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Date: 19971024

Dossier: 96-225-UI

ENTRE :

MAURICE LAMONTAGNE,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Prévost, C.C.I.

[1] Cet appel a été entendu à Roberval (Québec), le 8 octobre 1997.

[2] Il s’agit d’un appel d’une décision du ministre du Revenu national (le “Ministre”), en date du 29 novembre 1995 déterminant que l’emploi de l’appelant chez Robert Lamontagne et Als, propriétaires de Les Appartements Revlac (1981) Enr., le payeur, du 12 août 1991 au 14 août 1992, du 5 octobre 1992 au 6 août 1993 et du 4 octobre 1993 au 12 août 1994, n’était pas assurable parce qu’il n’était pas exercé en vertu d’un contrat de louage de services.

[3] Le paragraphe 5 de la Réponse à l’avis d’appel se lit ainsi :

“5. En rendant sa décision, l’intimé, le ministre du Revenu national, s’est basé, inter alia, sur les faits suivants :

a) durant les périodes en litige, les sociétaires du payeur étaient Luc Dumas avec une participation de 6,25 %, Solange Gagnon, 15 %, Gestion J.T.B. Inc., 6,25 %, Réjeanne Guay, 15 %, Françoise Lamontagne, 10,86 %, Paul Lamontagne, 10,86 %, Robert Lamontagne, 22,5 %, Laval J. Pagé, 8,67 % et Jean Tremblay, 4,61 %; (A)

b) l’appelant est le frère de M. Robert Lamontagne et de Mme Françoise Lamontagne et le père de M. Paul Lamontagne; (A)

c) le payeur détenait et exploitait 4 immeubles de 16 logements chacun; (A)

d) durant les périodes en litige, le chiffre d’affaires du payeur variait d’environ 215 000 $ à 250 000 $ par année; (A)

e) l’appelant habite dans un des immeubles appartenant au payeur; (ASAP)

f) il était responsable des réparations et de la rénovation des logements; (ASAP)

g) il décidait quand et comment il devait effectuer son travail; (N)

h) de septembre 1991 à octobre 1992, l’appelant prétend avoir travaillé de 1 à 3 semaines par mois à temps plein (sauf en septembre 1992) et ne pas avoir travaillé le reste du temps; (N)

i) à partir de novembre 1992, l’appelant recevait une rémunération hebdomadaire fixe pour les travaux d’entretien régulier et 14 $ de l’heure pour les autres travaux; (A)

j) la rémunération hebdomadaire versée à l’appelant pour ses prétendues semaines de travail à temps plein était 498,70 $ puis 623,70 $ pendant la première période en litige, 667 $ et 702 $ pendant la deuxième période en litige et 702 $ et 744 $ pendant la troisième période en litige; (ASLMP)

k) la rémunération hebdomadaire versée à l’appelant pour ses prétendues semaines à temps partiel était 152,42 $ pendant la première période en litige (août 1991), 90 $ puis 100 $ pendant la deuxième période et 100 $ pendant la troisième période; (ASLMP)

l) l’appelant recevait sa rémunération hebdomadaire fixe peu importe les heures travaillées; (N)

m) il prétend avoir travaillé à temps plein 25 semaines pendant la première période en litige et 12 semaines pendant les deuxième et troisième périodes; (N)

n) l’appelant prétend avoir effectué des travaux de rénovation uniquement pendant ses prétendues semaines de travail à temps plein et aucun de ces travaux pendant les autres semaines; (ASLMP)

o) l’appelant rendait des services au payeur à l’année longue; (ASAP)

p) l’appelant et le payeur ont conclu un arrangement dans le but de permettre à l’appelant de recevoir des prestations d’assurance-chômage à un taux plus élevé; (N)

q) au cours des périodes en litige, il n’existait pas de contrat de louage de services entre l’appelant et le payeur. (N)”

[4] Dans le texte qui précède de la Réponse à l’avis d’appel, la Cour a indiqué ainsi entre parenthèses, après chaque sous-paragraphe, les commentaires du procureur de l’appelant à l’ouverture de l’audience :

(A)= admis

(ASAP)= admis sauf à parfaire

(ASLMP)= admis sauf le mot “prétendues”

(N)= nié

L’enquête

La preuve de l’appelant

Selon son témoignage :

[5] C’est depuis 1982 ou 1983 qu’il occupe un logement du payeur : en 1991 il payait un loyer de 450 $ par mois, depuis mars 1993 il paie 560 $ par mois; au préalable ce loyer était retenu sur sa paie mais depuis 1993 il le paie directement par chèque à chaque mois.

[6] Avant juillet 1989, alors qu’il a été blessé dans un accident de travail, il oeuvrait à l’année longue pour le payeur en s’occupant en plus de la conciergerie.

[7] Il a perçu des prestations de la C.S.S.T. et s’en est tiré avec une incapacité physique partielle l’empêchant de continuer d’agir comme concierge.

[8] Le payeur a alors engagé son épouse à plein temps pour la conciergerie et la surveillance et un “contractuel” pour l’entretien et la rénovation.

[9] Il est revenu au travail en novembre 1990, mais il s’est occupé seulement de l’entretien et de la rénovation, ne pouvant plus faire un travail entraînant une rotation du corps.

[10] Les sociétaires du payeur tiennent quelques assemblées à chaque année et il y va avec son épouse : c’est alors que leurs fonctions sont précisées et que certains programmes sont établis; à titre d’exemple on y a décidé de ré-isoler les 32 appartements situés vers le nord, de changer les chauffe-eau et de procéder à des travaux d’insonorisation.

[11] C’est lui qui s’en occupait suivant la disponibilité des logements : lorsqu’un appartement se libérait, il en profitait aussi pour le rénover et le rafraîchir; l’administrateur du payeur lui disait de se servir de son jugement et il le faisait.

[12] C’est lui qui achetait les matériaux nécessaires en les chargeant au compte du payeur sauf “quelque chose de vraiment spécial” alors qu’il devait s’en rapporter à son patron, il s’occupait de réparer les bris mineurs, c’est-à-dire et à titre d’exemple, changer des fusibles, réparer des toilettes qui coulent ainsi que des poignées de portes endommagées et des ventilateurs qui ne fonctionnent pas bien.

[13] Tous les outils lui étaient fournis par le payeur : au 11 février 1996 il en a établi une liste (pièce A-1) mais au cours des périodes enlitige il se servait à peu près des mêmes outils.

[14] Ceux-ci qu’un menuisier a besoin sont remisés à l’appartement 102 du 1245 Des Bouleaux, à savoir un quatre et demi qui a été reservé à cette fin : il s’agit en somme d’une boutique de réparations où on conserve aussi les pièces dont on a besoin le plus souvent.

[15] Les photos, pièces A-2a, A-2b, A-2c et A-2d, montrent les travaux d’isolation et d’insonorisation ainsi que d’autres travaux qu’il a exécutés pour le compte du payeur.

[16] Il préparait des rapports très détaillés de ses travaux et il les soumettait au payeur pour se faire payer : il n’a pas retracé ceux de la première période en litige, mais il produit ceux des deuxième et troisième périodes (pièces A-3 et A-5); à ces rapports il a d’ailleurs annexé ses chèques de paie.

[17] À chaque matin il faisait le tour des quatre immeubles pour voir s’il y avait des problèmes et, si oui, les solutionner.

[18] En 1991 il travaillait à plein temps une semaine sur deux et le concierge Raynald faisait de même.

[19] À partir des états financiers du payeur, il a préparé pour les années 1991, 1992, 1993 et 1994 un sommaire (pièce A-4) des revenus bruts possibles, des frais d’entretien et de réparations, des frais de conciergerie et des dépenses d’administration eu égard à certaines normes en usage dans ce genre de commerce.

[20] S’il a pu le faire, c’est que c’est lui qui tient la comptabilité du payeur depuis la fin de la dernière période en litige.

[21] Si les dépenses d’entretien et de réparations sont plus élevées en 1991, c’est que les toits ont dû être réparés.

[22] Il a deux sortes de rémunération : en effet, au lieu de lui verser 15 $ ou 16 $ l’heure lorsqu’il fait de gros travaux, le payeur a opté de le payer seulement 14 $ l’heure et de lui remettre un petit montant forfaitaire à chaque semaine cependant.

[23] Il a toujours déclaré ce petit montant à l’assurance-chômage lorsqu’il recevait des prestations de celle-ci.

[24] Lorsqu’il a été “slaqué” en août 1992, il a demandé et reçu les rentes du Québec étant donné qu’il ne travaillait pas; quand il a repris le travail, il a continué à les recevoir étant donné qu’il ne lui restait plus que trois ou quatre mois avant d’atteindre l’âge de 65 ans.

[25] Ses relevés d’emploi et ses demandes de prestations d’assurance-chômage (pièce I-1) indiquent bien les périodes en litige.

[26] Il n’était pas libre de faire les travaux demandés par le payeur car lorsque les logements étaient vides il devait vraiment les réaliser.

[27] Il décidait toutefois lui-même dans quelle semaine il y procéderait de manière à moins déranger les locataires.

[28] Il déterminait aussi lui-même les petits travaux à exécuter, mais il le faisait après consultation avec son épouse.

[29] Lorsqu’il achetait des matériaux, il les commandait généralement à l’avance pour ne rien manquer lors de l’exécution des travaux eux-mêmes.

[30] Il a bien signé une déclaration statutaire (pièce I-2) le 19 décembre 1994 devant l’agente d’enquête et de contrôle Lise Coulombe au Centre d’emploi du Canada; au préalable elle était également allée le rencontrer à son bureau : il peut y être lu (pages 2 et 3) :

“...je me suis organisé pour avoir les semaines nécessaires pour me qualifier, étant maître de mon horaire et mes heures et suite à cette enquête d’ailleurs j’ai décidé d’arrêter mes cartes...”

[31] À la page 2 de cette déclaration, il peut y être lu sous la rubrique “rectification” :

“à noter que la seule chose que j’ai abusé c’est de grossir mes timbres car en fin de compte c’est moi qui contrôle mes heures. Ceci pour obtenir un taux plus élevé j’ai travaillé et planifié mon travail en conséquence pour obtenir mes semaines assurables.”

[32] Il a bien signé à la page 2 de cette déclaration avant ce rajout et après celui-ci également.

[33] Il n’avait pas ses lunettes lorsque Lise Coulombe lui a lu cette déclaration : au surplus il n’était pas alors au meilleur de sa forme physique, il avait mal à la tête et il n’était pas en possession de toutes ses facultés.

[34] C’est pour cela que trois jours plus tard, le 22 décembre 1994, il a envoyé à Emploi et Immigration Canada à son bureau d’Alma la déclaration solennelle (pièce I-3) dont le texte suit :

“Je soussigné, Maurice Lamontagne (221-109-218), 1245, Des Bouleaux, app. 404, Saint-Félicien, Qué., G8K 2K6,

Déclare solennellement que :

Le 19 décembre 1994, vers 11:45 heures, en les bureaux d’Emploi et Immigration Canada, à Roberval, j’ai signé, devant Madame Lise Coulombe et Monsieur Emery Hollands, du bureau d’Alma, une déclaration que je désire rectifier car elle ne représente pas exactement ce que j’ai dit ou voulu dire.

À partir de la 17ième ligne de cette déclaration je semble avoir déclaré : “J’avoue qu’il y a une dépendance voulue à l’assurance-chômage au cours des 2 dernières années, je me suis servi du système la dernière année 1993 et 1994 je l’ai fait seul sans impliquer Revlac et je me suis organisé pour avoir les semaines nécessaires pour me qualifier étant maître de mon horaire et mes heures...”

Avant de signer j’ai demandé de rectifier la déclaration que j’ai citée ci-dessus, rectification qui a été faite à la fin du document et de la manière suivante : “à noter que la seule chose que j’ai abusé c’est de grossir mes timbres car en fin de compte c’est moi qui contrôle mes heures, ceci pour obtenir un taux plus élevé j’ai travaillé et planifié mon travail en conséquence pour obtenir mes semaines assurables.”

Cette rectification n’est pas assex explicite et c’est pourquoi je désire éclaircir certainis points :

1.- Il n’a pas eu une dépendance voulue de ma part à l’assurance-chômage : une partie de mon travail chez Revlac, soit la rénovation des appartements, est un travail saisonnier qui se place entre septembre et avril et doit se faire suivant certains critères : la disponibilité des appartements à rénover, car ce n’est pas tous les appartements libres qui doivent l’être, et les possibilités financières de Revlac.

2.- J’ai déclaré et je l’affirme encore que ma première demande de chômage en août 1992 n’était pas planifiée et que, au cours de mes semaines de qualification, de août 1991 et jusqu’à juin 1992 au moins, jamais je n’ai pensé ou envisagé de quelque manière que ce soit de faire éventuellement une demande de prestations de chômage.

3.- En ce qui regarde les autres périodes, d’août 1992 à août 1993, qui m’a permis de recevoir des prestations, et d’août 1993 à août 1994, qui n’a pas été suivie par le versement de prestations, la déclaration laisse supposer que j’ai posé certains gestes pour obtenir le nombre de semaines assurables nécessaires : ce n’est pas le cas, car les travaux que j’ai eu à faire ont nécessité les semaines de travail effectuées sans que je sois obligé d’y changer quoique ce soit. Le travail était là et je l’ai fait dans à peu près le temps qu’un autre aurait pris à le faire.

3.- En ce qui regarde les mêmes périodes, d’août 1992 à août 1993 et d’août 1993 à août 1994, la déclaration laisse supposer que je me suis organisé systématiquement pour grossir mes “timbres” : encore là ce n’est pas tout à fait exact. Je reconnais que j’étais, et je le suis encore, maître de mon horaire et de mes heures de travail. Je reconnais que j’aurais pu, si je l’avais voulu, faire des semaines de 30 ou 35 heures, mais ce n’est pas certain que cela aurait été avantageux pour Revlac. Seul, j’ai décidé de faire des semaines de 43 heures. Ce que j’ai voulu dire dans ma déclaration à ce sujet c’est que certaines semaines, à cause des prestations de chômage éventuelles, j’ai dû me motiver pour travailler 43 heures alors que tout m’incitait à prendre congé.

5.- Quoique cette question ne m’a pas été posée directement : j’affirme formellement que jamais je n’ai fait, en vue de l’assurance-chômage, des accumulations d’heures : j’ai toujours été payé “temps fait, temps payé”.

Et je fais cette déclaration solennelle, la croyant consciencieusement vraie et sachant qu’elle a la même force et le même effet que si elle était faite sous serment, aux termes de la Loi sur la preuve au Canada.”

[35] Lorsqu’il a quitté le Centre d’emploi le 19 décembre 1994, il n’avait pas la copie de sa déclaration et il ne l’a reçue à sa demande par la poste que le lendemain ou le surlendemain.

[36] Après avoir fait sa dernière demande de prestations d’assurance-chômage, il n’a pas reçu les chèques espérés et il a cessé d’envoyer “les cartes” étant donné qu’on lui avait dit qu’il n’était pas qualifié.

[37] Il a toujours essayé d’agir le mieux possible à l’avantage de son employeur.

[38] C’est lui qui décidait du nombre d’heures qu’il travaillait par semaine et il le faisait toujours dans l’intérêt de l’employeur.

[39] Au cours de la première période en litige, il a travaillé 28 semaines et il savait qu’il fallait plus de 20 semaines pour être admissible aux prestations.

[40] Au cours des deux autres périodes il a travaillé 12 semaines alors qu’il lui en fallait 10 pour la deuxième période et 12 pour la troisième.

[41] Il s’implique bien dans son milieu, il oeuvre à la société zoologique de St-Félicien et également dans d’autres organisations.

[42] Il a toujours été honnête vis-à-vis le payeur et il a toujours été payé seulement pour le travail qu’il a accompli.

[43] Le système aux termes duquel il travaillait à plein temps une semaine sur deux, l’autre étant faite par le concierge, n’a pas donné de bons résultats car à certaines périodes il n’y avait pas assez de réparations à faire.

[44] C’est pour cela d’ailleurs qu’il a été abandonné.

[45] N’eut été de son accident de travail “tous ces problèmes là ne seraient certes pas arrivés”.

La preuve de l’intimé

Selon Lise Coulombe

[46] Elle est agente d’enquête et de contrôle depuis 1993 et auparavant, depuis 1986, elle était commis-enquêteur : le dossier de l’appelant lui a été soumis et elle a recueilli sa déclaration statutaire (pièce I-2) au Centre d’emploi dans une salle de conférence en compagnie de Emery Hollands, un autre enquêteur du même bureau.

[47] Au préalable, elle avait rencontré l’appelant à son bureau : avant de prendre sa déclaration au Centre elle lui a bien expliqué le processus et elle lui a posé des questions auxquelles il a répondu; ensuite elle a rédigé le texte et elle lui a lu; il a voulu apporter une correction, d’où la rectification au bas de la page 2 de cette déclaration.

[48] Elle a soumis le cas à Revenu Canada, Impôt le 22 décembre 1994 et le lendemain elle a reçu la déclaration solennelle (pièce I-3), elle l’a tout de suite transmise à Revenu Canada, Impôt.

[49] Aux fins de se qualifier aux prestations, l’appelant avait besoin de 20 semaines lors de la première période en litige, de 10 semaines lors de la deuxième et de 12 semaines lors de la troisième.

[50] Il était normal que les petites rémunérations forfaitaires de l’appelant ne figurent pas dans ses relevés d’emploi car c’est seulement l’excédent de 25 % de la dernière paie qui est déduit des prestations.

[51] Elle ne se rappelle pas si son entrevue avec l’appelant au Centre d’emploi a eu lieu le matin ou l’après-midi car elle ne l’a pas noté non plus que sa durée.

[52] Leur superviseur à Emery Hollands et elle leur avait dit de travailler ensemble pour apprendre ainsi l’un de l’autre et c’est pour cela qu’ils étaient deux lors de l’entrevue : à titre d’enquêteurs, ils vérifiaient cependant la même chose, les deux ont posé des questions mais c’est elle qui a rédigé le texte et qui l’a lu à l’appelant.

[53] Elle ne se rappelle cependant pas si lui-même l’a relu.

[54] Elle ne lui en a pas laissé de copie, mais lui en a posté une tout de suite après l’entrevue.

[55] Il est rare qu’elle reçoit une déclaration solennelle après une entrevue de ce genre, mais il est fréquent que des justiciables envoient d’autres documents cependant.

[56] C’est sans addendum à son rapport qu’elle a posté cette déclaration solennelle (pièce I-3) à Revenu Canada, Impôt.

[57] Lors de l’entrevue du 19 décembre 1994, elle s’est présentée à l’appelant comme agente d’enquête et de contrôle, mais elle ne lui a pas fait de mise en garde toutefois.

[58] À titre d’agente d’enquête et de contrôle, la décision ne lui appartient pas, elle ne fait que soumettre le dossier de son enquête.

Selon Claude Soulard, agent des appels

[59] Il a bien fait son rapport (pièce I-4) le 22 novembre 1995 et il avait alors les documents voulus en mains pour y procéder.

[60] Il ne peut affirmer toutefois s’il avait ou non alors dans son dossier la déclaration solennelle (pièce I-3).

[61] C’est par téléphone qu’il a fait son enquête.

La contre-preuve de l’appelant

Selon lui :

[62] Il y a une erreur au fait 69 du rapport (pièce I-4) car le “trailer” dont il se sert pour aller chercher le matériel nécessaire aux réparations ne lui appartient pas mais est bien la propriété du payeur.

[63] Il a toujours eu une indemnité pour l’utilisation de son véhicule personnel au bénéfice de son employeur et à l’heure actuelle elle est de 38 $ par semaine pour les déplacements autour des immeubles concernés car ils sont nombreux.

[64] Toutefois s’il doit faire par exemple un voyage à Chicoutimi il a droit cependant à un supplément.

Les plaidoiries

Selon le procureur de l’appelant :

[65] Tous les éléments d’un véritable contrat de travail sont là : n’eut été du malheureux accident arrivé à son client, il serait sans doute encore à plein temps à l’emploi du payeur et cet appel n’aurait pas été nécessaire.

[66] Après le retour au travail de son client il y eut une tentative de travail partagé entre le concierge et l’appelant, mais ça n’a pas fonctionné et on en est arrivé au système d’une petite rémunération hebdomadaire forfaitaire à chaque semaine et d’une autre rémunération à l’heure cette fois pour les travaux importants d’entretien et de rénovation.

[67] Au niveau du contrôle, il faut comprendre que le payeur est constitué d’un groupe de sociétaires qui gèrent leurs immeubles à distance et qui doivent forcément confier des responsabilités à l’appelant.

[68] Son client doit ainsi respecter les grands programmes établis par les patrons, mais pour les contrats “hors proportions” il doit quand même avoir une autorisation spécifique du payeur.

[69] L’appelant fait des rapports hebdomadaires bien documentés pour être payé de ses heures travaillées et il est à la merci pour son travail à tarif horaire des logements qui se libèrent.

[70] Au cours de la première et de la deuxième période en litige, il a oeuvré à l’heure plus de semaines qu’il en avait besoin pour se qualifier aux prestations d’assurance-chômage.

[71] Les outils de travail appartiennent au payeur; la liste (pièce A-1) est très détaillée et même le “trailer” appartient au payeur, contrairement à ce qu’a cru l’agent des appels Claude Soulard.

[72] L’appelant ne pouvait espérer des profits non plus que risquer des pertes même s’il pouvait, dans un certain cadre et toujours dans l’intérêt du payeur, décider de ses heures de travail.

[73] Il est étrange qu’il ait fallu deux enquêteurs pour orchestrer en duo leur intervention lors de l’entrevue du 19 décembre 1994.

[74] À ce moment-là l’appelant ne se sentait pas bien et il avait mal à la tête; il a tout de suite voulu préciser ses réponses avec sa déclaration solennelle (pièce I-3).

[75] S’il concentrait ses travaux c’était à des fins d’efficacité pour le bien du payeur et aucunement pour frauder l’assurance-chômage.

[76] Lise Coulombe n’a pas rappelé son client suite à la réception de sa déclaration solennelle et elle n’a même pas jugé à propos d’apporter un addendum à son rapport pour le maintenir ou le modifier.

[77] L’appelant était bien intégré au payeur, il lui rendait compte de ses activités, il participait aux assemblées de ses associés et ses services étaient indispensables.

Selon le procureur de l’intimé

[78] Au sous-paragraphe p) de la Réponse à l’avis d’appel, son client écrit que l’appelant et le payeur ont conclu un arrangement dans le but de permettre à l’appelant de recevoir des prestations d’assurance-chômage à un taux plus élevé et c’est bien ce qui s’est passé.

[79] Les quatre critères généralement reconnus peuvent exister, mais ce n’est pas tout car pour qu’un emploi soit assurable il ne faut pas qu’il y ait de tel arrangement.

[80] Il est évident que l’appelant a travaillé pour le payeur, mais cela ne suffit pas à rendre son emploi assurable.

[81] Dans sa déclaration (pièce I-1), il a avoué qu’il y avait une dépendance voulue à l’assurance-chômage au cours des deux dernières années et qu’il s’était servi du système en 1993 et en 1994 pour avoir les semaines nécessaires à se qualifier aux prestations.

[82] Il est vrai qu’il a ensuite fait une déclaration solennelle.

[83] Elle ne l’avantage pas plus cependant car il y écrit : “Je reconnais que j’étais, et je le suis encore, maître de mon horaire et de mes heures de travail”.

[84] Il jouit d’une grande indépendance pour organiser son ouvrage et pour acheter les matériaux nécessaires à celui-ci.

[85] Cette indépendance est exagérée et on ne peut s’organiser ainsi pour percevoir de grosses prestations d’assurance-chômage.

[86] Le Ministre est d’ailleurs chargé de surveiller la situation dans chaque cas.

[87] L’appelant est rémunéré à un petit prix forfaitaire chaque semaine et il l’est également à un tarif horaire pour certains gros travaux et cela laisse planer des doutes sur l’assurabilité de son emploi.

[88] L’enquête de Lise Coulombe s’est déroulée d’une façon parfaitement légale et l’appelant aurait pu d’ailleurs refuser d’y participer.

[89] Elle a bien fait son travail d’ailleurs en envoyant sur réception sa déclaration solennelle à Revenu Canada, Impôt.

[90] Lise Coulombe n’a pas pris de décision, elle a seulement fait une enquête et suite à celle-ci le rapport de Claude Soulard est arrivé ainsi que la décision ministérielle entreprise.

Le délibéré

[91] L’intimé n’a pas considéré que le travail de l’appelant avait changé à la suite de son accident de travail et cela explique bien pourquoi il a eu de la difficulté à comprendre la situation.

[92] Il a considéré qu’au départ l’appelant travaillait une semaine sur trois alors qu’il oeuvrait plutôt une semaine sur deux suivant la preuve non contredite.

[93] Il n’a pas compris que le petit montant forfaitaire qui était versé à l’appelant à toutes les semaines l’était de manière à maintenir à 14 $ l’heure sa rémunération pour les grands travaux d’entretien et de rénovation.

[94] Il est vrai que l’appelant rendait des services au payeur à l’année longue en considération de ce petit montant forfaitaire hebdomadaire, mais pour ses autres services de plus grande importance il était rémunéré à l’heure seulement quand il travaillait.

[95] L’arrangement allégué au sous-paragraphe p) précité est nié et l’ensemble de la preuve est à l’effet qu’il existait un contrat de louage de services à deux volets cependant entre l’appelant et le payeur.

[96] Après son retour au travail, l’appelant a fait ce que sa condition physique lui permettait de faire.

[97] Ses instructions lui étaient données lors des assemblées des sociétaires et la Cour est satisfaite que le pouvoir de contrôle existait véritablement.

[98] Tous les outils de travail appartenaient au payeur même si l’agent des appels a écrit dans son rapport (pièce I-4) au fait 69 que le “trailer” appartenait à l’appelant.

[99] Les photos (pièces A-2a à A-2d) montrent bien les travaux exécutés par l’appelant qui fournissait d’ailleurs des rapports très détaillés (pièces A-3 et A-4) au payeur.

[100] Le sommaire (pièce A-4) montre bien un excellent travail de la part de l’appelant.

[101] Les salaires à lui versés paraissent très raisonnables étant donné toutes ses responsabilités.

[102] La perception par l’appelant de ses rentes du Québec est sans intérêt pour la solution du présent litige.

[103] Il avait, il est vrai, une certaine liberté d’action, ce qui était très normal dans les circonstances.

[104] Il était prudent de sa part de commander les matériaux requis à l’avance pour ne pas perdre du temps lors de l’exécution des travaux.

[105] La preuve non contredite est à l’effet que l’appelant n’avait pas ses lunettes, qu’il n’était pas au meilleur de sa forme physique, qu’il avait mal à la tête et qu’il n’était pas en possession de toutes ses facultés lorsqu’il a signé la déclaration (pièce I-2).

[106] Il a ensuite fait sa déclaration solennelle (pièce I-3) et, ayant déjà pratiqué le notariat, il connaissait bien l’importance d’un serment.

[107] La Cour considérera donc cette déclaration solennelle pour conclure ci-après et l’agent des appels aurait dû le faire également.

[108] Les explications que l’appelant y donne sont logiques et crédibles et méritent d’être retenues.

[109] Au sous-paragraphe m) précité, il est question de 25 semaines seulement au cours de la première période en litige alors que le relevé d’emploi (pièce I-1) indique bien 28 semaines.

[110] Au cours de deux des trois périodes concernées l’appelant a oeuvré plus de semaines que le minimum dont il avait besoin pour se qualifier.

[111] Il peut s’impliquer dans son milieu, cela est tout à son honneur, mais ce n’est pas sur quoi la Cour peut se baser pour décider ci-après.

[112] Peut-être que si l’accident de travail n’était pas arrivé la situation aurait été différente, mais ce n’est pas ce que la Cour a à trancher.

[113] Vu le témoignage de Lise Coulombe, il n’y a pas lieu de commenter l’absence des petites rémunérations forfaitaires de l’appelant sur ses relevés d’emploi.

[114] Il n’y a pas de conclusion à tirer du fait que cette agente ne se souvient plus de la durée de l’entrevue et du fait que deux enquêteurs y ont participé.

[115] L’appelant dit qu’il n’avait pas ses lunettes et il est plus que probable en conséquence qu’il n’ait pas relu la déclaration (pièce I-2) au bureau de l’assurance-chômage.

[116] Il est vrai que la décision n’appartenait pas à Lise Coulombe.

[117] L’indemnité reçue par l’appelant pour l’usage de son véhicule dans l’exercice de ses fonctions est sans importance pour la conclusion ci-après.

[118] La Cour n’a pas d’opinion à émettre sur ce que devait faire Lise Coulombe sur réception de la déclaration solennelle d’autant plus que ce n’était pas elle qui pouvait décider.

[119] Il n’y a aucn doute que l’appelant était bien intégré au payeur.

[120] L’appelant avait une certaine liberté pour échelonner son travail, mais il devait toujours s’en servir dans l’intérêt de son patron.

[121] Dans la construction et la rénovation, il n’est pas exagéré de travailler 43 heures par semaine.

[122] Avec beaucoup de respect pour l’opinion contraire la double rémunération de l’appelant n’est pas défendue, les parties pouvant faire les conventions qu’elles veulent et cela ne laisse pas planer de doute sur l’assurabilité de cet emploi.

[123] L’appel est donc accueilli et la décision entreprise est infirmée.

“ A. Prévost ”

J.S.C.C.I.

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