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Date : 19980526

Dossier : 97-640-IT-I

ENTRE :

DEBORAH ROBINSON,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Rowe, C.C.I.

[1] L’appelante en appelle des cotisations d’impôt sur le revenu établies pour ses années d’imposition 1994 et 1995. Dans sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 1994, l’appelante a demandé à inclure, à titre de frais médicaux, un montant de 11 800 $ qu’elle a versé en frais de scolarité pour que ses enfants puissent fréquenter le Choice Learning Centre for Exceptional Children (Choice) et, dans sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 1995, elle a demandé à inclure un montant de 25 000 $ qu’elle a versé à Choice en frais de scolarité pour ses enfants et, dans chaque année d’imposition, elle a demandé un crédit d’impôt relativement au montant payé dans le calcul de son impôt sur le revenu à payer.

[2] Le Ministre du Revenu national (le “Ministre”) a établi des cotisations lui refusant, pour chaque année d’imposition, le crédit d’impôt demandé relativement aux frais de scolarité versés à Choice au motif que les frais payés n’étaient pas des frais médicaux admissibles selon le paragraphe 118.2(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu et que, par conséquent, l’appelante n’avait pas droit à un crédit d'impôt pour frais médicaux selon le paragraphe 118.2(1) de la Loi.

[3] Le Ministre a concédé que Choice était un établissement d’enseignement et il a reconnu que les enfants de l’appelante avaient fréquenté cet établissement en 1994 et en 1995 et que des frais de scolarité équivalant aux montants demandés avaient été payés. Toutefois, le Ministre soutient que les enfants de l’appelante, même s’ils sont exceptionnellement doués sur le plan intellectuel, n’avaient pas un handicap mental ou physique.

[4] Joan Pinkus a déclaré dans son témoignage qu’elle est une psychologue qui exerce à Vancouver (Colombie-Britannique) et qu’elle est membre du College of Psychologists of British Columbia, de même que de la British Columbia Psychological Association. Elle a obtenu son doctorat en psychologie à l’Université de Toronto il y a 21 ans et elle exerce sa profession de psychologue depuis 23 ans. Le Dr Pinkus a déclaré qu’elle a vu Geoffrey Robinson à la demande de sa mère et de son père, l’appelante et son mari, le Dr Robinson. Geoffrey est né le 4 avril 1987 et il a été vu par elle les 8 juillet et 14 juillet 1993 au moment où il était âgé de six ans et trois mois. Elle a indiqué qu’elle a vu l’appelante et son mari, qui lui ont indiqué que Geoffrey avait beaucoup de difficulté sur le plan affectif et qu’il avait à certains moments un comportement suicidaire. Elle a mené une série de tests dont les résultats ont indiqué que, en raison de ses capacités intellectuelles, Geoffrey se situait au 99e centile dans l’ensemble et qu’il faisait partie du segment de la population décrit comme doué. Le Dr Pinkus a déclaré que Geoffrey était exaspéré et complètement frustré dans sa classe à l’école publique et qu’un coordonnateur au service du district scolaire avait recommandé aux Robinson que Geoffrey soit évalué par elle. Il avait été auparavant à la maternelle mais il était capable de fonctionner au niveau de la troisième année et il n’était pas entouré d’autres enfants ayant des capacités intellectuelles semblables. Le Dr Pinkus a expliqué la frustration que ressentait Geoffrey en faisant l’analogie suivante : “une personne d’une taille de cinq pieds dans une pièce où le plafond est à six pieds est à l’aise, mais une personne d’une taille de six pieds dans une pièce où le plafond est à cinq pieds apprend vite à se courber”. Le Dr Pinkus a déclaré qu’elle a trouvé Geoffrey très doué, fragile et très émotif. Après avoir mené des entrevues et administré toute une série de tests, elle a recommandé aux Robinson d’envoyer leur enfant à Choice car il s’y trouverait avec d’autres enfants de son âge également doués et il pourrait participer à des programmes d’apprentissage enrichis et accélérés. Elle a fait observer qu’elle a vu Geoffrey après qu’il eut commencé à fréquenter Choice et qu’il était heureux et semblait s’épanouir dans ce milieu. Elle a indiqué qu’elle l’a vu plusieurs semaines après qu’il eut fréquenté une classe dans le réseau public et qu’il lui a semblé perdre du terrain encore une fois. Il avait dix ans et il agissait de telle sorte qu’il s’est trouvé de nouveau en thérapie pour en arriver à modifier son comportement, dont le fait de tenir des propos menaçants au sujet de son propre sort. À son avis, Geoffrey n'était pas atteint de trouble oppositionnel avec provocation, de trouble déficitaire de l’attention, d’hyperactivité avec déficit de l’attention ou de tout autre trouble. Le Dr Pinkus a constaté qu’il était atteint d’une dépression causée par un milieu d’apprentissage où, en raison de son quotient intellectuel exceptionnellement élevé, il se sentait à l’étroit.

[5] Le Dr Pinkus a déclaré qu’elle a également vu Michael Robinson, un autre enfant de l’appelant, né le 15 novembre 1985. L’appelante avait raconté au Dr Pinkus que Michael s’était replié sur lui-même, qu’il n’était pas très productif à l’école et qu’il avait cessé de parler. Le Dr Pinkus a indiqué qu’elle a vu Michael à plusieurs reprises et qu’elle lui a administré la batterie habituelle de tests reconnus utilisés dans sa profession pour mesurer la capacité intellectuelle. Elle a découvert que Michael avait obtenu un score - pour son âge - qui le rangeait statistiquement dans un groupe représentant un enfant sur 9 000. Dans ses entretiens avec Michael, elle a constaté qu’il hésitait à fréquenter Choice, mais il lui a indiqué que son frère, Geoffrey, voulait qu’il fréquente cette école. Michael a alors décidé d’aller à Choice et le Dr Pinkus a déclaré qu’elle l’a vu par la suite et qu’elle a constaté qu’il était satisfait et qu’il ne manifestait plus aucun comportement d’un enfant perturbé. À l’heure actuelle, Michael, âgé de 12 ans est de retour dans le réseau des écoles publiques à Richmond (Colombie-Britannique) où il y a des programmes à l’intention des enfants doués selon un mode aléatoire, c’est-à-dire qu’un élève donné - selon les ressources financières disponibles à l’école - peut avoir le droit d’être doué une ou deux fois par semaine entre 9 h et 10 h du matin; toutefois, Michael n’est pas inscrit à un tel programme. À son avis, beaucoup d’administrateurs et d’éducateurs ne sont pas capables de reconnaître les enfants doués, lesquels constituent 4 % de la population globale, mais ne sont souvent pas remarqués sauf s’ils ont des résultats exceptionnels dans la structure du système. C’est pourquoi de nombreux enfants doués commencent à croire que ce sont eux qui ont un problème.

[6] Le Dr Pinkus a également vu Stephen Robinson, un autre enfant de l’appelante, au moment où il avait 4 ans et qu’on pouvait dire de lui qu’il était “si adorable, si intelligent”. Stephen, né le 27 avril 1989, a été étonné de découvrir que les programmes préscolaires étaient si élémentaires. Il avait deux autres frères plus âgés et extrêmement intelligents et, lorsque la batterie habituelle de tests lui a été administrée, il a obtenu un score qui le situait au 99,1e centile. Comme il était déjà un décrocheur préscolaire et qu’il n’y avait aucune maternelle à Choice, Stephen n’a pas commencé à fréquenter Choice avant 1995 et il l’a fait sur la recommandation du Dr Pinkus selon laquelle il “était probablement vulnérable” en raison de sa capacité intellectuelle exceptionnelle et de la structure du réseau public que ses frères avaient déjà connue. Le Dr Pinkus a expliqué que, à l’autre extrémité de la gamme, l’enfant retardé intellectuellement est reconnu comme une personne qui ne peut suivre le programme au même rythme que les autres élèves. Or, on ne démontre pas la même préoccupation à l'égard des enfants doués. À son avis, la majorité des enfants doués ne peuvent s’adapter dans un milieu scolaire moyen. Elle a expliqué qu’il existe beaucoup plus de programmes à l’intention des adolescents que pour les élèves de niveau élémentaire, mais que la plupart des programmes d’apprentissage accéléré dans les écoles publiques ne commencent pas avant la huitième année. Il existe aussi quelques écoles privées qui offrent des programmes répondant aux besoins des enfants doués.

[7] En contre-interrogatoire, on a rappelé au Dr Pinkus une lettre du 14 août 1996 qu’elle avait adressée à Mme Denise Hartman, de la Division des appels à Revenu Canada (pièce R-1) au sujet des trois enfants Robinson, Michael, Geoffrey et Stephen, et la raison pour laquelle elle avait recommandé à divers moments que les enfants fréquentent Choice. Le Dr Pinkus a convenu que de nombreux enfants souffrant de dépression sont traités sans médicament et elle a précisé que la décision d’administrer des médicaments relève d’un psychiatre. Comme elle l’a signalé dans sa lettre à Mme Hartman, le Dr Pinkus a réitéré son opinion selon laquelle les graves problèmes affectifs dont souffrait Geoffrey étaient attribuables à l’absence de possibilités dans le milieu scolaire et que Choice pouvait offrir des programmes correspondant à sa capacité supérieure. À son avis, les enfants dont le quotient intellectuel se situe entre 145 et 160 (la fourchette moyenne est de 90 à 109 avec une moyenne de 100) peuvent souffrir d’une déficience en raison d’une instabilité affective comme celle dont souffraient à la fois Geoffrey et Michael. Stephen n’avait pas de problèmes affectifs au moment où elle lui a fait subir des tests. Selon des études réalisées aux États-Unis, le succès obtenu par des personnes douées pendant toute leur vie est fonction dans une grande mesure de l’appui du milieu composé des membres de la famille ou d’amis. L’étude montre également que certaines personnes, comme des membres de Mensa, la société réunissant les personnes douées, occupent des métiers inférieurs comportant des tâches simples et répétitives et ne travaillent que pour gagner l’argent nécessaire pour être en mesure de se consacrer pendant le reste du temps à une passion quelconque. Le Dr Pinkus a indiqué que, dans certaines provinces au Canada, il existe des “cheminements” par lesquels des élèves sont autorisés à accélérer leurs études dans certaines matières. Elle a expliqué que les difficultés d’apprentissage se remarquent habituellement dès la maternelle ou la première année. À son avis, il est parfois difficile de distinguer entre un enfant qui souffre d’un trouble déficitaire de l’attention ou d’hyperactivité avec déficit de l’attention, d’un autre enfant doué qui s’ennuie tout simplement et, pour cette raison, il faut que certains critères de diagnostic soient remplis au moment de l’administration et de l’interprétation d’une batterie de tests. C’est seulement à ce moment-là qu’un diagnostic peut être posé.

[8] L’appelante, Deborah Robinson, a déclaré dans son témoignage qu’elle est la mère de Michael, de Geoffrey et de Stephen, qui ont tous fréquenté Choice en 1995 moyennant des frais totaux de 25 000 $. En 1994, les frais de scolarité pour Michael et Geoffrey ont été de 11 800 $. L’appelante - qui était présente pendant le témoignage de Lorraine Ford et de Christopher Carroll au moment où ils ont témoigné dans les appels de Patricia M. Collins c. La Majesté la Reine - 97-648(IT)I et 97-2169(IT)I - entendus ensemble - a demandé que la preuve, dans la mesure où elle se rapportait à la structure, au personnel et à l’exploitation de Choice et aux programmes offerts, dans les cas pertinents, s’applique à son appel. L’avocat de l’intimée a consenti. L’appelante a déclaré qu’elle habite à Richmond (Colombie-Britannique) et qu’elle est administratrice des études. Elle a indiqué qu’elle sait que ce ne sont pas tous les enfants doués qui satisferaient aux exigences de la disposition de la Loi relativement aux frais médicaux admissibles, mais que son fils, Geoffrey, avait de sérieux problèmes affectifs. Quand il avait cinq ans en 1992, il avait hâte et il était ravi de fréquenter la maternelle pour des séances d’une demi-journée mais, au bout d’un mois, il demandait des cahiers d’exercices et il terminait les exercices en travaillant de 9 h à 12 h avant de se rendre à la maternelle l’après-midi. L’enseignante lui a dit de mettre ses livres de côté parce que, autrement, il serait bien trop avancé par rapport au reste de la classe. Peu après, Geoffrey a commencé à mouiller ses pantalons et à se plaindre d’avoir à aller à l’école. Il a été vu par Mme McDermott, conseillère en ressources employée par le conseil scolaire de Richmond pour s’occuper des élèves doués et de ceux qui ont des troubles d’apprentissage. Elle s’est rendu compte qu’il s’agissait d’un enfant doué et qu’il devait passer à une année supérieure. C’est ainsi que Geoffrey a commencé à fréquenter une classe combinée maternelle-première année. L’appelante a indiqué que le ministère de l’Éducation de la province de la Colombie-Britannique n’a terminé qu’en 1994 le manuel relatif aux enfants ayant des besoins particuliers. Malheureusement, avant ce moment-là, Geoffrey avait déjà commencé à se tenir sur le bord de la toiture de la maison des Robinson en disant : “Pourquoi suis-je né...les enseignants ne m’aiment pas”. Ce type de comportement n’était pas manifeste en classe et lorsque l’appelante en a informé Mme McDermott, elle avait espéré que les responsables scolaires élaboreraient un programme qui conviendrait à son fils. Cela n’a toutefois pas eu lieu et même dans la classe combinée maternelle-première année, il ne fréquentait quand même l’école qu’une demi-journée - pour finir à 11 h 30 - mais il n’avait aucun livre et aucun pupitre ne lui était attribué. Il n’était pas autorisé à avoir des cahiers avec des feuilles lignées car ces articles n’étaient remis qu’aux élèves de première année à plein temps. L’appelante a déclaré que Geoffrey savait qu’il n’avait pas sa place dans le système. Lorsqu’elle a rencontré le directeur de l’école, il l’a informée de la règle administrative en vigueur en déclarant : “Mme Robinson, les enseignants ne sont pas critiqués par les parents dans cette école”. Pendant la réunion avec Geoffrey et l’appelante, Mme McDermott avait recommandé que l’enfant voit le Dr Joan Pinkus. L’appelante a indiqué qu’elle a constaté qu’il y avait une période d’attente de trois mois pour obtenir un rendez-vous et que Geoffrey, qui avait maintenant six ans, était toujours à la maternelle et que son comportement était inquiétant. Il montait sur la toiture et il se tenait sur la gouttière où il pleurait. Elle a réussi en juillet 1993 à obtenir du Dr Pinkus qu’elle voit Geoffrey. Le Dr Pinkus a entrepris des tests d’une durée de 8 heures et elle a rédigé un rapport (pièce A-1) dans lequel elle indique qu’il a un quotient intellectuel de 160. L’appelante a parlé avec le Dr Pinkus des diverses écoles que son fils pourrait fréquenter puis elle a rencontré M. Bearisto, directeur des ressources d’apprentissage pour le district scolaire de Richmond. Informé des conclusions tirées par le Dr Pinkus après l’administration de plusieurs tests à Geoffrey, comme elle les relate dans son rapport, il a fait la réponse suivante : “On peut toujours acheter des résultats”. Il a ensuite informé l’appelante et son mari que le réseau des écoles publiques de Richmond n’avait aucune règle spéciale au sujet des enfants doués, que Geoffrey pourrait être admis en première année ordinaire à l’école locale, mais qu’il ne pouvait être transféré à une autre école même si elle était située dans le même secteur géographique. L’appelante a déclaré qu’elle a décidé en 1993 d’envoyer Geoffrey à l’école à Choice. Il avait alors six ans et, peu après avoir commencé à Choice, il a commencé à faire du travail de deuxième année puis de troisième année. Au début, il était peu assuré, il hésitait à retirer son veston, il pleurait souvent et il refusait de manger son dîner. Toutefois, son enseignante, Mme Haines, lui téléphonait tous les dimanches pour lui dire : “J’espère que tu seras là demain”. À la fin de la session scolaire, Geoffrey faisait du travail de troisième et de quatrième année car il avait décidé, vers Noël 1993, que Choice était une bonne école à fréquenter pour lui. Par la suite, il n’y a plus eu d’“épisodes sur le toit” et il avait hâte d’aller à l’école. Pendant qu’il fréquentait l’école publique à Richmond, il semblait avoir l’impression de ne pas être valorisé et il était généralement en colère contre ses parents. L’appelante a déclaré que Geoffrey a fréquenté Choice de 1993 à 1997, mais qu’il est maintenant de retour à l’école publique - en septième année - soit dans une année de deux ans supérieure à son âge chronologique. Il subit toutefois une thérapie sous les soins du Dr Pinkus.

[9] L’appelante a déclaré qu’elle-même et son mari sont arrivés en Colombie-Britannique en 1992. Michael, né le 15 novembre 1985, a 17 mois de plus que Geoffrey et il avait suivi un programme d’immersion en français à son ancienne école dans une classe combinant la maternelle et la première année. À l’école publique de Richmond, il a suivi un programme d’aide à l’apprentissage en deuxième année - pour une raison quelconque qui ne lui a jamais été expliquée - mais il a été retiré de ce programme en décembre et il a eu une bonne année scolaire par la suite. Après le début de la session d’automne en 1993, l’enseignante de Michael a téléphoné à l’appelante pour l’informer que Michael s’était replié sur soi au point qu’il faisait un dessin - plutôt que de parler - lorsqu’il désirait communiquer. L’appelante a indiqué qu’elle a amené Michael voir le Dr Pinkus, qui a administré des tests et a déclaré qu’il se situait au 99e centile, mais elle n’a rédigé aucun rapport. Le Dr Pinkus s’inquiétait de la léthargie de Michael et, après quelques entretiens, l’appelante a décidé, en janvier 1994, que Michael devait aller à Choice. Il a été placé en troisième année et il s’est remis de nouveau à parler, presque sans arrêt. Conformément au programme individuel qui a été conçu pour lui, il avançait à son propre rythme dans diverses matières dans une classe avec d’autres enfants doués âgés de huit ans. Il a continué de fréquenter Choice jusqu’au 30 juin 1997. Il étudie actuellement dans une école publique locale - en septième année - ce qui correspond à son âge chronologique même s’il avait déjà accompli certains travaux au niveau de la huitième année pendant qu’il était à Choice. À l’école publique, sa classe compte 55 élèves et les matières sont enseignées par divers enseignants. De l’avis de l’appelante, bon nombre de ces enseignants sont très bons mais, dans l’ensemble, il n’y a pas de place dans ce système pour l’enfant doué.

[10] L’appelante a déclaré que Stephen - né le 27 avril 1989 - avait près de cinq ans lorsqu’elle l’a amené voir le Dr Pinkus, qui lui a administré les tests convenant à un enfant de cet âge. Après avoir appris qu’il se situait au 99e centile, elle l’a inscrit à Choice dès qu’il eut terminé la maternelle. Il est resté à Choice pendant deux ans et il est maintenant de retour à l’école publique dans une classe combinée de cinquième et sixième année où il a trois ans de moins en moyenne que ses collègues. L’appelante a mentionné une lettre (pièce A-2) en date du 17 avril 1996 qu’elle avait reçue de Revenu Canada et dont l’auteur, soit P.J. Murphy, chef de la section des appels en matière d’impôt sur le revenu au Centre fiscal de Surrey, avait énoncé la position du Ministre - pour ce qui est des frais de scolarité qu’elle avait versés à Choice pour ses trois enfants. Le Ministre refusait de considérer cette dépense comme des frais médicaux du fait qu’aucun des enfants n’avait de handicap mental, selon le diagnostic posé par un généraliste reconnu, au point qu’il était nécessaire de leur procurer du matériel ou des installations de nature particulière, ou que des personnes ayant une formation spéciale devaient s’en occuper, et que ces services n’étaient pas disponibles dans le réseau des écoles publiques. Le Ministre déclarait en outre qu’il ne reconnaissait pas que Choice était une école qui disposait des moyens nécessaires pour s’occuper d’enfants ayant un handicap mental, même si les enfants avaient eu un tel handicap. L’appelante a concédé que, en raison de ce qu’elle avait connu avec ses fils plus âgés, Michael et Geoffrey, elle n’a pas attendu que Stephen développe des troubles affectifs et qu’elle l’a plutôt envoyé à Choice le plus tôt possible comme mesure préventive.

[11] L’avocat de l’intimée n’a pas contre-interrogé l’appelante.

[12] John Robinson a indiqué qu’il est le mari de l’appelante et le père des trois enfants mentionnés dans l’appel. Il travaille à titre de professeur dans un établissement d’enseignement post-secondaire. À son avis, le Dr Pinkus a hésité à utiliser le terme “handicap mental” dans la description des difficultés éprouvées par ses fils et il était très manifeste que Michael réussissait beaucoup mieux lorsqu’il fréquentait Choice.

[13] L’avocat de l’intimée n’a pas contre-interrogé le témoin.

[14] Le témoignage de Christopher Carroll - pris au cours de l’appel Collins, mentionné plus tôt, dans la mesure où il s’applique au présent appel, figure ci-après.

[15] Christopher Carroll a indiqué qu’il réside à Langley (Colombie-Britannique) et qu’il est enseignant à Choice. Il a obtenu un baccalauréat ès arts et un baccalauréat en éducation, ainsi qu’une maîtrise ès arts en philosophie de l’éducation. Il a aussi entrepris en 1979 des études sur l’éducation non traditionnelle. Il a travaillé au sein d’organismes qui se consacrent aux adolescents perturbés et, de 1986 à 1996, il a enseigné dans des écoles dans le district scolaire de North Vancouver. Il a enseigné de la quatrième à la septième année dans le réseau public à des groupes comprenant en partie des enfants ayant des besoins spéciaux, dont certains qui souffraient d’hyperactivité avec déficit de l’attention, d’autres qui souffraient d’autisme et de jeunes enfants ayant des problèmes affectifs découlant de leur situation familiale perturbée. M. Carroll a indiqué que son propre frère, pendant les années 50, avait manifesté les symptômes que l’on sait maintenant correspondre à un diagnostic d’hyperactivité avec déficit de l’attention. Au cours de son apprentissage professionnel, Christopher Carroll a assisté à des conférences où l’hyperactivité avec déficit de l’attention et d’autres troubles de l’apprentissage avaient été le sujet de discussion et le sujet d’exposés présentés par des psychiatres et des psychologues se spécialisant dans les problèmes affectifs et les problèmes d’apprentissage chez les enfants. Pendant son mandat dans le district scolaire de North Vancouver, il recevait, au début d’une session scolaire, une liste des élèves et il cherchait par la suite à affecter les élèves qui avaient un problème manifeste d’hyperactivité à la classe d’un enseignant ayant une certaine formation spécialisée en troubles d’apprentissage ou en difficultés de comportement. Toutefois, si la classe était nombreuse, il était toujours difficile de s’occuper des élèves ayant un trouble d’apprentissage. À Choice, l’enfant avait son propre plan éducatif, lequel avait été élaboré expressément pour répondre aux besoins et aux problèmes de cet élève. L’école avait pour règle de ne pas dépasser le ratio d’un enseignant pour 15 élèves. Les enseignants ne sont pas syndiqués - il n’y a pas de convention collective - et il existe une certaine marge de manoeuvre pour régler les problèmes et pour affecter les enseignants à des tâches diverses tandis que, dans le réseau public, les administrateurs sont souvent contraints par la convention collective pour ce qui est des horaires, de l’attribution des tâches, ainsi que de la taille et de la composition des classes. Christopher Carroll a indiqué que, dans le réseau public, il y a dans une classe moyenne 27 élèves dont cinq à sept ont des besoins particuliers. Pour qu’un élève puisse fréquenter Choice, il devait se situer au 95e centile pour divers tests psychologiques.

[16] En contre-interrogatoire, Christopher Carroll a convenu qu’il y a un avantage pour l’enfant à être dans une classe moins nombreuse si l’enseignant veut bien consacrer du temps au besoin des élèves. À son avis, l’hyperactivité avec déficit de l’attention est un problème courant et il a comme fonction principale d’éduquer les enfants en leur enseignant le programme en vigueur et en les aidant dans leur croissance personnelle. Pendant qu’il enseignait dans le réseau public en 1995, il bénéficiait des services d’une aide à plein temps qui travaillait avec un enfant qui souffrait d’un type particulier d’autisme, et l’administration avait conçu un programme personnel pour cet élève. Toutefois, il existe une formule complexe pour déterminer le nombre d’élèves dans une classe conformément à la convention collective et certaines règles de financement dans l’administration scolaire peuvent être contraignantes. Il existe à son avis des problèmes pour ce qui est du traitement à accorder aux élèves intellectuellement doués outre les difficultés d’apprentissage ou les problèmes affectifs.

[17] La partie du témoignage de Lorraine Ford, principale à Choice, qui a été donné dans l’appel Collins et qui est pertinent au présent appel, figure dans le texte qui suit. Pour ne pas confondre le lecteur, mentionnons que les numéros de pièces indiqués sont ceux de l’appel Collins et non ceux du présent appel. Aussi, le contre-interrogatoire de Mme Ford n’est pas pertinent au présent appel et il n’est pas reproduit.

[18] Dans son témoignage, Lorraine Ford a déclaré qu’elle est principale à Choice depuis quatre ans et qu’elle avait été auparavant enseignante et vice-principale à l’école. À titre de principale, elle enseigne quand même environ 20 % de son temps. Elle détient un baccalauréat en arts appliqués et un baccalauréat en éducation de l’Université de la Colombie-Britannique, et elle travaille actuellement à sa maîtrise en éducation. Elle a aussi obtenu 30 crédits supplémentaires dans le domaine des troubles du comportement, des incapacités relatives au langage pédagogique, des troubles d’apprentissage spéciaux et de l’enseignement correctif de la lecture. Chacun de ces cours aide à mieux comprendre l’hyperactivité avec déficit de l’attention. Il y a actuellement 113 élèves à Choice, 12 enseignants, elle-même à titre de principale et une adjointe administrative. Les classes vont de la maternelle à la dixième année. Il y a huit salles de cours en tout, ainsi qu’une salle de musique et d’activités, une salle d’informatique où se trouvent 15 ordinateurs personnels, un laboratoire scientifique, une bibliothèque et, à l’extérieur de l’immeuble, un terrain de jeu et un terrain de soccer. Mme Ford a expliqué que, avant d’être admis à Choice, un élève doit subir des tests administrés par un psychologue clinique et que les résultats des examens doivent être présentés à Mme Hélène Giroux, la directrice qui s’occupe des admissions. Elle a mentionné un document (pièce A-11) en date du 25 février 1992, délivré par l’inspecteur des écoles indépendantes, employé par la Direction des écoles indépendantes du ministère de l’Éducation de la province de Colombie-Britannique, attestant que Choice avait le droit d’être exploitée comme une école indépendante pour la période allant jusqu’au 30 juin 1996. Elle a expliqué que le ministère de l’Éducation procède à une vérification approfondie de l’école et que l’agrément doit être renouvelé à tous les deux ans. Une fois qu’une école indépendante est autorisée, elle a le droit de recevoir du Ministère un financement correspondant à 50 % du montant, par élève, payable à une école publique; il existe aussi une formule lui servant à obtenir des sommes supplémentaires pour les enfants ayant des besoins spéciaux et, à cette fin, l’école présente des rapports avec les demandes de financement adressées au Ministère. Mme Ford a expliqué que Choice a comme règle d’élaborer un programme éducatif personnalisé pour chaque élève après qu’elle, à titre de principale, a eu des entretiens avec l’élève, avec ses parents, ainsi qu’avec les enseignants, en vue de répondre aux besoins sur le plan scolaire, sur le plan social et sur le plan affectif, pour atteindre des buts à court terme et à long terme. Avant d’être embauchés à Choice, les enseignants doivent subir une entrevue rigoureuse et ils doivent avoir d’excellentes qualités d’éducateur, ainsi que des capacités d’accueil et d’écoute; aussi, ils sont réévalués à tous les deux ans. Il y a aussi une certaine latitude pour l’organisation des classes à Choice, puisque l’on préfère les petites classes et l’attention individuelle, selon les besoins. On cherche constamment à rester en contact avec les parents, et des rapports et des notes leur sont envoyés périodiquement au sujet de l’élève et de l’école. Il existe, pour l’enseignement du programme obligatoire, un programme accéléré qui n’exige que 60 % des heures disponibles de sorte qu’il en reste 40 % pour s’occuper des besoins affectifs de l’enfant. De l’avis de Mme Ford, il faut accorder une attention spéciale aux enfants doués. Elle a mentionné le certificat de constitution en personne morale (pièce A-12) du Choice Learning Center for Exceptional Children Society, en date du 30 avril 1985, délivré conformément à la loi appelée The Society Act de la Colombie-Britannique, et elle a rappelé les statuts de Choice (pièce A-13) et l’un de ses buts - énoncé au paragraphe 2 - soit de permettre aux enfants ayant une capacité intellectuelle exceptionnelle de faire des études leur permettant de se développer selon leur capacité maximale, et d’offrir des programmes spécialisés à cette fin. Mme Ford a fait observer que, même si un enfant a un handicap ou un trouble d’apprentissage, il ne peut être admis à Choice que s’il possède une capacité intellectuelle exceptionnelle. Actuellement, sur 113 élèves, il y a cinq enfants qui souffrent d’hyperactivité avec déficit de l’attention et 28 autres qui souffrent de diverses formes de dyslexie. Pendant la période de 1993 à 1995, il y a eu à Choice sept élèves qui souffraient d’hyperactivité avec déficit de l’attention. Pour être employé comme enseignant à Choice, il faut avoir au moins un baccalauréat en éducation; l’enseignant est aussi exhorté à assister à des séminaires ou à se renseigner autrement au sujet de l’hyperactivité avec déficit de l’attention en suivant des cours offerts par des universités ou des districts scolaires; il est aussi encouragé à suivre des cours sur l’enseignement aux enfants doués. Même s’il n’existe aucun convention collective, chaque enseignant à Choice doit être membre du British Columbia College of Teachers. Mme Ford a mentionné un manuel des politiques, des méthodes et des directives (pièce A-14) publié par la Direction des programmes spéciaux du ministère de l’Éducation, des compétences et de la formation de la province de la Colombie-Britannique, et elle a précisé que Choice doit se conformer aux règles énoncées dans ce document pour maintenir son agrément. Dans la pièce A-14, à l'onglet E-1, il y a une mention de l’hyperactivité avec déficit de l’attention et d’autres conditions et syndromes ayant un effet sur les besoins éducatifs des élèves. À la page E-11 du manuel, il y a une définition des difficultés d’apprentissage et on y trouve l’hyperactivité avec déficit de l'attention. Mme Ford a affirmé que, à titre de directrice de Choice, elle veille à ce que tous les enseignants connaissent le contenu du manuel, que des exemplaires en sont distribués et que les divers sujets qu’on y trouve sont abordés à l’occasion des réunions du personnel. À ces réunions, le dossier de chaque élève est examiné et il existe pour la plupart un dossier personnel lequel, dans certains cas, comprend des documents fournis par une école publique qu’a fréquentée l’enfant auparavant. Mme Ford a mentionné la lettre datée du 4 septembre 1996 (pièce A-10) publiée par Mme Giroux, fondatrice et directrice générale de Choice, et elle a indiqué qu’elle est d’accord avec les énoncés qui s’y trouvent et qu’elle est convaincue que Choice répond à toutes les exigences du ministère de l’Éducation.

[19] La position de l’appelante est que Geoffrey et Michael avaient connu des difficultés dans le réseau scolaire public. À son avis, la plupart des problèmes étaient attribuables à leur capacité intellectuelle supérieure de sorte qu’ils étaient insatisfaits et qu’ils s’ennuyaient. Pour ce qui est de Geoffrey, il avait un comportement dangereux et très inquiétant. En ce sens, l’appelante a allégué qu’ils souffraient d’un handicap mental lequel, de l’avis du Dr Pinkus, médecin reconnu, exigeait un traitement spécial qui pouvait être offert par les enseignants à Choice, lesquels avaient une formation spéciale pour s’occuper des enfants doués puisqu’un enfant devait se situer au 95e centile au moins pour y être admis comme élève. En outre, Choice offrait des programmes scolaires spéciaux qui étaient conçus pour convenir à chaque élève dans un domaine d’étude donné.

[20] L’avocat de l’intimée a allégué que la preuve ne montrait pas que les critères exigés avaient été remplis. En premier lieu, il n’y avait pas de déficience mentale chez l’un ou l’autre des enfants Robinson et il n’y avait aucune attestation qu’un tel handicap existait. En deuxième lieu, rien dans la preuve ne laissait entendre que l'un ou l’autre des enfants de l’appelante était un “patient” au sens de la version anglaise de l'alinéa 118.2(2)a) de la Loi et le seul service offert par Choice aux enfants Robinson était une éducation spécialisée à l’intention d’élèves doués ne comportant aucun soin, ou le soin et la formation, comme il est expliqué à l’alinéa 118.2(2)e) ou comme le justifierait la jurisprudence pertinente.

[21] La disposition pertinente de la Loi est l’alinéa 118.2(2)e) qui se lit comme il suit :

“(2) Frais médicaux - Pour l’application du paragraphe (1), les frais médicaux d’un particulier sont les frais payés

...

e) pour le soin dans une école, une institution ou un autre endroit - où le soin et la formation - du particulier, de son conjoint ou d’une personne à charge visée à l’alinéa a), qu’une personne habilitée à cette fin atteste être quelqu’un qui, en raison d’un handicap physique ou mental, a besoin d’équipement, d’installations ou de personnel spécialisés fournis par cette école ou institution ou à cet autre endroit pour le soin - ou le soin et la formation - de particuliers ayant un handicap semblable au sien;”

[22] À la lecture de la disposition ci-dessus, on se rend compte qu’il y a plusieurs critères à remplir que voici :

1.                     Le contribuable doit payer un montant pour le soin, ou le soin et la formation, dans une école, une institution ou un autre endroit.

2.                     Le particulier (“patient” dans la version anglaise) doit avoir d’un handicap mental.

3.                     L’école, l’institution ou l’autre endroit doit expressément fournir au particulier ayant un handicap de l’équipement, des installations ou du personnel pour le soin, ou pour le soin et la formation, de particuliers ayant un handicap semblable au sien.

4.                     Une personne habilitée à cette fin doit attester que le handicap mental ou physique est la raison pour laquelle l’école fournit expressément l’équipement, les installations ou le personnel pour le soin, ou pour le soin et la formation, de particuliers ayant un handicap semblable au sien.

[23] En premier lieu, l'intimée ne conteste pas que l’appelante a bien payé les frais de scolarité qu’elle demande ou que les paiements ont été faits à Choice, une école au sens de la disposition.

[24] En deuxième lieu, la question à laquelle il faut répondre est la suivante : est-ce que l’un ou l’autre des enfants de l’appelante avait d’un handicap mental à l’époque pertinente du présent appel? Il n’y a ni dans la Loi ni dans la jurisprudence aucune définition relative à l’article 118.2 ou à la disposition que cette disposition remplace. L’avocat des parties m’a communiqué des définitions du terme “handicap” figurant dans divers dictionnaires dont les suivantes :

Webster's Third New International Dictionary :

[TRADUCTION]

“b) - un désavantage qui rend la réalisation d’un acte extrêmement difficile ”.

The New Collins Concise Dictionary of the English Language :

[TRADUCTION]

“handicap :

1. ce qui gêne ou entrave

2. une compétition, surtout une course, dans laquelle les concurrents reçoivent des avantages ou des désavantages relativement au poids, à la distance, etc., si on veut égaliser leurs chances”

On trouve dans le Shorter Oxford English Dictionary 48 lignes pour la définition du terme - comme substantif et comme verbe - dans la mesure où il se rapporte à des activités sportives, surtout les courses de chevaux, ce qui n’a pas été particulièrement utile.

The Concise Oxford Dictionary of Current English :

[TRADUCTION]

“handicap - (fig., en parlant de circonstances) lieu (personne) ayant un désavantage; (au p.p.) qui à une déficience physique ou mentale”

The Merriam Webster Dictionary, New Edition:

[TRADUCTION]

“handicap : (2) un désavantage qui rend la réalisation d’un acte extrêmement difficile.”

Dans le Stedman's Medical Dictionary, 25e édition (Williams & Wilkins), on lit cette définition :

[TRADUCTION]

“handicap - État physique, mental ou affectif qui entrave le fonctionnement normal d’un individu. Voir aussi déficience.”

[25] Comme l’objet du présent appel porte sur l’admissibilité au crédit d’impôt pour frais médicaux et que, depuis que la disposition existe, les possibilités de déduction se sont élargies de sorte qu’elles s’appliquent maintenant à des dépenses pour le soin, le transport, l’achat de matériel, d’appareils ou de produits, les frais de déplacement, les frais de chambre et pension et les frais d’achat et de soin d’un animal entraîné spécialement pour aider un patient invalide, je préfère la définition du Stedman’s Medical Dictionary à celle des dictionnaires qui définissent surtout l’étiquette relative à des activités comme le golf, les courses de chevaux ou le boulingrin.

[26] Dans l’affaire Speering v. North Bay (City) 7. M.P.L.R. (2d) 308, le juge Bernstein de la Cour de justice de l’Ontario (Division générale), dans un jugement daté du 21 octobre 1991, a abordé la question de savoir si une disposition dérogatoire dans la Loi sur la prescription des actions s’appliquerait à une personne qui, en raison d’une blessure subie à la suite d’une chute sur un trottoir municipal glacé, pouvait intenter son action juridique malgré le fait qu’elle n’avait pas signifié l’avis exigé à la ville dans la période prescrite de sept jours. S’il n’a trouvé dans la Loi sur la prescription des actions aucun article pouvant être favorable au demandeur, le juge Bernstein a établi que l’avis portait préjudice aux personnes qui, en raison d’un handicap mental ou physique, étaient incapables de signifier leurs blessures à la municipalité et que l’article 15 de la Charte avait été violé. Voici ce que déclare le juge Bernstein à la page 314 de son jugement :

[TRADUCTION]

“À cette étape de la procédure, j’ai devant moi une preuve selon laquelle le demandeur blessé a été incapable de transmettre un avis à la municipalité parce qu’il avait, à l’époque pertinente, un handicap physique. Pour autant que je sache, la jurisprudence relative à l’article 15 n’a pas défini le terme “handicap physique”. David Lepofsky, dans son article intitulé “Equality and Disabled Persons” (16 avril 1986), Department of Education, The Law Society of Upper Canada, à la page A-3, dit qu’une personne ayant un handicap physique et mental doit avoir une marque physique ou une condition mentale identifiable, qu’elle soit grave ou mineure, qui peut la rendre incapable d’entreprendre une tâche particulière. Pour ce qui est du handicap, la législation sur les droits de la personne a été interprétée de telle sorte qu’elle couvre toute une gamme de marques permanentes et temporaires, qu’elles soient attribuables à des facteurs congénitaux, accidentels ou pathologiques.”

[27] Il est utile de signaler que le présent appel ne porte pas sur une demande de crédit d’impôt pour déficience au sens de l’article 118.3 de la Loi de l’impôt sur le revenu parce que, dans ces cas, la norme extrêmement élevée à respecter découle de la formulation restrictive de l’article et des définitions qu’on y trouve, dont aucune ne s’appliquerait dans le cas du présent appel. Dans la décision Congo c. Canada [1996] A.C.I. No. 671, l’honorable juge Taylor, de la Cour canadienne de l’impôt, même s’il a rejeté l’appel, a reconnu que l’hyperactivité avec déficit de l’attention était un handicap et il a indiqué à la page 2 :

“...Ces problèmes de concentration et de mémoire portant même sur les obligations les plus élémentaires avaient de sérieuses répercussions sur la vie de Mark, sur tous ceux qui l’entouraient (notamment sa famille, ses amis et ses professeurs) et même sur ses relations avec le grand public.”

[28] Voici la définition de “mental handicap” (handicap mental) dans The New Collins Concise Dictionary of the English Language (Collins) :

[TRADUCTION]

“mental : 1. qui a rapport à l’esprit. 2. qui se produit seulement dans l’esprit

déficience mentale : état de faible développement intellectuel exigeant une éducation et un emploi de nature particulière. Appelée aussi : handicap mental.”

[29] J’en viens maintenant au témoignage du Dr Joan Pinkus pour ce qui est de chacun des enfants de l’appelante, en commençant par Geoffrey. Selon le témoignage oral du Dr Pinkus, de même que l’examen de son rapport écrit (pièce A-1) et de sa lettre à Mme Hartman, de Revenu Canada (pièce R-1), les tests qu’elle lui a administrés révèlent que Geoffrey était un enfant extrêmement intelligent ayant des capacités qui le situaient dans la tranche supérieure de 1 % de la population. Il était considéré comme un apprenant surdoué et il avait toute une gamme de besoins spéciaux qui devaient être remplis pour satisfaire son intellect. Le seul élément de ses constatations qui pourrait avoir un rapport avec la question du handicap mental est sa déclaration au deuxième alinéa de la pièce R-1 où elle écrit :

[TRADUCTION]

“À ce moment-là, selon mes constatations cliniques, Geoffrey éprouvait aussi des états dépressifs et il se tenait responsable de son manque de succès à l’école. J’ai rencontré Geoffrey à plusieurs reprises et, après avoir consulté ses parents, j’ai recommandé qu’ils l’inscrivent au Choice Learning Center.”

[30] Dans le rapport psychologique (pièce A-1) rédigé par le Dr Pinkus, elle dit qu’elle a administré plusieurs mesures psychodiagnostiques qui sont jugées être des indicateurs relativement fiables des capacités et des aptitudes actuelles de Geoffrey et qu’il a obtenu des résultats très élevés. Elle a fait observer qu’“il était concentré et attentif dans de nombreuses tâches, en particulier de nature perceptuelle, spatiale et manipulative”. Elle ajoutait aussi : “Lorsque ses capacités et ses aptitudes étaient reconnues et qu’il en était complimenté, Geoffrey manifestait une merveilleuse expression de plaisir interne et d’approbation.” Parmi les conclusions tirées par le Dr Pinkus, l’une indiquait que, selon les données, il avait des aptitudes scolaires au-delà de ce qu’on attend habituellement pour un placement en première année et qu’il devait être inscrit à un programme éducatif personnalisé lui permettant d’aller à son propre rythme. Le Dr Pinkus est allé jusqu’à dire dans son rapport que ce besoin de programme personnalisé était “impératif pour le bien-être de Geoffrey”. Elle a également recommandé que l’appelante et son mari deviennent membres de la Gifted Children’s Association of British Columbia où eux et Geoffrey pourraient rencontrer d’autres parents ayant des problèmes et des intérêts semblables, de même qu’avoir l’occasion d’assister à des conférences et à des exposés sur les besoins des enfants doués. Le Dr Pinkus a également remis à l’appelante et au Dr Robinson des articles et une liste d’ouvrages à lire sur la question de l’éducation des enfants doués.

[31] Selon le témoignage de l’appelante pour ce qui est de Geoffrey, à l’âge de six ans, il était très déprimé et perturbé, et il avait des comportements inquiétants. On peut tous imaginer l’effroi ressenti par un parent qui, debout sur le gazon, tente de convaincre un petit enfant perturbé affectivement de descendre de son perchoir précaire sur la gouttière à l’extrémité du toit de la maison familiale. Ensuite, l’inquiétude n’est qu’aggravée si le parent doit attendre trois mois pour obtenir un rendez-vous avec un spécialiste des enfants et il y a de quoi devenir fou si le directeur de l’école refuse carrément de faire quoi que ce soit pour élaborer un programme personnalisé pour Geoffrey.

[32] La preuve relative à Michael montre qu’il était également un enfant extrêmement doué à un niveau qui le situerait dans une catégorie d’intelligence que possède une personne sur neuf mille. L’appelante avait raconté au Dr Pinkus que Michael s’était replié sur lui-même, qu’il était improductif dans son travail scolaire et qu’il avait cessé de parler. Le Dr Pinkus n’a rédigé aucun rapport écrit au sujet des tests qu’elle a administrés à Michael mais elle a tout simplement confirmé oralement au cours d’une entrevue avec l’appelante que la capacité intellectuelle de Michael était suffisamment élevée pour qu’il soit inscrit à Choice, ce à quoi Michael avait consenti, surtout pour accommoder Geoffrey qui voulait que son grand frère aille avec lui à la nouvelle école.

[33] Le plus jeune enfant, Stephen, est également très brillant, ce qui a été confirmé par le Dr Pinkus. Le seul autre diagnostic concernant cet enfant était qu’il était “si adorable et si intelligent”. L’appelante concède que ces caractéristiques - associées à un quotient intellectuel élevé - ne constituent pas un handicap mental mais, à la lumière des problèmes qu’ont connu ses deux garçons plus âgés dans le réseau des écoles publiques de Richmond, elle a décidé d’inscrire Stephen à Choice en tant que mesure préventive.

[34] Dans l’appel Gordon Giroday c. Sa Majesté La Reine - 97-721(IT)I - au sujet du fils du contribuable, Michael Giroday, qui avait également fréquenté Choice, j’ai déclaré à la page 3 :

“Compte tenu des faits, il est évident que Michael n’avait pas de handicap mental et qu’une personne habilitée à cette fin n’avait pas attesté qu’il en avait un. Le fait que le système des écoles publiques dans le district de l’appelant n’offre pas de programmes appropriés aux élèves aussi talentueux que Michael nuit au progrès scolaire de celui-ci et à la réalisation de son plein potentiel. Toutefois, on ne saurait dire que Michael a un handicap mental simplement à cause de ses aptitudes intellectuelles supérieures. Un grand athlète peut envisager de s’installer dans un nouvelle municipalité afin de trouver des installations d’entraînement adéquates ou de participer à de grosses compétitions, mais cette personne douée ne peut pas être considérée comme victime d’un handicap physique en raison de l’absence d’installations.”

[35] Pour revenir aux faits du présent appel, je ne suis pas convaincu selon la preuve que Geoffrey avait un handicap mental même s’il est reconnu que son comportement - causé en plus grande partie par l’insatisfaction d’être obligé de commencer ses études dans un milieu contraignant et abrutissant, que les bureaucrates, contraints par les règles, qui administraient le réseau des écoles publiques n’ont pu corriger faute d’imagination - a beaucoup déconcerté l’appelante et son mari, et surtout Geoffrey. Il peut souvent être irritant, frustrant, exaspérant, ennuyant ou accablant d’être au-dessus du commun pour ce qui est de la capacité intellectuelle, selon les capacités d’adaptation que possède une personne, mais il ne s’agit pas, sans plus, d’un handicap mental. Le milieu où une personne douée est forcée de fonctionner peut ne pas lui offrir de bonnes possibilités de s’épanouir entièrement au rythme optimal dans un système d’éducation moins que parfait et financé par les fonds publics, mais la faute en revient au système et ne peut être imputée à la personne du fait qu’on établirait que la capacité supérieure est un handicap mental qu'a la personne douée. Les parents consciencieux font de vastes efforts et dépensent beaucoup d’argent pour essayer d’offrir une bonne éducation à leurs enfants dans un milieu qui leur convient. Comme les frais à cette fin sont souvent très élevés, il est naturel de demander un allégement fiscal quelconque puisqu’il n’existe dans le réseau public aucun financement satisfaisant pour offrir des programmes éducatifs personnalisés aux enfants doués au niveau élémentaire. Toutefois, même si le fisc considère que tout l’argent gagné est un revenu, ce ne sont pas toutes les dépenses dans la vie qui sont déductibles.

[36] La preuve relative à Michael Robinson n’a pas démontré qu’il avait un handicap mental et le Dr Pinkus n’a rien déclaré - oralement ou par écrit - qui puisse être considéré de quelque façon comme une attestation à cet effet. Dans l’affaire Collins, précitée, l’enfant du contribuable, même s’il était doué, était atteint d’hyperactivité avec déficit de l’attention ce qui, dans les circonstances particulières à sa situation, constituait un handicap mental et a été ainsi attesté par le Dr Pinkus et par le Dr Weiss, psychiatre se spécialisant dans le traitement des enfants. Dans l’affaire Giroday, l’enfant était doué et, heureusement, n’avait pas manifesté de problèmes de comportement autres que de l’ennui à l’école, ce qui ne nuisait pas à ses capacités. Il suffit d’examiner les motifs des jugements dans ces affaires et, je le présume, dans les appels à venir portant sur la fréquentation de Choice par des enfants doués, pour illustrer que les faits dans chaque cas doivent être suffisants pour répondre aux critères exigés par l’alinéa pertinent de la Loi. Cette Cour n’a pas compétence pour établir le droit en récrivant la Loi dans chaque cas ou dans l’ensemble, pour corriger une certaine omission possible par le législateur malgré des décisions récentes à cet égard qui ont été rendues par d’autres tribunaux dans un autre contexte.

[37] L’appel de l’appelante relativement aux cotisations d’impôt sur le revenu établies pour les années d’imposition 1994 et 1995 est par les présentes rejeté.

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique) ce 26e jour de mai 1998.

“D.W. Rowe”

J.S.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 26e jour d'octobre 1998.

Mario Lagacé, réviseur

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