Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 20001101

Dossier: 1999-4012-IT-I

ENTRE :

NORMAN P. LARTER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Mogan, C.C.I.

[1] L’appelant est un capitaine de navire. En produisant sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 1993, il a déduit un crédit d’impôt pour emploi à l’étranger (CIEE) relativement au revenu qu’il a gagné sur un navire au cours de la période allant du mois de septembre 1992 au mois de novembre 1993. Par avis de nouvelle cotisation daté de mars 1997, Revenu Canada a rejeté la demande de CIEE de l’appelant au motif que ce dernier n’y était pas admissible en vertu de l’article 122.3 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la “ Loi ”). L’appelant a interjeté appel à l’encontre de la nouvelle cotisation et a choisi la procédure informelle. La seule question en litige en l’espèce est celle de savoir si l’appelant a droit à un CIEE en vertu de l’article 122.3 de la Loi.

[2] Pour la période allant du mois de septembre 1992 au mois de novembre 1993, l’appelant était employé sur le navire JOIDES Resolution. Son employeur était Sedco Forex Schlumberger, le propriétaire inscrit du navire. L’appelant a décrit en détail la nature du travail qu’il effectuait sur le navire.

[3] JOIDES Resolution fait partie du programme de forage marin dont la Texas A & M University, aux États-Unis, assure le fonctionnement. Il y a apparemment 19 pays différents qui offrent un financement afin que le navire puisse récupérer des carottes sédimentaires et de la roche et obtenir des données géophysiques en forant des trous dans le plancher océanique. Le navire a la capacité de forer à des profondeurs d’eau atteignant 27 000 pieds et il peut forer dans 2 000 pieds de plus de plancher océanique au-delà de cette profondeur d’eau. Le navire peut suspendre jusqu’à 30 000 pieds de tige de forage dans le but d’obtenir son échantillon carotté. Selon un article de journal déposé sous la cote R-1 et décrivant le programme de forage marin, le navire contient un laboratoire de sept étages occupant 12 000 pieds carrés. Le navire est en mer pendant environ huit semaines à la fois pour un programme de forage particulier. Chaque programme est prévu plus de deux ans à l’avance.

[4] L’appelant est monté à bord du navire à Victoria, en Colombie-Britannique, le 22 septembre 1992, qui a pris la mer le lendemain. Il a été en mer pendant environ huit semaines, de la fin du mois de septembre à la fin du mois de novembre, pour un voyage qui l’a conduit vers le sud, de Victoria à San Diego. L’objectif principal de ce voyage était de forer dans la ligne de faille de Juan de Fuca afin de déterminer le moment où le prochain tremblement de terre se produirait. Au cours de ce voyage, 20 forages ont été effectués. Avant de forer dans une zone, on a procédé à des essais sismiques sur le plancher océanique immédiatement autour de la zone de forage proposée. Selon l’appelant, les essais sismiques consistent à envoyer une onde de choc dans le plancher océanique au moyen d’air comprimé. L’objectif des essais sismiques était de déterminer la présence possible de pétrole ou de gaz naturel sous la zone de forage proposée. L’équipage du navire ne souhaitait pas provoquer l’éruption d’un puits de pétrole ou de gaz naturel, puisqu’il n’était intéressé que par l’obtention de carottes extraites du plancher océanique. Lorsqu’il localisait une zone qui contenait du pétrole et du gaz naturel, l’équipage prenait la zone en note, évitant d’y forer, et informait le pays concerné qui avait compétence pour cette zone du plancher océanique de la présence possible de pétrole ou de gaz naturel. Une autre précaution prise par l’équipage avant le forage était de faire descendre une caméra de télévision afin de s’assurer qu’il n’y avait pas de torpilles, de mines ou d’autres engins explosifs près de la zone de forage.

[5] Quand l’équipage avait déterminé que la zone de forage était sûre, le navire déployait douze propulseurs puissants, qui avaient la capacité de maintenir le navire dans une position stable au-dessus de la zone de forage. Le navire pouvait rester dans la même position pendant une longue période, ne bougeant pas de plus de 3 p. 100 au-dessus de l’emplacement du forage. Au cours de ce voyage (de Victoria à San Diego), l’équipage a découvert un important champ de gaz naturel au large de la côte de l’Oregon et a évité de forer dans cette zone. Il a également trouvé, au large de la côte de l’Oregon, beaucoup de petits volcans d’environ 200 mètres de haut. Après avoir fini d’extraire 20 carottes pendant cette période de deux mois allant de la fin du mois de septembre à la fin du mois de novembre, le navire a fait escale à San Diego.

[6] Il y avait une politique générale voulant que l’équipage soit remplacé tous les deux mois. Par conséquent, l’appelant est rentré au Canada, de San Diego, à la fin du mois de novembre et y est resté jusqu’en janvier, date à laquelle il a rejoint le navire en Équateur, sur la côte du Pacifique. De l’Équateur, le navire a descendu la côte du Pacifique en étudiant le magnétisme. Certaines des carottes extraites étaient composées à plus de 50 p. 100 de fer. Selon l’appelant, c’était la quatrième année que le navire allait effectuer du forage dans cette zone. Il a déclaré que l’équipement était tellement sophistiqué qu’il leur était possible de localiser un trou qui avait été produit l’année précédente. Pendant ce voyage, le navire s’est dirigé vers le sud à partir de l’Équateur, puis vers le nord, en direction de Panama. À ce moment, l’appelant a quitté le navire pour son congé de deux mois. Pendant qu’il était absent, le navire est passé directement par le canal de Panama pour se rendre à Lisbonne, au Portugal. L’appelant a plus tard rejoint le navire à Lisbonne et a entrepris un programme de forage au nord, dans le golfe de Gascogne. Le navire a effectué tout le programme de 60 jours au printemps de 1993, dans le golfe de Gascogne, avant de retourner à Lisbonne. À ce moment, l’appelant est encore une fois revenu au Canada pour un congé de deux mois.

[7] À la fin de l’été, l’appelant a rejoint le navire à St. John's, à Terre-Neuve. On a commencé le forage au sud de la côte du New Hampshire, puis on a poursuivi vers le nord, le long de la côte est du Groenland. L’appelant a fait part d’un écart de température remarquable : l’équipage a connu des températures de 80 degrés Fahrenheit au large de la côte du New Hampshire et de -11 degrés Fahrenheit au large de la côte du Groenland au cours d’une période de temps relativement courte. Le programme de forage au large de la côte est du Groenland visait à déterminer si l’île avait déjà fait partie de l’Europe. Comme lors de son expérience au large de la côte de l’Oregon, le navire a trouvé un champ de pétrole important tout juste à l’est du Groenland et a donc évité de forer dans cette zone. Après le voyage le long de la côte est du Groenland, le navire est retourné au port, et l’appelant a définitivement quitté le navire en novembre 1993.

[8] La partie pertinente du paragraphe 122.3(1) prévoit ce qui suit :

122.3(1) Lorsqu'un particulier est un résident du Canada dans une année d'imposition et que, tout au long d'une période de plus de 6 mois consécutifs ayant commencé avant la fin de l'année et comprenant une fraction de l'année (appelée dans le présent paragraphe la “ période admissible ”) :

a) il a été employé par une personne qui était un employeur désigné, [...]

b) il a exercé la totalité, ou presque, des fonctions de son emploi à l'étranger :

(i) dans le cadre d'un contrat en vertu duquel l'employeur désigné exploitait une entreprise à l'étranger se rapportant à :

(A) l'exploration pour la découverte ou l'exploitation de pétrole, de gaz naturel, de minéraux ou d'autres ressources semblables,

(B) un projet de construction ou d'installation, ou un projet agricole ou d'ingénierie, ou

(C) toute activité visée par règlement, ou

(ii) dans le but d'obtenir, pour le compte de l'employeur désigné, un contrat pour la réalisation des activités visées à la disposition (i)(A), (B) ou (C),

peut être déduite du montant qui serait, si ce n'était du présent article, l'impôt à payer par le contribuable pour l'année en vertu de la présente Partie une somme égale à la fraction de l'impôt qu'il est par ailleurs tenu de payer pour l'année en vertu de la présente Partie [...]

L’objet de l’article 122.3 est d’offrir un crédit d’impôt aux particuliers résidant au Canada mais travaillant à l’étranger (pendant au moins six mois) dans le cadre de certaines activités de façon à ce qu’il soit plus facile pour les employeurs canadiens d’embaucher des résidents canadiens pour de telles activités. Les activités sont décrites aux divisions 122.3(1)b)(i)(A), (B) et (C) susmentionnées. En ce qui concerne la division (C), l’activité prescrite est identifiée à l’article 6000 du Règlement de l’impôt sur le revenu comme une activité exercée dans le cadre d’un contrat conclu avec l’Organisation des Nations Unies.

[9] L’intimée conteste le droit de l’appelant à un CIEE au motif que, pendant l’année 1993, il ne remplissait pas les conditions du sous-alinéa 122.3(1)b)(i). Particulièrement, l’intimée a soutenu que, quant au travail effectué par l’appelant alors qu’il était à bord du JOIDES Resolution, il n’a pas exercé la totalité, ou presque, des fonctions de son emploi dans le cadre d’un contrat en vertu duquel son employeur exploitait une entreprise se rapportant à (A) l’exploration pour la découverte de pétrole, de gaz naturel ou de minéraux, à (B) un projet de construction ou d’installation, ou un projet agricole ou d’ingénierie ou à (C) une activité exercée dans le cadre d’un contrat conclu avec l’Organisation des Nations Unies. Compte tenu de la description qu’a donnée l’appelant du travail effectué à bord du JOIDES Resolution, il ressort que ce travail n’entrait pas dans le cadre de l’une des activités décrites par les divisions 122.3(1)b)(i)(A), (B) ou (C).

[10] De toute évidence, le JOIDES Resolution ne faisait pas de l’exploration pour la découverte de pétrole, de gaz naturel ou de minéraux. En réalité, l’équipage évitait de forer si les essais sismiques indiquaient qu’il pouvait y avoir du pétrole ou du gaz naturel sous le plancher océanique. De même, le travail de l’équipage ne se rapportait pas à un projet de construction ou à un projet agricole ou d’ingénierie. Et, enfin, rien dans la preuve n’indique que le travail de l’équipage ait été exercé dans le cadre d’un contrat conclu avec l’Organisation des Nations Unies. La pièce R-1 indique que le travail effectué par l’équipage du JOIDES Resolution était financé par 19 pays uniquement à des fins de recherche scientifique.

[11] Bien que la recherche scientifique soit importante à tout point de vue, il ne s’agit pas de l’une des activités énumérées au sous-alinéa 122.3(1)b)(i). Par conséquent, le travail effectué par l’équipage du JOIDES Resolution ne permet pas à l’appelant de recevoir un CIEE. L’appel est rejeté. Je regrette de devoir rejeter l’appel parce que l’appelant a donné une excellente description du travail de l’équipage en faisant preuve d’une connaissance approfondie de ce domaine, tout en démontrant un intérêt véritable pour ce travail.

Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour de novembre 2000.

“ M. A. Mogan ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 29e jour de mars 2001.

Mario Lagacé, réviseur

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