB — probablement pour se protéger et pour protéger tout chauffeur qu'elle embauchait pour des livraisons à faire sur le parcours — et elle était un inscrit auprès de Revenu Canada aux fins de la taxe sur les produits et services (TPS). Le compte qu'elle avait ouvert était un compte d'entreprise dans lequel elle décrivait comme suit sa principale activité : transporteur intermédiaire (livraison de colis pour Ins. Courier Service). Sur ce point particulier dans le contexte de l'analyse globale, l'entreprise qui consistait à exploiter le créneau relatif à la livraison de colis à un groupe choisi de clients conformément à des normes nationales fixées par l'ICS et en vertu d'un permis délivré à l'ICS par l'organisme de réglementation compétent était plus aisément identifiable comme étant l'entreprise de l'ICS, avec laquelle les agents devaient faire cadrer leurs propres horaires et activités. Toutefois, comme l'a dit Peter Watts dans son témoignage, il y avait une distinction entre le mode de fonctionnement de l'ICS dans les régions métropolitaines et les méthodes utilisées dans des régions classées comme rurales. La méthode utilisée par l'ICS pour la livraison de colis depuis d'autres parties du Canada jusque dans le nord de l'île Vancouver n'était pas sans faille. L'ICS devait faire appel à une ligne d'autobus — soit un transporteur public — pour le transport de son “ courrier ” et le déchargement des conteneurs au terminus d'autobus de Nanaimo. En un sens, les colis n'étaient alors pas sur un territoire de l'ICS, c'est-à-dire qu'ils étaient sur un territoire où il n'y avait pas de bureau doté par des employés de l'ICS ni de mécanisme organisationnel en place pour assurer ensuite une supervision concernant la livraison effective des colis aux destinataires. Les agents — conformément à un arrangement conclu entre eux — allaient à tour de rôle chercher le conteneur au terminus d'autobus, puis ils l'apportaient au local loué, où le tri était effectué de manière à répartir les articles, selon le parcours approprié, pour les livrer ce jour-là. Les articles ramassés sur le parcours étaient apportés par les agents au terminus d'autobus pour être réexpédiés au bureau de Vancouver de l'ICS, où le réseau de livraison habituel de la société pouvait de nouveau fonctionner de manière à accélérer l'acheminement des articles conformément à la politique nationale de l'ICS. Il est manifeste que, lorsqu'il y avait des failles dans le réseau de l'ICS, la compagnie devait faire appel à d'autres services de transport, de livraison et de messageries ou à des transporteurs publics, y compris des taxis. En fait, ces autres personnes ou entreprises étaient des transporteurs intermédiaires qui correspondent à la description que Donna Lockhart avait utilisée relativement à sa propre activité commerciale en s'inscrivant aux fins de la TPS.

[17] Les Lockhart avaient conclu avec l'ICS un contrat dans lequel ils prétendaient fournir des services comme entrepreneurs indépendants. Ce que les parties pensaient qu'était leur relation ne change pas les faits. Dans l'affaire The Minister of National Revenue v. Emily Standing, 147 N.R. 238, le juge Stone disait, aux pages 239-240 :

“ Rien dans la jurisprudence ne permet d'avancer l'existence d'une telle relation du simple fait que les parties ont choisi de la définir ainsi sans égards aux circonstances entourantes appréciées en fonction du critère de l'arrêt Wiebe Door. ”

[18] Contrairement à ce qu'indique la preuve dans bon nombre de ces affaires, les parties en l'espèce ont agi d'une manière conforme au statut visé, soit un statut acquis par voie de contrat, et il n'y avait pas d'imposition unilatérale de règles, pas de conduite tyrannique, pas d'imposition tyrannique de conditions de travail ni de politique du “ c'est à prendre ou à laisser ”, soit des éléments qui caractérisent si souvent les prétendus arrangements entre “ égaux ” habituellement dissimulés derrière un paravent ou une façade qui — heureusement — ne résiste pas à un examen attentif du point de vue des opérations quotidiennes.

[19] J'ai lu le jugement Meadowvale Express Courier Ltd. c. Ministre du Revenu national, non publié, soit une décision du juge Watson, de la C.C.I., en date du 19 novembre 1990. Dans cette affaire, le travailleur était assujetti à un degré élevé de contrôle et était rétribué à commission, sans aucune possibilité de contrôler les profits si ce n'est en faisant plus de livraisons. Le travailleur utilisait en outre un véhicule appartenant au payeur, et toutes les dépenses étaient prises en charge par la compagnie. Le travailleur devait porter une carte d'identité de la compagnie et suivre un parcours imposé par le répartiteur.

[20] Pour revenir à l'affaire S & S Investments Ltd., précitée, le juge Sobier avait conclu que le contrôle exercé sur le travailleur était grand. Le travailleur ne pouvait permettre que d'autres conduisent le véhicule et fassent les livraisons et il ne participait nullement à la gestion de l'entreprise. Il lui fallait suivre un horaire détaillé et effectuer un parcours détaillé et il devait rendre compte de son activité par téléphone trois fois par jour et envoyer des rapports quotidiens. Le contrôle exercé sur le travailleur était si grand que le juge Sobier avait conclu, à la page 6 de son jugement :

“ Le contrat, les horaires et les itinéraires énonçaient dans le détail la façon dont le travail devait être exécuté, au point où il était même stipulé qu'il fallait utiliser un stylo pour remplir les bordereaux indiquant les frais. ”

[21] Les affaires de ce genre dépendent considérablement des faits, et le lecteur doit être circonspect avant de trop miser sur une issue particulière. Dans les appels considérés en l'espèce, il y a une combinaison de facteurs importants, mais l'absence de contrôle est révélatrice, tout comme la question de la propriété des instruments de travail, ainsi que la façon d'agir de Donna Lockhart durant la période pertinente, Donna s'étant toujours comportée conformément à divers aspects relatifs à un travailleur indépendant exploitant une entreprise. Dans les cas où les travailleurs ne témoignent pas, il est beaucoup plus difficile d'en arriver à une solide appréciation des conditions de travail quotidiennes. Dans la présente espèce, aucun élément de preuve ne me permettrait de conclure que la relation de travail entre l'ICS et Russell Lockhart était bien différente de la relation de travail entre l'ICS et Donna Lockhart ou les autres agents. Eu égard à la preuve dont j'ai été saisi, je conclus que l'appelante s'est acquittée de la charge de la preuve qui lui incombait et qu'elle est en droit d'avoir gain de cause.

[22] Les appels — soit 97-839 (UI) et 97-841(UI) — sont accueillis. La décision du ministre est par les présentes modifiée, et je conclus que, au cours de la période allant du 15 juillet 1991 au 7 janvier 1994, Donna Lockhart n'exerçait pas un emploi pour l'appelante en vertu d'un contrat de louage de services et qu'il ne s'agissait donc pas d'un emploi assurable. La décision du ministre concernant Russell Lockhart est par les présentes modifiée, et je conclus que, au cours de la période allant du 13 septembre au 13 décembre 1993, Russell Lockhart n'exerçait pas un emploi pour l'appelante en vertu d'un contrat de louage de services et qu'il ne s'agissait donc pas d'un emploi assurable.

Signé à Sidney (Colombie-Britannique) ce 30e jour de décembre 1998.

“ D. W. Rowe ”

J.S.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 11e jour d’août 1999.

Mario Lagacé, réviseur

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