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Date: 19990423

Dossier: 98-376-UI

ENTRE :

ANDRÉ MARTIN,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge Tardif, C.C.I.

[1] Il s'agit d'un appel d'une décision en date du 16 février 1998. En vertu de cette décision, l'intimé déterminait que le travail exécuté par l'appelant, André Martin, pour le compte et bénéfice de la compagnie Promotions CPM Inc. (le « payeur » ), au cours de la période du 25 février au 29 août 1997, n'était pas un contrat de louage de services au sens de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi » ).

[2] Pour soutenir la détermination, l'intimé a pris pour acquis les faits suivants :

a) Le payeur exploite une entreprise embauchant des personnes pour faire la promotion de cartes de crédits dans les grands magasins.

b) Au cours de la période en litige, l'appelant a été embauché par le payeur pour faire la promotion de la carte de crédit La Baie.

c) L'appelant fournissait uniquement un crayon et le « liquid paper » alors que le payeur fournissait les formulaires à compléter auprès des clients et que le magasin fournissait la table de travail et les cadeaux bonis.

d) L'appelant devait généralement travailler entre 9 h 30 et 15 h, du mardi au vendredi, mais ses heures de travail n'étaient pas enregistrées par le payeur.

e) L'appelant n'avait aucun maximum ou minimum d'heures de travail à respecter.

f) L'appelant n'avait aucun quota de nombre d'adhésions à compléter; il devait remettre les adhésions complétées une fois par semaine au payeur.

g) L'appelant prétend qu'il était tenu de rendre les services personnellement alors que le payeur prétend qu'il pouvait se faire remplacer.

h) L'appelant était rémunéré uniquement à commissions; il recevait 3,00 $ par carte d'adhésion complétée.

i) L'appelant déterminait sa rémunération en fonction du temps et de l'énergie qu'il voulait y consacrer.

[3] Après avoir été assermenté, l'appelant a admis le contenu de tous les allégués, à l'exception des paragraphes e) et g), se lisant comme suit :

e) L'appelant n'avait aucun maximum ou minimum d'heures de travail à respecter.

g) L'appelant prétend qu'il était tenu de rendre les services personnellement alors que le payeur prétend qu'il pouvait se faire remplacer.

[4] Madame Lucille Martin et son conjoint, appelant dans la présente instance, ont témoigné au soutien de l'appel. L'intimé a fait témoigner madame Louise Denis, en sa qualité de propriétaire de la compagnie Promotions CPM Inc.

[5] La preuve testimoniale a révélé que les hôtes de crédit (personnes sollicitant les clients à l'intérieur d'un magasin pour leur offrir une carte de crédit de ce magasin, après avoir complété un formulaire à cette fin) étaient recrutés au moyen d'annonces dans les journaux. Les intéressés rencontraient alors madame Louise Denis ou madame Lucille Martin pour une interview. Lorsque les personnes étaient de bonne apparence, en mesure de bien s'exprimer, disposant d'une certaine disponibilité et acceptant d'être rémunérées à commission essentiellement, soit 3 $ par formulaire complété, elles étaient automatiquement recrutées.

[6] Après une très brève formation, les solliciteurs ou hôtes de crédit étaient cédulés et placés à différents magasins pour débuter la sollicitation visant l'émission de cartes de crédit au nom du magasin où ils travaillaient. Ils étaient décrits comme des hôtes de crédit.

[7] L'appelant exécutait ce genre de travail de sollicitation au moment de la période en litige. Son épouse était représentante de la compagnie Promotions CPM Inc. Elle était également hôtesse de crédit puisque son travail de représentante ne l'occupait pas suffisamment.

[8] En sa qualité de représentante de la compagnie, elle avait le droit d'engager, congédier et de superviser le travail des hôtes de crédit, dont celui de son conjoint, l'appelant. Elle décidait où les hôtes de crédit devaient travailler et le nombre d'heures qu'ils devaient effectuer. Elle obtenait un compte rendu des performances tous les jours; elle corrigeait les formulaires complétés avant de les transmettre à madame Denis à Montréal.

[9] La prépondérance de la preuve a clairement établi que le contenu des paragraphes e) et g) était mal fondé. En effet, il est ressorti de cette preuve que l'appelant était essentiellement rémunéré à commission lors de la période en litige. Par contre, il devait rendre compte quotidiennement de son travail au moyen d'un formulaire fourni par l'employeur. Il devait également respecter un horaire de travail et la représentante de la compagnie choisissait l'endroit où le travail devait être exécuté. Celui-ci devait être exécuté selon des directives précises et les formulaires d'adhésion adéquatement complétés pour permettre l'émission de la carte de crédit sollicitée.

[10] Au cours de la période en litige, l'appelant a exécuté un travail en contrepartie de quoi il a reçu une rétribution en fonction du nombre d'adhésions complétées. L'exécution de ce travail faisait l'objet d'un encadrement rigide. L'appelant ne bénéficiait aucunement de la flexibilité ou la liberté intrinsèque aux travailleurs autonomes.

[11] Contrairement aux prétentions de l'intimé, l'appelant ne pouvait pas se faire remplacer pour l'exécution du travail. Il devait exécuter son travail lors de périodes définies au moyen d'une cédule et respecter un horaire également précis bien qu'il n'ait pas eu à utiliser de poinçons.

[12] Toute absence devait être précédée d'un avis aux fins que l'employeur puisse assurer la continuité.

[13] Il a, de plus, été démontré que si les hôtes avaient à débourser des frais pour l'exécution de leur travail, ces frais leur étaient remboursés. Bien que l'appelant ait été le seul maître de l'importance de la rétribution qu'il touchait, il ne pouvait subir de pertes financières et n'avait pas de dépenses à assumer.

[14] La rémunération était essentiellement fonction du rendement ou de la productivité; sur cette question, la preuve a établi que cette méthode de paiement était la seule efficace, bien qu'elle limitait considérablement le nombre de personnes intéressées par le travail, la très grande majorité préférant un salaire garanti.

[15] Il ne s'agissait pas de travailleurs autonomes ou d'entrepreneurs indépendants et notamment pour les raisons suivantes :

Le payeur ou sa représentante orientait et décidait dans quel magasin la sollicitation avait lieu.

Une cédule de travail devait être respectée quant au nombre de jours et au nombre d'heures.

Les solliciteurs, dont l'appelant, devaient respecter une ligne de conduite quant aux personnes sollicitées.

La qualité du travail était quotidiennement révisée et faisait l'objet de remarques et commentaires dont ils devaient tenir compte sous peine de perdre leur emploi.

[16] Dans et pour l'exécution de son travail, l'appelant devait soigner sa tenue vestimentaire et utiliser un langage approprié.

[17] La durée de l'emploi était fonction de la demande des grands magasins mais aussi de la qualité et quantité du travail fourni.

[18] Les solliciteurs ou hôtes de crédit ne fournissaient rien de ce dont ils avaient besoin pour l'exécution du travail. Ils pouvaient certes augmenter leurs revenus au moyen d'un travail dynamique et enthousiaste mais ne subissaient aucune perte dans l'hypothèse d'un rendement décevant. Ils n'exploitaient aucunement leurs propres entreprises, par contre, ils étaient une composante essentielle de l'entreprise qui leur versait le salaire constitué exclusivement de commissions.

[19] Conséquemment, après analyse et évaluation de toutes les modalités et circonstances entourant l'exécution du travail effectué par l'appelant au cours de la période en litige, il y a lieu de conclure qu'il s'agissait d'un contrat de louage de services. En effet, la prestation de travail fourni par l'appelant répondait à tous les critères édictés par la jurisprudence pour être qualifié d'un contrat de travail assurable au sens de la Loi.

[20] Pour tous ces motifs, le Tribunal accueille l'appel en ce que le travail exécuté par l'appelant entre le 25 février et le 29 août 1997, pour la compagnie Promotions CPM Inc., était un travail assurable au sens de la Loi.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour d'avril 1999.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.

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