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Date: 19990112

Dossier: 96-4726-IT-G

ENTRE :

LGL LIMITED,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bowman, C.C.I.

[1] Il s'agit d'appels qui ont été interjetés contre des cotisations établies à l'égard de l'appelante pour les années d'imposition 1991, 1992 et 1993. L'unique question en litige est de savoir si certains coûts liés à des travaux de recherches scientifiques et de développement expérimental ( « RS & DE » ), qui, on le reconnaît, ont été effectués à l'extérieur des frontières géographiques du Canada dans le cadre de quatre projets, constituent des coûts de RS & DE « effectués au Canada » au sens de l'alinéa 37(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[2] Il est admis que chacun des projets est dans sa totalité une activité de RS & DE et que les dépenses faites sont de nature courante.

[3] Les parties ont déposé un consentement partiel à jugement concernant deux projets, le Projet oie blanche et le Projet eider; elles y ont convenu que les deux projets en question sont des projets de l'appelante et non de LGL Alaska. Il n'est pas besoin d'exposer dans le détail les termes du consentement. L'appel portant sur l'année 1991 sera admis afin de donner effet au consentement partiel à jugement.

[4] La preuve produite a consisté en grande partie en un exposé conjoint des faits partiel détaillé. En outre, le rapport d'un témoin expert, Roger H. Green, professeur de zoologie à la University of Western Ontario et titulaire d'un doctorat, a été déposé pour le compte de l'appelante. L'intimée a accepté la preuve du professeur Green, qui n'a pas été appelé à témoigner ni n'a été contre-interrogé. Rolph A. Davis, président de l'appelante et lui aussi titulaire d'un doctorat, a complété l'exposé conjoint des faits avec un témoignage oral.

[5] Je n'entends pas reproduire au complet l'exposé conjoint des faits, qui compte 16 pages et deux annexes détaillées totalisant 12 pages, puisque cela n'est pas nécessaire aux fins de mon analyse de la question d'interprétation législative soulevée dans ces appels. Un bref résumé des questions en litige et des faits suffira.

[6] L'alinéa 37(1)a) de la Loi porte que :

(1) Le contribuable qui exploite une entreprise au Canada au cours d'une année d'imposition peut, en produisant un formulaire prescrit contenant les renseignements prescrits avec sa déclaration de revenu en vertu de la présente partie pour l'année, déduire dans le calcul du revenu qu'il tire de cette entreprise pour l'année un montant qui ne dépasse pas la fraction éventuelle du total des montants suivants :

le total des montants dont chacun représente une dépense de nature courante qu'il a faite au cours de l'année ou d'une année d'imposition antérieure se terminant après 1973

pour des recherches scientifiques et du développement expérimental effectués au Canada directement par le contribuable ou pour son compte, en rapport avec une entreprise du contribuable,

sous forme de paiement à l'une des entités suivantes :

une association agréée qui effectue des recherches scientifiques et du développement expérimental,

une université, un collège, un institut de recherches ou un autre établissement semblable agréés,

une corporation résidant au Canada exonérée, par application de l'alinéa 149(1)j), de l'impôt prévu à la présente partie,

une autre corporation résidant au Canada, ou

une organisation agréée qui verse des fonds à une association, un établissement ou une corporation visés aux divisions (A) à (C),

devant servir à des recherches scientifiques et à du développement expérimental effectués au Canada en rapport avec une entreprise du contribuable, à condition que le contribuable soit en droit d'exploiter les résultats de ces recherches scientifiques et de ce développement expérimental, ou

si le contribuable est une corporation, sous forme de paiements à une corporation résidant au Canada et exonérée d'impôt en application de l'alinéa 149(1)j), devant servir à des recherches scientifiques et à du développement expérimental — recherche fondamentale ou appliquée — effectués au Canada :

dont l'objet principal consiste à permettre au contribuable d'en exploiter les résultats conjointement avec d'autres activités de recherches scientifiques et de développement expérimental exercées ou à exercer par lui ou pour son compte et liées à son entreprise,

qui, du point de vue technologique, sont susceptibles d'être appliqués à des entreprises d'un type non lié à celle exploitée par le contribuable.

[7] Si les dépenses courantes faites pour des RS & DE relèvent de cette disposition et, plus particulièrement, si les RS & DE sont effectués au Canada, aux termes de l'article 127, le contribuable a droit à un crédit d'impôt à l'investissement (le « CII » ) qui s'applique en réduction de l'impôt par ailleurs payable ou qui donne lieu à un remboursement dans la mesure où le contribuable ne peut utiliser le crédit en question. Ces dépenses peuvent aussi être mises en commun.

[8] Les dépenses courantes faites pour des RS & DE effectués à l'étranger sont traitées au paragraphe 37(2). Elles ne donnent pas droit à un CII.

[9] Au cours des années en question, l'alinéa 37(7)b) prévoyait que l'expression « recherches scientifiques et développement expérimental » avait le sens que lui donnait le règlement. La définition en question est énoncée à l'article 2900 du Règlement pris en vertu de la Loi. Point n'est besoin de reproduire cette définition en l'espèce puisque les parties reconnaissent que les travaux effectués par l'appelante y répondent.

[10] L'appelante est une compagnie canadienne gérée par des Canadiens et appartenant à des Canadiens. Elle a des bureaux et des laboratoires à King City (Ontario), à Sidney (Colombie-Britannique) et à St. John's (Terre-Neuve). Elle est aussi affiliée à deux compagnies de recherches au Texas et en Alaska.

[11] L'appelante effectue des travaux de recherche pour le compte des gouvernements, du secteur industriel et d'autres organisations sur des questions telles que l'impact environnemental de certaines activités, la planification et l'évaluation environnementales et la gestion des ressources, en plus de faire de la recherche écologique sur les systèmes terrestre, des eaux douces et marin, et sur le danger présenté par les oiseaux dans le domaine de l'aviation.

[12] L'appelante a un personnel professionnel hautement qualifié dans les nombreux domaines qui se rapportent aux compétences nécessaires aux activités de l'appelante; la réputation de celle-ci est établie à l'échelle internationale et elle a des clients un peu partout dans le monde.

[13] Au cours des années d'imposition en question, l'appelante a effectué des travaux de RS & DE dans le cadre d'un certain nombre de projets se rapportant de façon générale à l'impact environnemental de certaines activités sur les baleines, les oiseaux et les poissons. Il a fallu recueillir au large de la côte nord de l'Alaska des données de base pour les recherches. Ces données ont été ramenées au Canada, où elles ont été analysées dans le cadre de l'ensemble des projets de recherche. C'est le coût direct des travaux effectués à l'étranger pour recueillir les données nécessaires aux travaux de recherche effectués au Canada, ainsi qu'une partie des frais généraux attribuables à ces travaux, qui est en litige en l'espèce. L'appelante soutient que ces dépenses sont visées par l'alinéa 37(1)a), étant des dépenses pour des RS & DE effectués au Canada. L'intimée soutient au contraire que les travaux effectués à l'étranger ne sont pas des RS & DE effectués au Canada.

[14] La méthode de calcul mathématique de la déduction demandée n'est pas en litige. Les montants que l'on cherche à déduire au titre des RS & DE sont notamment les suivants :

les coûts de RS & DE directs et récupérables qui sont attribuables à chaque projet;

la partie des frais généraux admissibles de l'appelante qui est attribuable à chaque projet.

[15] Les frais généraux admissibles de l'appelante qui sont attribuables à des RS & DE sont déterminés selon la formule suivante :

Honoraires facturés relativement aux

projets de RS & DE

Total des honoraires

de l'appelante

X

Total des frais généraux de l'appelante

[16] Il s'ensuit qu'une réduction des honoraires facturés dans le cadre de projets de RS & DE a pour effet de réduire le montant des frais généraux qui sont par ailleurs attribuables à des RS & DE.

[17] Les parties conviennent que la formule est acceptable et elles sont également d'accord sur le montant du dénominateur ainsi que sur le total des frais généraux admissibles de l'appelante.

[18] Là où elles ne sont pas d'accord, c'est sur la question de savoir si la partie du coût des projets qui se rapporte à des travaux effectués à l'étranger représente des dépenses faites pour des RS & DE effectués au Canada.

[19] Les quatre projets sont les suivants.

Le Projet baleine

[20] Ce projet avait pour objet de déterminer si l'exploration pétrolière au large des côtes aurait des effets préjudiciables sur le comportement de la baleine boréale et du béluga lors de la migration printanière.

[21] Les travaux sur le terrain ont été effectués à partir de Barrow, en Alaska, et ont duré environ un mois au cours de chaque année qu'a duré le projet. Pour recueillir les données sur le terrain à l'étranger, on a placé un projecteur sonore qui simulait le bruit d'un appareil de forage et un hydrophone (appelé Sonabuoy) parmi les baleines afin de déterminer ce qu'elles entendaient. Les sons captés par l'hydrophone étaient transmis à un aéronef qui tournait au-dessus.

[22] Le comportement des baleines se trouvant à proximité du projecteur sonore était observé à partir de l'aéronef et consigné.

[23] Toutes les données ainsi recueillies ont été apportées à King City (Ontario). Là, elles ont été transcrites et mises sous forme de tableaux, des hypothèses ont été formulées, des méthodologies expérimentales ont été élaborées, des protocoles d'étude systématiques ont été évalués et vérifiés, la logistique relative au travail sur le terrain a été planifiée et des dispositions ont été prises à cet égard, les données ont été analysées, les résultats ont été interprétés, des conclusions ont été tirées et un rapport long et détaillé a été rédigé.

[24] Bref, tout ce qui se rapportait au projet a été effectué au Canada, sauf la collecte des données, qui a été effectuée dans les eaux internationales.

[25] Le projet s'est poursuivi au cours des années d'imposition 1992 et 1993.

[26] Compte tenu des faits convenus par les parties, du témoignage de M. Davis et de l'affidavit de l'expert, M. Green, je suis convaincu que les travaux sur le terrain et la collecte de données faisaient partie intégrante du projet de recherche scientifique et en constituaient un élément essentiel, et qu'ils devaient nécessairement être effectués à l'étranger. Le seul endroit où la collecte de données et l'observation des baleines pouvaient être faites en toute sécurité était à l'étranger, plus précisément au large de Point Barrow, en Alaska. Les travaux n'auraient pas pu être effectués au Canada.

Le Projet canard kakawi

[27] Ce projet avait pour but de déterminer si l'exploitation de gisements pétroliers et gaziers en zone côtière et littorale risquait de nuire aux populations de canards kakawis et d'autres oiseaux aquatiques qui muent dans ces zones. L'hypothèse nulle qu'on voulait tester était qu'une telle activité n'entraînerait aucune modification sur le plan de la distribution et des comportements des canards kakawis en mue dans la partie alaskienne de la mer de Beaufort.

[28] Les raisons pour lesquelles on a effectué les travaux en question à l'étranger sont les suivantes :

[TRADUCTION]

Les travaux effectués à l'étranger consistaient en la collecte de données sur le terrain dans la partie alaskienne de la mer de Beaufort, où l'on pouvait comparer des régions de mue qui avaient été auparavant perturbées avec d'autres, qui ne l'avaient jamais été. Les activités de collecte de données consistaient à effectuer une série de relevés aériens des canards kakawis et d'autres oiseaux aquatiques en mue dans les zones d'expérimentation et les zones témoins délimitées au cours de la phase de planification du projet. Les relevés fournissaient des données saisonnières, géographiques et climatiques influant sur le nombre de canards kakawis. Ces relevés consistaient en une série d'échantillonnages par transects faits à basse altitude. On observait et dénombrait les canards qui se trouvaient dans les transects et près de ceux-ci.

À la connaissance de LGL Limited, ce genre d'étude sur le terrain n'aurait pas pu être effectué dans un autre endroit, et ce, pour les raisons suivantes :

il existe, le long des côtes arctiques de l'Alaska et du Canada, plusieurs endroits où les oiseaux aquatiques en mue se rassemblent au cours de la saison d'eaux libres, et la présence d'activités d'exploitation des ressources pétrolières et gazières dans l'une ou l'autre de ces régions pourrait nuire aux populations d'oiseaux aquatiques. Cependant, pour documenter les effets, il fallait déterminer si des futurs changements dans les populations pourraient être attribués avec certitude à des activités industrielles;

dans la zone d'étude sélectionnée en Alaska, il y avait un endroit où des travaux d'exploration pétrolière avaient été faits dans le passé et une zone témoin où il n'y avait jamais eu de telle exploration;

on disposait d'une base de données contenant les résultats de neuf années d'études sur les oiseaux aquatiques effectuées dans ces deux régions, et cette base de données pouvait être utilisée pour établir les fluctuations et le type de variations auxquels on pouvait s'attendre. Ces données ont été utilisées pour définir les paramètres des modèles statistiques à tester au cours de la phase de l'étude qui se passait sur le terrain. L'étude n'aurait pas pu être menée dans d'autres régions parce que l'on n'aurait pas disposé, à leur égard, de données de base recueillies sur une période de neuf ans.

Les données recueillies dans la mer de Beaufort étaient expressément conçues pour tester les modèles mathématiques et les procédures statistiques élaborées par LGL Limited au Canada. Les données n'ont aucune valeur immédiate hors du cadre de l'étude canadienne.

[29] Comme dans le cas du Projet baleine, toutes les activités, sauf la collecte de données, ont été menées au Canada, ainsi qu'il est énoncé dans l'exposé conjoint des faits partiel :

[TRADUCTION]

Parmi les travaux effectués au Canada, on a :

formulé une série d'hypothèses testables;

établi un protocole expérimental approprié;

évalué et testé différents modèles d'étude systématique;

réduit et analysé les données;

interprété les données;

élaboré des modèles mathématiques et des procédures statistiques appropriés permettant de détecter les changements dans la distribution des canards kakawis pouvant être attribués à des activités industrielles;

rédigé des rapports scientifiques.

[30] J'accepte le fait qu'on n'a pu faire autrement que d'effectuer les travaux en question à l'étranger et qu'ils faisaient partie intégrante de l'ensemble du projet de RS & DE et en constituaient un élément essentiel.

Le Projet eider

[31] Ce projet avait pour objet de déterminer si les chaussées construites près du littoral avaient une incidence sur la distribution et l'importance des populations de canards eiders. Les chaussées sur remblai construites par les entreprises pétrolières s'étendent au large sur plusieurs kilomètres dans la partie alaskienne de la mer de Beaufort. Aucune chaussée de ce genre n'existe dans l'Arctique canadien, de sorte que l'hypothèse nulle (que de telles chaussées n'ont aucun effet sur la distribution et le nombre de canards eiders) n'aurait pas pu être vérifiée à l'aide de données recueillies sur le terrain au Canada.

[32] Les activités menées à l'étranger consistaient en des travaux faits sur le terrain en Alaska et en la collecte de données d'observation sur la distribution, le taux de succès de reproduction, les soins à la couvée et les activités de mue de l'eider à duvet près de la chaussée d'Endicott. Mis à part la collecte de données brutes, tous les travaux ont été effectués au Canada et étaient, pour l'essentiel, de la même nature que ceux qui avaient été effectués dans le cadre du Projet baleine et du Projet canard kakawi.

[33] J'accepte que les travaux faits en Alaska n'auraient pas pu être effectués au Canada et qu'ils faisaient partie intégrante de l'ensemble du projet de recherche et en constituaient un élément essentiel.

Le Projet du poisson d'Endicott

[34] Ce projet avait pour objet de déterminer les effets de la chaussée d'Endicott, sur la côte de l'Alaska, sur la migration du cisco arctique du fleuve Mackenzie (Canada) à la rivière Colville (Alaska).

[35] On a testé les hypothèses suivantes :

[TRADUCTION]

L'hypothèse nulle précise qui a été testée était que la chaussée d'Endicott ne nuit pas aux déplacements littoraux du poisson anadrome. Les travaux effectués sur le terrain en 1992 et 1993 portaient également sur une nouvelle hypothèse nulle, à savoir que le fait de pratiquer d'importantes brèches dans la chaussée n'améliorera pas les déplacements littoraux, l'état général et la capacité de survie du poisson anadrome. La nouvelle hypothèse a été ajoutée après que les organismes de réglementation eurent déterminé que d'importantes brèches (c'est-à-dire des ponts) devaient être ouvertes dans la chaussée d'Endicott.

[36] Pour des raisons évidentes, l'observation des déplacements migratoires du poisson autour de la chaussée d'Endicott ne pouvait se faire qu'à cet endroit. Tous les autres travaux, comme l'analyse des données, les analyses en laboratoire, la mise des données en tableaux ainsi que la validation de celles-ci et la rédaction du rapport, ont été effectués au bureau de l'appelante à Sidney (Colombie-Britannique).

[37] Ont été produits en preuve des graphiques indiquant le temps et l'argent qui ont été consacrés aux travaux effectués au Canada et à l'étranger. Je reproduis seulement le résumé de l'appelante faisant état des chiffres globaux pour ce qui est du temps et de l'argent y consacrés. Ces chiffres doivent cependant être utilisés avec prudence. Dans le cadre du Projet baleine, par exemple, en 1991 et en 1992, 72 p. 100 et 95,4 p. 100 des frais directs ont été engagés à l'étranger alors que seulement 22,4 p. 100 et 19,8 p. 100 du temps a été passé à l'étranger. C'est le résultat du coût élevé de l'observation aérienne.

[38] Dans le cas du Projet canard kakawi, 85 p. 100 de l'argent dépensé l'a été à l'étranger en 1993, alors qu'aucun temps n'a été consacré aux travaux à l'étranger. Je suis certain qu'il y a une explication, mais elle n'est pas évidente.

[39] Dans le cadre du Projet eider, 61,4 p. 100 et 54,4 p. 100 du temps a été passé à l'étranger en 1991 et en 1992 respectivement. Les dépenses faites au Canada et à l'étranger étaient à peu près égales. Cependant, les montants sont si faibles dans le cas de ce projet que les pourcentages ne sont pas significatifs.

[40] Dans le cas du Projet du poisson d'Endicott, environ 30 p. 100 du temps a été passé à l'étranger et à peu près 50 p. 100 de l'argent y a été dépensé.

[41] Pour chaque projet considéré individuellement, il est évident que les chiffres peuvent porter à confusion et mener à des conclusions faussées ou erronées. Le risque est encore plus prononcé lorsque tous les projets sont regroupés, comme c'est le cas dans le tableau ci-dessous.

[42] Je ne crois pas que l'on puisse parvenir à une conclusion valable en totalisant les montants et les jours et en arrivant à des pourcentages non pondérés. Le tableau suivant expose, pour ce qu'ils valent, les totaux établis par l'appelante :

[TRADUCTION]

TOTAL DU TEMPS ET DE L'ARGENT CONSACRÉS AUX PROJETS EN CAUSE

PAR LGL LIMITED (y compris la répartition des frais généraux)

AU CANADA ET À L'ÉTRANGER

Année Total des jours Total des jours Pourcentage

passés au Canada passés à l'étranger à l'étranger

1991 733,1 304 29,3

1992 1 048,4 387 27,0

1993 408,9 81 16,5

(sauf

Eider)

2 190,4 772 26,1 %

(non pondéré 24.3 %)

DÉPENSES (y compris les frais généraux selon le taux de LGL)

Au Canada plus À l'étranger Pourcentage à

frais généraux l'étranger

1991 283 297 $ + 765 210 $ 360 511 $ 25,6 %

1992 42 356 $ + 684 515 $ 458 094 $ 38,7 %

1993 33 186 $ + 299 387 $ 88 717 $ 21,1 %

2 107 951 $ 907 322 $ 30,1 %

(non pondéré 28,5 %)

[43] La question fondamentale est de savoir si les travaux qu'il a fallu effectuer à l'étranger et qui constituaient des éléments essentiels d'un projet de RS & DE étaient des RS & DE effectués au Canada au sens de l'alinéa 37(1)a) de la Loi. La question est importante et les positions respectives des parties ont été exposées par leurs avocats de façon habile et complète.

[44] À titre d'observation préliminaire, j'accepte les conclusions de fait sur lesquelles l'appelante se fond, à savoir :

les travaux en question, consistant dans la collecte de données, devaient être effectués à l'étranger; ils n'auraient pu être effectués au Canada;

les travaux effectués à l'étranger n'étaient pas en soi des RS & DE; ils ne sont devenus des RS & DE que lorsqu'ils ont été intégrés à l'ensemble du projet de RS & DE et qu'ils en sont devenus une partie constituante;

la collecte de données était un élément essentiel du projet considéré dans son ensemble;

s'il convient de qualifier les projets, considérés dans leur ensemble et non de façon fragmentaire, de « canadiens » ou « non canadiens » , il serait alors plus exact de les qualifier de canadiens. Les travaux ont été effectués par une compagnie canadienne employant des chercheurs et un personnel canadiens, et les travaux scientifiques essentiels, c'est-à-dire l'analyse des données, la formulation et la vérification des hypothèses, la formulation des conclusions et la rédaction des rapports, ont été effectués au Canada. Tout ce qui a été fait à l'étranger, c'est la collecte de données.

[45] Le postulat fondamental sur lequel se fonde l'appelante est qu'un projet doit être considéré dans son intégralité et non de façon fragmentaire. Je suis parfaitement d'accord si l'on cherche à savoir si un projet constitue des RS & DE au sens de l'article 2900 du Règlement. Cependant, ce principe ne nous aide pas particulièrement lorsque nous voulons déterminer si les RS & DE sont effectués au Canada. La question de savoir si une activité est exercée au Canada ou à l'étranger n'a rien à voir avec celle de savoir s'il s'agit de RS & DE. Ce n'est qu'après avoir déterminé qu'il s'agit de RS & DE que la deuxième question, celle de l'endroit où l'activité est exercée, doit être tranchée. L'avocat de l'appelante le reconnaît d'ailleurs dans son argumentation écrite, où il dit :

[TRADUCTION]

Comme les paragraphes 37(1) et (2) de la LIR sont rédigés de façon à s'exclure l'un l'autre, nous faisons respectueusement valoir qu'il faut d'abord déterminer si un ensemble d'activités répondent à la définition de RS & DE énoncée à l'article 2900 du Règlement avant de déterminer si les RS & DE, si c'est de cela qu'il s'agit, sont effectués au Canada ou à l'étranger.

[46] Partant de cette position inattaquable, il expose une thèse qui, à mon avis, n'en découle pas logiquement ni nécessairement :

[TRADUCTION]

Par conséquent, nous faisons respectueusement valoir que le libellé de l'alinéa 37(1)a) de la LIR est sans équivoque et qu'il inclut manifestement les activités précises de collecte de données et d'exécution de travaux sur le terrain qui ont été exercées par l'appelante à l'étranger pour appuyer directement la réalisation de ses projets de RS & DE au Canada.

[47] L'appelante soutient que, si les activités exercées à l'étranger satisfont aux critères de l'article 2900 du Règlement indépendamment des travaux qui sont effectués au Canada, elles sont exercées à l'étranger; si elles ne peuvent être considérées comme des RS & DE sans les travaux effectués au Canada (c'est-à-dire si elles ne deviennent des RS & DE que par suite de leur intégration au projet considéré dans son ensemble), elles doivent faire partie d'un projet de RS & DE qui s'exécute au Canada. En termes simples, si un projet est admissible à titre de RS & DE, il doit être considéré dans son intégralité et il faut déterminer si, dans son ensemble, il est mené au Canada ou à l'étranger.

[48] Je ne vois aucune raison particulière de tirer une telle conclusion, ni sur le plan des principes ni sur le plan de l'interprétation législative.

[49] L'appelante fait valoir que l'interprétation de l'intimée exige que les RS & DE dont parle l'alinéa 37(1)a) soient interprétés comme signifiant « activités de RS & DE » . En fait, en 1994, la version française de la disposition a été modifiée de manière à se lire :

activités de recherche scientifique et de développement expérimental exercées au Canada.

[50] De toute évidence, le terme « exercées » modifie le terme « activités » . Cependant, en 1991, 1992 et 1993, la disposition parlait « des recherches scientifiques et du développement expérimental effectués au Canada » , et c'est ce libellé qui s'applique aux années visées par l'appel.

[51] L'avocat s'est référé à deux décisions de la Cour canadienne de l'impôt. La première est Tigney Technology Inc. v. R., [1997] 2 C.T.C. 2333, où le juge Bell a déclaré :

13 Je conviens avec l'avocate de l'appelante que ces dépenses ont été faites au Canada par une société exploitant une entreprise au Canada. Je conviens aussi que la partie des recherches qui n'a pas physiquement eu lieu au Canada était une partie isolée et relativement petite de l'investigation systématique qui se déroulait au Canada. La preuve indique que la présence au Kentucky du personnel de l'appelante et de l'usine transportable tenait uniquement au fait que le tabac frais nécessaire pour les expériences effectuées n'était pas disponible au Canada. Les expériences faites en novembre 1992 au Kentucky ne représentent pas une « investigation [...] systématique » distincte, mais font plutôt partie de la recherche scientifique continue relative au tabac que l'appelante avait entreprise en 1990 et qu'elle a poursuivie jusqu'en 1993. Les expériences effectuées au Kentucky représentaient une petite partie mais une partie nécessaire de la recherche que l'appelante effectuait. D'après mon interprétation, les dispositions pertinentes de la Loi et du Règlement sont de portée suffisamment large pour englober les activités de RSDE exercées par l'appelante de la manière décrite plus haut. Je conclus donc que ces sommes sont des dépenses admissibles aux fins des CII.

[52] Comme il a été interjeté appel de cette décision à la Cour d'appel fédérale, je ne ferai aucune remarque, si ce n'est pour signaler que les expériences menées au Kentucky paraissent avoir formé une partie accessoire plutôt restreinte des RS & DE effectués au Canada. Dans la présente affaire, le fondement même des RS & DE qui ont été effectués consistait dans les données recueillies au large de l'Alaska.

[53] Dans l'affaire Data Kinetics Ltd. v. The Queen, 98 DTC 1877, la seule activité effectuée à l'étranger était l'utilisation d'une ligne téléphonique spécialisée reliée à un gros ordinateur à Birmingham, en Alabama, pour mettre à l'essai certains logiciels que l'on développait au Canada. La juge Lamarre a conclu que les coûts liés aux essais faits au moyen de l'ordinateur aux É.-U. faisaient partie des RS & DE effectués au Canada. Je fais remarquer qu'aucun employé de l'appelante dans cette affaire-là n'est allé à quelque moment que ce soit aux É.-U. et, pour cette seule raison, je crois que cette affaire se distingue de la présente espèce. À la page 1884, la juge Lamarre a dit :

[39] Le ministre semble être en faveur de la répartition des dépenses liées aux essais entre celles qui se rapportent à des travaux exécutés au Canada et celles qui se rapportent à des travaux exécutés à l'étranger. Je ne souscris pas à cette approche. Même si je retenais l'interprétation favorable au ministre, à savoir que les essais constituent en soi des activités de RS & DE, le libellé des paragraphes 37(1) et 37(2) ne permet pas de diviser ainsi les essais. Ces paragraphes traitent des activités de RS & DE exercées au Canada et des activités de RS & DE exercées à l'étranger. Il n'est pas fait mention d'une partie des activités de RS & DE et on n'emploie pas d'expression du même genre qui justifierait la décomposition des activités de RS & DE dans l'application desdits paragraphes. En outre, si les essais étaient divisés en leurs parties constitutives et si ces parties étaient réparties entre les paragraphes en question, il n'est pas certain que chaque partie continuerait à constituer une activité de RS & DE. Si les parties constitutives, considérées isolément, ne satisfaisaient pas aux exigences de l'article 2900 du Règlement, ni le paragraphe 37(1) ni le paragraphe 37(2) ne s'appliqueraient étant donné que les activités ne seraient pas alors des activités de RS & DE.

[40] J'aimerais également faire remarquer que rien dans le libellé des dispositions pertinentes ou dans le sens qui leur est attribué ne donne à entendre que la détermination quant à l'endroit où une activité est exercée devrait se faire uniquement en fonction du coût des activités. Ce n'est pas la valeur pécuniaire ni le coût des éléments particuliers des activités de RS & DE qui est déterminant relativement à la question de savoir si celles-ci ont été exercées au Canada ou à l'étranger. Le fait que l'appelante a fait des dépenses importantes aux fins des essais n'est pas déterminant.

[41] Compte tenu de la preuve, il est certain que les activités de RS & DE étaient contrôlées et dirigées depuis le Canada. Les essais étaient effectués, dans des conditions faisant l'objet de contrôles, par l'équipe chargée du développement des logiciels au Canada. Quelqu'un au Canada donnait les instructions et était responsable des données, et les résultats étaient transmis au Canada pour analyse. Les dépenses de location faites aux É.-U. visaient simplement à faciliter un processus d'essai mécanique qui fait partie de l'ensemble du projet de RS & DE exécuté au Canada et qui sert à appuyer ce projet. Le gros ordinateur était simplement un outil nécessaire qui servait aux recherches effectuées au Canada.

[42] En l'espèce, il n'a pas été soutenu que le projet de développement de logiciels dans son ensemble n'était pas exécuté au Canada. L'argument du ministre était fondé sur le fait que les essais consistaient en partie dans l'utilisation d'un ordinateur situé à l'étranger. Toutefois, les essais effectués à l'aide du gros ordinateur en Alabama faisaient partie d'un ensemble d'activités interreliées qui, collectivement, étaient nécessaires à l'avancement des travaux de RS & DE qui s'effectuaient au Canada.

[54] Il semble évident, compte tenu des faits constatés par la juge Lamarre, que le projet tout entier était mené au Canada.

[55] En l'espèce, la réalité incontournable est qu'une partie importante du projet était menée à l'étranger. Quel principe d'interprétation m'autoriserait ou m'obligerait à conclure que les travaux faisant partie du projet de RS & DE qui ont été accomplis à l'étranger ont en fait été effectués au Canada? Il existe de nombreux outils d'interprétation dont on peut se servir si les termes d'une loi sont ambigus ou difficiles à comprendre, ou si une interprétation particulière peut mener à une absurdité ou est manifestement contraire à ce que semble être l'intention du législateur. Pour cette raison, les tribunaux ont élaboré des principes d'interprétation législative qui leur permettent d'interpréter la loi d'une manière qui « soit compatible avec la réalisation de son objet » (article 12 de la Loi d'interprétation). Dans le jugement Glaxo Wellcome Inc. v. The Queen (96 DTC 1159, confirmé par la Cour d'appel fédérale le 8 octobre 1998, autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada refusée), j'ai essayé de résumer les principes les plus importants.

[56] Il est évident que les dispositions relatives aux RS & DE ont un caractère incitatif (Northwest Hydraulic Consultants Limited v. The Queen, 98 DTC 1839; Consoltex Inc. v. The Queen, 97 DTC 724). Un tribunal ne saurait pour autant forcer le sens clair des termes de façon à arriver au résultat qui paraît désirable. Ainsi que le juge en chef Fauteux l'a dit dans l'arrêt Ville de Montréal c. ILGWU Center et al., [1974] R.C.S. 59, à la page 66 :

[...] il n'y a pas lieu de recourir à l'interprétation lorsqu'un texte est clair [...]

[57] Même si le résultat est absurde, lorsque les termes sont clairs, le tribunal doit les appliquer. Dans l'arrêt Victoria City v. Bishop of Vancouver Island, [1921] 2 A.C. 384, on peut lire ceci aux pages 387 et 388 :

[TRADUCTION]

Les termes employés dans un texte législatif doivent être interprétés suivant leur sens grammatical ordinaire, à moins que le contexte, l'objet de la loi ou les circonstances dans lesquelles ils sont utilisés n'indiquent qu'ils ont été employés dans un sens particulier autre que leur sens grammatical ordinaire. Dans l'affaire Grey v. Pearson (1), lord Wensleydale a dit: « Je suis depuis longtemps fort impressionné par la sagesse de la règle maintenant reconnue universellement, je crois, du moins dans les cours de justice de Westminster Hall, selon laquelle il faut, dans l'interprétation de testaments et, en fait, de lois, et de tous autres actes, respecter le sens grammatical et ordinaire des termes employés, à moins que cela conduise à quelque absurdité ou à quelque contradiction ou inconséquence par rapport au reste du texte, auquel cas l'on peut modifier le sens grammatical et ordinaire des termes, de manière à éviter cette absurdité ou inconséquence, mais sans plus. » Lord Blackburn a cité ce passage en l'approuvant dans Caledonian Ry. Co. v. North British Ry. Co. (1), ainsi que l'a fait Jessel M.R. dans Ex parte Walton (2).

Il existe un autre principe d'interprétation des lois qui s'applique spécialement à cet article. Il est exprimé ainsi par lord Esher dans Reg. v. Judge of the City of London Court (3) : « Si les termes d'une loi sont clairs, vous devez les respecter, même s'ils entraînent une absurdité manifeste. La Cour n'a pas à se prononcer sur la question de savoir si le législateur a créé une absurdité. À mon avis, la règle a toujours été la suivante : — si les termes d'une loi donnent lieu à deux interprétations, c'est qu'ils ne sont pas clairs; et si une interprétation conduit à une absurdité, contrairement à l'autre, la Cour doit conclure que le législateur n'a pas eu l'intention de créer une absurdité, et elle adoptera l'autre interprétation. » Lord Halsbury, dans l'affaire Cooke v. Charles A. Vogeler Co. (4), a déclaré : « Cependant, une cour de justice n'a pas à se préoccuper du caractère raisonnable ou déraisonnable d'une disposition, sauf dans la mesure où cela peut l'aider à interpréter ce que le législateur a dit. » Cela signifie nécessairement que, à cette dernière fin, il est légitime de prendre en considération le caractère raisonnable ou déraisonnable d'une disposition législative.

Encore une fois, une disposition législative devrait, autant que possible, être interprétée de façon à ce qu'il n'y ait aucune contradiction ni incohérence en ce qui concerne ses différentes parties.

(Notes en bas de page omises.)

[58] Dans la présente affaire, je ne vois aucune absurdité ni aucune contradiction et, de toute façon, même s'il y en a, je crois que les termes « effectués au Canada » sont assez clairs et compréhensibles. Lorsqu'un projet de RS & DE est exécuté en partie au Canada et en partie à l'étranger, je ne vois pas grand-chose qui s'oppose à une répartition raisonnable des coûts entre les deux (comme cela a été fait ici). Cela est, à mon sens, plus raisonnable que d'essayer de décider si un projet qui est mené tant au Canada qu'à l'étranger est essentiellement « canadien » ou « non canadien » . En effet, suivant cette dernière approche, l'alinéa 37(1)a) pourrait, si le projet dans son ensemble était jugé non canadien parce que les activités ont été exercées principalement à l'étranger, ne pas s'appliquer au coût des activités faisant partie d'un projet de RS & DE qui sont en fait exercées au Canada.

[59] Dans les circonstances, je dois rejeter les appels sauf pour ce qui est prévu dans le consentement à jugement.

[60] Les avocats ayant demandé à discuter des dépens, je m'abstiendrai de signer le jugement jusqu'à ce que les avocats aient communiqué avec la Cour.

Signé à Toronto, Canada, ce 12e jour de janvier 1999.

« D. G. H. Bowman »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 31e jour de mai 1999.

Erich Klein, réviseur

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