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Date: 19990608

Dossier: 97-1208-IT-G

ENTRE :

CSI DEVELOPMENT CORP.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge McArthur, C.C.I.

[1] Cet appel est interjeté contre la cotisation par laquelle le ministre du Revenu national a établi à l’égard de l’appelante une cotisation de 1 225 473 $ et des intérêts de 257 736 $ en vertu de la partie III de la Loi de l’impôt sur le revenu au motif qu’un dividende de 2 600 000 $ versé par l’appelante dépassait le montant du compte de dividendes de cette dernière. La question litigieuse découle de circonstances plutôt inusitées et complexes, et elle consiste à savoir si l’appelante peut déclarer un dividende en capital non imposable de 2 600 000 $. Un exposé conjoint des faits a appuyé la déposition de Jack Grushcow (M. Grushcow).

Historique

[2] M. Grushcow est un entrepreneur imposant qui, avec son épouse Sandra, a fondé Consumers Software Inc.[1] en 1983. De 1983 à 1991, il a travaillé infatigablement pour établir une compagnie dynamique qui compte environ 50 ingénieurs produisant des logiciels de courrier électronique sophistiqués. Au cours de cette période, l’appelante a emprunté 850 000 $ de Ventures West Technologies International Limited (Ventures West).

[3] En 1991, M. Bill Gates a offert d’acheter, pour le compte de Microsoft Corporation, tous les actifs de l’appelante et d’une société en commandite nouvellement établie. Ventures West a saisi l’occasion pour bloquer la transaction, cherchant un pourcentage plus élevé du produit de la vente. En juillet 1991, M. Bill Gates a donné à M. Grushcow deux jours pour régler ses problèmes avec Ventures West et compléter la transaction, à défaut de quoi l’offre d’achat serait retirée. M. Grushcow a décrit les deux jours en question comme étant les plus stressants de sa vie. Il a déclaré que Ventures West “ m’a soutiré un autre 3 000 000 $ et je lui ai versé 7 400 000 $ ” pour rembourser le prêt original de 850 000 $[2].

[4] Microsoft a retenu environ 40 des employés de l’appelante et continue de commercialiser le produit mis au point par l’appelante. M. Grushcow consacre actuellement ses talents considérables au domaine de la génétique.

[5] L’exposé conjoint des faits est rédigé comme suit :

[TRADUCTION]

1. L’appelante (autrefois Consumers Software Inc.) est une “ corporation privée ” définie au paragraphe 89(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la “ Loi ”).

2. Avant le 31 janvier 1991, l’appelante se consacrait au dessin, à la mise au point, à la commercialisation, à la fabrication et à la distribution de logiciels de courrier électronique (les “ logiciels ”).

3. Le premier février 1991, les affaires commerciales de l’appelante ont été réorganisées et l’essentiel de ses actifs et de ses engagements ont été transférés à une société en commandite nouvellement établie, la Consumers Software Limited Partnership (la “ CSLP ”), qui a alors commencé à se consacrer au dessin, à la mise au point, à la commercialisation et à la fabrication des logiciels et à leur distribution à divers usagers autour du globe.

4. L’appelante était le commandité de CSLP. Les autres associés de CSLP étaient 400751 C.C. Ltd. (“ 400751 ”), une compagnie liée à l’appelante qui a agi en qualité de commanditaire initiale de CSLP, et Ventures West Technologies International Limited Partnership (“ Ventures West ”).

5. Ventures West avait été actionnaire de l’appelante avant la réorganisation du premier février 1991. La 400751 a, en fin de compte, transféré sa participation symbolique dans CSLP à 400281 B.C. Ltd. (“ 400281 ”), une autre compagnie liée à l’appelante.

6. À toutes les époques concernées, l’appelante et Ventures West traitaient l'une avec l'autre comme des parties sans lien de dépendance aux fins de la Loi.

7. Les rapports entre les associés de CSLP étaient régis par une entente de société (de personnes), datée à des fins de consultation le 31 décembre 1990 et entrant en vigueur le 31 janvier 1991 (l’“ entente de société ”). Une copie conforme de l’entente de société figure à l’annexe “ A ” des présentes. Aux fins présentes, les dispositions applicables de l’entente de société peuvent être résumées comme suit :

a) Conformément au paragraphe 7.4 de l’entente de société, Ventures West avait droit de recevoir de CSLP des sommes périodiques en espèces, dont le montant est précisé aux présentes. Ces sommes versées à Ventures West étaient garanties par l’appelante. L’un des montants précisé dans l’entente de société auquel avait droit Ventures West était une somme en espèces provenant de CSLP égale à 1 p. 100 des revenus gagnés par CSLP en excédent de certaines limites.

b) Conformément à l’alinéa 7.8a) de l’entente de société, le revenu imposable de CSLP, défini comme étant son revenu pour un exercice financier tel que le détermine le commandité conformément à la Loi, devait être réparti entre les associés comme suit :

i) premièrement à Ventures West en un montant égal soit au revenu imposable de CSLP, soit aux versements en espèces faits à Ventures West en vertu du paragraphe 7.4 de l’entente de société, le montant le plus bas étant applicable;

ii) ensuite, 0,01 p. 100 du reste du revenu imposable à 400751 et, subséquemment, (400281); et

iii) ensuite, tout revenu imposable restant, à l’appelante.

c) Conformément à l’alinéa 7.8b) de l’entente de société, le revenu net de CSLP, défini comme étant son revenu net pour un exercice financier, déterminé conformément aux principes comptables généralement reconnus des vérificateurs de CSLP, devait être réparti entre les associés comme suit :

i) premièrement à Ventures West en un montant égal soit au revenu net de CSLP pour l’exercice financier, soit au revenu imposable pour la période attribué à Ventures West, le montant le plus bas étant applicable;

ii) ensuite, 0,01 p. 100 de tout revenu net restant, à 400751 et subséquemment, (400281); et

iii) ensuite, tout revenu net restant à l’appelante.

d) Conformément au paragraphe 7.9 de l’entente de société, dans l’éventualité où CSLP vendrait la totalité de ses actifs ou une grande partie (une “ vente d’actifs considérables ”), Ventures West aurait aussi droit de recevoir un versement supplémentaire de la part de CSLP égal au tiers de l’excédent du produit net de la vente des actifs considérables sur 8 550 000 $ (appelé dans l’entente de société la “ prime de contrôle ”). Le paragraphe 7.9 prévoit aussi que, s’il y avait vente d’actifs considérables le 30 juin 1991 ou avant, la somme globale due à Ventures West en vertu des paragraphes 7.4 et 7.9 de l’entente de société ne serait pas inférieure à 2 250 000 $.

e) Le paragraphe 7.9 de l’entente de société prévoyait expressément que toutes sommes payables à Ventures West en vertu du paragraphe 7.9 à la suite d’une vente d’actifs considérables lui seraient attribuées à titre de revenu imposable aux fins du paragraphe 96(1.1) de la Loi.

8. Le 5 mars 1991, Microsoft Corporation (“ Microsoft ”), une société du Delaware et l’un des principaux concepteurs et fabricants de logiciels au monde, a fait une offre par l’entremise de sa filiale possédée en propriété exclusive, CSI Transfer Co., en vue d’acquérir substantiellement tous les actifs de CSLP, dont les droits aux logiciels. L’appelante a accepté l’offre en qualité de commandité, pour le compte de CSLP, et la transaction a été conclue le 5 avril 1991.

9. Conformément à une entente modificative en date du premier avril 1991 (l’“ entente modificative ”), l’entente de société a été modifiée comme suit :

a) La définition de la prime de contrôle dans l’entente de société a été modifiée de telle sorte que Ventures West avait droit à une quote-part de tout produit de la vente d’actifs considérables en excédent de 2 750 000 $ (au lieu du produit en excédent de 8 550 000 $ comme c’était le cas avant cette modification);

b) Le paragraphe 7.9 de l’entente de société a été modifié de façon à permettre à Ventures West de recevoir 38 p. 100 de toute prime de contrôle (au lieu du tiers comme c’était le cas avant cette modification);

c) Le paragraphe 7.9 de l’entente de société a été modifié de sorte qu’advenant une vente d’actifs considérables le 30 juin 1991 ou avant cette date, le montant minimal dû à Ventures West en vertu des paragraphes 7.4 et 7.9 de l’entente de société ne serait pas inférieur à 7 400 000 $ (au lieu de 2 250 000 $ comme c’était le cas avant cette modification).

10. Lors du transfert des logiciels à CSI Transfer Co., CSLP a réalisé le produit de la disposition d’un bien en immobilisation admissible de 12 269 553 $. Le produit qu’a réalisé CSLP suite à la disposition des logiciels dépasse de 10 776 785 $ (le “ produit net ”) les dépenses en immobilisation admissibles de CSLP à l’égard des logiciels.

11. Pour son exercice financier prenant fin le 31 juillet 1991, CSLP a déclaré un revenu net de 10 176 308 $ et un revenu imposable de 8 441 302 $. Dans le calcul de son revenu imposable aux fins de l’article 96 de la Loi pour l’exercice financier prenant fin le 31 juillet 1991, CSLP a inclus la somme de 8 082 597 $, laquelle correspondait à 75 p. 100 du produit net et représentait le solde négatif à ce moment du “ compte du montant cumulatif des immobilisations admissibles ” de CSLP calculé conformément à l’article 14 de la Loi.

12. Le revenu imposable de CSLP pour son exercice financier prenant fin le 31 juillet 1991 était 8 441 302 $, dont 7 400 000 $ ont été attribués à Ventures West, ce montant étant égal au versement en espèces auquel Ventures West avait droit en vertu de l’entente de société, alors qu’un revenu imposable de 104 $ était attribué à 400281. Le solde du revenu imposable de CSLP s’élevant à 1 041 198 $ a été attribué à l’appelante.

13. Le montant total des versements faits à Ventures West et à 400751/400281 par CSLP au cours de l’exercice financier de cette dernière qui a pris fin le 31 juillet 1991 a été traité en guise de revenu imposable pour Ventures West et 400751/400281. Aucune partie de la portion non imposable du produit du bien en immobilisation admissible réalisé par CSLP à la suite de la disposition des logiciels n’a été attribué à Ventures West ni à 400751/400281. La totalité de la portion non imposable du produit du bien en immobilisation admissible reçue par CSLP à la suite de la disposition des logiciels a été attribuée à l’appelante.

14. Immédiatement avant le 31 juillet 1991, le montant du compte de dividendes en capital de l’appelante s’élevait à 633 718 $.

15. Le 31 juillet 1991, l’appelante a ajouté la somme de 2 694 196 $ à son compte de dividendes en capital, soit 25 p. 100 du produit net. Conséquemment, l’appelante a déterminé que le montant de son compte de dividendes en capital s'élevait, le 31 juillet 1991, à 3 327 914 $.

16. Rien n’a été ajouté au compte de dividendes en capital de l’appelante ni n’en a été retiré entre le 31 juillet 1991 et le premier juin 1992.

17. Le premier juin 1992, l’appelante a versé un dividende s’élevant à 2 600 000 $ (le “ dividende ”) aux détenteurs de ses actions ordinaires. Avant la date à laquelle le dividende a été versé, l’appelante a rempli et déposé auprès du ministre du Revenu national (le “ ministre ”) une formule T2054 (choix concernant un dividende en capital), ainsi que la documentation à l’appui, en application de laquelle l’appelante a choisi, en vertu du paragraphe 83(2) de la Loi, de traiter la totalité du dividende en qualité de dividende en capital aux fins de la Loi.

18. Par avis de cotisation (no 8756036) (la “ cotisation ”) en date du 12 octobre 1994, le ministre a déterminé que l’appelante devait des impôts de 1 225 473 $ et des intérêts de 257 736 $ en vertu de la partie III de la Loi, au motif que le montant du dividende dépassait le montant du compte de dividendes en capital de l’appelante le premier juin 1992.

19. La cotisation repose sur le fait que le ministre présumait que la politique de Revenu Canada n’autorisait l’appelante à ajouter à son compte de dividendes en capital qu’une partie de la portion non imposable du produit que CSLP avait touché suite à la disposition des logiciels, cette partie s’élevant à 332 317 $. Conséquemment, le ministre a présumé que le compte de dividendes en capital de l’appelante immédiatement avant le paiement du dividende s’élevait à 966 035 $ et non à 3 327 914 $, comme l’a déclaré l’appelante.

20. Par avis d’opposition en date du 4 janvier 1995, l’appelante s’est opposée à la cotisation.

21. Par avis de confirmation en date du 17 janvier 1997, le ministre a confirmé la cotisation.

22. Aucun montant relatif à la portion non imposable du produit réalisé par CSLP suite à la disposition des logiciels n’a jamais été inclus dans les comptes de dividendes en capital de Ventures West, 400751 ou 400281.

23. À toutes les époques concernées, l’appelante, Ventures West et Microsoft ont toujours traité les unes avec les autres comme des parties sans lien de dépendance.

24. Aucune des transactions effectuées par l’appelante et qui se rapportent à la présente affaire n’a été faite dans un but d’“ évitement fiscal ” ni ne devrait être considérée comme telle.

25. Les paragraphes 103(1) et 103(1.1) de la Loi ne sont pas applicables à l’espèce.

[6] Le diagramme qui suit illustre les rapports entre les corporations :




[7] L’entente de société contenait notamment les dispositions suivantes :

[TRADUCTION]

a) Ventures West devait recevoir des versements en espèces égaux à 61 p. 100 des revenus de CSLP;

b) Ventures West devait recevoir la différence entre le revenu imposable de CSLP et le versement en espèces de 1 p. 100;

c) la compagnie 400751 ou plus tard 400281 devait recevoir 0,01 p. 100 de tout revenu imposable restant;

d) tout revenu imposable restant devait être versé à l’appelante;

e) lors de la vente de CSLP, Ventures West devait recevoir le tiers de l’excédent du produit net sur la somme de 8 550 000 $, mais non moins de 2 250 000 $ si la vente avait lieu avant le 30 juin 1991.

[8] Le produit net de la vente s’élevait à 10 776 785 $. Le revenu imposable de CSLP était 8 441 302 $. Conformément à l’entente, Ventures West avait droit à 2 225 000 $. Cette entente a été modifiée avant la conclusion de la vente de façon à prévoir que Ventures West recevrait 7 400 000 $. Le produit net de la vente avant que Ventures West ne soit payée s’élevait à 10 776 785 $. Le revenu imposable restant de 1 041 198 $[3] a été attribué à l’appelante.

[9] Le dividende en capital est le surplus d’une corporation privée pouvant être distribué aux actionnaires sans être imposé entre ses mains. La position de l’appelante est que le solde dans le compte de dividendes en capital de l’appelante en juin 1992 s’élevait à 3 327 914 $. L’intimée a dit qu’il était de 966 035 $.

[10] Les faits ne sont pas contestés. Il semble que la position de l’appelante ne s'appuie sur rien. Je me suis efforcé d’accepter son point de vue, mais j’en suis incapable. Les deux parties reconnaissent que, selon l’article 96 de la Loi l’appelante, en qualité de membre de la société CSLP, peut calculer son revenu, ses pertes autres que des pertes en capital ou ses pertes en capital nettes, ses pertes agricoles restreintes et ses pertes agricoles pour une année d’imposition comme si elle était une personne distincte. L’intimée déclare que la société ne peut répartir son compte de dividendes en capital parce qu’elle n’en a pas un. Seule une corporation privée en a un, et c’est sur ce seul point que l’argument de l’appelante s’égare. Soixante-quinze pour cent du revenu de la société est imposable entre les mains des associés en ce qui concerne leurs actions partagées proportionnellement et vingt-cinq pour cent échappent à l’impôt. Lorsqu’il s’agit d’un associé qui est une corporation, la partie non imposable du gain en capital peut être ajoutée au compte de dividendes en capital. Cette somme peut alors, sous forme de dividendes, passer libre d’impôt aux actionnaires de l’associé qui est une corporation.

[11] La question de savoir à quoi s’élevait le compte de dividendes en capital de l’appelante au moment où elle a déclaré un dividende le 30 juin 1992 dépend d’une anomalie à l’alinéa 89(1)b) de la Loi. Au cours de la période concernée, il était rédigé en partie comme suit :

89(1) Dans la présente sous-section

b) “ compte de dividende en capital ” d’une corporation, à une date donnée, signifie la fraction, si fraction il y a, du total

(i) de l’excédent éventuel

(A) du total des montants dont chacun représente l’excédent éventuel

(I) d’un gain en capital réalisé par la corporation, au cours de la période commençant le premier jour de la première année d’imposition qui a commencé après la date à laquelle la corporation est devenue en dernier une corporation privée et qui s’est terminée après 1971, et se terminant immédiatement avant la date donnée,

sur le total [. . .]

L’anomalie se produit lorsqu’une corporation tente de verser la partie qui représente les 25 p. 100 de gain en capital. L’alinéa 89(1)b) reste silencieux sur le traitement de la partie non imposable du gain en capital d’une corporation privée qui est membre d’une société, et il ne prévoit pas l’adjonction de ce capital au compte de dividendes en capital de la corporation. Le ministre du Revenu national reconnaît cette irrégularité ou omission de la Loi et il tente de rectifier cette lacune en déclarant ce qui suit dans le Bulletin d’interprétation IT-138R au paragraphe 19 :

19. Aux fins de l’alinéa 89(1)b), le compte de dividendes en capital d’un associé qui est une corporation est jugé inclure chacun des montants mentionnés aux sous-alinéas 89(1)b)(i), (ii), (iii) et (iv) jusqu’à la concurrence de sa part.[4]

Revenu Canada conclut à toutes fins pratiques qu’un contribuable qui est une corporation, comme l’appelante, et qui est membre d’une société, peut ajouter à son compte de dividendes en capital sa part proportionnelle du gain en capital non imposable.

[12] Bien que le Bulletin d’interprétation n’ait aucune autorité législative, il reste un facteur important lorsqu’il s’agit d’interpréter la Loi en cas de vide législatif. Les tribunaux ont souvent recours à ces bulletins lorsqu’il y a doute sur le sens de la loi. Le paragraphe 19 du Bulletin IT-138R est une conclusion qui procède du simple bon sens. L’appelante devrait être en mesure de payer à ses actionnaires sa part proportionnelle du gain en capital de 25 p. 100 libre d’impôt.

[13] Le problème se pose parce que l’appelante estime que l’attribution du gain en capital doit être déterminée par les associés et leur entente. Le ministre a conclu qu’il était équitable d’accorder à l’appelante 12,33 p. 100 du gain en capital de 2 694 196 $, soit 332 317 $. L’appelante soutient que la totalité du gain en capital de 2 694 196 $ devrait être portée à son compte de dividendes en capital, tel que convenu par les associés dans l’entente.

[14] Pour des raisons qui ne sont pas claires, Ventures West semble avoir traité la totalité de ses 7 400 000 $ à titre de revenu.

[15] J’accepte les observations de l’intimée selon lesquelles une société ne possède pas de compte de dividendes en capital et ne peut transmettre de dividendes en capital à ses associés. L’article 96 de la Loi permet à une société d’attribuer un revenu à ses membres. Une société ne paie pas d’impôt. Elle est un agent de transmission de revenu aux associés tel qu’il est calculé au niveau de la société. Pour atténuer une injustice, le ministre accepte l’interprétation de l’alinéa 89(1)a) telle que l’expose le Bulletin IT-138R. Le paragraphe 96(1) de la Loi prévoit qu’une société doit être traitée en tant que personne distincte aux fins du calcul de son revenu. Le paragraphe ne la traite de cette façon à aucune autre fin. L’article 96 exige essentiellement qu’un associé calcule son revenu ou ses pertes provenant de la société pour la corporation et qu’il procède à une attribution telle que le prévoit l’entente de société. Le paragraphe 96(1) prévoit en outre que la source de la part du revenu d’un associé demeure entre les mains de l’associé. Il n’est pas clair si Ventures West entendait, dans le cadre ou à l'extérieur du cadre de l’entente de société, attribuer la totalité de la portion libre d’impôt à l’appelante, mais c’est sans intérêt. De nouveau, l’article 96 prévoit l’imposition d’un membre d’une société et non celle de la société elle-même. La corporation appelante peut être membre d’une société.

[16] Si une telle répartition était permise, les contribuables canadiens pourraient se trouver à subventionner l’appelante. La situation pourrait se présenter où une corporation ou une personne ayant subi de nombreuses pertes en capital, voudraient compenser ces pertes par des gains en capital. Il pourrait être avantageux de faire en sorte d’affecter à une seule corporation la totalité de la portion non imposable. Une telle manoeuvre pourrait être artificielle et contraire aux dispositions de la Loi.

[17] En l’espèce, le revenu net de la société s’élevait à 10 176 308 $ calculé selon l’article 96, compte tenu de toutes les déductions permises. Cette somme a alors été attribuée aux associés conformément à l’entente de société. CSLP ne possède pas de compte de dividendes en capital, et elle ne peut pas retenir la portion non imposable du produit. L’article 96 prévoit que le revenu net calculé de la société doit être attribué à chaque associé, qui l’inclura en fin de compte dans son revenu aux fins de l’impôt. La corporation appelante a reçu sa part du revenu imposable égale à 1 041 198 $, dont 25 p. 100 ne sont pas imposables. Le ministre, reconnaissant une injustice à l’alinéa 89(1)b), a permis à l’appelante d’ajouter les 25 p. 100 non imposables du gain en capital qu’elle a reçus à son compte de dividendes en capital. L’appelante est libre de déclarer un dividende libre d’impôt égal au montant porté au compte de dividendes en capital. Même si j’étais convaincu que l’attribution à l’appelante fait partie de l’entente de société, le ministre n’est pas tenu de lui donner effet.

[18] Un contribuable ne peut se dégager de l’application de la Loi pour échapper à son obligation fiscale[5]. L’appelante a reçu le bénéfice de la politique du ministre, telle qu’elle est exprimée au Bulletin IT-138R. Le libellé de l’alinéa 89(1)b) est clair : “ compte de dividende en capital d’une corporation [. . .], signifie la fraction, si fraction il y a, du total [. . .] d’un gain en capital réalisé par la corporation [. . .] ”. Le montant du gain en capital réalisé par l’appelante est la portion du revenu imposable qui lui a été attribuée aussi bien que sa part proportionnelle de la portion de 25 p. 100 non imposable.

[19] Pour conclure, la position de l’intimée est la bonne. La Loi de l’impôt sur le revenu ne contient aucune disposition permettant le déplacement de la portion non imposable d’un gain en capital réalisé dans une société de cette dernière au compte de dividendes en capital d’un associé, indépendamment de sa part dans la société.

[20] L’appel est rejeté avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de juin 1999.

“ C. H. McArthur ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 24e jour de mai 2000.

Mario Lagacé, réviseur



[1]               Consumers Software Inc. est la corporation remplacée par l’appelante.

[2]               En plus de ce paiement, Ventures West a reçu préalablement des fonds conformément à l’entente de société en commandite – page 37, par. 7.4(1).

[3]               La compagnie, 400281, a reçu 104 $ dont il n’est pas tenu compte.

[4]               Plusieurs auteurs ont souscrit à cette interprétation. Voir l’article de Douglas S. Ewens intitulé “ Tax Issues Affecting Partnerships ” dans Report of Proceedings of the Forty-Ninth Conference (Toronto : Canadian Tax Foundation, 1998), 8:1 à p. 8:17; l’article de Jack Berstein, “ Partnerships in Private Corporate Planning ” dans Corporate Management Tax Conference 1994 (Toronto : Canadian Tax Foundation, 1994), p. 8:1 à 8:11; et Peter McQuillan et James Thomas, Understanding the Taxation of Partnerships, 3e éd. (North York : CCH Canadian Limited, 1991) à la p. 86.

[5]               Smerchanski v. M.N.R., 74 DTC 6197 à la p. 6203 (C.A.F.).

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