Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 19990526

Dossier: 98-169-UI; 98-22-CPP

ENTRE :

JACK S. LAMBERT,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge MacLatchy, J.S.C.C.I.

[1] Ces appels ont été entendus ensemble à Toronto (Ontario) le 14 avril 1999.

[2] Ils découlent de décisions du ministre du Revenu national (le « ministre » ) à l'effet que des cotisations d'assurance-chômage et des cotisations au Régime de pensions du Canada étaient payables par l'appelant à l’égard de Shari Elkind ( « la travailleuse » ).

[3] L'intimé a informé la travailleuse et l'appelant de la décision à l'effet que l’emploi de la travailleuse chez l’appelant au cours de la période en question était un emploi assurable et ouvrant droit à pension au motif qu’il avait été exercé en vertu d'un contrat de louage de services.

[4] L'appelant est un avocat qui exploite une entreprise de services juridiques et administratifs dans la ville de Toronto.

[5] La travailleuse a été engagée à titre de réceptionniste et de copiste-dactylographe en vertu d'une entente verbale; elle accomplissait ses tâches à temps partiel au lieu d'affaires de l'appelant.

[6] La travailleuse recevait des honoraires fixes à la journée pour les jours où elle choisissait de travailler ou ceux où elle devait travailler; l'appelant établissait son taux de traitement.

[7] La travailleuse enregistrait ses propres heures et soumettait une facture à l'appelant pour être payée.

[8] Toutes les décisions prises par la travailleuse devaient être approuvées par l'appelant qui la supervisait en tout temps. Selon les explications de l'appelant, le Barreau du Haut-Canada exigeait cette supervision. Les directives exigeaient que rien ne sorte de son bureau sans qu'il l'ait examiné et approuvé lui-même. L'appelant était personnellement responsable de tous les documents produits par son bureau. Il était évident que l'appelant prenait à coeur son travail de superviseur et la nécessité d’approuver le travail de tous les travailleurs de son bureau.

[9] L'appelant a demandé à l'intimé de régler la question de savoir si oui ou non l’emploi exercé par la travailleuse chez l'appelant durant la période du 2 juin 1996 au 2 juin 1997 était un emploi assurable au sens de la Loi sur l'assurance-chômage (la « Loi » ) et de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi modifiée » ).

[10] L'intimé a informé la travailleuse et l'appelant que la travailleuse exerçait un emploi assurable au cours de la période en question parce qu'elle exerçait son emploi en vertu d'un contrat de louage de services.

[11] La question devant être jugée par cette Cour consiste à déterminer si la travailleuse exerçait son emploi en vertu d'un contrat de louage de services ou d'un contrat d'entreprise (c.-à-d. si elle était une employée de l'appelant ou une entrepreneuse indépendante). Le droit a évolué lentement au cours des années, pour en arriver au jugement définitif de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N. [1986] 3 C.F. 553. Ce jugement a déterminé la meilleure méthode à suivre afin d’évaluer toute la relation entre les parties en tenant compte de tous les faits pertinents. Il faut considérer quatre critères dans l'analyse des faits : (i) le contrôle et la supervision – le travailleur était-il contrôlé et dirigé par le propriétaire de l'entreprise et pouvait-il être suspendu ou congédié? (ii) les chances de bénéfice et les risques de perte – le travailleur pouvait-il participer aux profits de l'entreprise ou subir une perte provoquée par l'échec de l'entreprise? Le travailleur assumait-il ses propres dépenses et fournissait-il son propre équipement, etc.? (iii) la propriété des instruments de travail – est-ce qu’on fournissait quelque chose au travailleur pour l’aider à effectuer ses tâches? (iv) le critère d'organisation ou d'intégration – à qui l'entreprise appartenait-elle, de quelle façon les parties considéraient-elles leur relation et quel était le caractère véridique de cette relation à la lumière des faits obtenus? Le critère global est concluant – toutes les preuves doivent être examinées et les critères, appliqués, afin de déterminer la totalité de la relation en question.

[12] Contrôle et supervision – L'appelant a reconnu qu'il était le « patron » . L'entreprise était exploitée dans son bureau, la travailleuse effectuait ses tâches à cet endroit où elle était obligée à travailler uniquement pour l'appelant. Si elle devait quitter le bureau, c'était selon les directives de l'appelant qui lui remboursait les droits de dépôt qu'elle défrayait, ou ses frais de déplacement. L'appelant a dit clairement que les règles du Barreau du Haut-Canada exigeaient qu'il exerce cette supervision constante et complète pour tous les travaux effectués dans son bureau, ce qui expliquerait en quelque sorte l'étroite supervision qu'il exerçait sur cette travailleuse; elle était engagée pour faire le travail de l’appelant conformément aux directives de ce dernier quand elle était dans son bureau. De plus, comme tout homme d'affaires prudent, il aurait supervisé les documents qui sortaient de son bureau puisque son entreprise et sa réputation étaient en jeu. La travailleuse ne pouvait embaucher personne pour faire son travail puisque c'était elle, la travailleuse, qui était engagée par l'appelant. Ce critère final appuie la thèse de l’existence d’une relation employeur-employé.

[13] Bénéfice/perte – On ne s'attendrait pas à ce que la travailleuse participe aux profits de l'étude. Elle était engagée et payée pour les heures où elle travaillait. On ne s'attendrait pas non plus à ce qu’elle subisse une perte si l'étude venait à en subir une.

[14] Propriété des instruments de travail – La travailleuse effectuait ses tâches dans les bureaux de l'appelant et, à l'occasion, à l'extérieur du bureau, selon les directives de ce dernier. L'appelant était le propriétaire et le fournisseur de tout l'équipement utilisé par la travailleuse; elle n'utilisait aucun équipement qui lui appartenait pour effectuer ses tâches. Quoique ce facteur ne soit pas vraiment déterminant en soi pour définir la relation d'emploi, il est clair que la travailleuse n'aurait pu accomplir ses tâches sans utiliser l'équipement fourni.

[15] Critère d'organisation ou d'intégration – L'appelant possédait l'entreprise et personne d'autre ne pouvait l’exploiter. La travailleuse en faisait partie et elle accomplissait une fonction nécessaire dans cette entreprise, mais il ne s’agissait pas d’une activité commerciale qu’elle exerçait pour l’appelant. Elle n'avait pas été embauchée pour effectuer un travail spécifique faisant partie des activités juridiques de l’étude, ni pour effectuer des activités accessoires à celles-ci, comme pourrait le faire un praticien de l'immobilier. Quoique la travailleuse facture ses heures de travail à l'appelant, cela était sans rapport avec la relation réelle qui existait entre les parties. La travailleuse pouvait informer l'appelant de sa disponibilité pour travailler et, jusqu'à un certain point, elle pouvait établir son propre horaire de travail. En tout temps, l'appelant avait le pouvoir de refuser la présence de la travailleuse à son bureau pendant les heures établies ainsi. De fait, l'appelant pouvait décider de ne pas embaucher la travailleuse à ce moment-là ou à tout autre moment, s'il le jugeait à propos. Ces faits appuient la notion d'une relation employeur-employé.

[16] L'entente entre ces parties n'est pas nécessairement déterminante de leur relation, mais elle peut être importante quand les règles de principe mentionnées ci-dessus sont équivoques. Dans les circonstances de l’espèce, en tenant compte de tous les facteurs pertinents de la relation, cette Cour juge qu'il s'agissait d'un « contrat de louage de services » et non d'un « contrat d'entreprise » . La preuve appuie la décision selon laquelle la relation en était une d'employeur-employé et la travailleuse exerçait un emploi assurable.

[17] Les appels sont rejetés et les décisions du ministre sont confirmées.

Signé à Toronto (Ontario), ce 26e jour de mai 1999.

« W.E. MacLatchy »

J.S.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 21e jour d’octobre 1999.

Stephen Balogh, réviseur

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.