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Date : 19980727

Dossier : 97-2968-IT-I

ENTRE :

RON FALCK,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Rip, C.C.I.

[1]            L'appelant Ron Falck interjette appel à l'encontre d'une cotisation établie pour l'année d'imposition 1991, dans laquelle le ministre du Revenu national (le Ministre) n'a pas admis une déduction de 17 996 $ demandée par l'appelant, étant donné que ce montant avait été engagé en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien relié à des infractions pour lesquelles [il] a été déclaré coupable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, en vertu de l'article 239 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la Loi) applicable aux [questions touchant les] années d'imposition 1986, 1987, 1988 et 1989. De fait, les accusations portées contre M. Falck ne visaient que les années 1988 et 1989. M. Falck soutient qu'il a dépensé un total de 17 996$ en frais judiciaires et comptables pour « préparer, organiser et communiquer » des renseignements exacts lors d'une vérification effectuée par Revenu Canada. Lors du procès, M. Falck a déclaré que les frais effectivement encourus relativement à cette affaire « semblent s'élever plutôt à 23 099,71$ ou plus » .

[2]            Le montant de 17 996$ est la somme de deux montants, l'un de 4 499$ que M. Falck avait déduit de son revenu net, et l'autre de 13 497$ qu'il avait déduit de son revenu tiré d'une entreprise, comme frais judiciaires et comptables.

[3]            M. Falck s'est représenté lui-même au procès. Il s'est souvenu qu'en 1991, probablement au mois de février, il a reçu la visite d'agents de Revenu Canada. Apparemment, ces derniers avaient déjà commencé à vérifier les déclarations de revenu de M. Falck et ils voulaient examiner ses livres et registres pour les années d'imposition 1986 à 1989 inclusivement. M. Falck a dit s'être rendu compte de « possibles anomalies » dans ses déclarations de revenu et avoir appelé son avocat. Son avocat et lui avaient, par la suite, rencontré les agents de Revenu Canada pour les informer de ces anomalies possibles. M. Falck a dit avoir offert d'aider Revenu Canada à trouver les revenus non déclarés.

[4]            M. Falck a déclaré dans son témoignage que, pendant près de six ans, « ses livres n'avaient pas été tenus à jour » et que des montants de revenus n'y avaient pas été inscrits.

[5]            M. Falck avait aussi retenu les services d'un comptable. Il avait eu besoin et d'un comptable et d'un avocat pour « l'aider à calculer ses revenus pour toutes ces années, organiser l'information et mettre [ses livres] en ordre » pour Revenu Canada. À ses yeux, le calcul de son revenu était une tâche compliquée qu'il voulait mener à bien, pour être ensuite en mesure de communiquer avec Revenu Canada et de les aider. [Il a insisté, à plusieurs reprises, sur le fait qu'il avait engagé des professionnels dans le but d'aider Revenu Canada à vérifier ses déclarations de revenu.]

[6]            M. Falck a dit avoir réalisé que son avocat manquait d'expérience dans le domaine fiscal et qu'il avait alors retenu les services d'un autre avocat du bureau de London d'un cabinet d'avocats renommé. M. Falck a déclaré que le nouvel avocat avait travaillé à Revenu Canada et qu'il était familier avec les procédures alors engagées. En outre, le nouvel avocat avait un cabinet de contentieux et avait déjà représenté M. Falck devant la Cour provinciale.

[7]            Revenu Canada vérifiait en même temps les déclarations de revenu de M. Falck et celles de sa femme. La preuve a établi que, à ce moment là, l'avocat et le comptable engagés par M. Falck fournissaient des services à ce dernier ainsi qu'à son épouse. Aux alentours de juin 1992, M. Falck et son épouse se sont séparés et, le 2 juillet 1992, l'avocat qui les représentait tous les deux informait Revenu Canada que Mme Falck avait retenu les services d'un autre avocat.

[8]            En juillet 1992, Revenu Canada a exécuté un mandat de perquisition émis contre M. Falck. Éventuellement, en février 1993, M. Falck devait être inculpé sous quatre chefs d'accusation d'évasion fiscale. La cause a été entendue en mai 1993 et il a plaidé coupable; la Couronne a retiré deux des chefs d'accusation.

[9]            En janvier 1992, le dossier de M. Falck fut assigné à M. Edward John Sheehan, enquêteur à la section des enquêtes spéciales de Revenu Canada. Le dossier était auparavant détenu par la section de vérification de Revenu Canada. M. Sheehan rencontra M. Falck pour la première fois en janvier 1992.

[10]          M. Sheehan a établi une chronologie des événements, en particulier des rencontres et négociations entre M. Falck et Revenu Canada, entre mai 1991 et l'année 1993. Il a établi cette chronologie à partir des notes contenues dans le dossier, et aussi à partir des notes des premiers vérificateurs qui ont eu le dossier avant 1992, en particulier un certain M. Faubart, vérificateur qui rendit visite à M. Falck en février 1991.

[11]          M. Sheehan a déclaré, dans son témoignage, que les fonctionnaires de Revenu Canada ont réalisé que M. Falck était possiblement coupable d'évasion fiscale au moment où ils se sont rendus compte que les revenus d'entreprise de M. Falck stagnaient ou affichaient des pertes, alors que la valeur de son capital investi augmentait.

[12]          M. Falck a dit à M. Sheehan, comme il l'avait déjà déclaré dans son témoignage, qu'il s'était rendu au bureau de Revenu Canada, en février 1991, pour leur offrir son aide. M. Sheehan a répondu que M. Wilson, un vérificateur de la section des enquêtes spéciales de Revenu Canada, avait informé l'avocat de M. Falck de son intention de recommander la mise en accusation de ce dernier, si les montants dissimulés s'avéraient être élevés. Étant donné que Revenu Canada avait commencé sa vérification avant que M. Falck se rende aux bureaux du ministère en février 1991, Revenu Canada n'a pas tenu compte du fait qu'il avait avoué volontairement avoir dissimulé des revenus.

[13]          Dans ses allégations, M. Falck s'est appuyé sur le paragraphe 6 du Bulletin d'interprétation IT-99R4, Frais judiciaires et comptables, daté du 2 août 1991 :

Selon la politique du Ministère, un contribuable est autorisé à déduire les montants dépensés relativement aux frais judiciaires et comptables qu'il a engagés en vue d'obtenir conseils et aide pour faire des démarches, après qu'il a été informé que son revenu ou son impôt pour une année d'imposition donnée devait être révisé, qu'il produise ou non un avis officiel d'opposition ou d'appel par la suite.

[14]          M. Falck a maintenu qu'il avait encouru des frais judiciaires et comptables pour obtenir des conseils et de l'aide pour faire des démarches auprès de Revenu Canada, afin que les fonctionnaires du Ministère puissent établir ses cotisations d'une façon appropriée.

[15]          L'avocate de l'intimée s'est référée au paragraphe 28 du même Bulletin d'interprétation, lequel établit la position du Ministère en ce qui concerne les frais judiciaires et comptables encourus dans le cadre d'une poursuite criminelle en vertu de l'article 239 de la Loi :

Les frais judiciaires et comptables liés à une poursuite intentée en vertu de l'article 239 (évasion fiscale) ne constituent pas généralement des dépenses déductibles puisque, dans la plupart des cas, ils ne sont pas engagés en vue de gagner un revenu. Ces frais ne sont pas déductibles en vertu de l'alinéa 60o), vu que les renseignements présentés dans ces circonstances n'ont pas trait à une cotisation au sens de cet alinéa. Ne sont pas déductibles non plus les amendes imposées par suite d'une telle poursuite, comme il est expliqué dans la dernière version du IT-104

[16]          À la fin des plaidoyers, j'ai avisé M. Falck et l'avocate de l'intimée que j'accorderais, à M. Falck, 45 jours pour obtenir des preuves additionnelles sur le pourcentage des frais judiciaires et comptables attribuables à lui et à son ancienne épouse. Durant cette période, il aurait aussi le loisir de rassembler des preuves qu'il a effectivement engagé ces frais judiciaires et comptables en vue d'obtenir conseils et aide pour faire des démarches auprès de Revenu Canada concernant des cotisations civiles, et non pour assurer sa défense contre des accusations criminelles réelles ou potentielles. Les 45 jours ont expiré sans que la moindre information ait été soumise ou envoyée à la Cour.

[17] La preuve montre clairement que les frais judiciaires et comptables encourus par M. Falck, dans la mesure où ils l'ont été pour son propre compte, étaient avant tout reliés à d'éventuelles poursuites criminelles intentées en vertu de l'article 239 de la Loi. Il ne fait aucun doute que toutes nouvelles cotisations pour les années 1988 et 1989 ont été le résultat de l'enquête entreprise par Revenu Canada en 1991. Mais l'objectif premier des frais judiciaires et comptables encourus par M. Falck était de réduire les risques qu'il soit exposé à des sanctions pénales et non pas de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien, ni de réduire les montants de cotisations d'impôt sur son revenu. Les frais judiciaires et comptables ne sont donc pas déductibles du revenu de M. Falck pour l'année 1991.

[18] L'appel concernant l'année d'imposition 1991 est donc rejeté.

Ottawa, Canada, le 27 juillet 1998.

« Gerald J. Rip »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 25e jour de janvier 1999.

Mario Lagacé, réviseur

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