Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19991102

Dossier: 97-3290-IT-G

ENTRE :

SYDNEY THOMAS FULLJAMES,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Sarchuk, C.C.I.

[1] Les présents appels interjetés par Sydney Thomas Fulljames (l'“ appelant ”) portent sur des cotisations d'impôt pour ses années d'imposition 1991 et 1992. Dans le calcul de son revenu pour ces années, l'appelant a déclaré des revenus de 26 543 $ et de 35 811 $, respectivement. En établissant des nouvelles cotisations, le ministre a porté les revenus imposables de l'appelant à 104 158 $ et à 92 540 $ en se fondant sur le fait que l'appelant avait réalisé des gains en capital imposables supplémentaires de 100 098 $ et de 64 050 $ en 1991 et en 1992, calculés suivant les alinéas 38a) et 39(1)c) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[2] Gold Ridge Resources Inc. (“ Gold Ridge ”) a été constituée en personne morale en 1986; elle était une compagnie cotée à la Bourse de Vancouver au cours des années d'imposition en question. L'appelant, l'un des associés fondateurs, était en tout temps un actionnaire, un administrateur et le président de Gold Ridge. Il était également l'actionnaire le plus important en 1991, détenant environ 25 p. 100 des cinq à six millions d'actions émises. Il participait directement aux activités quotidiennes d'exploitation, de financement et d'investissement de Gold Ridge et il est juste d'affirmer que durant toute la période en cause il contrôlait réellement les activités de Gold Ridge et était au courant de sa situation financière.

[3] En 1991 ou vers cette année, Gold Ridge a connu des difficultés financières. À la fin de 1992, l'appelant avait avancé environ 259 000 $ à Gold Ridge, ce montant étant reflété dans son compte de prêt de l'actionnaire. Malgré cela, Gold Ridge a continué d'avoir des problèmes financiers et, aux dires de l'appelant, durant cette période les administrateurs ont décidé que [traduction] “ l'une des façons d'injecter des fonds dans la compagnie consistait à prêter des titres à celle-ci au moyen d'un prêt d'actionnaire ”. L'appelant a témoigné avoir ainsi transféré 600 000 actions de Gold Ridge dont 574 000 ont été alors utilisées par la compagnie dans les années d'imposition 1991 et 1992 pour payer ses créanciers et les services rendus ou devant être rendus, nécessaires à la mise en valeur continue de la mine. Au cours de cette période, l'appelant a également disposé d'actions de Gold Ridge en les mettant dans son REER et en les vendant sur le marché libre des valeurs mobilières. Le nombre d'actions ayant fait l'objet d'une disposition, les bénéficiaires de transfert et le produit des dispositions au cours des années d'imposition en question peuvent se résumer de la façon suivante[1] :

1991 1992

Bénéficiaires de transfert

Actions

Montant

Actions

Montant

Créanciers

268 750

158 750 $

256 024

115 662 $

Ventes par courtage

30 500

12 520 $

18 000

7 328 $

REER

Néant

Néant

130 000

53 600 $

[4] Le ministre a de plus supposé que le produit brut reçu par l'appelant en contrepartie de la disposition des actions dans les années d'imposition 1991 et 1992 était de 171 270 $ et de 176 590 $ et que le prix de base rajusté (PBR) de ces actions était de 37 806 $ et de 51 691 $, respectivement[2]. Le ministre a calculé que, au cours de ces deux années, l'appelant avait de ce fait réalisé des gains en capital de 133 464 $ et de 124 899 $. Bien que l'appelant ait remis en question le calcul fait par l'intimée en ce qui a trait au coût moyen des actions, il n'a produit aucune preuve qui puisse démontrer que le calcul du PBR par le ministre était erroné.

Position de l'appelant

[5] L'appelant soutient que les autres administrateurs et lui-même ont agi en partant du principe que la fourniture d'actions de Gold Ridge à la compagnie était en réalité un prêt. De son point de vue et de celui des administrateurs, il n'y avait pas de différence entre cette opération et un prêt en espèces qui aurait été consenti à la compagnie.

[6] L'appelant soutient également qu'en 1994 ou vers cette année, dans le cadre d'une proposition de financement faite par Rembrandt Gold Mines (“ RGM ”), il avait été entendu que l'appelant se verrait “ rembourser ” les actions qu'il avait données à Gold Ridge en 1991 et en 1992, par une émission, à son profit, de 574 000 actions de remplacement. Selon l'appelant, cette opération reflétait et confirmait sa position selon laquelle l'opération initiale constituait, en fait, un prêt du même nombre d'actions, qu'il avait consenti à Gold Ridge.

Position de l'intimée

[7] L'intimée allègue que la disposition des actions par l'appelant dans les années d'imposition en question constituait une disposition de biens au sens de l'article 54 de la Loi de l'impôt sur le revenu, par suite de laquelle l'appelant a reçu un produit de disposition décrit à cet article. L'intimée soutient en outre que l'appelant a réalisé des gains en capital imposables supplémentaires de 100 098 $ et de 64 050 $ au cours de ces années d'imposition, respectivement, calculés conformément aux alinéas 38a) et 39(1)c) de la Loi et que ces montants ont été à juste titre inclus dans le revenu de l'appelant pour les années qui font l'objet de l'appel.

Conclusion

[8] La question consiste à savoir si le transfert par l'appelant de 574 000 actions de Gold Ridge à cette compagnie constituait une disposition aux fins de l'alinéa 54c) de la Loi. La preuve relative à cet aspect de l'affaire est parfaitement claire. Les dossiers de Gold Ridge ne révèlent aucune résolution du conseil d'administration ni aucune autre documentation relative aux années d'imposition 1991, 1992 ou 1993 qui appuie la position de l'appelant selon laquelle il prêtait les actions à Gold Ridge et celle-ci les remplacerait à une date ultérieure. De plus, l'appelant a témoigné que Gold Ridge avait le droit de faire ce qu'elle voulait des actions en question. Aucune restriction n'avait été rattachée à ces actions en ce qui concerne Gold Ridge et l'appelant, et aucune restriction n'existait lorsque la compagnie a transféré les actions à ses créanciers pour payer le travail accompli ou devant être accompli. En fait, lors du contre-interrogatoire, l'appelant a admis qu'en ce qui concerne ces actions, il avait renoncé à la propriété, à la possession et à l'usage de celles-ci.

[9] Compte tenu de la preuve, la seule conclusion qui peut être tirée est que le transfert des actions par l'appelant à Gold Ridge constituait une disposition conforme au sous-alinéa 54c)(i) de la Loi. Le produit de disposition découlant de l'opération susmentionnée était le “ prix de vente ” des actions transférées, soit 286 912 $, montant qui se reflétait dans la dette due, en conséquence, à l'appelant par Gold Ridge.

[10] Les exceptions à la définition de l'expression “ disposition de biens ”, qui se trouvent aux sous-alinéas 54c)(iv) et 54c)(v) ne s'appliquent pas à la situation de l'appelant. Il n'y a pas de preuve que le transfert avait été “ effectué dans le seul but de garantir le remboursement d'une dette ou d'un emprunt ”, puisque, en l'espèce, il est clair que l'appelant avait l'intention d'abandonner inconditionnellement la propriété et il l'a fait. L'appelant n'a pas conservé le pouvoir de recouvrement et il est clair que Gold Ridge avait l'intention d'acquérir inconditionnellement les actions et de les utiliser à ses propres fins[3]. En ce qui concerne le sous-alinéa 54c)(v), il n'y a aucune preuve que le transfert par l'appelant de son intérêt dans les actions constituait un changement dans le legal ownership (propriété en common law) des actions sans changement dans le beneficial ownership (propriété en equity) des actions. Le témoignage de l'appelant a clairement révélé que le transfert du droit aux actions ne comportait aucune restriction. Il n'y avait aucun droit de réversion ni aucun élément de preuve indiquant que l'appelant avait conservé un intérêt bénéficiaire.

[11] L'appelant a beaucoup insisté sur l'émission, à son profit, de 574 774 actions en 1995 et a fait valoir que ces actions représentaient la restitution des actions qu'il avait prêtées à Gold Ridge. La preuve documentaire n'appuie pas cet argument[4]. À mon avis, ces actions émises en 1995 constituent des biens différents de ceux dont l'appelant avait disposé dans le cadre du transfert de ses actions à Gold Ridge en 1991 et en 1992. Ces actions précises ont été transférées par Gold Ridge à ses créanciers en 1991 et en 1992. L'émission d'actions au profit de l'appelant en 1995 était une opération distincte et, même si cette opération visait à éliminer la dette de Gold Ridge envers l'appelant, elle ne change rien au fait que cette dette a résulté de la disposition d'actions par l'appelant en faveur de la compagnie en 1991 et en 1992. Ces opérations étaient séparées et distinctes et elles doivent être comptabilisées comme telles.

[12] Le transfert des actions de Gold Ridge par l'appelant en faveur de la compagnie dans les années d'imposition en question a constitué une disposition aux termes de l'alinéa 56c) de la Loi. Par conséquent, les appels sont rejetés avec frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de novembre 1999.

“ A. A. Sarchuk ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 30e jour de juin 2000.

Erich Klein, réviseur



[1]               Annexe A de la réponse à l'avis d'appel.

[2]               Annexe B de la réponse à l'avis d'appel, note 4.

[3]               Voir les affaires 106443 Canada Inc. v. The Queen, 94 DTC 1663; Hallbaurer v. R., [1997] 1 C.T.C. 2428.

[4]               Voir la pièce R-1, onglets 11 à 17, 19, 23, 24 et 29.

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