Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19991122

Dossiers: 1999-1323-EI; 1999-1324-CPP

ENTRE :

GERALD FLOWERDAY,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

HULLAND TRUCK SERVICE LTD.,

intervenante.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Cain, C.C.I.

[1] L'appel en l'instance a été interjeté par Gerald Flowerday, ci-après appelé l'“ appelant ”, à l'encontre d'une décision du ministre du Revenu national, ci-après appelé le “ ministre ”, selon laquelle l'appelant n'exerçait pas un emploi assurable ou ouvrant droit à pension chez Hulland Truck Service Ltd., ci-après appelée l'“ intervenante ”, entre le 21 novembre 1997 et le 22 juillet 1998 inclusivement, au sens de la Loi sur l'assurance-emploi (la “ Loi ”) et du Régime de pensions du Canada respectivement.

[2] Dès le début, les parties ont convenu de combiner les appels, d'instruire l'appel relatif à l'assurance-emploi et d'appliquer ensuite cette preuve à l'appel relatif au Régime de pensions du Canada.

[3] L'appelant et l'intervenante ont témoigné sur leurs thèses respectives. Le ministre n'a appelé aucun témoin. La Cour conclut que les faits sont les suivants.

Faits

[4] Avant le 21 novembre 1997, l'appelant était inscrit à un programme de formation en vue de devenir chauffeur de camion de transport. Environ trois semaines avant cette date, un bureau d'emploi du gouvernement l'a informé que l'intervenante cherchait des chauffeurs. Il s'est présenté au bureau de cette dernière, qui lui a fait subir un examen et qui, convaincue que l'appelant possédait les compétences nécessaires comme chauffeur, a convenu de lui offrir un emploi dont les modalités étaient inhabituelles.

[5] L'intervenante a remis à l'appelant un contrat déjà rédigé à conclure entre l'intervenante, appelée dans le contrat le “ courtier ”, et une compagnie à constituer par l'appelant sous le régime des lois de l'Ontario, appelée dans le contrat le “ sous-entrepreneur ”. La compagnie devait fournir à l'intervenante des chauffeurs pour conduire ses camions de transport. L'appelant a signé l'entente le 21 novembre 1997 (pièce A-4).

[6] L'appelant a fait en sorte que la 1255408 Ontario Inc. (ci-après appelée la “ compagnie ”) soit constituée en société sous le régime des lois de l'Ontario le 24 novembre 1997, et il a remis une copie des statuts constitutifs à l'intervenante. L'appelant était le seul administrateur et actionnaire de la compagnie et il a établi des comptes aux fins de l'impôt sur le revenu des sociétés, des retenues à la source et de la taxe de vente harmonisée/TPS. La compagnie devait exploiter une entreprise de transport de marchandises.

[7] La compagnie a fourni des services pour l'intervenante au cours de la période mentionnée dans la demande de prestations d'assurance-emploi de l'appelant.

[8] Tous les comptes présentés à l'intervenante pour services rendus par la compagnie portaient l'en-tête de la compagnie. Celle-ci a demandé à l'intervenante de déposer tous les montants d'argent dus dans son compte bancaire, et les confirmations de ces dépôts portaient l'en-tête de l'intervenante et étaient adressées à la compagnie aux soins de l'appelant (voir pièce I-3 pour un exemple).

[9] La demande de prestations d'assurance-emploi de l'appelant a été initialement approuvée par le ministre mais, lorsqu'un avis d'évaluation a été envoyé à l'intervenante, celle-ci a nié tout lien avec l'appelant. Après de plus amples recherches, le ministre est revenu sur sa décision initiale et a conclu que l'appelant n'avait pas exercé un emploi assurable chez l'intervenante.

Observations

[10] Le ministre a fait valoir ce qui suit :

[TRADUCTION]

aux termes de l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'assurance-emploi, l'appelant n'a pas exercé un emploi assurable pour l'intervenante au cours de la période mentionnée car il n'y avait entre les parties aucun contrat de louage de services.

[11] L'appelant a fait valoir ce qui suit :

[TRADUCTION]

c'est lui personnellement qui, dans les faits, a été engagé par l'intervenante, il n'a fait que respecter les conditions que l'intervenante avait stipulées car il avait besoin d'un emploi et n'avait pas d'autre choix; il a été engagé par l'intervenante comme chauffeur de camion et son emploi était régi par un contrat de louage de services;

toute la relation entre l'intervenante et 1255408 Ontario Inc. était une fiction destinée à empêcher l'appelant de toucher des prestations d'assurance-emploi s'il était congédié par l'intervenante et, en même temps, à permettre à l'intervenante de se soustraire à ses obligations prévues dans la Loi sur l'assurance-emploi;

le contrat a été conclu entre lui et l'intervenante, et 1255408 Ontario Inc. n'y est pas mentionnée;

quoi qu'il en soit, conformément à l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'assurance-emploi, il a reçu un revenu d'“ une autre personne ”, à savoir sa compagnie, et son emploi était un emploi assurable.

Décision

[12] Le contrat est assez rudimentaire; il a probablement été rédigé par une personne n'ayant à peu près aucune connaissance juridique. Le nom du “ sous-entrepreneur ” est omis sur la première page, et le contrat a été signé par l'appelant au-dessus d'une ligne intitulée “ sous-entrepreneur ”. Jointes au contrat sont deux annexes dans lesquelles l'intervenante est appelée la “ propriétaire ” et le “ sous-entrepreneur ” est appelé le “ chauffeur ”. Dans l'une des annexes, l'appelant est appelé l'“ entrepreneur ” et l'“ entreprise inscrite auprès du ministère de la Consommation et des Affaires commerciales ”. Le contrat a été conclu quatre jours avant la constitution en société de la compagnie.

[13] Dans son témoignage, Jan Hulland, vice-président de l'intervenante, a déclaré que l'appelant savait, au moment où le contrat a été signé le 21 novembre 1997, qu'il lui incombait de constituer la compagnie en société sous le régime des lois de l'Ontario, et que tout service convenu entre la compagnie et l'intervenante devait être fourni par la compagnie.

[14] L'appelant a convenu que c'était bien ce que prévoyait l'entente, qu'il a constitué la compagnie en société et facturé tous les services sur des factures portant l'en-tête de la compagnie et que tous les paiements pour services rendus ont été effectués à la compagnie. En outre, l'appelant a admis que les modalités énoncées dans les divers documents mentionnés précédemment étaient celles qui régissaient la relation entre la compagnie et l'intervenante.

[15] Compte tenu de la preuve, la relation entre l'intervenante et la compagnie n'était pas une fiction, mais un contrat légal. Il semble clair que l'intervenante a procédé de la manière décrite pour s'éviter les tâches administratives que suppose inévitablement l'embauche d'employés ou pour se décharger de ce fardeau sur la compagnie. Les actions de l'intervenante et de la compagnie ainsi que le document écrit convainquent la Cour que les services convenus ont été rendus par la compagnie pour l'intervenante. Ces services ne constituent pas un emploi assurable et, puisque l'appelant n'occupait pas un emploi assurable chez l'intervenante, l'appel ne peut être accueilli sur ce motif.

[16] Subsidiairement, l'appelant a fait valoir que, même si la Cour conclut que le contrat d'entreprise a été conclu entre l'intervenante et la compagnie, il a quand même droit à des prestations car il a personnellement reçu un revenu d'“ une autre personne ”, soit la compagnie, et son emploi était un emploi assurable selon l'alinéa 5(1)a) de la Loi.

[17] L'alinéa 5(1)a) de la Loi est libellé dans les termes suivants :

5. (1) Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable :

l'emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d'un contrat de louage de services ou d'apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l'employé reçoive sa rémunération de l'employeur ou d'une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

[...]

[18] Aux yeux de l'appelant, les termes “ que l'employé reçoive sa rémunération de l'employeur ou d'une autre personne ” signifient que les montants d'argent qu'il a reçus de la compagnie étaient une rémunération reçue d'“ une autre personne ”, soit l'intervenante, et que, par conséquent, il avait droit à des prestations d'assurance-emploi. Cependant, l'“ employé ” ici était la compagnie et non l'appelant. Si l'appelant a reçu une rémunération de la compagnie, il a reçu cette rémunération en tant qu'employé de la compagnie et non à titre d'employé de l'intervenante.

[19] L'appel de l'appelant sur ce motif ne peut être accueilli non plus, et l'appel de l'appelant est rejeté.

[20] L'appel de l'appelant sur le prétendu emploi ouvrant droit à pension est rejeté pour les mêmes motifs.

Signé à Rothesay (Nouveau-Brunswick), ce 22e jour de novembre 1999.

“ Murray F. Cain ”

J.S.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 9e jour d'août 2000.

Mario Lagacé, réviseur

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