Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 19990602

Dossier: 97-2725-IT-G

ENTRE :

BALJIT SAHOTA,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge O'Connor, C.C.I.

[1] Le présent appel a été entendu à Vancouver (Colombie-Britannique) le 26 avril 1999 sous le régime de la procédure générale de cette cour. L'appelante a elle-même témoigné, de même que son comptable agréé, M. Brian Shpak. En outre, les parties ont produit un exposé conjoint des faits accompagné de documents (36 documents en tout). Le document qui devait figurer à l'onglet 18 n'y était pas, mais il ne s'agissait pas d'un document essentiel.

[2] L'exposé conjoint des faits se lit comme suit :

[TRADUCTION]

EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS ET DOCUMENTS

Les parties reconnaissent par les présentes, uniquement aux fins du présent appel et de tout appel subséquent ou de toute autre instance introduite relativement à la présente affaire, que les faits énoncés dans le présent exposé sont exacts. L'une ou l'autre partie peut produire d'autres éléments de preuve compatibles avec ces faits. Les parties reconnaissent en outre que les documents figurant aux présentes constituent des copies conformes des documents originaux. L'une ou l'autre partie peut produire en preuve d'autres documents compatibles avec ces documents.

1.                     L'appelante habite la ville de Vancouver dans la province de la Colombie-Britannique.

2.                     Yang-Myung Holdings Ltd. (“ Holdings ”) et Yang-Myung Hotel Management Ltd. (“ Management ”) sont des sociétés dûment constituées sous le régime des lois de la Colombie-Britannique. (Ensemble, Holdings et Management sont ci-après appelées les “ compagnies ”.)

3.                     Holdings est propriétaire enregistrée de certains biens-fonds et locaux situés à Vancouver (Colombie-Britannique), communément appelés hôtel Astoria, dont la description légale figure à l'onglet 1 (les “ biens grevés ”). L'hôtel Astoria est exploité par Management.

4.                     L'exercice de chacune des compagnies se termine le 31 juillet.

5.                     Des copies des déclarations de revenu de Holdings pour les années se terminant le 31 juillet 1992 au 31 juillet 1996, inclusivement, sont jointes aux présentes aux onglets 2 à 6.

6.                     Des copies des déclarations de revenu de Management pour les années se terminant le 31 juillet 1993 au 31 juillet 1996, inclusivement, sont jointes aux présentes aux onglets 7 à 10.

7.                     Le 6 février 1991 ou vers cette date, le conjoint de l'appelante, M. Gudy Singh Sahota, aussi connu sous le nom de Gurdyal Sahota, a conclu un contrat (le “ contrat d'achat ”) aux termes duquel il s'engageait à acheter toutes les actions émises par les compagnies et, le cas échéant, les comptes de prêts aux actionnaires des compagnies. Le contrat a été conclu le 18 mars 1991. Une copie du contrat d'achat est jointe aux présentes à l'onglet 11.

8.                     Le 6 mars 1991 ou vers cette date, le conjoint de l'appelante a cédé à celle-ci les droits, titres et intérêts visés au contrat d'achat, moyennant une “ contrepartie valable ”. Une copie de l'acte de cession est jointe aux présentes à l'onglet 12.

9.                     Au moment de l'achat des actions, les compagnies avaient un prêt en souffrance; ce prêt avait été consenti par la Banque Toronto-Dominion (le “ prêt de la TD ”). Il était garanti par une débenture détenue conjointement, laquelle couvrait notamment une hypothèque consentie par Holdings sur les biens grevés (l'“ hypothèque de la TD ”). Le prêt de la TD s'élevait initialement à 1,7 million de dollars; au moment de l'achat des actions, le solde était de 1 459 374,95 $. Une copie de la débenture est jointe aux présentes à l'onglet 13.

10.                  Aux fins de l'achat, on avait emprunté 1,8 million de dollars à la Banca Commerciale Italiana of Canada (la banque sera ci-après appelée la “ banque italienne ”, et le prêt de 1,8 million de dollars, “ le premier prêt de la banque italienne ”). Une copie de la lettre d'engagement, énonçant les modalités du prêt, est jointe aux présentes à l'onglet 14.

11.                  La banque italienne exigeant des garanties en ce qui concerne le prêt de 1,8 million de dollars, les compagnies lui ont notamment remis un billet à ordre, tandis que l'appelante et quatre autres membres de sa famille signaient des garanties en faveur de la banque italienne. Des copies du billet à ordre et des garanties sont jointes aux présentes aux onglets 15 et 16 respectivement.

12.                  Après l'achat des actions, l'hypothèque de la TD visée par la débenture détenue conjointement portait toujours sur les biens grevés, avec quelques modifications. Une copie de l'acte d'hypothèque modifié est jointe aux présentes à l'onglet 17. Des copies de l'état des rajustements et de l'état supplémentaire des rajustements sont jointes aux présentes à l'onglet 17A.

13.                  Depuis le 18 mars 1991, l'appelante est l'unique actionnaire et administratrice de Holdings et de Management, et est présidente et secrétaire des deux compagnies.

14.                  En juin et en juillet 1993, les événements suivants sont survenus :

a)                    La banque italienne a consenti, au nom des compagnies, un prêt de 3,2 millions de dollars. La lettre d'engagement, qui énonce les modalités du prêt, est jointe aux présentes à l'onglet 18.

b)                    En garantie du prêt de 3,2 millions de dollars, Holdings a notamment consenti à la banque italienne une hypothèque – d'une valeur de 3,2 millions de dollars – portant sur les biens grevés (l'“ hypothèque de la banque italienne ”). Une copie de l'acte d'hypothèque est jointe aux présentes à l'onglet 19.

c)                    À titre de garantie supplémentaire, l'appelante et quatre autres membres de sa famille ont signé des garanties en faveur de la banque italienne. Une copie de la garantie fournie par l'appelante (la “ garantie ”) est jointe aux présentes à l'onglet 20. Les garanties fournies par les autres membres de la famille étaient similaires à celle fournie par l'appelante.

d)                    Des résolutions du conseil d'administration ont été adoptées par Holdings et Management tandis que l'appelante a signé des certificats en sa qualité de dirigeante des deux compagnies, à l'égard notamment de l'emprunt de 3,2 millions de dollars. Des copies des résolutions et des certificats sont jointes aux présentes aux onglets 21 à 24.

e)                    Holdings et Management ont, conformément à la Personal Property Security Act, signé une lettre de reconnaissance de l'emprunteur, dont copie est jointe aux présentes à l'onglet 25.

f)                     Holdings et Management ont conclu un contrat de sûreté (portant sur des biens meubles et immeubles), dont copie est jointe aux présentes à l'onglet 26.

g)                    Holdings et Management ont signé un ordre de paiement en faveur de la banque italienne, dont copie est jointe aux présentes à l'onglet 27.

h)                    Holdings, Management et tous les membres de la famille de l'appelante qui avaient fourni des garanties ont signé une lettre dans laquelle ils s'engageaient à ne pas grever davantage les biens grevés. Une copie de cette lettre d'engagement est jointe aux présentes à l'onglet 28.

i)                      L'appelante et Holdings ont conclu une entente de remboursement de prêt, dont copie est jointe aux présentes à l'onglet 29.

15.                  Les compagnies avaient emprunté les 3,2 millions de dollars susmentionnés parce qu'elles désiraient obtenir de nouveaux fonds sous la forme d'un prêt hypothécaire de premier rang dont le taux d'intérêt serait inférieur, ce qui leur aurait permis de rembourser à la fois le prêt de la TD et le premier prêt de la banque italienne et d'obtenir du capital de roulement supplémentaire.

16.                  Sur les 3,2 millions de dollars qui ont été empruntés, 1 747 026 $ (soit 54,6 p. 100) ont été affectés au remboursement du solde du premier prêt de la banque italienne.

17.                  Des feuilles de travail relatives aux exercices de Holdings se terminant le 31 juillet 1994 et le 31 juillet 1995 sont jointes aux présentes aux onglets 30 et 31 respectivement.

18.                  Aux termes de l'hypothèque de la banque italienne, Holdings devait en tant que débitrice hypothécaire effectuer des versements mensuels de 29 447,38 $ au titre du capital et des intérêts (les “ versements hypothécaires ”).

19.                  Pendant toute la période pertinente, Management effectuait les versements hypothécaires mensuels au moyen de chèques tirés sur son propre compte bancaire. Une copie d'un échantillon de chèque est jointe aux présentes à l'onglet 32.

20.                  À la fin de l'exercice, des écritures rectificatives ont été effectuées entre les compagnies pour refléter le loyer que Management devait à Holdings ainsi que les versements hypothécaires effectués par Management. Holdings avait en outre porté au débit de l'appelante un montant représentant 54,6 p. 100 des versements hypothécaires, par réduction équivalente du solde du compte de prêts aux actionnaires de l'appelante. Les états financiers de Holdings reflétaient un montant représentant les autres 45,4 p. 100 des versements hypothécaires.

21.                  La banque italienne n'a présenté à l'appelante aucune demande de paiement, ni aux termes de la garantie que l'appelante a consentie à l'égard du prêt de 1,8 million de dollars, ni aux termes de celle qu'elle a consentie à l'égard du prêt de 3,2 millions de dollars.

22.                  Dans la déclaration de revenu qu'elle a produite pour l'année d'imposition 1994, l'appelante indiquait un revenu total de 183 840 $ avant déductions; ce montant a été calculé comme suit :

Revenu d'emploi 65 000 $

Revenu d'intérêts et de placements 28 840

Revenu d'entreprise 90 000

183 840 $

Le revenu d'entreprise de 90 000 $ représentait des honoraires de gestion qu'Holdings avait versés à l'appelante. Une copie de la déclaration de revenu de l'appelante de 1994 est jointe aux présentes à l'onglet 33.

23.                  Dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition 1994, l'appelante a déduit un montant de 160 214 $ au titre des frais d'intérêt. Ce montant correspond à 54,6 p. 100 des intérêts totaux payés dans l'année civile 1994 à l'égard de l'hypothèque de la banque italienne.

24.                  Par avis daté du 5 septembre 1995, le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) a initialement établi une cotisation à l'égard de l'appelante pour l'année d'imposition 1994. Dans cette cotisation, le ministre refusait la déduction des frais d'intérêt. Une copie de l'avis de cotisation est jointe aux présentes à l'onglet 34.

25.                  Par avis daté du 12 janvier 1996, l'appelante s'opposait à la cotisation du 5 septembre 1995. Le ministre a ratifié la cotisation dans un avis daté du 30 mai 1997. Des copies de l'avis d'opposition et de l'avis de ratification sont jointes aux présentes aux onglets 35 et 36 respectivement.

[3] Dans son témoignage, l'appelante affirmait essentiellement que tout avait été arrangé par M. Shpak, le comptable agréé, et qu'elle avait suivi les conseils de ce dernier à tous égards. M. Shpak a déclaré dans le cadre de son témoignage qu'il avait pris des arrangements avec les banques au sujet des prêts, que l'appelante était la véritable emprunteuse du premier prêt de la banque italienne et du montant représentant 54,6 p. 100 du prêt de 3,2 millions de dollars. La banque avait toutefois exigé que ce dernier prêt soit fait au nom des compagnies, c'est-à-dire que les compagnies étaient les emprunteuses tandis que l'appelante et les autres étaient cautions. M. Shpak a en outre déclaré que la banque, qui était peu disposée à consentir un prêt garanti uniquement par des actions des compagnies, avait exigé que les garanties portent directement sur l'hôtel et sur son contenu, et que c'était la raison pour laquelle les compagnies avaient été désignées comme emprunteuses. Bien que les compagnies aient été les emprunteuses aux termes des documents de prêt, la véritable emprunteuse ou l'emprunteuse de fait était l'appelante, ce que confirmaient d'ailleurs les états financiers et les feuilles de travail des compagnies. M. Shpak a également déclaré que, selon la tradition qui avait été adoptée par la famille élargie de l'appelante, chaque membre de la famille devait acquérir des biens immeubles (généralement des hôtels), et qu'il avait été décidé que l'appelante, puisqu'elle était le seul membre de la famille n'ayant pas effectué un investissement de cette sorte, acquerrait des biens immeubles, notamment l'hôtel Astoria, par le biais de l'acquisition des actions des compagnies.

[4] M. Shpak a en outre déclaré que la banque, même si elle n'était pas partie à l'entente de remboursement de prêt, savait certainement que les compagnies agissaient à titre de mandataires, que le premier prêt de la banque italienne avait été consenti pour permettre à l'appelante d'acheter les actions des compagnies et qu'un montant correspondant à 54,6 p. 100 du prêt de 3,2 millions de dollars avait été imputé au paiement du premier prêt de la banque italienne.

Question en litige

[5] La question à trancher en l'espèce est celle de savoir si l'appelante avait le droit de déduire les intérêts payés en 1994 sur le montant représentant 54,6 p. 100 du prêt de 3,2 millions de dollars.

Arguments de l'appelante

[6] L'argument essentiel de l'appelante est qu'elle était l'emprunteuse de fait du montant représentant 54,6 p. 100 du prêt de 3,2 millions de dollars et que ce montant avait été imputé au remboursement du premier prêt de la banque italienne (dont l'appelante s'était servie pour acheter les actions des compagnies). L'avocat de l'appelante fait en particulier référence à l'entente de remboursement de prêt figurant à l'onglet 29.

[7] Les passages qui suivent sont tirés des observations écrites de l'appelante.

[TRADUCTION]

L'appelante en tant qu'emprunteuse de fait

18.                  La première question qu'il revient à la Cour de trancher est celle de savoir si l'appelante avait droit à cette déduction, même si le prêt avait été consenti au nom des compagnies. L'appelante soutient qu'elle est l'emprunteuse de fait du prêt, même si celui-ci a été fait au nom des compagnies. L'emprunt avait été contracté précisément pour que l'appelante puisse acheter des actions et des comptes de prêts aux actionnaires. Les actions portaient le nom de cette dernière. L'appelante soutient, avec respect, que le prêt avait été obtenu pour son compte, même s'il pouvait avoir été consenti au nom des compagnies, et qu'il y avait par conséquent entre les compagnies et elle une relation du type mandant-mandataire pour ce qui est du prêt.

19.                  À l'égard de cette question, l'appelante se fonde sur la décision rendue par la Commission d'appel de l'impôt dans Zatzman v. M.N.R., (1959) 59 D.T.C. 635 (C.A.I.). Dans cette affaire, le ministre avait déterminé que deux opérations, parce qu'elles représentaient des prêts consentis par la compagnie au principal actionnaire, étaient imposables comme revenu provenant de dividendes. Le contribuable prétendait que c'était un tiers qui avait, par l'intermédiaire de la compagnie, consenti les prêts, la compagnie ayant uniquement agi à titre de mandataire en vue de faciliter la conclusion des prêts. En ce qui concerne le premier prêt auquel la Commission s'intéressait, l'appelant avait contacté un ami, à qui il avait demandé d'escompter un billet de 12 000 $. L'ami avait signé le billet en qualité de président de Dominion Metal Co. et l'avait cédé par écrit au nom de la compagnie de l'appelant, Dartmouth Scrapyards Ltd. Celle-ci avait alors versé 12 000 $ à l'appelant pour le billet. La Commission a statué que cette avance constituait un prêt consenti à l'appelant par son ami (ou la compagnie de son ami) et que la compagnie de l'appelante avait uniquement agi en tant que mandataire. En l'espèce, nous soutenons de la même façon que le premier prêt de la banque italienne avait été consenti à l'appelante par la banque italienne et que la compagnie avait uniquement agi comme mandataire en vue de faciliter l'opération.

[...]

Consolidation du prêt

21.                  La seconde question à trancher est celle de savoir si, par suite de la consolidation des deux prêts, l'appelante ne pouvait plus déduire les intérêts qu'elle avait payés. L'appelante se fonde sur la décision Riddell and Sparkle Car Wash [95 DTC 5530] pour soutenir que la consolidation ne devrait pas avoir pour effet d'empêcher l'appelante de déduire ces intérêts.

22.                  Dans l'affaire Riddell, l'appelant avait contracté un emprunt pour acheter des actions de la compagnie co-appelante. En 1976, il avait saisi l'occasion qui s'offrait à lui de consolider le prêt et un autre prêt que la compagnie lui avait consenti. En 1978, il avait obtenu un prêt personnel, ainsi qu'un prêt commercial, aux fins du remboursement du prêt consolidé. L'appelant avait contracté l'emprunt personnel pour rembourser sa quote-part du prêt consolidé. Pendant toute la période pertinente, la compagnie avait, pour le compte de M. Riddell, effectué les paiements au titre du capital et des intérêts; les paiements avaient soit été passés sur le compte des salaires soit été portés en réduction du compte de prêts aux actionnaires. L'appelant avait, dans sa déclaration de revenu, déduit sa quote-part des intérêts versés relativement au prêt consolidé. En appel, la présente cour avait statué qu'il devait avoir droit à la déduction.

23.                  La cour avait admis l'appel précisément sur la question de la déduction des intérêts, déclarant ce qui suit (à la page 5533) :

Toutefois, je suis d'un tout autre avis pour ce qui concerne la question de savoir si M. Riddell devrait être autorisé à déduire les versements d'intérêts dans le calcul de son revenu personnel pour les années en question. Sur ce point, je suis convaincu que l'appel des demandeurs devrait être accueilli. La preuve montre que la politique appliquée par le ministre du Revenu national autorisait les contribuables, dans des circonstances semblables, à effectuer les déductions que M. Riddell a demandées.

24.                  La position de l'appelante est fondée, en résumé, sur les deux arguments suivants :

a.                     Ce jugement prouve que le ministre a arrêté une décision de principe – ce que confirme le témoignage de M. Shpak – selon laquelle des contribuables comme Mme Sahota peuvent déduire les intérêts payés sur un prêt qui leur a été consenti aux fins de l'achat d'actions d'une compagnie, que le prêt ait été fait au nom du contribuable ou non, et ce même après que ce prêt et un prêt consenti par la compagnie furent consolidés. Ce jugement faisant jurisprudence, le ministre est lié par cette décision de principe.

b.                    Étant liée par la doctrine du stare decisis, la présente cour doit statuer que l'appelante devrait avoir droit au même bénéfice de la loi que celui auquel M. Riddell a droit, et, par conséquent, qu'elle devrait avoir le droit de réclamer des déductions à l'égard des prêts obtenus aux fins de l'achat d'actions, peu importe le nom auquel les prêts ont été faits.

Conclusion

25.                  L'appelante soutient, avec respect, qu'elle devrait avoir le droit de déduire la somme réclamée, soit des frais d'intérêts s'élevant à 160 214 $ pour l'année d'imposition 1994. L'appelante demande à la cour de rendre une ordonnance enjoignant au ministre d'autoriser la déduction et de payer les frais du présent appel.

[8] L'avocat de l'appelante a également invoqué la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt The Queen v. Bronfman Trust, 87 DTC 5059, et a conclu qu'il fallait avoir à l’esprit les réalités commerciales et économiques; et en l'espèce, l'appelante était bel et bien l'emprunteuse et les compagnies avaient uniquement agi comme mandataires.

Arguments de l'intimée

[9] L'intimée a prétendu qu'il n'y avait pas de relation prêteur-emprunteur entre la banque et l'appelante, que celle-ci s'était uniquement portée caution et que la banque ne lui avait présenté aucune demande de paiement.

[10] L'avocate de l'intimée a en outre fait remarquer que la banque n'était pas partie à l'entente de remboursement de prêt et qu'elle n'aurait pas prêté d'argent à l'appelante, compte tenu de la situation financière de cette dernière. Par conséquent, les emprunteuses étaient bel et bien les compagnies, comme en font foi les documents relatifs au prêt.

[11] L'avocate a d'autre part affirmé que les causes sur lesquelles l'appelante se fondait étaient distinctes de l'affaire qui nous occupe. Elle a ajouté qu'il incombait à l'appelante d'établir l'existence d'une relation emprunteur-prêteur et que la Cour devait conclure, en cas de doute, que l'appelante ne s'est pas acquittée du fardeau de la preuve.

[12] On n'a produit aucune entente de représentation à l'appui de l'allégation selon laquelle les compagnies avaient agi à titre de mandataires de l'appelante.

[13] L'avocate de l'intimée a fait valoir que l'appelante pouvait difficilement être considérée comme mandant aux termes d'une entente de représentation, étant donné qu'elle ne semblait pas, d'après son témoignage, savoir ce qui se passait.

[14] L'avocate s'est référée à plusieurs décisions judiciaires, y compris celles dont il est question dans les paragraphes qui suivent.

[15] Dans Denison Mines Limited v. M.N.R., 71 DTC 5375, la Cour fédérale a décidé qu'il n'y avait aucune relation mandant-mandataire, ni explicite ni implicite, entre une compagnie et sa filiale en propriété exclusive, et que la société mère n'était pas en droit de déduire certaines dépenses qui avaient en fait été engagées par la filiale.

[16] Dans un certain nombre d'autres jugements, notamment la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans Her Majesty the Queen v. MerBan Capital Corporation Limited, 89 DTC 5404, il a été statué que l'alinéa 20(1)c) permettait la déduction des intérêts pourvu qu'ils aient été payés sur de l'argent emprunté par le contribuable et non par une autre personne telle qu'une filiale.

[17] Pour ce qui est de la décision Riddell, l'avocate a par ailleurs soutenu que le raisonnement tenu par la Cour dans la citation figurant ci-dessus était mal fondé en droit. L'avocate affirmait qu'il était clair, d'après la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans Ludmer et al. v. Her Majesty the Queen, 95 DTC 5311, que le ministre n'était pas lié par les décisions de principe qui avaient été prises antérieurement.

Analyse et décision

[18] Les documents relatifs au prêt indiquent clairement que ce sont les compagnies et non l'appelante qui sont les emprunteuses. La preuve établit toutefois, à mon avis, qu'en ce qui concerne le montant représentant 54,6 p. 100 des 3,2 millions de dollars qui ont été empruntés en 1993, la véritable emprunteuse est l'appelante. C'est ce que confirment le témoignage de M. Shpak, le contexte dans lequel les prêts ont été consentis, les états financiers des compagnies (en particulier ceux de Holdings, qui montrent que celle-ci n'a pas déduit de frais d'intérêts sur les 54,6 p. 100 du prêt en question). La Cour renvoie également à la résolution adoptée par Holdings (onglet 24 de la pièce A-1), à l'entente de remboursement de prêt (onglet 29), aux grands livres des compagnies (onglets 30 et 31 de la pièce A-1) et aux feuilles de travail de Holdings. Tous ces documents étayent le témoignage de M. Shpak et amènent la Cour à conclure que l'appelante était la véritable emprunteuse du montant correspondant à 54,6 p. 100 du prêt de 3,2 millions de dollars.

[19] Si les noms qui figuraient dans les documents étaient ceux des compagnies, c'était pour satisfaire aux exigences de la banque italienne, laquelle voulait qu'on lui consente une garantie directe sur l'actif des compagnies et non simplement une garantie portant sur les actions détenues par l'appelante.

[20] Du prêt de 3,2 millions de dollars, un montant correspondant à 54,6 p. 100 a servi au remboursement du premier prêt de la banque italienne, prêt qui avait permis à l'appelante d'acheter les actions et les prêts à recevoir. Ces éléments d'actif comprenaient des biens qui sont devenus la source première de revenu de l'appelante; à mon avis, il a été satisfait aux conditions prévues à l'alinéa 20(1)c) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[21] Même si l'on retenait l'argument avancé par l'intimée selon lequel il n'y avait pas de relation mandant-mandataire – argument que je ne retiens pas –, il est à tout le moins clair, à la lecture de l'entente de remboursement de prêt, que l'appelante devait à Holdings 54,6 p. 100 du prêt de 3,2 millions de dollars. Autrement dit, s'il n'y avait pas de relation débiteur-créancier entre l'appelante et la banque, il y en avait une entre l'appelante et Holdings.

[22] Je devrais ajouter que je ne me fonde pas sur la décision Riddell. En d'autres termes, le ministre n'était pas lié par les décisions de principe de ses employés.

[23] Pour tous les motifs susmentionnés, l'appel est admis, avec frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de juin 1999.

“ T. P. O'Connor ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 17e jour d'avril 2000.

Mario Lagacé, réviseur

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.