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Date: 19990506

Dossier: 97-248-IT-I

ENTRE :

MARION R. BULLER BENNETT,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bowman, C.C.I.

[1] Cet appel est interjeté à l'encontre d'une cotisation pour l'année d'imposition 1994 de l'appelante. La question est de savoir si des sommes retirées par l'appelante d'un régime enregistré d'épargne-retraite ( « REER » ) et d'un fonds enregistré de revenu de retraite ( « FERR » ) sont exonérées d'impôt en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu du fait de l'article 87 de la Loi sur les Indiens.

[2] Les parties ont fait un exposé conjoint des faits, qui, avec les pièces qui y sont jointes, représente la seule preuve qui ait été produite.

[3] L'exposé conjoint des faits se lit comme suit :

[TRADUCTION]

Les parties admettent les faits suivants aux fins de cet appel et de tout appel contre la décision rendue. Les parties pourront présenter au procès des éléments de preuve supplémentaires non incompatibles avec le présent exposé conjoint des faits partiel.

1. L'appelante est une Indienne selon la définition donnée dans la Loi sur les Indiens et est inscrite en vertu de cette loi [et elle est membre de la bande de Mistawasis en Saskatchewan].

2. À aucun moment l'appelante n'a vécu sur une réserve indienne.

3. Pour toute la période pertinente, l'appelante a eu un revenu d'emploi qui a été gagné en totalité hors d'une réserve et qui n'était pas exonéré d'impôt. Les pièces « A » et « B » annexées au présent exposé conjoint des faits partiel sont des copies conformes des déclarations de revenus T-1 de l'appelante pour 1993 et 1994.

4. Durant les années d'imposition 1993 et 1994, l'appelante était employée comme avocate au cabinet d'avocats de Ray Connell, et son bureau était situé au 1900-1055 West Georgia Street, Vancouver (Colombie-Britannique).

5. Le 19 février 1994, l'appelante a ouvert un régime enregistré d'épargne-retraite ( « REER » ), versant 10 000 $ dans un compte d'épargne à intérêt quotidien portant le numéro 679-646-0. La pièce « C » annexée au présent exposé conjoint des faits partiel est une copie conforme de la demande de REER de l'appelante.

6. Le REER a été ouvert à la succursale Park Royal de la Banque Canadienne Impériale de Commerce ( « CIBC » ). Cette succursale est située au 902, Park Royal South, dans le centre commercial Park Royal South, à West Vancouver (Colombie-Britannique).

7. La CIBC est une banque selon la définition donnée dans la Loi sur les banques.

8. La succursale Park Royal de la CIBC est située sur une réserve au sens de l'article 2 de la Loi sur les Indiens. La bande indienne de Squamish donne du terrain en location au centre commercial Park Royal, qui en donne en sous-location à la CIBC.

9. La cotisation de 10 000 $ de l'appelante à son REER venait de la ligne de crédit personnelle que l'appelante avait à la succursale principale de Vancouver de la CIBC, située au 400, Burrard Street, Vancouver (Colombie-Britannique) (la « succursale principale » ). La succursale principale n'est pas située sur une réserve. L'appelante a remboursé cette ligne de crédit au moyen d'un revenu d'emploi non exonéré.

10. Dans sa déclaration de revenus pour son année d'imposition 1993, qu'elle a signée le 20 avril 1994, l'appelante a déduit sa cotisation au REER, réduisant ainsi de 10 000 $ son revenu imposable.

11. Le 28 février 1994, l'appelante a retiré du REER 650 $ (paiement de 625 $ et frais de résiliation de 25 $). La CIBC a alors retenu de l'impôt sur le revenu représentant 10 p. 100 du paiement, soit 62,50 $, comme l'exigeait la Loi de l'impôt sur le revenu. La pièce « D » annexée au présent exposé conjoint des faits partiel est une copie conforme du relevé de remboursement du compte d'épargne à intérêt quotidien du REER.

12. Le 15 mars 1994, l'appelante a, en personne, à la succursale Park Royal, transféré le solde de 9 350 $ du REER dans un fonds enregistré de revenu de retraite, soit le fonds de revenu de retraite de la CIBC, qui portait le numéro de contrat 89100002080 (le « FRR » ). La pièce « E » annexée au présent exposé conjoint des faits partiel est une copie conforme de la demande de FRR faite par l'appelante à la CIBC, de la demande de transfert interne du centre RER de la CIBC et de la désignation du rentier bénéficiaire.

Les fonds du FRR étaient détenus sous la forme d'un certificat de dépôt encaissable appelé « certificat à taux garanti » , dont le nom a ultérieurement été changé pour « certificat de placement garanti » , sans que cela change quoi que ce soit aux caractéristiques du certificat. Ce certificat était encaissable, en totalité ou en partie, avant la date d'échéance.

14. Lorsque l'appelante a transféré les fonds dans le FRR, elle a donné pour instructions que des paiements mensuels de 650 $ soient prélevés sur le FRR à partir du 31 mars 1994. Ces paiements étaient virés au compte bancaire no 3802132 que l'appelante avait à la succursale principale de la CIBC.

L'appelante a, en septembre 1994, ramené à 300 $ le montant des paiements mensuels.

16. Entre le 31 mars et le 31 décembre 1994, l'appelante a retiré du FRR des sommes totalisant 5 100 $, qui ont toutes été virées au compte que l'appelante avait à la succursale principale. Chaque fois que l'appelante retirait une somme, la CIBC retenait de l'impôt sur le revenu représentant 10 p. 100 du paiement, soit en tout 510 $, comme l'exigeait la Loi de l'impôt sur le revenu. La pièce « F » annexée au présent exposé conjoint des faits partiel consiste dans une copie conforme de chacun des relevés de compte relatifs au FRR de l'appelante pour l'année d'imposition 1994.

17. L'appelante n'a pas inclus les paiements de 650 $ et de 5 100 $ dans sa déclaration de revenus pour l'année d'imposition 1994.

18. Les fonds versés par l'appelante au REER et au FRR font partie des fonds en dépôt de la CIBC dans son ensemble.

19. Le paiement, à l'appelante, des 650 $ provenant du REER a été fait par le centre RER de la CIBC, lequel centre se trouve au siège social de la CIBC. La pièce « G » annexée au présent exposé conjoint des faits partiel est une copie conforme de la déclaration du revenu provenant d'un régime enregistré d'épargne-retraite (formule T4RSP).

20. Le paiement, à l'appelante, des 5 100 $ provenant du FRR a été fait par le centre ORR de la CIBC, lequel centre se trouve au siège social de la CIBC. La pièce « H » annexée au présent exposé conjoint des faits partiel est une copie conforme de l'état du revenu provenant d'un fonds enregistré de revenu de retraite (formule T4RIF).

21. Le siège social de la CIBC est à Toronto (Ontario) et n'est pas situé sur une réserve.

22. Les activités productives de revenu de la CIBC dans son ensemble et non pas simplement de la succursale Park Royal sont principalement exercées à des endroits qui ne font pas partie d'une réserve.

23. Les actifs de la CIBC dans son ensemble et non pas simplement de la succursale Park Royal se trouvent principalement à des endroits qui ne font pas partie d'une réserve.

[4] L'appelante soutient que les 625 $ retirés du REER et les 5 100 $ retirés du FERR sont exonérés d'impôt en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu du fait de l'article 87 de la Loi sur les Indiens. Les paragraphes (1) et (2) de l'article 87 de cette loi se lisent comme suit :

87(1) Nonobstant toute autre loi fédérale ou provinciale, mais sous réserve de l'article 83, les biens suivants sont exemptés de taxation :

a) le droit d'un Indien ou d'une bande sur une réserve ou des terres cédées;

b) les biens meubles d'un Indien ou d'une bande situés sur une réserve.

(2) Nul Indien ou bande n'est assujetti à une taxation concernant la propriété, l'occupation, la possession ou l'usage d'un bien mentionné aux alinéas (1)a) ou b) ni autrement soumis à une taxation quant à l'un de ces biens.

[5] Les dispositions législatives en vertu desquelles les retraits du REER et du FERR sont imposables d'après l'intimée sont reproduites ci-après.

[6] Le paragraphe 146(8) de la Loi de l'impôt sur le revenu se lit comme suit :

(8) Est inclus dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition le total des montants qu'il a reçus au cours de l'année à titre de prestations dans le cadre de régimes enregistrés d'épargne-retraite, sauf des retraits exclus au sens du paragraphe 146.01(1), et des montants qui sont inclus, en application de l'alinéa (12)b), dans le calcul de son revenu.

[7] L'expression « régime enregistré d'épargne-retraite » est définie au paragraphe 146(1) :

« régime enregistré d'épargne-retraite » Régime d'épargne-retraite accepté par le ministre aux fins d'enregistrement pour l'application de la présente loi comme conforme au présent article.

[8] L'expression « régime d'épargne-retraite » est définie comme suit :

« régime d'épargne-retraite »

a) Contrat conclu entre un particulier et une personne titulaire d'une licence ou par ailleurs autorisée par la législation fédérale ou provinciale à exploiter au Canada un commerce de rentes aux termes duquel, contre le paiement par le particulier ou son conjoint d'une somme périodique ou autre au titre du contrat, un revenu de retraite est prévu pour le particulier à compter de l'échéance;

b) arrangement selon lequel un particulier ou son conjoint verse, selon le cas :

(i) en fiducie à une société titulaire d'une licence ou par ailleurs autorisée par la législation fédérale ou provinciale à exploiter au Canada une entreprise consistant à offrir ses services au public en tant que fiduciaire, un montant périodique ou autre, à titre d'apport en vertu de la fiducie,

(ii) à une société agréée par le gouverneur en conseil pour l'application du présent article et titulaire d'une licence ou par ailleurs autorisée par la législation fédérale ou provinciale à établir des contrats de placement prévoyant le paiement au détenteur d'un tel contrat, ou l'inscription au crédit de son compte, d'une somme fixe ou susceptible de l'être, à l'échéance, une somme périodique ou autre versée à titre de contribution aux termes d'un tel contrat entre le particulier et cette société,

(iii) un montant à titre de dépôt auprès d'une succursale ou d'un bureau au Canada :

(A) soit d'une personne qui est membre de l'Association canadienne des paiements ou qui est admissible à le devenir,

(B) soit d'une caisse de crédit qui est actionnaire ou membre d'une personne morale désignée sous le nom de « centrale » pour l'application de la Loi sur l'Association canadienne des paiements,

(appelé « dépositaire » au présent article),

devant être utilisé, placé ou autrement employé par cette société ou ce dépositaire, selon le cas, en vue d'assurer au particulier, commençant à l'échéance, un revenu de retraite.

[9] Le paragraphe 146.3(5) se lit comme suit :

(5) Il doit être inclus dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition les sommes qu'il a reçues au cours de l'année dans le cadre d'un fonds enregistré de revenu de retraite, sauf la partie de ces sommes qu'il est raisonnable de considérer comme étant :

a) une partie de la somme comprise dans le calcul du revenu d'un autre contribuable en vertu des paragraphes (6) et (6.2);

b) une somme reçue à l'égard du revenu de la fiducie en vertu du fonds pour une année d'imposition pour laquelle la fiducie n'était pas exonérée de l'impôt en vertu du paragraphe (3.1).

[10] L'expression « fonds enregistré de revenu de retraite » est définie comme suit au paragraphe 146.3(1) :

« fonds enregistré de revenu de retraite » Fonds de revenu de retraite accepté par le ministre aux fins d'enregistrement pour l'application de la présente loi et qui est enregistré sous le numéro d'assurance sociale du premier rentier en vertu du fonds.

[11] L'expression « fonds de revenu de retraite » est définie comme suit :

« fonds de revenu de retraite » Fonds visé par une entente entre un émetteur et un rentier aux termes de laquelle l'émetteur, contre les biens qui lui sont transférés, s'engage à verser au rentier et, si le rentier en fait le choix, à son conjoint après son décès, chaque année, à compter au plus tard de la première année civile suivant l'année de l'entente, un ou plusieurs montants dont le total est au moins égal au minimum à retirer pour l'année, chaque versement ne pouvant toutefois dépasser la valeur des biens détenus dans le cadre du fonds immédiatement avant le moment du versement.

[12] Aux termes de l'alinéa 56(1)h) de la Loi de l'impôt sur le revenu, sont à inclure dans le revenu :

h) toutes sommes relatives à un régime enregistré d'épargne-retraite ou à un fonds enregistré de revenu de retraite et qui doivent, en vertu de l'article 146, être incluses dans le calcul du revenu du contribuable pour l'année.

[13] L'alinéa 81(1)a) se lit comme suit :

(1) Ne sont pas inclus dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition :

a) une somme exonérée de l'impôt sur le revenu par toute autre loi fédérale, autre qu'un montant reçu ou à recevoir par un particulier qui est exonéré en vertu d'une disposition d'une convention ou d'un accord fiscal conclu avec un autre pays et qui a force de loi au Canada.

[14] Il ressort clairement de ces dispositions que, à moins d'être exonérés de l'impôt en vertu de la Loi sur les Indiens, les retraits sont imposables en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[15] La première question est donc de savoir quels sont les « biens meubles » à l'égard desquels l'appelante réclame une exonération. L'appelante prétend que ces biens, ce sont les sommes qu'elle a reçues du REER et du FERR. Aucun impôt n'est exigé à l'égard du REER ou du FERR comme tels ni à l'égard du revenu gagné dans le REER ou le FERR. Donc, les biens à l'égard desquels de l'impôt est réclamé par l'intimée et à l'égard desquels une exonération est réclamée par l'appelante ne peuvent qu'être les fonds retirés par l'appelante du REER et du FERR, lesquels sont, en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, assujettis à l'impôt au moment où ils sont reçus par l'appelante.

[16] L'appelante développe son argumentation comme suit. Elle assimile le FERR à un compte bancaire. Les fonds étaient détenus sous la forme d'un certificat de dépôt encaissable appelé « certificat à taux garanti » . Comme un compte bancaire correspond simplement à une relation débiteur-créancier, un retrait du FERR représente simplement le remboursement d'une dette. Le situs d'une dette d'une banque envers ses clients est traditionnellement considéré comme étant la succursale où est détenu le dépôt : Rex v. Lovitt, [1912] A.C. 212.

[17] L'appelante fait en outre référence à l'article 461 de la Loi sur les banques, qui se lit comme suit :

461(1) Pour l'application de la présente loi, la succursale de tenue du compte en matière de compte de dépôt est :

a) celui dont le nom et l'adresse apparaissent sur un exemplaire de la fiche spécimen de signature ou d'une délégation de signature, portant la signature du titulaire du compte ou celui convenu d'un commun accord entre la banque et le déposant lors de l'ouverture du compte;

b) à défaut d'indication de la succursale ou de l'accord prévus à l'alinéa a), celui désigné dans l'avis écrit envoyé par la banque au déposant.

(2) La dette de la banque résultant du dépôt effectué à un compte de dépôt est payable à la personne qui y a droit, uniquement à la succursale de tenue du compte; la personne n'a le droit ni d'exiger ni de recevoir le paiement à une autre succursale.

(3) Nonobstant le paragraphe (2), la banque peut autoriser, d'une manière occasionnelle ou régulière, le déposant à effectuer des retraits ou à tirer des chèques et autres ordres de paiement à une succursale autre que celle de tenue du compte.

(4) La dette de la banque résultant du dépôt effectué à un compte de dépôt est réputée avoir été contractée au lieu où est situé la succursale de tenue du compte.

[18] L'appelante soutient que, si j'accepte sa proposition première, à savoir que le REER et le FERR sont simplement des comptes bancaires, il s'agit de biens meubles situés sur une réserve. Le fait que le REER et le FERR sont des biens meubles semble incontestable. Les fonds qui en sont retirés sont également des biens meubles. Ce n'est toutefois pas le situs du REER ou du FERR qui est en cause. La question essentielle est de savoir quel est le situs des fonds qui ont été retirés.

[19] Dans cette analyse, il importe de déterminer si le REER et le FERR sont, comme le soutient l'appelante, simplement des comptes bancaires auxquels s'applique l'article 461 de la Loi sur les banques.

[20] L'expression « compte de dépôt » figurant à l'article 461 de la Loi sur les banques n'est pas définie. Elle inclut évidemment un compte bancaire ordinaire. Il s'agit de savoir si elle inclut également un arrangement du genre décrit dans les définitions d'un REER et d'un FERR qui se trouvent dans la Loi de l'impôt sur le revenu.

[21] La définition d'un RER inclut, au sous-alinéa b)(iii), « [...] un montant à titre de dépôt auprès d'une succursale ou d'un bureau au Canada [...] » .

[22] Dans le formulaire de demande/cotisation de la CIBC qu'elle avait rempli, l'appelante avait indiqué comme choix de compte un compte d'épargne à intérêt quotidien. Les autres possibilités étaient un compte à taux garanti non remboursable par anticipation et un compte à taux garanti remboursable par anticipation.

[23] Le paragraphe 15 de l'entente relative au REER se lit comme suit :

AVIS ET CENTRE BANCAIRE DU COMPTE: Tout avis, instruction ou directive à la CIBC en vertu des présentes doit être livré ou expédié par la poste, port payé, à la CIBC, Commerce Court Postal Station, Toronto, Ontario, M5L 1A2 ou à toute autre adresse que la CIBC peut à l'occasion préciser par écrit, et sera censé avoir été donné à la CIBC le jour où un tel avis est réellement livré à la CIBC ou reçu par elle. Tout avis, relevé ou reçu qui m'est destiné ou est destiné à mon conjoint et qui est envoyé par la CIBC ou en son nom, devra être livré personnellement ou être expédié par la poste, port payé, à mon intention ou à celle de mon conjoint, à l'adresse inscrite dans les dossiers de la CIBC et, s'il est posté, il sera censé avoir été reçu cinq jours après avoir été mis à la poste.

Aux termes de la Loi sur les banques du Canada, le centre bancaire de mon compte est le centre bancaire nommé dans la formule de demande. Il peut être changé pour tout autre centre bancaire CIBC au Canada que la CIBC ou moi pouvons désigner dans un avis écrit.

[24] La succursale désignée dans cette demande est celle de Park Royal South. La succursale Park Royal est également celle qui est désignée dans la demande relative au fonds de revenu de retraite de la CIBC.

[25] L'entente relative au fonds de revenu de retraite de la CIBC et l'entente relative au REER de la CIBC sont longues et complexes. Je ne les reproduirai pas ici, mais un certain nombre de leurs dispositions méritent d'être commentées.

[26] L'article 4 de l'entente relative au FERR énonce les types de virements au fonds que la CIBC accepte, par exemple des virements de fonds de REER, des virements de fonds se trouvant dans d'autres FERR et d'autres types de virements qu'il est permis d'effectuer en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu sans que cela ait de conséquences fiscales négatives. L'article 6 énonce le type de placement dans lequel l'argent du fonds peut être investi. L'article 7 fait état des paiements minimums devant être faits au rentier. Les articles 8 et 9 traitent des bénéficiaires ainsi que des paiements après le décès du rentier. En vertu des articles 14 à 17, le fonds ne peut servir de gage et ne peut faire l'objet de cessions ou de compensations.

[27] Des dispositions et restrictions semblables figurent dans l'entente relative au REER.

[28] J'ai résumé ces dispositions parce qu'elles montrent les nombreuses restrictions et conditions qui s'appliquent au REER et au FERR. Il est vrai qu'un des placements dans lesquels l'argent d'un REER ou d'un FERR peut être investi est un compte d'épargne, mais cela ne fait pas d'un REER ou d'un FERR un compte de dépôt. Il peut y avoir certaines similarités, mais dire que la relation contractuelle complexe existant entre le rentier et l'émetteur correspond à un compte de dépôt est inexact et par trop simpliste.

[29] Il est évident que la relation entre le rentier et l'émetteur d'un REER ou d'un FERR relève du domaine des contrats et est régie par le droit provincial applicable. La Loi de l'impôt sur le revenu attribue simplement à de telles relations contractuelles des conséquences fiscales particulières. Elle ne régit pas et ne saurait régir la relation civile entre le rentier et l'émetteur. Néanmoins, la relation contractuelle entre le rentier et l'émetteur est conçue pour répondre à la définition donnée dans la Loi de l'impôt sur le revenu, de manière à obtenir les conséquences fiscales voulues.

[30] Je dis cela pour souligner que la nature juridique d'un contrat ou d'un arrangement qui répond à la définition d'un REER ou d'un FERR donnée dans la Loi de l'impôt sur le revenu n'est pas modifiée du fait que la Loi de l'impôt sur le revenu attribue des conséquences fiscales à la propriété d'un tel régime ou fonds ou qu'elle en attribue au fait d'y verser des cotisations ou de recevoir de l'argent qui en provient.

[31] Il importe de faire la distinction entre trois choses :

a) la relation contractuelle qui existe entre le rentier et l'émetteur en vertu des ententes relatives au REER et au FERR;

b) les placements dans lesquels l'argent est détenu, soit, dans le cas du REER, un compte d'épargne et, dans le cas du FERR, un certificat de placement garanti (CPG);

c) les avantages reçus du REER et du FERR.

[32] C'est le situs de l'élément c) qui est pertinent aux fins de l'article 87 de la Loi sur les Indiens. Néanmoins, cela ne peut être déterminé en vase clos, et le situs des éléments a) ou b) peut aider à déterminer le situs de l'élément c).

[33] Je prends comme point de départ dans mon analyse l'arrêt de la Cour suprême du Canada Nowegijick v. The Queen et al.,83 DTC 5041, dans lequel le juge Dickson (titre qu'il portait alors), parlant pour la Cour, a adopté les propos tenus par la Cour suprême de l'Illinois dans l'affaire Bachrach v. Nelson, (1932) 182 N.E. 909, en statuant que le revenu et le revenu imposable sont des biens meubles et qu'un impôt sur le revenu est un impôt sur les biens eux-mêmes.

[34] À part cela, l'arrêt Nowegijick n'est guère utile pour déterminer le situs d'un revenu du genre de celui qui est en cause dans la présente espèce. Une somme retirée d'un REER ou d'un FERR n'est pas un revenu au sens ordinaire. C'est (sauf peut-être pour ce qui est de la partie qui représente des intérêts ou d'autres revenus accumulés) un remboursement de capital qui est imposable seulement parce que la Loi de l'impôt sur le revenu dit qu'il est imposable. La justification de l'imposition de telles sommes tient au fait qu'elles correspondent à des sommes qui avaient antérieurement été déduites dans le calcul du revenu ou qui se composaient en partie de revenus ou de gains en capital qui n'étaient pas imposés tant qu'ils restaient dans le REER ou le FERR.

[35] Ainsi, il est difficile de voir comment l'arrêt Nowegijick, où il s'agissait d'un salaire reçu pour des services fournis hors de la réserve pour un employeur qui était sur la réserve, peut être utile dans la présente espèce. À la page 5043, le juge Dickson disait :

Un point aurait pu soulever un débat. Le fait que les services ont été rendus à l'extérieur d'une réserve était-il pertinent relativement au situs? Sa Majesté a reconnu au cours des plaidoiries, avec raison selon moi, que le situs du salaire de M. Nowegijick était la réserve parce que c'est là où la débitrice, Gull Bay Development Corporation, avait sa résidence ou son lieu d'affaires et parce que c'est là que le salaire devait être payé. Voir Cheshire et North, Private International Law (10e éd., 1979), aux pp. 536 et suiv. et aussi le jugement du juge en chef adjoint Thurlow dans l'affaire R. c. National Indian Brotherhood, [1979] 1 C.F. 103, particulièrement aux pp. 109 et suivantes.

[36] L'arrêt Williams v. The Queen,92 DTC 6320 (C.S.C.), a une pertinence plus directe en ce qui concerne la présente espèce. L'affaire Williams se rapportait à l'exonération d'impôt de prestations d'assurance-chômage auxquelles le contribuable était devenu admissible du fait d'avoir travaillé pour une société d'exploitation forestière située sur la réserve, puis pour la bande. Dans les deux cas, l'employeur était sur la réserve, le travail était accompli sur la réserve, et l'appelant était payé sur la réserve.

[37] Les chèques de prestations d'assurance-chômage provenaient du centre régional d'informatique de la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada, situé à Vancouver.

[38] La Cour suprême du Canada a statué que le situs des prestations d'assurance-chômage était la réserve et que ces prestations n'étaient donc pas imposables. Il ne serait pas utile que je reproduise plusieurs pages d'extraits tirés des motifs du jugement du juge Gonthier. Il suffit que je résume simplement les principes que cet arrêt semble établir et qui s'appliquent dans la présente espèce :

a) Pour déterminer s'il y a exonération en vertu de la Loi sur les Indiens, il importe de prendre en compte la nature et l'objet des exonérations. L'objet est de préserver les droits des Indiens sur leurs terres réservées et de faire en sorte que la capacité de taxation des gouvernements ou la capacité de saisir des créanciers ne porte pas atteinte à l'utilisation des biens des Indiens sur les réserves.

b) La résidence du débiteur comme fondement pour déterminer le situs d'une dette (critère habituel du droit international privé) n'est pas un fondement fiable pour déterminer le situs aux fins de la Loi sur les Indiens. Ce peut être un facteur, voire un facteur important, mais son importance doit être appréciée par rapport aux objets globaux de la Loi sur les Indiens.

c) L'appréciation des facteurs de rattachement pertinents pour déterminer le situs, bien qu'étant utile, doit être faite avec soin, et il faut chercher un moyen terme entre la formulation de catégories trop rigides, d'une part, et l'utilisation de critères excessivement variables et imprévisibles, d'autre part.

[39] À la page 6326, le juge Gonthier disait :

La méthode qui tient le mieux compte de ces préoccupations est celle qui analyse la situation sous le rapport des catégories de biens et des types d'imposition. Par exemple, la pertinence des facteurs de rattachement peut varier selon qu'il s'agit de prestations d'assurance-chômage, de revenu d'emploi ou de prestations de pension. Il faut d'abord identifier les divers facteurs de rattachement qui peuvent être pertinents. On doit ensuite analyser ces facteurs pour déterminer le poids à leur accorder afin d'identifier l'emplacement du bien, en tenant compte de trois choses: (1) l'objet de l'exemption prévue dans la Loi sur les Indiens, (2) le genre de bien en cause et (3) la nature de l'imposition de ce bien. Il s'agit donc de déterminer, relativement à chaque facteur de rattachement, le poids qui devrait lui être accordé pour décider si l'imposition en cause de ce type de bien représenterait une atteinte aux droits de l'Indien à titre d'Indien sur une réserve.

[40] Avant que je tente d'appliquer ces lignes directrices à la présente espèce, il y a un autre arrêt, soit Recalma et al. v. The Queen, 98 DTC 6238 (C.A.F.), auquel il peut être utile de faire référence. Dans cette affaire, la partie appelante réclamait l'exonération d'un revenu provenant d'acceptations bancaires et de fonds communs de placement acquis à une succursale de banque située sur une réserve.

[41] Parlant pour la Cour, le juge Linden décrivait les acceptations bancaires comme étant des billets à court terme émis par des tiers et garantis par une banque. Ces acceptations sont vendues à escompte et rachetées à leur valeur nominale. Les fonds communs de placement faisaient partie du Fonds marché monétaire (qui investissait dans des titres d'emprunt à court terme de gouvernements ou de sociétés) ou du Fonds hypothécaire de la banque.

[42] Le juge Linden, après avoir fait référence à l'extrait tiré de l'arrêt Williams reproduit plus haut, disait aux pages 6239-6240 :

En évaluant les différents facteurs pertinents, la Cour doit décider de l'endroit où il est « le plus logique » de situer les biens meubles afin d'éviter de porter « atteinte à un bien détenu par un Indien en tant qu'Indien » dans le but de protéger le mode de vie traditionnel des autochtones. Dans l'évaluation des différents facteurs pertinents, il est également important de déterminer si l'activité qui a généré le revenu était « étroitement liée » à la réserve, c'est-à-dire si elle faisait « partie intégrante » de la vie dans la réserve, ou s'il est plus approprié de la considérer comme une activité accomplie sur « le marché ordinaire » (voir Canada c. Folster [1997], 3 C.F. 269 (C.A.F.)). Il convient de préciser que le concept « du marché ordinaire » n'est pas un critère ayant pour but de déterminer si les biens sont situés dans une réserve; il s'agit simplement d'un élément qui aide à l'évaluation des divers facteurs à l'étude. Ce n'est absolument pas un critère déterminant. L'exercice de raisonnement primordial est de décider, en tenant compte de l'ensemble des facteurs de rattachement et en gardant à l'esprit l'objet de l'article, de l'endroit où sont situés les biens, c'est-à-dire si le revenu gagné fait « partie intégrante de la vie de la réserve » , s'il est « étroitement lié » à cette vie, et s'il devrait être protégé pour empêcher de porter atteinte aux biens détenus par les Indiens en tant qu'Indiens.

[43] Le juge Linden, en approuvant la manière dont le juge de première instance, le juge Hamlyn, avait traité des divers facteurs et le poids qu'il leur attribuait, a fait remarquer que le poids d'un facteur donné peut varier d'une affaire à une autre. Dans l'affaire Recalma, plus de poids a été accordé à la résidence de l'émetteur et moins à la résidence du contribuable, à la source du capital ayant servi à acheter les titres, à l'endroit où étaient détenus les titres et à l'endroit où le revenu a été dépensé.

[44] L'appelante cherche à distinguer la présente espèce de l'affaire Recalma en faisant valoir que les acceptations bancaires avaient été émises par des personnes qui n'étaient pas sur la réserve et les fonds communs de placement étaient gérés par des personnes qui n'avaient aucun lien avec la réserve, tandis que, dans la présente espèce, le REER et le FERR étaient selon l'appelante des comptes d'épargne, donc des comptes de dépôt situés sur la réserve conformément à l'article 461 de la Loi sur les banques.

[45] Je traiterai de ces deux points avant de commenter les divers facteurs de rattachement. Je ne pense pas que le REER ou le FERR soient simplement des comptes bancaires. Il s'agit d'arrangements juridiques complexes conçus pour parvenir à un résultat fiscal envisagé par la Loi de l'impôt sur le revenu. Pour autant qu'un tel arrangement puisse être considéré comme ayant un situs, ce situs n'est pas la réserve. La relation en cause est une relation avec la CIBC dans son ensemble, dont le siège social est à Toronto. Les sommes investies dans le REER et le FERR, et donc dans le compte d'épargne et le CPG, font partie des actifs de la CIBC dans son ensemble. Ce ne sont pas des actifs ni des obligations de la succursale Park Royal.

[46] Je passe maintenant à l'analyse qu'exigent les arrêts Williams et Recalma :

a) La nature du revenu : Il s'agit essentiellement d'une somme qui représente un remboursement de capital devant être inclus dans le revenu en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu. Cette somme provenait d'un emprunt bancaire contracté hors de la réserve que l'appelante a remboursé avec le revenu qu'elle gagnait dans sa pratique du droit hors de la réserve. Le versement de l'argent dans le REER, argent qui a ensuite été transféré dans un FERR, avait donné lieu à une réduction du revenu de l'appelante en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu.

L'objet de l'exonération prévue dans la Loi sur les Indiens : Est-il essentiel d'accorder l'exonération pour la réalisation de l'objet de l'article 87 de la Loi sur les Indiens tel qu'il a été énoncé dans l'arrêt Mitchell c. Bande indienne Peguis, [1990] 2 R.C.S. 85, et adopté dans l'arrêt Williams? Le fait de refuser l'exonération porterait-il atteinte à la préservation des droits des Indiens sur leurs terres réservées?

J'ai de la difficulté à voir comment le fait de refuser l'exonération réclamée dans la présente espèce pourrait porter atteinte à la préservation des droits des Indiens sur leurs terres réservées ou à leur utilisation de ces terres. L'argent versé dans le REER et, indirectement, dans le FERR provenait de sources hors de la réserve, et le fait d'assujettir cet argent à l'impôt au moment de son retrait ne peut porter atteinte à des droits ou à des biens dont le situs est la réserve.

c) L'activité consistant à placer l'argent dans le REER ou le FERR n'était pas « étroitement liée à la réserve » ou ne faisait pas « partie intégrante de la vie dans la réserve » (Recalma, page 6240; voir aussi Folster v. The Queen, 97 DTC 5315).

Il est peut-être moins évident dans le cas d'un REER ou d'un FERR qu'il s'agissait d'une activité accomplie sur « le marché ordinaire » . De tels placements représentent simplement une façon de profiter d'un régime grâce auquel les Canadiens peuvent, en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, différer l'impôt sur une partie de leurs revenus. Ces placements sont toutefois faits sur un marché concurrentiel situé hors de la réserve.

d) La nature de l'imposition des biens : L'imposition des versements provenant du REER et du FERR fait partie d'un régime législatif qui permet de déduire au cours d'une année donnée une cotisation à un REER et qui oblige à inclure dans le revenu pour une année ultérieure l'argent retiré au cours de cette année ultérieure.

[47] Bien que n'accordant aucun poids à ce facteur, il ne me semble pas particulièrement injuste qu'une personne qui choisit délibérément de bénéficier du traitement fiscal favorable qui est accordé aux cotisations à un REER, doive supporter le fardeau fiscal correspondant lorsque l'argent est retiré. Toutefois, si les règles de droit permettent le résultat en faveur duquel plaide l'appelante, je dois y donner effet.

[48] Il est à noter que le juge Gonthier a dit dans l'arrêt Williams, à la page 6324 :

En conséquence, en vertu de la Loi sur les Indiens, un Indien jouit d'un choix en ce qui concerne ses biens personnels. L'Indien peut situer ces biens sur la réserve, auquel cas les biens sont protégés contre la saisie et la taxation, ou il peut les situer hors de la réserve, auquel cas les biens sont situés à l'extérieur de la zone protégée et peuvent davantage être utilisés dans le cours des opérations commerciales ordinaires dans la société. Il appartient à l'Indien de décider s'il désire bénéficier du système de protection que constitue la réserve ou s'il veut s'intégrer davantage dans l'ensemble du monde des affaires.

[49] Un certain nombre d'autres facteurs doivent être mentionnés, et j'en fais l'énumération, mais sans ordre d'importance particulier :

1. L'appelante vit hors de la réserve et c'est hors de la réserve qu'elle a gagné l'argent qui représente en définitive la base des cotisations. Je tends à accorder relativement moins de poids à ces facteurs.

2. Le REER et le FERR ne sont pas à mon avis des comptes bancaires, et le situs des obligations de la CIBC n'est pas la réserve.

3. Les fonds détenus dans le REER et le FERR n'étaient pas détenus à la succursale Park Royal de la CIBC.

4. Les fonds retirés du REER et du FERR ont été versés par le siège social de la CIBC et ont été virés au compte que l'appelante avait à la succursale principale de la CIBC à Vancouver. Une lecture attentive de l'exposé conjoint des faits ne permet pas de conclure que le produit du REER ou du FERR est jamais passé par la succursale Park Royal.

5. La CIBC n'est pas située sur la réserve, bien qu'une de ses succursales le soit.

6. On ne peut dire que le revenu gagné fait partie intégrante de la vie de la réserve. En fait, il n'avait rien à voir avec la réserve. Aucun facteur ne rattache le revenu à la réserve, si ce n'est le fait que le REER et le FERR ont été ouverts à la succursale de la CIBC située sur la réserve.

[50] L'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de mai 1999.

« D. G. H. Bowman »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 28e jour de février 2000.

Erich Klein, réviseur

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