Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19991029

Dossier: 98-1286-IT-I

ENTRE :

RICHARD BEAUCHAMP,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Somers, C.C.I.

[1] Cet appel a été entendu à Ottawa, Canada, le 5 octobre 1999. Il s'agit d'un appel, sous la procédure informelle, d'une cotisation d'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1994, 1995 et 1996.

[2] Par avis de nouvelle cotisation datés du 15 décembre 1997, le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) a refusé respectivement les sommes de 4 800 $, 5 825 $ et 6 125 $, au titre de pension alimentaire ou autre allocation payable périodiquement, dans le calcul du revenu de l'appelant à l'égard des années d'imposition 1994, 1995 et 1996. La question en litige consiste à déterminer si les sommes respectives étaient déductibles au titre de pension alimentaire ou autre allocation payable périodiquement

[3] Pour établir les avis de nouvelle cotisation, le Ministre a tenu notamment pour acquis les faits suivants, lesquels ont été admis, niés et ignorés par l'appelant :

« a) suite à la réception de documents provenant du Ministère du Revenu (Québec), le ministre interrogea, par appel téléphonique, l'appelant à l'égard de sa réclamation concernant la prétendue pension alimentaire payée; (admis)

b) l'appelant dévoila au ministre que les sommes qui furent versées à l'ex-conjointe, madame Suzanne Dumouchel, ne le furent pas en vertu d'un arrêt, ordonnance ou jugement d'un tribunal compétent, ou d'une entente écrite signée par les deux parties; (nié)

c) l'appelant mentionna au ministre qu'à l'appui de ses réclamations, il pouvait soumettre des reçus dûment signés par l'ex-conjointe, madame Suzanne Dumouchel; (admis)

d) l'ex-conjointe, madame Suzanne Dumouchel, n'a pas déclaré pour aucune des années d'imposition en litige, quelque revenu que ce soit au titre de pension alimentaire; (ignoré)

e) le ministre ne peut accorder comme déduction au titre de pension alimentaire ou autre allocation payable périodiquement, quelque somme que ce soit, parce que les sommes versées à l'ex-conjointe, madame Suzanne Dumouchel, ne le furent pas en vertu d'un arrêt, ordonnance ou jugement d'un tribunal compétent, ou d'une entente écrite signée par les deux parties. » (nié)

[5] L'appelant et son épouse se sont séparés au mois de septembre 1993. Suite à cette séparation et après six séances de médiation auxquelles ont assisté les époux, devant un notaire, ce dernier a préparé un projet d'entente quant à la pension alimentaire à être payée par l'appelant.

[6] Cette entente fut rédigée et envoyée à chacune des parties. L'année 1995 fut inscrite au haut de la première page de cette entente. L'appelant et son épouse ont admis que cette entente n'a pas été signée par les parties.

[7] Le paragraphe 4 de la section « Contributions financières pour les enfants » de cette entente se lit comme suit :

« Les montants de pension alimentaire versés avant la signature de cette convention soit cent vingt-cinq dollars (125,00 $) par semaine depuis le 29 avril 1995 jusqu'à ce jour avaient été prévus payables de cette façon et seront considérés payés et reçus en vertu de la convention. Ils seront déductibles pour le père et imposables pour la mère. »

[8] L'appelant et son ex-épouse, tous deux témoins à cette séance de la Cour, ont admis que les montants stipulés ont été payés et reçus à partir du 17 septembre 1993 pour les années 1994, 1995 et 1996. Les témoins ont admis qu'ils ont signé une entente, en date du 17 mars 1998, selon laquelle, l'ex-épouse paierait à l'appelant la somme de 80 $ par semaine, sous forme de pension alimentaire puisque la garde des enfants avaient changée. Un jugement fut rendu par la Cour Supérieure (Chambre de la famille) le 19 juillet 1999, prononçant le divorce entre les parties et ratifiant l'entente intervenue entre les parties le 17 mars 1998 comme faisant partie intégrante du jugement. L'appelant a cessé de payer la pension alimentaire à son ex-épouse à partir du mois de juin 1997. L'ex-époux a payé une pension alimentaire de 80 $ par semaine à partir du 21 juin 1997.

[9] L'appelant prétend qu'il peut déduire les sommes payées à son ex-épouse à titre de pension alimentaire, basées sur l'entente non-signée en date de l'année 1995. Le fait qu'il y avait une entente et qu'elle ait été respectée lui donne le droit de faire les déductions appropriées. Il se base sur un article du Code Civil du Québec stipulant qu'une entente intervenue et ratifiée par le paiement des sommes dues doit être considérée comme une entente signée entre les parties.

[10] Le Ministre s'appuie sur l'article 60 et l'alinéa 60b) de la Loi sur l'impôt sur le revenu qui se lisent en partie comme suit :

« ARTICLE 60 : Autres déductions.

Peuvent être déduites dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition les sommes suivantes qui sont appropriées :

...

b) Pensions alimentaires – un montant payé par le contribuable au cours de l'année, en vertu d'une ordonnance ou d'un jugement rendus par un tribunal compétent ou en vertu d'un accord écrit, à titre de pension alimentaire ou autre allocation payable périodiquement pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le contribuable, pour cause d'échec de son mariage, vivait séparé de son conjoint ou ancien conjoint à qui il était tenu d'effectuer le paiement, au moment où le paiement a été effectué et durant le reste de l'année;

... »

[11] La jurisprudence est constante quant à l'application des dispositions de l'alinéa 60b) de la Loi sur l'impôt sur le revenu.

[12] La Cour d'appel fédérale a rejeté l'appel dans l'affaire Hodson v. The Queen (88 DTC 6001). Le juge Heald, qui a rédigé les motifs du jugement, s'est exprimé ainsi à la page 6003 :

« [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Le législateur a été explicite. Si le législateur avait voulu étendre l'avantage conféré par l'alinéa 60b) aux conjoints séparés qui, comme en l'espèce, n'ont ni ordonnance judiciaire ni accord écrit, il l'aurait dit. On perçoit facilement la raison de ne pas inclure le cas des conjoints séparés où des paiements ont été faits et reçus sur la base d'un accord verbal. Un tel régime relâché et incertain peut très bien donner lieu à des ententes trompeuses et frauduleuses et à des plans d'évasion fiscale. Je m'empresse d'ajouter que, en l'espèce, aucun cas d'entente trompeuse et frauduleuse n'a été allégué. Le ministre convient que, en l'espèce, c'est de bonne foi que l'appelant a versé les pensions alimentaires à sa femme. Néanmoins, ce scénario possible peut se présenter dans d'autres cas, ce qui justifie les restrictions soigneusement formulées dans l'alinéa. Si les mots employés par le législateur créent des difficultés, comme l'a laissée entendre l'appelant, il appartient au législateur et non à la cour de remédier à cette situation. »

[13] Bien que les parties ont agi de bonne foi en se soumettant à une médiation devant un notaire, la preuve confirme que les parties n'ont pas signé le projet d'entente préparé par le notaire. L'appelant a fait les paiements de 125 $ par semaine à titre de pension alimentaire, mais la jurisprudence est contante dans des conditions similaires à l'effet que les sommes versées selon le consensus des parties ne sont pas déductibles si l'accord n'est pas signé. Dans la présente cause, l'accord n'as pas été signé et il n'y avait pas de jugement rendu par un tribunal ordonnant le paiement de la pension alimentaire pour les années d'imposition pour 1994, 1995 et 1996.

[14] En conséquence, l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour d'octobre 1999.

« J.F. Somers »

J.S.C.C.I.

Jurisprudence consultée

Risula v. Canada [1996] T.C.J. No. 540

Curley c. Canada [1992] A.C.I. no 583

Daniel Kapel v. M.N.R. 79 DTC 199

Lorne Victor Ardley v. M.N.R. 80 DTC 1106

Reid v. M.N.R. 72 DTC 1540

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