Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 19990921

Dossiers: 97-3814-IT-G; 98-878-IT-G

ENTRE :

INTERPROVINCIAL PIPE LINE (NW) LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

ET

ENTRE :

IPL ENERGY INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Ordonnance et motifs de l'ordonnance

Le juge Beaubier, C.C.I.

[1] Les présentes affaires ont été entendues par la Cour le 13 septembre 1999 à 9 h 30 conformément à l'ordonnance du juge Bowie, C.C.I., rendue le 20 juillet 1999 — par suite de requêtes datées du 21 juin 1999 — suivant laquelle :

[TRADUCTION]

[...] l'intimée peut présenter à la Cour une requête en vue de faire examiner les revendications de privilège formulées par les appelantes dans les affidavits de documents qu'elles ont déposés.

et les appelantes :

[TRADUCTION]

[...] peuvent présenter une requête [...] à laquelle les appelantes consentent sur une revendication de privilège.

Les avis d'appel ont été déposés en décembre 1997 et en avril 1998 et se rapportent à des cotisations relatives à de présumées opérations d'évitement au sens du paragraphe 245(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ Loi ”).

[2] Le 13 septembre 1999 à 9 h 30, l'intimée a retiré ses requêtes et les appelantes ont déclaré qu'elles avaient admis dans les deux semaines précédentes que quelques-uns des documents qui étaient en litige n'étaient pas privilégiés. Une ordonnance à cet égard a été déposée le 15 septembre 1999. La question des frais a été prise en délibéré.

[3] Les appelantes ont demandé des frais sur la base procureur-client de 155 558,19 $ pour les procédures qu'elles ont dû entreprendre du fait des requêtes de l'intimée concernant les documents à l'égard desquels elles revendiquaient un privilège.

[4] Les requêtes en question se rapportaient à plus de 1 000 documents, et l'intimée a donné suite à ces requêtes pour la totalité des documents en question. Cela a contraint quatre des procureurs des appelantes à y consacrer presque tout leur temps. Les requêtes se rapportaient à un certain nombre d'allégations faites par l'intimée qui variaient de temps en temps, comme ont varié également les motifs invoqués à l'appui de ces requêtes. Il y a eu un interrogatoire sur affidavit. L'avocat de l'intimée a, de temps à temps, fait diverses allégations en droit à l'égard desquelles des mémoires ont dû être rédigés. L'examen de ces requêtes et des affidavits qui ont été déposés à l'appui de celles-ci soulève la question de savoir si les procédures instituées par l'intimée étaient répréhensibles et vexatoires car le nombre de documents était très élevé et les requêtes ne reposaient ni sur un acte frauduleux, ni sur un acte criminel commis par les appelantes. Ni l'un ni l'autre moyen n'a été plaidé et aucun contexte factuel n'a été allégué ou prouvé à l'égard de l'un ou de l'autre.

[5] Parmi la documentation dont la Cour dispose, seulement deux documents rédigés par un économiste conseil contiennent des faits. Ces documents ont été remis à l'intimée par l'appelante et renferment simplement l'opinion d'un consultant. Il s'agit de documents que les appelantes ont exclus de la revendication d'un privilège, ainsi qu'il est mentionné au paragraphe [2].

[6] Contrairement aux documents que l'intimée a demandés aux appelantes, l'affidavit de documents déposé par l'intimée contient une description des documents figurant à l'annexe B qui n'est ni claire, ni explicite, ni détaillée.

[7] La vaste opération à laquelle les appelantes ont été soumises équivaut à une recherche à l'aveuglette compte tenu de la jurisprudence portant sur le secret professionnel de l'avocat, selon laquelle les communications entre un avocat et son client sont privilégiées à moins qu'il y ait eu perpétration d'un crime ou d'une fraude. Si une question du genre se pose, les détails du crime ou de la fraude présumés doivent être plaidés et établis, selon le droit.

[8] L'avocat des appelantes a donné à la Cour les détails de l'opération à laquelle les appelantes ont été soumises. Ses déclarations ont été faites à titre d'avocat et elles n'ont pas été niées ni réfutées. Elles sont acceptées comme les engagements appropriés d'un avocat dans de telles circonstances. De la même façon, les déclarations de l'avocat sur la somme de 155 558,19 $ n'ont pas été niées ni réfutées. D'après ce que les deux avocats ont déclaré à la Cour, l'avocat de l'intimée entretenait des contacts suivis avec l'avocat des appelantes et il savait parfaitement que ses requêtes, les différents motifs invoqués à l'appui de celles-ci (ils ont été modifiés à l'occasion et un certain nombre d'entre eux ont été abandonnés) et le nombre de documents exigés occupaient presque tout le temps des procureurs de l'appelante et suscitaient beaucoup d'émoi, tout cela à grands frais pour les appelantes. Ces procédures mettent en cause des sociétés ou des opérations dans trois pays différents. Les questions de droit étaient complexes et nécessitaient des conseils juridiques à chaque étape du fait que plusieurs pays étaient en cause et que les opérations étaient complexes.

[9] Au cours des plaidoiries, l'avocat de l'intimée a cité la décision sur laquelle il se fonde pour formuler les présentes requêtes visant à éteindre le privilège sur une si grande échelle. Le passage en question est une remarque incidente du juge Osler dans l'affaire Re Church of Scientology and The Queen, 10 D.L.R. 4th, 711, à la page 714 :

[TRADUCTION]

Il est reconnu en droit qu'on ne peut demander conseil à un procureur dans un but illégitime, comme pour aider à la perpétration d'un crime ou, à mon avis, pour causer un préjudice civil à un tiers, par exemple, sous la forme d'un délit ou d'un manquement à un contrat; ce but illégitime éteint le privilège du secret professionnel de l'avocat.

Cette interprétation a été répudiée par les plus hauts tribunaux. En outre, la définition de secret professionnel de l'avocat figurant au paragraphe 232(1) de la Loi n'a pas changé le concept traditionnel de ce qu'est la portée du privilège.

[10] Les documents exclus de la revendication d'un privilège par les appelantes sont deux documents émanant d'un économiste conseil et une deuxième série de documents qui, d'après ce que les appelantes ont appris, ont peut-être été remis à un avocat en sa qualité d'administrateur de l'une des sociétés en cause dans les opérations.

[11] Ce n'est que longtemps après le dépôt des présentes requêtes et le début des procédures relatives à celles-ci que les appelantes ont découvert que la deuxième série de documents faisait partie des documents remis à un administrateur et avocat d'une société. Par conséquent, bien que le fondement sur lequel repose l'interprétation du privilège par l'avocat de l'intimée ne soit pas valide, il n'en demeure pas moins que les requêtes ont amené les appelantes à déterminer que certains de leurs documents n'étaient pas privilégiés.

[12] Pour cette raison, la décision relative à l'adjudication des dépens dans le cadre des présentes requêtes est laissée au juge de première instance.

Signé à Toronto (Ontario), ce 20e jour de septembre 1999.

“ D. W. Beaubier ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 21e jour de juin 2000.

Philippe Ducharme, réviseur

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.