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Date: 20000104

Dossiers: 98-817-GST-I; 98-820-GST-I

ENTRE :

LA MARÉE HAUTE ENR., AUBERGE DES CÉVENNES INC.,

appelantes,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1] Ces deux appels de cotisations en vertu de la Loi sur la taxe d'accise (la “Loi”) ont été entendus sur preuve commune en vertu de la procédure informelle. En ce qui concerne l'Auberge des Cévennes Inc., la période sujette à la cotisation est du 1er janvier 1991 au 30 novembre 1996. En ce qui concerne La Marée Haute Enr., la période en litige est du 15 juin 1991 au 30 novembre 1995.

[2] La question en litige est de savoir si les appelantes se qualifiaient à titre de “petit fournisseur” au sens du paragraphe 148(2) de la Loi, lors de l'entrée en vigueur de la Loi, soit le 1er janvier 1991.

[3] Les faits sur lesquels le ministre du Revenu national (le Ministre”) s'est fondé pour établir sa cotisation concernant l'appelante Auberge des Cévennes Inc. sont décrits au paragraphe 9 de la Réponse à l'avis d'appel (la “Réponse”) comme suit :

a) Au cours des périodes ci-avant mentionnées, l'appelante exploitait un restaurant avec permis d'alcool à l'Anse Saint-Jean (Québec);

b) Monsieur Louis-Mario Dufour possédait 70 % des actions de l'appelante dont il était administrateur;

c) Au cours des mêmes périodes, monsieur Dufour était également l'unique propriétaire d'un commerce comprenant un restaurant, un bar et une boutique qu'il exploitait sous la raison sociale La Marée Haute Enr., à l'Anse Saint-Jean (Québec);

d) Au cours des mêmes périodes, monsieur Louis-Mario Dufour faisant affaires sous la raison sociale La Marée Haute Enr. était associé à l'appelante puisqu'il contrôlait l'appelante et était l'unique propriétaire de La Marée Haute Enr.;

e) Le 1er janvier 1991, l'appelante ne se qualifiait pas à titre de “petit fournisseur” puisque ses fournitures taxables ainsi que celles de la Marée Haute Enr. totalisaient plus de 30 000 $ au cours des quatre trimestres se terminant le 30 septembre 1990;

f) Selon les états des résultats apparaissant aux états financiers produits au ministre concernant l'exercice du 1er décembre 1989 au 30 novembre 1990, les revenus de l'appelante et de La Marée Haute Enr. étaient les suivants :

Auberge des Cévennes Inc.La Marée Haute Enr.

Ventes 55 617 $ 4 177 $ = 59 794 $

autres revenus 5 789 $ 150 $ = 5 939 $

61 406 $4 327 $ = 65 733 $

g) Le 1er janvier 1991, l'appelante était tenue de s'inscrire au fichier de la TPS;

h) Depuis le 1er janvier 1991, l'appelante était tenue de percevoir la TPS et de remettre sa taxe nette au Ministre.

[4] En ce qui concerne l'appelante La Marée Haute Enr., la Réponse est presque identique à l'exception des alinéas 9a) et 9c) qui se lisent comme suit :

a) au cours des périodes ci-avant mentionnées, monsieur Louis-Mario Dufour était l'unique propriétaire d'un commerce comprenant un restaurant, un bar et une boutique qu'il exploitait sous la raison sociale La Marée Haute Enr., à l'Anse Saint-Jean (Québec);

...

c) au cours des mêmes périodes, Auberge des Cévennes Inc. exploitait un restaurant avec permis d'alcool à l'Anse Saint-Jean (Québec);

[5] Le représentant de l'appelante a témoigné. Madame Hélène Godbout, madame Marie-Claude Mathieu et monsieur Pierre Cantin ont témoigné à la demande de l'avocat de l'intimée.

[6] Monsieur Dufour a admis les alinéas 9a) à 9d) de la Réponse. Il a nié les autres alinéas. En ce qui concerne l'énoncé des alinéas 9d) et 9e), monsieur Dufour a tenté d'expliquer qu'il avait vendu un commerce durant l'année 1990 et que le revenu de ce commerce était d'environ 30 000 $, ce qui, selon lui, aurait ramené les appelantes au statut de “petit fournisseur”. Toutefois, les états financiers de La Marée Haute Enr. ont été produits comme pièce I-2 et ceux de l'Auberge des Cévennes Inc. comme pièce I-3. Ces états, au 30 novembre des années 1990 à 1995, confirment bien les calculs des ventes et autres revenus indiqués à l'alinéa 9f) de la Réponse.

[7] La pièce I-6 est un contrat de louage immobilier à l'Auberge des deux pignons Inc. par l'Auberge des Cévennes Inc., en date du 25 février 1991. Ce bail n'affecte donc pas la période du 1er décembre 1989 au 30 novembre 1990, qui est la période qui est prise en considération pour établir le statut de “petit fournisseur” ou “inscrit” au 1er janvier 1991.

Analyse

[8] En vertu du paragraphe 240(1) de la Loi, est tenue de s'inscrire toute personne qui effectue une fourniture taxable, à l'exception des personnes mentionnées au paragraphe 240(1) de la Loi. Ce paragraphe se lit comme suit :

240(1) Toute personne, sauf les personnes suivantes, qui effectue une fourniture taxable au Canada dans le cadre d'une activité commerciale qu'elle y exerce est tenue d'être inscrite pour l'application de la présente partie :

a) les petits fournisseurs;

b) les personnes dont la seule activité commerciale consiste à effectuer, par vente, des fournitures d'immeubles en dehors du cadre d'une entreprise;

c) les personnes non-résidentes qui n'exploitent pas d'entreprise au Canada.

(Le souligné est ajouté.)

[9] Le “petit fournisseur” est défini à l'alinéa 148(1)a) qui se lit comme suit :

148(1) Pour l'application de la présente partie, une personne est un petit fournisseur tout au long d'un trimestre civil donné et du mois suivant si le total visé à l'alinéa a) ne dépasse pas la somme de 30 000 $ ... :

a) le total des montants dont chacun représente la valeur de la contrepartie (sauf la contrepartie visée à l'article 167.1 qui est imputable à l'achalandage d'une entreprise) devenue due au cours des quatre trimestres civils précédant le trimestre donné, ou payée au cours de ces trimestres sans qu'elle soit devenue due, à la personne ou à son associé au début du trimestre donné pour des fournitures taxables qu'ils ont effectuées au Canada ou à l'étranger, sauf des fournitures de services financiers et des fournitures par vente de leurs immobilisations;

[10] La définition d'“inscrit”, au paragraphe 123(1) de la Loi se lit comme suit :

Personne inscrite, ou tenue de l'être, aux termes de la sous-section d de la section V.

[11] La demande d'annulation du statut d'inscrit doit se faire par la personne elle-même, en vertu du paragraphe 242(2) de la Loi qui se lit comme suit :

242(2) Le petit fournisseur ... a droit à l'annulation de son inscription, qui prend effet le lendemain du dernier jour de son exercice, s'il remplit les conditions suivantes :

a) il a présenté au ministre une demande à cette fin en la forme, selon les modalités et avec les renseignements déterminés par celui-ci;

b) ce jour-là, il était inscrit depuis au moins un an.

[12] La preuve a révélé que le total des montants dont chacun représente la valeur de la contrepartie des fournitures taxables due au cours des trimestres civils précédant celui du 1er janvier 1991, dépassait la somme de 30 000 $. Donc, les appelantes n'étaient pas des “petits fournisseurs” au 1er janvier 1991. Elles étaient donc tenues de percevoir la taxe sur les produits et services et de remettre la taxe nette au Ministre en vertu des articles 221 et 228 de la Loi.

[13] Le représentant des appelantes a demandé à ce que les intérêts et les pénalités soient annulés pour cause du déluge qui s'est abattu sur la région du Saguenay au cours de l'été 1996.

[14] Je vais d'abord parler de ce qui s'applique ordinairement en vertu de la Loi en ce qui concerne les intérêts et les pénalités. Il n'y a aucune discrétion de la Cour en ce qui concerne les intérêts. Ils se calculent sur la taxe due. En ce qui concerne les pénalités, la Cour d'appel fédérale dans Consolidated Canadian Contractors Inc. v. The Queen [1998] C.S.T.C. 91 a déterminé qu'elles pouvaient être annulées dans le cas de diligence raisonnable de l'inscrit. Les faits appuyant cette diligence raisonnable devraient être allégués dans l'Avis d'appel. Cela n'a pas été fait, mais de toute façon, je suis d'avis que la preuve n'a révélé aucune diligence raisonnable de la part des appelantes. Ainsi, c'est le Ministre qui a procédé à l'inscription des appelantes, dans le cas de l'Auberge des Cévennes Inc., le 27 septembre 1996, et dans le cas de La Marée Haute Enr., le 1er octobre 1996. En fait, la preuve a plutôt révélé de l'incurie de la part des appelantes.

[15] Au cours de l'instruction de cette affaire, il a été fait mention de l'article 281.1 de la Loi, qui accorde au Ministre le pouvoir discrétionnaire d'annuler les intérêts payables ainsi que les pénalités. L'exercice de cette discrétion du Ministre n'est pas en litige devant moi, car ce qui est devant moi, est un appel d'une cotisation.

[16] Je me réfère à l'égard des intérêts, pénalités et article 281.1 de la Loi, aux propos du juge Bowman de cette Cour dans Somnus Entreprises No. 1 Ltd. c. Canada, [1995] A.C.I. no 23 :

Je ne peux non plus l'aider pour ce qui est de l'imposition des intérêts. Des intérêts sont automatiquement exigibles lorsque le montant de la taxe payée est insuffisant. Le seul cas où des intérêts peuvent être réduits ou annulés est celui où le ministre du Revenu national exerce son pouvoir discrétionnaire en vertu de l'article 281.1 de la Loi sur la taxe d'accise. Je conviens avec l'intimée que la présente cour n'a pas compétence pour examiner l'exercice par le ministre de son pouvoir discrétionnaire en vertu de l'article 281.1. Notre compétence, tout comme celle de la Cour fédérale, est définie par la loi constitutive de la cour. Il appartient à la Cour fédérale elle-même de déterminer en vertu de la Loi sur la Cour fédérale si cette compétence lui est attribuée.

Cette cour a nettement compétence, non pas pour examiner l'exercice par le ministre du pouvoir discrétionnaire d'annuler des pénalités et des intérêts en vertu de l'article 281.1 lorsque ces intérêts et pénalités ont par ailleurs été correctement imposés en vertu de la loi, mais plutôt pour déterminer si les pénalités et les intérêts ont été correctement évalués conformément à la loi. En l'espèce, je ne peux rien faire pour les intérêts, mais les pénalités sont une autre affaire. Comme il a été mentionné dans l'affaire Pillar Oilfield Projects Ltd. v. The Queen, [1993] G.S.T.C. 49, rien ne peut justifier l'imposition régulière et automatique de pénalités tout simplement parce qu'un contribuable a incorrectement calculé son impôt. Ces pénalités ne sont pas absolues. Elles sont plutôt strictes, dans le sens où cette expression est utilisée dans la décision La Reine c. Sault Ste-Marie, [1978] 2 R.C.S. 1299, et on peut invoquer à leur égard la défense de diligence raisonnable.

[17] Le document intitulé “Mesures administratives à l'égard de la population du Saguenay et du Lac St-Jean touchée par le sinistre” a été présenté comme pièce A-3. Le représentant des appelantes s'est référé notamment au dernier paragraphe :

En outre, cette situation extraordinaire et indépendante de la volonté des contribuables et des mandataires donne ouverture à l'application de l'article 94.1 de la Loi sur le ministère du Revenu concernant la renonciation et l'annulation des intérêts et des pénalités.

[18] L'article 94.1 de la Loi sur le ministère du Revenu se lit comme suit :

Le ministre peut renoncer, en tout ou en partie, à un intérêt, une pénalité ou des frais prévus par une loi fiscale

Il peut également annuler, en tout ou en partie, un intérêt, une pénalité ou des frais exigibles en vertu d'une loi fiscale.

La décision du ministre ne peut faire l'objet d'une opposition ni d'un appel.

Un sommaire statistique de ces renonciations et annulations est soumis, chaque année, à l'Assemblée nationale, dans les 15 premiers jours de la session subséquente.

[19] L'application de ce dernier article n'est pas du ressort de notre Cour et je ne peux pas juger de son exercice.

[20] En conclusion, la preuve a clairement révélé que les appelantes ont été correctement cotisées en fait et en droit et les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de janvier 2000.

“Louise Lamarre Proulx”

J.C.C.I.

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