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Date: 19990513

Dossier: 96-4189-IT-I

ENTRE :

NANCY VALERIE MULLIGAN,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

LE JUGE RIP, C.C.I.

[1] Nancy Valerie Mulligan interjette appel à l'encontre d'une cotisation d'impôt pour 1994 dans laquelle le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a ajouté à son revenu, conformément à l'article 3 et au paragraphe 82(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ), un dividende imposable de 53 437,50 $ reçu de la Mulligan Enterprises Inc. (la « MEI » ). Mme Mulligan soutient que, en 1994, elle n'a pas reçu un tel dividende de la MEI ou n'en a pas bénéficié.

[2] Avant 1994, Valerie Mulligan et John Mulligan étaient mariés. Chacun d'eux détenait la moitié des actions de la MEI, une société qui exploitait une agence d'enregistrement et une agence d'assurances. Mme Mulligan dirigeait l'entreprise d'enregistrement, et M. Mulligan, l'entreprise d'assurances.

[3] L'appelante et M. Mulligan se sont séparés en juillet 1993. Jusque-là, Mme Mulligan était également l'aide-comptable de la MEI. À la fin de 1993, elle a préparé les livres de comptes et elle a ajusté les comptes des actionnaires « et a de façon générale effectué les rapprochements de comptes pour la fin de l'exercice » , qui était le 31 décembre. Elle a en outre rempli les formulaires d'impôt sur le revenu T4, soit les formulaires relatifs à l'état de la rémunération payée.

[4] Mme Mulligan a témoigné que, avant 1993, elle et M. Mulligan « fractionnaient leur revenu » . Comme ils travaillaient tous les deux pour la MEI, les salaires et les avantages reçus de la MEI étaient « partagés moitié-moitié » . Apparemment, Mme Mulligan et M. Mulligan faisaient en sorte que la société paie de nombreuses dépenses personnelles. Chaque dépense était ajoutée au compte de prêts à l'actionnaire de chacun. À la fin de l'année, chaque compte de prêts à l'actionnaire avait un solde différent. Les comptes étaient fondus en un compte conjoint, et le solde du compte conjoint était réparti à parts égales entre les deux actionnaires, des salaires ou des dividendes étant inscrits à l'égard de chacun des actionnaires. Mme Mulligan insistait pour dire que la MEI versait rarement des dividendes et que le compte de prêts aux actionnaires était généralement réglé par voie de salaires.

[5] En ce qui concernait Mme Mulligan, une fois qu'elle et M. Mulligan furent séparés, le fractionnement du revenu a cessé. Après juillet 1993, ils « ne partageaient plus un compte de prêts aux actionnaires conjoint » . De son point de vue, chacun d'eux était responsable de ses propres retraits de la MEI.

[6] Après juillet 1993, Mme Mulligan ne travaillait plus pour la MEI, mais M. Mulligan a fait en sorte que la compagnie verse un salaire à Mme Mulligan, de manière qu'il n'ait pas à lui verser une pension alimentaire ou allocation d'entretien.

[7] Dans sa déclaration d'impôt pour 1994, Mme Mulligan a indiqué 30 000 $ comme revenu d'emploi provenant de la MEI et 14 860,60 $ comme revenu en dividendes. Le formulaire d'impôt T5 qui lui avait été délivré par la MEI pour 1994, soit l'état des revenus de placements, indiquait qu'elle avait reçu un dividende pour le montant imposable (ou majoré) de 53 437,50 $. (Le montant véritable du prétendu dividende était de 42 750 $.) Mme Mulligan soutenait que des paiements de 14 860 $ seulement avaient été effectués à son profit par la MEI en 1994 et que seul ce montant aurait dû être inclus dans son compte de prêts à l'actionnaire. Elle n'avait nullement l'intention de payer de l'impôt sur quelque somme payée par la compagnie au nom de M. Mulligan ou au profit de ce dernier.

[8] Les parties conviennent qu'à aucun moment avant 1996, les administrateurs de la MEI n'ont par écrit ou lors d'une réunion des administrateurs déclaré des dividendes ou autorisé la MEI à verser des dividendes à ses actionnaires. L'avocat de l'intimée a dit qu'il n'avait trouvé aucune résolution des administrateurs de la MEI autorisant le versement d'un dividende.

[9] Le comptable de la MEI était, depuis la constitution de cette dernière, Theodore Kent Sabine, CGA. M. Sabine remplissait les déclarations d'impôt de M. Mulligan et de la MEI; il a rempli les déclarations d'impôt de la MEI pour la plupart des années depuis 1981 ou 1982. Il a également rempli les déclarations d'impôt de l'appelante pour plusieurs années. En 1995, il a rempli des déclarations d'impôt pour 1994 pour la société, M. Mulligan et Mme Mulligan. M. Sabine a témoigné que, les deux actionnaires s'étant séparés, il se souciait de recevoir des instructions communes « pour remplir les déclarations d'impôt » . Toutefois, Mme Mulligan a également rempli sa propre déclaration d'impôt pour 1994, qu'elle a envoyée à Revenu Canada. Elle n'a pas envoyé la déclaration que M. Sabine avait remplie pour elle.

[10] Mme Mulligan a témoigné que, le 28 février 1995, son avocat, Me Scott, l'avait informée que son mari avait dépensé 150 000 $ au cours de l'année précédente. Également le 28 février, M. Sabine avait écrit à Me Scott et à Me Mandick, l'avocat de M. Mulligan, pour les informer qu'il lui fallait délivrer ce jour-là des formulaires d'impôt sur le revenu concernant les salaires (T4) et les dividendes (T5) pour 1994 si la MEI voulait éviter des pénalités pour production tardive. Il proposait de délivrer à M. Mulligan et à Mme Mulligan des formulaires T5 faisant état d'un montant de 42 750 $ pour chacun. M. Sabine indiquait que « [...] la déclaration de salaires laisse un solde débiteur combiné d'environ 59 000 $ dans le compte de prêts aux actionnaires » . Il écrivait que cela était « basé sur les reports effectués durant l'année [par M. Mulligan] et sur nos reports aux fins des rapprochements relatifs au compte courant de la compagnie » . M. Sabine proposait « d'enregistrer un dividende suffisant pour régler le solde débiteur du compte de prêts aux actionnaires et établir un solde, payable aux actionnaires par la compagnie, égal au maximum de l'impôt sur le revenu que chaque actionnaire pourrait avoir à payer le 30 avril 1995. On comptabiliserait de cette manière l'incidence des « retraits » qui avaient été effectués durant l'année sans que des retenues sur la paye soient faites ou que des dispositions semblables soient prises » .

[11] M. Sabine mentionnait ceci : « Nous avons simplement réorganisé un dividende égal au solde débiteur de compte d'actionnaires estimatif de 59 000 $, divisé par 69 p. 100 ou 85 500 $, soit un dividende de 42 750 $ pour chacun » . (M. Sabine estimait que le maximum d'impôt dû par chaque actionnaire le 30 avril 1995 représentait 31 p. 100 du dividende.)

[12] M. Sabine avait informé Me Scott et Me Mandick qu'il entendait procéder à la production des formulaires d'impôt s'il n'avait pas eu de nouvelles de M. Scott avant 16 h 30 le 28 février.

[13] Me Scott avait envoyé à M. Sabine le 28 février une télécopie confirmant leur conversation téléphonique de cette journée-là selon laquelle il n'était pas prêt à autoriser la délivrance des formulaires d'impôt tant que lui et Mme Mulligan n'avaient pas obtenu les registres financiers de la MEI pour l'exercice 1994. Plus tard dans la journée, après avoir consulté Mme Mulligan, Me Scott avait envoyé à M. Sabine une deuxième télécopie, autorisant cette fois la production des formulaires d'impôt concernant les salaires (T4), mais pas la production des formulaires relatifs au versement de dividendes.

[14] Toutefois, plus tard dans la journée du 28 février, apparemment après avoir de nouveau parlé avec Me Scott, Mme Mulligan avait discuté de la question avec M. Mulligan et avait convenu avec lui que M. Sabine remplirait et produirait les formulaires d'impôt (T5) concernant les dividendes comme il l'avait proposé. Elle était au courant que M. Sabine avait rempli le formulaire d'impôt (T5) compte tenu du fait que le dividende réglerait le compte de prêts aux actionnaires conjoint et serait divisé à parts égales entre elle et M. Mulligan.

[15] Le jour suivant, Mme Mulligan avait congédié son avocat, Me Scott, et avait autorisé M. Sabine à remplir et à produire les formulaires T5 concernant les dividendes. Au procès, elle a dit qu'elle était « malade » à l'époque et qu'elle avait pris une décision « stupide » en acceptant que le compte de prêts aux actionnaires soit partagé « moitié-moitié, comme par le passé » . Elle se plaignait que le dividende ne lui avait pas été « pleinement expliqué » . Elle a dit que M. Sabine avait mentionné non pas le montant du dividende, mais simplement l'existence d'un dividende. Elle a dit qu'elle « ne discernait pas le bon d'avec le mauvais » et qu'elle avait entériné le dividende, bien que n'en connaissant pas le montant, « parce que c'était dans le plus grand intérêt de la compagnie » . Elle a dit qu'elle avait été une « épouse dévouée par le passé » et qu'elle voulait continuer à l'être[1].

[16] M. Sabine a témoigné que, une semaine plus tard, Me Scott l'avait avisé qu' « il était de nouveau sur l'affaire » . M. Sabine avait essayé de faire à Me Scott un bilan de ce qui s'était passé dans l'intervalle et il l'avait informé que les formulaires d'impôt T5 avaient été produits. M. Sabine a en outre dit qu'il avait essayé de promouvoir la tenue d'une assemblée des actionnaires et qu'il avait contacté l'avocat de M. Mulligan pour que soit organisée l'assemblée au cours de laquelle seraient approuvés les états financiers, ainsi que la délivrance des formulaires T5. Par une lettre en date du 16 mars 1995, Me Mandick avait dit à Me Scott que les états provisoires de la MEI pour 1994 seraient bientôt prêts à être examinés et qu'il avait été chargé par M. Mulligan de donner avis de la tenue d'une assemblée des actionnaires et des administrateurs de la MEI pour que les états financiers puissent être discutés et « ratifiés, on l'espère » . La réunion proposée devait se tenir le 29 mars 1995 à 15 heures, au bureau de Me Mandick. Me Scott avait répondu le jour suivant que la date de la réunion ne convenait pas; il avait précédemment informé Me Mandick qu'il ne serait pas en ville ce jour-là. De plus, Me Scott posait la question de savoir si l'avis de convocation convenait; il demandait un « avis approprié » . Aucune assemblée des actionnaires ou des administrateurs n'a eu lieu.

[17] Mme Mulligan a reconnu qu'elle avait su que M. Sabine conseillait M. Mulligan sur leur règlement de divorce quand elle avait discuté avec lui du traitement du compte de prêts aux actionnaires.

[18] Apparemment, Mme Mulligan avait reçu les états financiers de la MEI pour 1994 après le 28 février 1995. Le 21 mars 1995, elle avait écrit à M. Sabine pour lui dire qu'elle n'était pas d'accord sur le bilan de la MEI au 31 décembre 1994. Elle contestait également le revenu gagné par l'entreprise d'assurances de la MEI et se plaignait que le compte de prêts à l'actionnaire de M. Mulligan ne reflétait pas certains des frais personnels de M. Mulligan qui avaient été imputés à la MEI. Pour ce qui est des frais imputés à Mme Mulligan, cette dernière acceptait la responsabilité des seuls frais qu'elle avait « personnellement engagés » . Enfin, elle accusait M. Sabine d'avoir traité « de façon inappropriée » les formulaires d'impôt T4 (salaires) et T5 (dividendes), alléguant ceci : « On ne m'avait pas dit qui était assujetti à de l'impôt » . Mme Mulligan avait donné pour instructions à M. Sabine de modifier les formulaires d'impôt T5 (dividendes). Elle n'était pas disposée à payer de l'impôt sur des sommes que la MEI avait versées à M. Mulligan.

[19] M. Sabine a produit ses documents de travail relatifs aux comptes de prêts aux actionnaires pour 1994. La MEI tient elle-même ses livres, et le cabinet de M. Sabine établit les comptes de prêts à l'actionnaire à partir du grand livre général de la compagnie. Comme c'était M. Mulligan qui avait au départ fourni l'information sur les comptes de prêts des deux actionnaires pour 1994, M. Sabine ne savait pas si les sommes indiquées dans le compte de Mme Mulligan, par exemple, avaient été versées au nom de cette dernière ou au profit de M. Mulligan. Il avait effectué « une certaine réattribution quant aux comptes parce qu'il avait trouvé que des « choses » devaient être changées, par exemple des versements de cotisations de régime enregistré d'épargne-retraite. Quoi qu'il en soit, il avait fondu les deux comptes en un.

[20] M. Sabine a expliqué que, habituellement, il discute du projet d'états financiers d'une société avec les actionnaires de la société ou leurs représentants. Il a dit : « Nous fondions les deux comptes [des actionnaires] en un » . Concernant la MEI, il n'arrivait pas à obtenir de consensus quant à savoir ce qui « devait strictement figurer » dans le compte de chaque actionnaire : « L'approche que nous avons utilisée a donc été la même que celle que nous avions utilisée les années antérieures » , c'est-à-dire que les deux comptes ont été combinés et que le montant total a été divisé à parts égales entre les actionnaires. Il a également dit que les deux actionnaires s'entendaient au début et qu'en février, cependant, la première fois que Mme Mulligan avait vu les comptes pour 1994, elle avait dit qu'elle n'était pas d'accord « sur certains montants » [2]. M. Sabine a dit que, dans le passé, les comptes de prêts aux actionnaires avaient été réduits « principalement » par des dividendes et que, toutefois, ils avaient « également été réglés par des primes » .

[21] L'avocat de l'intimée a demandé à M. Sabine pourquoi les comptes des actionnaires étaient réduits par des dividendes. Il a répondu que cela faisait « appel au bon jugement [...][qu'ils avaient] un solde de 56 000 $ à l'égard du compte de prêts combiné » . Il a dit qu'il reconnaissait que la MEI était la seule source de revenus pour les actionnaires et que le divorce en était à la phase finale. Il a dit qu'il avait recommandé un « assez gros dividende aux fins d'un solde créditeur [...] pour payer l'impôt » .

[22] Comme je l'ai écrit précédemment, M. Sabine avait établi une déclaration d'impôt pour 1994 pour Mme Mulligan. À la ligne 150 de cette déclaration d'impôt pour 1994, M. Sabine avait inscrit 53 437,50 $ comme montant majoré des dividendes reçus dans l'année. À la ligne 502 de l'annexe I de la déclaration d'impôt, il avait inscrit un crédit d'impôt basé sur le montant majoré du dividende. Il avait également inclus un revenu d'emploi de 30 000 $. Il avait remis à Mme Mulligan l'original et une copie de la déclaration d'impôt le 28 avril 1995 ou vers cette date. L'autorisation de produire la déclaration électroniquement avait été refusée à M. Mulligan par Mme Mulligan.

[23] M. Sabine a reconnu que, après la première semaine de mars 1995, il « savait qu'il y avait un problème à l'égard des T5 » . M. Mulligan était satisfait des formulaires tels qu'ils avaient été remplis; Mme Mulligan ne l'était pas. M. Sabine avait fait part du problème à l'avocat de chaque conjoint et avait informé ces avocats que Mme Mulligan n'avait pas produit sa déclaration d'impôt sur le revenu pour 1994 telle qu'il l'avait établie.

[24] M. Sabine a dit qu'il n'avait jamais reçu de lettre ou de consentement portant la signature de Mme Mulligan et indiquant que cette dernière approuvait les états financiers de la MEI pour 1994. Le 16 octobre 1995, M. Sabine avait écrit à Me Mandick, l'avocat de M. Mulligan, pour l'informer qu'il ne pouvait communiquer les états financiers de la MEI pour 1994 sans une preuve, entre autres choses, que Mme Mulligan avait produit une déclaration d'impôt indiquant les salaires et les dividendes qu'il avait indiqués dans la déclaration qu'il avait « remplie » ou sans une preuve, si Mme Mulligan avait modifié la déclaration avant de la produire, qu'un dénommé Gardner, médiateur dont on avait retenu les services aux fins du règlement entre les Mulligan concernant les biens, était au courant que Mme Mulligan avait refusé de signer la lettre de déclaration à l'égard des états financiers qu'il lui avait envoyée[3].

[25] Me Mandick avait, pour M. Mulligan, négocié le règlement relatif aux biens intervenu entre les Mulligan. Ce règlement a été signé le 5 février 1996[4]. Me Mandick a témoigné que, durant les négociations, toutes les parties, y compris M. Gardner et les avocats[5], étaient au courant des conséquences fiscales de la réception du dividende pour chaque conjoint. Le 1er février 1996, Me Mandick avait établi à la main une note rendant compte d'une réunion tenue ce jour-là avec M. Gardner. La note, rédigée quatre jours avant que les Mulligan signent le règlement relatif aux biens, dit que Mme Mulligan a une obligation fiscale de 11 000 $ en raison du dividende imposable qu'elle a reçu pour 1994. Du point de vue de Me Mandick, la question de l'obligation fiscale de Mme Mulligan avait été examinée et était réglée. Me Mandick avait traité de l'obligation fiscale de Mme Mulligan dans une lettre, en date du 3 février 1996, à l'avocat de l'époque de Mme Mulligan, Me Pollock. Me Mandick a témoigné que, au cours des négociations, on avait établi plusieurs annexes faisant état de divers projets de règlements relatifs aux biens et tenant compte à chaque fois de l'obligation fiscale de Mme Mulligan pour 1994 et que cette obligation fiscale partait du principe que M. Mulligan avait reçu le dividende indiqué dans le formulaire T5 rempli par M. Sabine et envoyé à Revenu Canada.

[26] Le 3 février 1996, Me Pollock avait écrit à Me Mandick pour lui proposer des modalités de règlement prévoyant entre autres que M. Mulligan verserait 11 000 $ à Mme Mulligan. Toutefois, le procès-verbal de règlement qui a été signé, soit un document établi par Me Pollock, indique à la page 4 que M. Mulligan accepte de garantir Mme Mulligan de toute réclamation contre elle résultant d'une dette ou d'un délit de la compagnie « [...] sauf concernant l'impôt personnel de Mme Mulligan [...] » . Du point de vue de Me Mandick, Mme Mulligan devait payer sa dette fiscale de 11 000 $ et être indemnisée par M. Mulligan.

[27] M. Mulligan a également témoigné. Mme Mulligan lui a posé de nombreuses questions auxquelles il disait ne pouvoir répondre. Il a confirmé que, par le passé, la MEI payait ses frais personnels et ceux de l'appelante et que ces frais étaient imputés à leur compte de prêts à l'actionnaire respectif. Il n'arrivait pas à se rappeler si la MEI lui versait un salaire. Il « effectuait simplement les prélèvements dont il avait besoin » , mais il ne parvenait pas à dire comment les prélèvements étaient traités. Il n'arrivait pas non plus à se souvenir des circonstances dans lesquelles le dividende lui avait été versé en 1994 ni de la façon dont le « fractionnement du revenu » avait été déclaré.

[28] M. Mulligan a confirmé que, lorsque Mme Mulligan avait cessé d'exercer un emploi pour la MEI, en juillet 1993, il s'était chargé des livres de comptes de la MEI. Il avait dressé la liste des frais imputés aux comptes des actionnaires en 1994. Il avait discuté de la ventilation des comptes des actionnaires avec M. Sabine en février 1995.

[29] La question est donc de savoir si les administrateurs de la MEI ont valablement déclaré et versé un dividende à Mme Mulligan. Comme Mme Mulligan n'était pas représentée par un avocat au procès, j'avais demandé à l'avocat de l'intimée un exposé du droit pertinent sur la question de la validité du versement d'un dividende par une société lorsque, comme en l'espèce, il semble n'y avoir eu aucune réunion des administrateurs ou résolution écrite de ces derniers déclarant le dividende. L'avocat de l'intimée devait me transmettre une copie de l'exposé et en transmettre une copie à Mme Mulligan. J'avais suggéré à Mme Mulligan de faire appel à un avocat pour qu'il la conseille sur ce point de droit et je lui avais dit qu'elle pouvait répondre à l'exposé de l'intimée dans les 30 jours suivant la réception de celui-ci. Mme Mulligan n'y a pas répondu et n'a pas non plus communiqué avec la Cour pour demander une prolongation du délai de réponse. La Cour a reçu sa propre copie de l'exposé le 26 février 1999.

[30] La MEI a été constituée conformément aux dispositions de la Business Corporations Act de l'Alberta, R.S.A. 1981, ch. B-15 (la « BCAA » ). Le paragraphe 97(1) de la BCAA est libellé comme suit :

[TRADUCTION]

Sous réserve d'une convention unanime des actionnaires, les administrateurs gèrent l'entreprise ainsi que les affaires d'une société.

Le pouvoir de « gérer l'entreprise ainsi que les affaires » d'une société comprend le pouvoir de déclarer des dividendes : The Queen v. McClurg, 91 DTC 5001, page 5006, juge en chef Dickson[6].

[31] L'article 2.05 du règlement no 1 de la MEI est libellé comme suit :

[TRADUCTION]

[...] les pouvoirs du conseil d'administration peuvent être exercés par la voie d'une résolution adoptée au cours d'une assemblée à laquelle le quorum est atteint ou par la voie d'une résolution écrite signée par tous les administrateurs habilités à voter sur cette résolution au cours d'une réunion du conseil d'administration. [...]

[32] D'après la preuve, à aucun moment en 1994 ou dans les années précédentes les administrateurs de la MEI n'ont par écrit ou au cours d'une réunion des administrateurs déclaré un dividende ou autorisé le versement d'un dividende. Dans ses observations écrites, l'avocat de l'intimée soutenait qu'une conversation que Mme Mulligan et M. Mulligan avaient eue le 28 février 1995, conversation au cours de laquelle Mme Mulligan avait accepté que le montant inscrit dans le compte conjoint de prêts aux actionnaires soit réparti comme dividende à parts égales entre les actionnaires, constituait une réunion des administrateurs. À l'appui de son argumentation, l'avocat de l'intimée citait les passages suivants de la BCAA :

[TRADUCTION]

Réunions des administrateurs

109(1) À moins que les statuts n'en disposent autrement, les administrateurs tiennent leurs réunions en conformité avec les exigences des règlements administratifs quant aux endroits où elles peuvent se tenir et quant aux avis à donner.

(2) Sous réserve des statuts ou des règlements administratifs, la majorité des administrateurs nommés constituent un quorum à n'importe quelle réunion des administrateurs et, nonobstant toute vacance parmi les administrateurs, tous les pouvoirs des administrateurs peuvent être exercés par ceux-ci si le quorum est atteint.

[...]

(6) Un administrateur peut de quelque manière renoncer à l'avis de convocation d'une réunion des administrateurs, et sa présence à celle-ci constitue une renonciation à celui-ci, sauf s'il assiste à une réunion expressément pour s'opposer à l'accomplissement de tout travail pour le motif que la réunion n'a pas été légalement convoquée.

[...]

(9) Dans les cas suivants, un administrateur peut participer à une réunion des administrateurs ou d'un comité d'administrateurs par téléphone ou un autre moyen de communication permettant à toutes les personnes participant à celle-ci de s'entendre :

a) soit les règlements administratifs le prévoient,

b) soit, sous réserve des règlements administratifs, tous les administrateurs de la société y consentent.

Un administrateur participant ainsi à une réunion est réputé pour l'application de la présente loi être présent à celle-ci.

[33] En outre, le règlement administratif no 1 de la MEI dit :

[TRADUCTION]

3.02 RÉUNIONS DES ADMINISTRATEURS — Les réunions des administrateurs peuvent être convoquées en tout temps par l'administrateur et peuvent se tenir au siège social de la société ou à tout autre endroit déterminé par les administrateurs.

9.02 RENONCIATION À L'AVIS — Tout actionnaire (ou mandataire ou représentant dûment nommé de celui-ci dans le cas d'une société qui est actionnaire), administrateur, dirigeant, vérificateur ou membre d'un comité du conseil d'administration peut en tout temps renoncer à un avis ou renoncer au délai d'un avis ou réduire le délai d'un avis devant lui être donné en vertu d'une disposition de la Loi, des statuts, des règlements administratifs ou d'un autre document, et une telle renonciation ou réduction corrige tout défaut quant à la signification d'un tel avis ou quant au délai d'un tel avis, selon le cas. Toute renonciation ou réduction semblable doit être faite par écrit, sauf dans le cas de la renonciation à un avis d'assemblée des actionnaires ou de réunion du conseil d'administration, qui peut être faite de quelque manière que ce soit.

[34] L'intimée soutient donc que, conformément aux dispositions de la BCAA et des règlements administratifs de la MEI, une simple conversation peut constituer une réunion des administrateurs. Aucune disposition n'exige la tenue d'une réunion formelle. Tout ce qui est exigé, c'est qu'un avis soit donné et que les administrateurs se réunissent. La présence d'un administrateur à une assemblée peut toutefois représenter une renonciation à un avis.

[35] L'avocat de l'intimée a cité les motifs rendus par le juge Dussault, de la C.C.I., dans l'affaire Mullin c. Canada, [1992] A.C.I. no 104, à l'appui de la proposition selon laquelle une conversation entre les administrateurs peut constituer une réunion. Dans l'affaire Mullin, le juge Dussault, de la C.C.I., avait conclu que certaines sommes reçues par la contribuable et inscrites dans les livres de la société comme des « avances » étaient en fait des dividendes en raison de l'assentiment de tous les actionnaires, bien que le dividende n'ait pas été déclaré au cours d'une réunion formelle des administrateurs. Il y a toutefois des différences de fait entre l'affaire Mullin et le présent appel. Dans l'affaire Mullin, l'appelante avait reconnu que les sommes en question étaient dans son esprit des dividendes. De plus, dans l'affaire Mullin, il y avait une convention unanime des actionnaires disant que toute distribution de bénéfices prendrait la forme de dividendes. Dans cette affaire, il n'y avait jamais eu de relation débiteur-créancier entre la contribuable et la société en cause, et l'appelante n'avait jamais eu l'intention d'emprunter ou de rembourser les sommes reçues de cette société. Le juge Dussault, de la C.C.I., avait conclu que, lorsqu'il y a des discussions au cours desquelles une convention unanime est conclue, l'exigence en matière de formalités peut être considérée comme superflue. Il a statué à la page 10 qu'un tribunal doit se fonder sur le fond de l'opération et non sur la forme sous laquelle l'opération a été comptabilisée par un comptable, pour déterminer si les paiements en question constituent des dividendes ou s'ils représentent des prêts à l'actionnaire. Un tribunal n'est pas lié par le traitement comptable lorsqu'il détermine que le fond des opérations représente des déclarations et versements de dividendes valables[7]. La décision d'une société de verser des dividendes peut avoir effet malgré l'absence de formalités.

[36] Une jurisprudence ancienne indique que les formalités du droit des sociétés doivent être suivies. Dans l'affaire In re George Newman & Co., [1895] 1 Ch. 674 (Cour d'appel), un administrateur avait reçu ce qui était considéré comme étant essentiellement un cadeau de la compagnie, mais un tel cadeau n'avait pas été officiellement approuvé par une assemblée des actionnaires, bien que tous les actionnaires y aient individuellement consenti[8]. Parlant pour la Cour, le lord juge Lindley avait conclu que, même si le cadeau était dans les limites des pouvoirs de la compagnie (ce qui n'était pas le cas d'après sa conclusion), il était entaché de nullité parce que le pouvoir d'accorder un tel cadeau ne pouvait qu'être exercé à une assemblée générale des actionnaires. À la page 686, il écrivait :

[TRADUCTION]

[...] Toutefois, même si les actionnaires avaient pu en assemblée générale sanctionner l'attribution de ces cadeaux, on n'a jamais tenu d'assemblée générale pour étudier la question. Il est probablement vrai que, si une assemblée avait été tenue, tout ce que M. George Newman désirait aurait été agréé; cependant, c'est de la pure spéculation, et le liquidateur, en sa qualité de représentant de la compagnie en tant que personne morale, est en droit d'insister sur le fait que, même si ce qui a été fait aurait pu être sanctionné en assemblée générale, une telle sanction n'a jamais été obtenue, et il est en droit de se prévaloir de cela. Des assentiments individuels donnés séparément peuvent empêcher les personnes qui les ont donnés de se plaindre de ce qu'elles ont sanctionné; toutefois, lorsqu'il s'agit de déterminer si une compagnie est liée en tant que personne morale, des assentiments individuels donnés séparément n'équivalent pas à l'assentiment d'une assemblée. La compagnie a droit à la protection offerte par une assemblée dûment convoquée et par une résolution dûment examinée, adoptée et enregistrée. [...]

[37] Le lord juge Lindley traitait d'une assemblée des actionnaires parce que le pouvoir en question — le pouvoir de faire des cadeaux aux administrateurs — appartenait aux actionnaires. Dans la présente espèce, le pouvoir de déclarer des dividendes appartient aux administrateurs, mais une analyse semblable est appropriée. Toute mesure prise sans les formalités d'une résolution de société dûment examinée, adoptée et enregistrée serait nulle, quoique le lord juge Lindley dise bien que des assentiments « peuvent empêcher les personnes qui les ont donnés de se plaindre de ce qu'elles ont sanctionné » .

[38] La jurisprudence ultérieure ne souscrit pas aux conclusions auxquelles on était parvenu dans l'affaire In re George Newman & Co. Dans l'affaire In re Express Engineering Works Limited, [1920] 1 Ch. 466, Lord Sterndale, M.R., parlant pour la Cour d'appel, a conclu que des mesures prises lors d'une assemblée incorrectement constituée étaient valables malgré ce défaut, puisque tous les administrateurs et actionnaires de la société avaient donné leur assentiment. Dans l'affaire In re Oxted Motor Company Limited, [1921] 3 K.B. 32, les juges Lush et Greer ont entériné une résolution extraordinaire qui avait été adoptée sans l'avis requis, pour le motif que les deux seuls actionnaires avaient donné leur accord. Dans l'affaire Parker and Cooper Limited v. Reading, [1926] Ch. 975, le juge Asbury a déterminé qu'une débenture, dont l'émission avait été approuvée lors d'une réunion à laquelle n'étaient présents que des administrateurs incorrectement élus, avait été valablement émise, puisque tous les actionnaires avaient donné leur assentiment. À la page 984, il disait :

[TRADUCTION]

Eh bien, mon point de vue sur ces deux décisions est que, dans les cas où l'opération est honnête et dans les limites des pouvoirs, notamment lorsqu'il s'agit d'une opération au profit de la compagnie, on ne peut intervenir si tous les membres de la compagnie y ont donné leur assentiment. Je ne pense pas que la question de savoir si les membres de la compagnie ont donné cet assentiment à différents moments ou simultanément importe le moindrement.

[39] Le raisonnement suivi dans ces dernières causes anglaises a été adopté par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Eisenberg (formerly Walton) v. Bank of Nova Scotia and Ridout et al., [1965] R.C.S. 681. Parlant pour la Cour, le juge Spence a conclu que ces causes et d'autres établissaient que l'assentiment des actionnaires était suffisant pour valider l'opération malgré l'absence de certaines formalités. Aux pages 694-695, il disait :

[TRADUCTION]

Donc, ayant examiné la jurisprudence précitée, je suis amené à conclure que, dans les cas où une opération est dans les pouvoirs de la compagnie, l'opération ne saurait être niée lorsque tous les actionnaires ont donné leur assentiment, même lorsqu'un tel assentiment est donné de façon informelle ou se trouve être donné du fait de la conduite des actionnaires plutôt que par une résolution officielle adoptée lors d'une assemblée dûment convoquée.

[...] J'ai déjà exprimé mon point de vue que, dans de telles circonstances, le consentement unanime de fait de tous les actionnaires valide l'opération tout comme s'il avait été donné lors d'une assemblée officielle.

[40] L'avocat de l'intimée a également fait référence à l'arrêt Roman Hotels Ltd., précité, dans lequel la Cour d'appel de la Saskatchewan avait statué que la décision d'une société pouvait avoir effet malgré l'absence d'une assemblée ou d'une réunion officielle des administrateurs. Aux pages 133-134, le juge Bayda disait :

[TRADUCTION]

[...] Une résolution officielle, examinée, adoptée et dûment enregistrée lors d'une assemblée officielle dûment constituée, est de façon générale la meilleure preuve de l'existence d'une décision d'une société. Bien que ce puisse être la meilleure preuve de ce fait, ce n'en est pas nécessairement la seule. Lorsque, lors d'un examen informel des affaires de la compagnie, il arrive un point où il y a rencontre des esprits de toutes les personnes autorisées à participer à une décision de prendre, au nom de la compagnie, une mesure qui est dans les pouvoirs et que cette mesure est effectivement prise, on peut dire de façon générale que, sauf disposition législative contraire ou règle contraire de la compagnie, la décision de la compagnie a vu le jour lorsqu'il y a eu cette rencontre des esprits, malgré l'inobservation de formalités relatives aux assemblées ainsi qu'à l'adoption de résolutions. [...]

[41] Il semble donc que, en l'état actuel du droit des sociétés, il soit possible de passer outre aux formalités exigées par la loi ou les statuts de la société si les actionnaires ou administrateurs ayant le pouvoir d'autoriser la mesure en cause approuvent unanimement celle-ci. Les « discussions en personne » mentionnées dans l'affaire Mullin ne sont pas nécessaires, et des assentiments peuvent être donnés séparément[9]. De fait, dans l'affaire North West Battery Ltd., précitée, la Cour du Banc du Roi du Manitoba a statué qu'une résolution officielle n'était pas nécessaire lorsqu'il y a approbation unanime. Il est à noter que, dans l'affaire North West Battery Ltd., il s'agissait de savoir s'il y avait suffisamment de preuves de l'existence d'une résolution, ce qui n'est pas le cas dans la présente espèce[10]. Le principe énoncé dans l'arrêt Eisenberg ne s'applique que lorsque l'approbation est unanime et non pas lorsqu'il y a une simple majorité[11].

[42] Il est toutefois clair que, lorsqu'une mesure est unanimement approuvée par les actionnaires ou administrateurs, on peut passer outre à l'exigence quant à la tenue d'une assemblée effective. Dans l'arrêt Eisenberg, la Cour suprême a reconnu que cette unanimité l'emporte sur l'exigence relative à la tenue d'une assemblée énoncée dans l'arrêt In re George Newman.

[43] La question que je dois trancher est donc de savoir si M. Mulligan et Mme Mulligan, les deux seuls actionnaires et administrateurs de la MEI, avaient convenu du fait que les deux comptes de prêts à l'actionnaire seraient fondus en un compte conjoint, que le montant inscrit dans le compte conjoint leur serait versé sous la forme d'un dividende et que chacun d'eux connaissait le montant du dividende. Il est indéniable que, avant leur séparation, les deux avaient convenu que leurs comptes de prêts à l'actionnaire soient fondus en un compte conjoint et que le montant inscrit dans le compte conjoint soit « fractionné » à parts égales entre eux et leur soit versé sous la forme d'un dividende ou d'un salaire. Il est clair que, avant le 28 février 1995, Mme Mulligan ne voulait pas suivre la pratique antérieure et avait donné pour instructions à son avocat de s'opposer à ce que M. Sabine fonde les deux comptes des actionnaires en un seul en vue du versement de dividendes à elle et à M. Mulligan à parts égales. Toutefois, plus tard dans la journée du 28 février 1995, Mme Mulligan a changé d'avis et a convenu avec M. Mulligan de suivre la pratique antérieure concernant les comptes de prêts à l'actionnaire respectifs au 31 décembre 1994. Le 1er mars 1995, elle a informé M. Sabine de procéder à la production des formulaires d'impôt T5 confirmant que des dividendes avaient été versés à elle et à M. Mulligan sur le compte conjoint, à parts égales. Peu après, Mme Mulligan a de nouveau changé d'idée et s'est opposée à la déclaration de dividendes et au versement de ceux-ci à parts égales.

[44] M. Sabine a reconnu que « les deux actionnaires étaient d'accord au début » sur le dividende, et Me Mandick a dit essentiellement la même chose. M. Sabine a dit que, à la fin de février 1995, il était question d'une réconciliation entre les Mulligan : ce peut être la raison pour laquelle Mme Mulligan avait accepté la répartition égale du compte conjoint.

[45] Seuls des administrateurs agissant de concert ont le droit de déclarer des dividendes et d'en autoriser le versement. Lorsqu'il y a plusieurs administrateurs, il n'y en a pas un qui ait à lui seul le pouvoir de déclarer un dividende. M. et Mme Mulligan auraient pu, agissant de concert, déclarer un dividende et en autoriser le versement. Une réunion formelle des administrateurs n'est pas nécessaire. Sur la foi de la preuve dont j'ai été saisi, je conclurais que, le 28 février 1995, Mme Mulligan avait convenu avec M. Mulligan que leurs comptes de prêts à l'actionnaire seraient fusionnés et que le montant inscrit dans le compte conjoint leur serait versé à parts égales sous la forme d'un dividende. Ces mesures ont été unanimement approuvées. En l'état actuel de la jurisprudence, le dividende doit être reconnu comme ayant été valablement déclaré. On m'a présenté des éléments de preuve qui permettent de conclure raisonnablement que Mme Mulligan était au courant du montant du compte conjoint des actionnaires, donc du montant du dividende devant être versé. Le 28 février 1995, M. Sabine a écrit à Mes Scott et Mandick, soit les avocats respectifs de Mme Mulligan et de M. Mulligan, pour les informer du montant du dividende imposable effectif (majoré). L'appelante s'était entretenue avec Me Scott après que ce dernier eut reçu la lettre de M. Sabine et, à observer Mme Mulligan, je n'ai aucun doute qu'elle s'est fait rapporter par Me Scott tous les détails de la lettre de M. Sabine. Mme Mulligan est une personne au courant de ce qui doit être fait et ne semble pas être une personne timide au point de s'abstenir de poser des questions ou de donner son opinion. À ce moment-là, elle avait convenu avec M. Mulligan que le montant inscrit dans le compte conjoint leur serait versé à parts égales sous la forme d'un dividende. Elle connaissait le montant du solde de leurs comptes de prêts à l'actionnaire respectifs et du compte conjoint, ainsi que le montant du solde de ce compte devant lui être attribué. Comme administrateurs de la MEI, elle et M. Mulligan avaient convenu du versement du dividende.

[46] En conséquence, l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour de mai 1999.

« Gerald J. Rip »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 21e jour de février 2000.

Benoît Charron, réviseur



[1]           M. Sabine croyait que, dans la première semaine de mars 1995, il y « avait eu une réconciliation » entre M. Mulligan et l'appelante et qu'ils « essayaient d'avoir un médiateur » .

[2]        Les montants indiqués dans le compte de chaque actionnaire incluaient, entre autres, le montant de l'impôt sur le revenu de chaque actionnaire et le montant des cotisations de régime enregistré d'épargne-retraite de chaque actionnaire payées par la MEI. Ces éléments particuliers ne sont pas mis en question par Mme Mulligan.

[3]           À un moment donné avant mars 1995, l'appelante et M. Mulligan avaient, par l'entremise de leurs représentants, obtenu les services d'un médiateur, M. Gardner, pour le règlement du différend qui les opposait relativement aux biens. M. Sabine a dit que l'on avait fait appel à M. Gardner, qui était comptable agréé et évaluateur d'entreprise, pour qu'il « effectue les calculs » . Me Mandick, qui était alors l'avocat de M. Mulligan, a décrit M. Gardner comme étant un « conseiller bien connu en règlement de différends matrimoniaux et en évaluation de biens » .

[4]           M. Sabine a présenté à Revenu Canada les états financiers de la MEI pour 1994 seulement en février 1996, après que M. et Mme Mulligan eurent réglé leurs affaires. La déclaration d'impôt sur le revenu proprement dite, hormis les états financiers, a été produite à temps.

[5]           Un dénommé Pollock représentait Mme Mulligan durant les négociations concernant le règlement relatif aux biens.

[6]           L'alinéa 97(1)b) de la Business Corporations Act de la Saskatchewan et le paragraphe 97(1) de la BCAA sont semblables, et l'analyse faite par le juge en chef dans l'affaire McClurg est également applicable ici.

[7]           Voir Re Cosco Supply (1979) Ltd., (1982) 135 D.L.R. (3d) 557 (B.R. Alb.), North West Battery Ltd. v. Hargrave, (1913) 15 D.L.R. 193 (B.R.), et Roman Hotels Ltd. v. Desrochers Hotels Ltd., (1976) 69 D.L.R. (3d) 126 (Cour d'appel de la Saskatchewan).

[8]           Voir aussi D'Arcy v. Tamar, Kit Hill, and Callington Railway Company, [1867] L.R. 2 Ex. 158, aux pp. 161-162 (juge Martin) et à la p. 162 (juge Bramwell), et In re Great Northern Salt and Chemical Works, [1890] 44 Ch. D. 472, aux pp. 481-482 (juge Stirling).

[9]           Bien que cette opinion soit implicite dans l'arrêt Eisenberg ( « l'opération ne saurait être niée lorsque tous les actionnaires ont donné leur assentiment [...] » , p. 695), elle peut être considérée comme une opinion incidente, car, dans cette affaire-là, il n'y avait qu'un actionnaire et administrateur, donc aucune possibilité d'assentiments non simultanés.

[10]          Dans l'affaire North West Battery Ltd., la Cour a conclu que le témoignage d'un administrateur était une preuve suffisante de l'existence d'un accord ou d'une résolution. Aucune preuve ne contredisait le témoignage de l'administrateur.

[11]          Voir le jugement Wagman v. M.N.R., 87 DTC 13, dans lequel le juge Bonner, de la C.C.I., a statué que l'appelant n'était pas un actionnaire unique, qu'il n'était pas le seul administrateur, qu'il n'y avait aucune preuve d'un assentiment des autres et que l'opération n'était donc pas dûment autorisée par la société. Le jugement Wagman a été, lors d'un procès de novo, infirmé par la section de première instance de la Cour fédérale (93 DTC 5048).

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