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Date : 19980515

Dossier : 96-4752-IT-I

ENTRE :

IMRE G. CSIZMADIA,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Watson, C.C.I.

[1] Le présent appel a été entendu à Toronto (Ontario) le 5 mai 1998 selon la procédure informelle.

[2] Il s’agit d’un appel interjeté à l’encontre des avis de nouvelles cotisations en date du 13 juillet 1995 pour les années d’imposition 1990, 1991, 1992 et 1993. Le litige porte sur les subventions de recherche reçues au cours de ces années d’imposition et sur la question de savoir si l’appelant peut déduire certains montants au titre de frais d’hébergement, de transport et d’aide professionnelle, et, subsidiairement, si les dépenses rejetées étaient raisonnables dans les circonstances.

[3] L’appelant a reçu des subventions de recherche au cours des quatre années en question afin de superviser un projet international de recherche concertée portant sur le pliage de protéines, y compris les conformations des peptides et la stéréochimie du sulfure organique. Les montants des subventions variaient d’une année à l’autre et n’étaient pas reçus à intervalles réguliers. Ces subventions ont été accordées à l’appelant par l’Université de Nancy, en France, pour chaque année en question; de plus, l’appelant a reçu un montant forfaitaire de 47 944,00 $ de l’Université de Toronto au cours de l’année d’imposition 1993.

[4] Lorsqu’il a établi les nouvelles cotisations pour les années d’imposition 1990, 1991, 1992 et 1993 de l’appelant, le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) a inclus les montants susmentionnés et a admis certaines dépenses telles qu’énoncées dans les annexes révisées de la réponse à l’avis d’appel.

[5] En établissant les nouvelles cotisations de l’appelant, le Ministre a formulé les hypothèses de fait suivantes :

[TRADUCTION]

« a) les faits admis ou énoncés précédemment;

b) pendant toute la période pertinente, l’appelant était professeur à l’Université de Toronto;

c) pendant l’année d’imposition 1993, l’appelant a reçu une subvention de recherche de l’ordre de 47 944,00 $ de l’Université de Toronto;

d) la subvention de recherche de 47 944,00 $ constituait un revenu de l’appelant pour l’année d’imposition 1993;

Subventions de recherche de l’Université de Nancy

e) au cours des années d’imposition 1990, 1991, 1992 et 1993 l’appelant a reçu des subventions de recherche brutes de l’ordre de 158 635, 82 300, 97 989 et 44 265 francs français de l’Université de Nancy, en France;

f) l’Université de Nancy a effectué certaines retenues à la source. Ces retenues comprenaient les contributions aux régimes de pension de vieillesse, d’assurance santé et d’assurance accident (les « retenues » );

g) les déductions concernaient des dépenses personnelles ou des frais de subsistance de l’appelant;

h) les subventions de recherche brutes, soit avant les retenues et les déductions constituaient un revenu pour l’appelant;

Frais d’hébergement

i) au cours des années d’imposition 1990, 1991, 1992 et 1993 l’appelant a déduit respectivement 12 592,62 $, 12 846,58 $, 16 251,09 $ et 14 018,45 $ au titre des frais d’hébergement dans le calcul de son revenu de recherche net;

j) l’appelant a déduit une somme de 5 157,75 $ pour chacune des années d’imposition 1990, 1991, 1992 et 1993 et a déduit 399,20 $ pour chacune des années d’imposition 1991, 1992 et 1993 au titre des meubles et des articles d’ameublement dans le calcul dans son revenu de recherche net;

k) l’appelant a loué à l’année l’appartement pour chacune des années d’imposition 1990, 1991, 1992 et 1993 au loyer annuel de 33 150 francs français;

l) en 1990, l’appelant a meublé l’appartement de meubles et d’articles ménagers valant approximativement 25 788,00 $ (les « meubles » );

m) l’appelant est demeuré en Europe pendant quatre mois et demi en 1990, cinq mois en 1991, huit mois en 1992 et neuf mois en 1993. La plupart du temps, l’appelant restait dans l’appartement de Nancy;

n) pendant les années d’imposition 1990, 1991, 1992 et 1993, lorsqu’il s’est rendu dans d’autres universités, l’appelant a engagé les frais d’hébergement supplémentaires suivants :

1990 1991 1992 1993

Université de Hongrie 1 900 $ 1 900 $ 1 350 $ 1 900 $

Hôtels en France    110

Hôtels en Hongrie 666

Hôtels en Allemagne 3 582 1 057

Hôtels en Autriche 212    169

Total 2 112 $ 1 900 $ 5 598 $ 3 236 $

o) pendant toute la période pertinente, l’appelant vivait séparé de son épouse et de son enfant;

p) pendant toute la période pertinente, la mère de l’appelant demeurait à Budapest, en Hongrie;

q) pendant toute la période pertinente, l’appartement a constitué la résidence temporaire de l’appelant;

r) l’appelant a résidé temporairement à Nancy, en France, et il y a séjourné pendant les années en question;

s) la documentation fournie par l’appelant n’a pas étayé le montant total des frais d’hébergement réclamés par ce dernier;

t) les frais d’hébergement excédant les montants admis par le Ministre pour les années d’imposition 1990, 1991, 1992 et 1993, c’est-à-dire 2 301,16 $, 3 974,79 $, 6 560,29 $ et 8 030,89 $, n’ont pas été engagés par l’appelant ou s’ils l’ont été, ils ne l’ont pas été dans le but d’effectuer des travaux de recherche mais constituent des dépenses personnelles ou des frais de subsistance de l’appelant;

Frais de transport

u) pendant les années d’imposition 1990, 1991, 1992 et 1993, l’appelant a déduit respectivement les montants de 6 331,75 $, de 3 214,06 $, de 7 999,45 $ et de 8 787,00 $ au titre des frais de transport, notamment pour les billets de train, les locations d’automobile, les services de taxis et l’utilisation d’un véhicule personnel, dans le calcul de son revenu de recherche net;

v) en 1992, l’appelant a acheté un véhicule automobile (le « véhicule » ) au prix de 1 900 Deutsche marks, soit approximativement 1 474,00 $ canadiens;

w) au cours des années d’imposition 1992 et 1993, l’appelant a engagé des frais de transport associés à l’utilisation du véhicule, y compris une déduction pour amortissement ( « DPA » ) dans le but d’effectuer le travail de recherche. Il s’agit des montants suivants :

1992 1993

Réparations 216,13 $

Assurances 341,31 $ 238,84

Essence 495,67 499,09

Stationnement 79,76

Frais de péage 8,46 109,39

DPA 147,40 265,40

Total 992,84 $ 3 408,61 $

x) le coût du véhicule était de la nature d'une immobilisation;

y) la documentation fournie par l’appelant n’étayait pas le total des frais de transport réclamés par ce dernier;

z) les frais de transport excédant les montants admis par le Ministre pour les années d’imposition 1990, 1991, 1992 et 1993, c’est-à-dire 3 784,24 $, 2 416,73 $, 6 170,10 $ et 3 756,88 $, n’ont pas été engagés par l’appelant ou, s’ils ont été engagés, il ne l’ont pas été dans le but d’effectuer le travail de recherche mais constituaient des dépenses personnelles ou des frais de subsistance de l’appelant;

Dépenses d’aide professionnelle

aa) au cours des années d’imposition 1990, 1992 et 1993, l’appelant a déduit respectivement les montants de 1 021,18 $, de 1 321,36 $ et de 623,19 $ au titre de frais engagés pour obtenir une aide professionnelle dans le calcul de son revenu de recherche net;

(ab) au cours de l’année d’imposition 1990, l’appelant a engagé des dépenses de l’ordre de 629,77 $ pour assister à des congrès;

(ac) au cours de l’année d’imposition 1992, des frais de 930,00 $ ont été déclarés deux fois par l’appelant ou ont été engagés par d’autres personnes;

(ad) au cours de l’année d’imposition 1993, les frais de 623,19 $ ont été engagés par d’autres personnes;

(ae) la documentation fournie par l’appelant n’a pas étayé le total des frais d’aide professionnelle déclarés par ce dernier;

(af) les frais d’aide professionnelle excédant les montants autorisés par le Ministre pour les années d’imposition 1990 et 1992, c’est-à-dire 121,18 $ et 41,36 $, n’ont pas été engagés ou, s’ils ont été engagés, ils ne l’ont pas été par l’appelant dans le but d’effectuer le travail de recherche. »

[6] À l’audience, l’avocat du Ministre a reconnu que l’appelant avait droit à une déduction supplémentaire pour des dépenses totalisant 7 957,52 $ au cours des quatre années en question pour divers articles qui ont été prouvées par des reçus obtenus de l’appelant postérieurement à l’établissement de la date de l’appel. Il a également reconnu que l’appelant avait droit à une déduction pour le coût des repas pendant qu’il était en cours de déplacement en Europe dans les divers endroits autres que Nancy, en France. Ce montant est établi en fonction d’une allocation journalière de 40,00 $ de la façon suivante : 74 jours en 1990, 53 jours en 1991, 142 jours en 1992, 144 jours en 1993 et 83 jours en 1994.

[7] Il incombe à l’appelant d’établir, selon une prépondérance des probabilités, que les nouvelles cotisations établies pour les quatre années en question étaient mal fondées en fait et droit.

[8] L’alinéa 56(1) o) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi » ) qui établit les règles relatives aux subventions de recherche est ainsi libellé :

« 56.(1) Sans préjudice de la portée générale de l’article 3, sont à inclure dans le calcul du revenu d’un contribuable pour une année d’imposition :

...

o) l’excédent éventuel de toute subvention reçue au cours de l’année par le contribuable pour la poursuite de recherches ou de tous travaux similaires sur le total des dépenses qu’il a engagées pendant l’année dans le but de poursuivre ces travaux, à l’exception :

(i) des frais personnels ou de subsistance du contribuable, sauf ses frais de déplacement (y compris le montant entier dépensé pour ses repas et son logement) engagés par lui pendant qu’il vivait hors de chez lui occupé à poursuivre ces travaux,

(ii) des dépenses qui lui ont été remboursées,

(iii) des dépenses déductibles, comme il est prévu par ailleurs, dans le calcul de son revenu de l’année. »

La version anglaise de cet alinéa est ainsi libellée :

"56.(1) Without restricting the generality of section 3, there shall be included in computing the income of a taxpayer for a taxation year,

...

(o) the amount, if any, by which any grant received by the taxpayer in the year to enable the taxpayer to carry on research or any similar work exceeds the total of expenses incurred by the taxpayer in the year for the purpose of carrying on the work, other than

(i) personal or living expenses of the taxpayer except travel expenses (including the entire amount expended for meals and lodging) incurred by the taxpayer while away from home in the course of carrying on the work,

(ii) expenses in respect of which the taxpayer has been reimbursed, or

(iii) expenses that are otherwise deductible in computing the taxpayer's income for the year;"

[9] Dans l’affaire Scheinberg v. The Queen, [1996] 2 C.T.C. 2089 au paragraphe 7, le juge Bowman de la présente cour a formulé les observations suivantes en ce qui a trait à l’alinéa 56(1) o) de la Loi :

« ... L’alinéa 56(1) o) n’est pas une disposition qui permet une déduction. Il exige l’inclusion dans le revenu du montant d’une subvention de recherches dans la mesure où elle excède les dépenses relatives à la recherche. Lorsque les dépenses excèdent le montant de la subvention, cette disposition n’autorise pas la déduction du montant excédentaire. Si ces dépenses doivent être réduites, il faut trouver ailleurs la disposition autorisant la déduction, le cas échéant. »

[10] Les versions anglaises et françaises de l’alinéa 56(1)o) précisent clairement que les revenus de recherche doivent être inclus dans le revenu du contribuable, mais seulement la portion qui excède les dépenses associées à la recherche; les sous-alinéa (i) à (iii) énoncent les dépenses qui ne peuvent être déduites.

[11] Dans son témoignage, l’appelant a expliqué qu’il avait, en réalité, reçu de l’Université de Nancy 135 004,86 francs en 1990, 68 883,47 francs en 1991, 79 044,56 francs en 1992 et 43 991,23 francs en 1994 et non 159 998,82 francs, 82 300,32 francs, 84 767,52 francs et 57 486,82 francs respectivement; l’Université de Nancy l’a traité comme s’il était un employé et a effectué des retenues à la source (pension de vieillesse, etc.) au regard desquelles l’appelant n’avait aucun contrôle et pour des avantages auxquels il n’avait pas droit comme on le lui avait expliqué clairement. Les montants de 24 993,96 francs, 14 402,88 francs, 6 734,78 francs et 14 180,32 francs ont été inclus par le Ministre dans le revenu de l’appelant au cours des quatre années en question même s’ils n’ont jamais été reçus par ce dernier que ce soit à titre de paiement, de remboursement ou de droit à des avantages.

[12] Eu égard à toutes les circonstances du présent appel, y compris le témoignage des deux témoins, les admissions de l’appelant et de l’intimée et la preuve documentaire, je suis convaincu que l’appelant s’est acquitté de son fardeau d’établir, selon une prépondérance des probabilités, que les montants exacts reçus par lui au titre des subventions de recherche de l’Université de Nancy étaient les suivants : 135 004,86 francs en 1990, 68 883,47 francs en 1991, 79 044,56 francs en 1992 et 43 991,23 francs en 1993; toutefois, en ce qui a trait aux dépenses déclarées qui excédaient les montants autorisés par le Ministre dans la nouvelle cotisation et par l’acquiescement formulé par l’avocat du Ministre à l’audience, tel que susmentionné, je suis convaincu que l’appelant ne s’est pas acquitté de son fardeau d’établir que les divers frais déclarés, y compris les frais de logement, de transport, et d’aide professionnelle constituaient des dépenses engagées par lui « dans le but de poursuivre ces travaux » et non des frais personnels ou de subsistance. Il est malheureux que l’appelant ait été incapable de fournir les reçus et les documents pertinents pour étayer les divers frais réclamés. Je suis convaincu que l’appelant a agi avec honnêteté et bonne foi dans le cadre de ses travaux de recherche.

[13] Par conséquent, l’appel est admis et l’affaire est renvoyée au Ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations conformément aux motifs énoncés ci-dessus.

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de mai 1998.

« D.R. Watson »

J.S.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme le 24 novembre 1998.

Mario Lagacé, réviseur

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