Date: 19990303
Dossier: 98-159-UI
ENTRE :
2885981 CANADA INC.,faisant affaires sous le nom VENTILATION R. ROBINSON,
appelante,
et
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,
intimé,
et
RENÉ CAYA, MONIQUE GAGNON,
intervenants.
Motifs du jugement
Le juge Tardif, C.C.I.
[1] Il s'agit d'un appel à la suite d'avis de cotisations en date du 24 avril et 2 juin 1997 pour les années 1996 et 1997. Les cotisations furent émises pour le non paiement de cotisations d'assurance-chômage et d'assurance-emploi à l'égard de madame Monique Gagnon et monsieur René Caya, intervenants aux présentes.
[2] Madame Monique Gagnon et monsieur René Caya ont témoigné au soutien de l'appel. Ils ont expliqué les origines de la compagnie 2885981 Canada Inc., faisant affaire sous le nom Ventilation R. Robinson (la « compagnie » ).
[3] D'entrée de jeu, madame Gagnon a indiqué que monsieur Serge Robinson avait été, pour les périodes en litige, un actionnaire fictif. La preuve a démontré que cette qualification découlait essentiellement de sa mauvaise compréhension de la participation de chacun des actionnaires.
[4] Ainsi, selon les intervenants, le fait que Serge Robinson n'était pas impliqué ou associé physiquement aux opérations quotidiennes de la compagnie, faisait de lui un actionnaire qu'ils ont qualifié de fictif.
[5] Ni monsieur Caya, ni madame Gagnon n'ont semblé en mesure de faire la distinction entre les statuts d'actionnaires et les statuts d'employés d'où, selon eux, le fait de ne pas travailler pour la compagnie leur permettait d'affirmer et conclure que monsieur Robinson était un actionnaire fictif. Le qualificatif inactif eût été, dans les circonstances, plus approprié, bien que encore là, non fondé légalement puisque la preuve a clairement démontré que monsieur Robinson assumait sa responsabilité d'administrateur.
[6] Cette mauvaise interprétation a sans doute été à l'origine des mauvais renseignements obtenus auprès du bureau de Développement des ressources humaines du Canada lors de la création de la compagnie. Madame Gagnon aurait alors indiqué que seuls monsieur Caya et elle seraient associés aux affaires de la compagnie d'où il leur fut répondu qu'ils ne pouvaient, de ce fait, occuper un emploi assurable pour le compte et bénéfice de la compagnie, étant donné qu'ils ne disposeraient d'aucune disponibilité présumant en outre qu'ils auraient le contrôle sur plus de 40 pour 100 des actions.
[7] Pour déterminer si un emploi est assurable, il est certes important d'analyser toutes les modalités de l'exécution du travail mais il est aussi nécessaire de prendre en considération d'autres éléments et cela, d'une façon particulière, s'il s'agit d'emplois occupés par les actionnaires d'une compagnie. Un même contrat de travail peut être ou non assurable, dépendamment du pourcentage d'actions votantes détenues ou contrôlées par la personne actionnaire détenant l'emploi.
[8] En l'espèce, la preuve a établi que les intervenants et Serge Robinson avaient détenu, jusqu'au 14 novembre 1997, chacun le tiers des actions votantes émises. Il fut également démontré que chacun avait investi 40 000 $ et qu'aucun actionnaire n'avait en droit ou, dans les faits, renoncé au droit de votes inhérents au nombre d'actions détenues.
[9] Madame Gagnon a expliqué que monsieur Caya et elle recevaient un salaire annuel prédéterminé qui était fonction des activités économiques de la compagnie. Elle touchait un salaire inférieur à celui de monsieur Caya. Elle s'occupait essentiellement de toute l'administration et comptabilité. Monsieur Caya, quant à lui, avait la responsabilité de l'exécution des contrats sur les chantiers.
[10] Madame Gagnon a très clairement indiqué qu'ils rendaient compte à Serge Robinson de l'administration; elle lui remettait mensuellement le rapport financier qu'elle préparait. De son côté, monsieur Caya a mentionné qu'il côtoyait très régulièrement monsieur Robinson sur les chantiers. Il fut également démontré que monsieur Robinson avait toujours joui des droits et privilèges conférés par les actions qu'il détenait; il avait pleinement droit au partage des bénéfices s'il y en avait. Il devait intervenir par sa signature dans le cours des affaires de banque.
[11] Conséquemment, il n'y a aucun doute que chacun des actionnaires contrôlait pleinement les droits inhérents à ses actions respectives dans la compagnie. Ni l'un ni l'autre n'avaient un ascendant sur les autres pouvant justifier une abdication ou une renonciation aux droits conférés par les actions détenues.
[12] Conséquemment, le travail exécuté tant par madame Gagnon que par monsieur Caya était assujetti au pouvoir de contrôle de la compagnie qui profitait de l'exécution de leur travail. Connaissant parfaitement la nature de leur travail respectif, il n'était pas nécessaire d'avoir un contremaître qui les surveillait; ils exécutaient le travail selon leurs connaissances et aptitudes et rendaient compte de ce travail à la compagnie au moyen de rapports mensuels.
[13] À tout moment, monsieur Serge Robinson, en sa qualité d'actionnaire-administrateur, avait le droit d'intervenir tout comme madame Gagnon et monsieur Caya d'ailleurs; il est important de comprendre que les actionnaires administrateurs d'une compagnie peuvent détenir deux chapeaux différents.
[14] Dans les faits et en droit, Serge Robinson détenait un seul chapeau, soit celui de dirigeant des affaires de la compagnie, en ce qu'il détenait le tiers des actions de la compagnie, ce qui lui permettait de questionner, surveiller et contrôler la façon dont le travail était exécuté par les travailleurs actionnaires, madame Gagnon et monsieur Caya.
[15] Quant à madame Gagnon et monsieur Caya, ils détenaient chacun deux chapeaux différents, soit un à titre d'employé de la compagnie et l'autre identique à celui de monsieur Robinson à savoir celui d'actionnaire-administrateur.
[16] Il semble que les intervenants ne faisaient pas la distinction entre les deux qualités. Certes, il peut être difficile de comprendre qu'un employé puisse en même temps être patron dans la proportion des actions qu'il contrôle mais cela est pourtant réel.
[17] À cet égard, le travail qu'ils exécutaient à titre de responsable de l'administration et comptabilité pour madame Gagnon et de responsable de l'exécution des contrats sur les chantiers pour monsieur Caya, constituaient de véritables contrats de louage de services en ce qu'ils travaillaient pour le compte et bénéfice de la compagnie; ils recevaient une rémunération déterminée pour le travail et étaient assujettis au droit et pouvoir de contrôle de la compagnie sur le travail qu'ils exécutaient. Que ce droit de contrôle ait été essentiellement théorique et que les intervenants ne se soient jamais sentis subordonnés à l'autorité de la compagnie quant à la façon dont ils exécutaient leur travail, ne change rien à la réalité de la structure corporative et de son droit de contrôle et surveillance sur le travail exécuté par les intervenants ès qualité de travailleurs.
[18] Leur travail était exécuté avec le matériel et équipement que la compagnie fournissait; seule la compagnie pouvait subir des pertes et connaître des profits.
[19] À compter du 14 novembre 1997, le travail de monsieur Caya a cependant perdu sa qualité d'assurabilité puisqu'il a fait l'acquisition des actions de monsieur Robinson augmentant ainsi sa participation dans le capital action de la compagnie à un pourcentage supérieur à 40 pour 100.
[20] Ce changement majeur dans la répartition des actions votantes à compter du 14 novembre 1997 a eu pour effet d'assujettir l'encadrement à d'autres dispositions juridiques claires et précises. En effet l'alinéa 3(2)d) de la Loi sur l'assurance-chômage (la « Loi » ) se lit comme suit :
(2) Les emplois exclus sont les suivants :
...
d) tout emploi d'une personne au service d'une personne morale si cette personne contrôle plus de quarante pour cent des actions avec droit de vote de cette personne morale;
[21] Même si le travail exécuté par René Caya ne fut en rien modifié à compter de ce moment, il devenait non assurable du seul fait qu'il contrôlait à partir de cette date chacun 66 2/3 pour 100 des actions votantes, donc plus de 40 pour 100. Bien que la convention de la vente des actions de monsieur Robinson fasse état que le transfert devait rétroagir au 31 janvier 1997, il n'y a eu aucune preuve que monsieur Robinson avait cédé les droits inhérents à ses actions avant la date du contrat intervenu le 14 novembre 1997. Il y a donc lieu de conclure qu'il a toujours agi comme propriétaire desdites actions jusqu'au transfert.
[22] Pour ces motifs, l'appel est rejeté en ce que les emplois occupés par madame Gagnon et monsieur Caya étaient des emplois assurables au sens de la Loi, du 1er janvier 1996 au 14 novembre 1997 après quoi, seule madame Gagnon avait un emploi assurable pour la compagnie. Les cotisations devront être révisées en conséquence.
Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour de mars 1999.
« Alain Tardif »
J.C.C.I.