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Date: 19990923

Dossiers: 98-1247-IT-G; 98-1248-IT-G

ENTRE :

GERRIMAR HOLDINGS LTD., JIM MAZURSKI,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

Motifs du jugement

Le juge Mogan, C.C.I.

[1] Les appels de Gerrimar Holdings Ltd. c. La Reine (no du greffe 98-1247) et de Jim Mazurski c. La Reine (no du greffe 98-1248) ont été entendus ensemble sur preuve commune. Les actions émises de Gerrimar Holdings Ltd. étaient détenues à parts égales par Jim Mazurski et son épouse, Rita Mazurski. Pour plus de commodité, j'appellerai Gerrimar Holdings Ltd. la “ compagnie ” et j'appellerai M. Mazurski “ Jim ”. La compagnie est propriétaire du Queen's Hotel, qu'elle exploite à Dominion City (Manitoba), une petite communauté de 350 personnes environ, à 90 kilomètres au sud de Winnipeg en ligne directe, et à 15 kilomètres environ au nord de la frontière américaine. La compagnie interjette appel de cotisations d'impôt sur le revenu portant sur les exercices clos les 30 juin 1993 et 1994. Jim interjette appel de cotisations d'impôt sur le revenu portant sur les années civiles 1992, 1993 et 1994. Les cotisations visées par l'appel ont été établies en tenant compte du fait que la compagnie avait omis de déclarer une partie de son revenu et que Jim s'était attribué la totalité ou une partie de ce revenu non déclaré. La question en litige est une question de fait.

[2] Âgé de 53 ans, Jim a une huitième année sur le plan de la scolarité et une douzième année au niveau de la formation professionnelle. Au début de sa vie active, il posait du revêtement de stucco et de plâtre, mais il s'est ensuite lancé dans ce qu'il a appelé la pose de cloisons sèches. En 1989, il était poseur de cloisons sèches lorsqu'un ami (M. Cassidy) lui a offert de gérer le Queen's Hotel à Dominion City (Manitoba). Il a accepté l'offre et il a commencé à gérer l'hôtel aux environs de décembre 1989. C'était sa première expérience en tant que gérant d'hôtel; c'était aussi la première fois qu'il faisait la tenue de livres d'une entreprise. D'après son témoignage non contesté, son épouse et lui effectuaient presque tout le travail se rapportant à l'hôtel. Il travaillait un quart complet au bar, passait les commandes, engageait le personnel et prenait part aux travaux de rénovation. Son épouse, Rita, gérait le restaurant, qui pouvait recevoir plus de 50 personnes et qui faisait partie de l'hôtel. Jim touchait un salaire mensuel de 1 500 $ pour gérer l'hôtel. Il a dit de l'hôtel qu'en 1989 c'était un “ taudis ”. Il était dans un état de délabrement avancé, les moquettes étaient déchirées et les meubles, en mauvais état. De 1989 à 1992, il a fait de son mieux pour gérer l'hôtel; M. Cassidy lui a alors demandé s'il voulait l'acheter. Jim et Rita ont décidé d'acheter l'hôtel et ont fait en sorte que ce soit la compagnie qui l'achète.

[3] Immédiatement après l'achat, l'appelant et son épouse se sont lancés dans un ambitieux programme de rénovation de l'hôtel. À l'époque de l'achat, l'hôtel comptait 22 petites chambres de huit pieds sur treize environ et deux salles de bain à l'étage, l'une pour les hommes et l'autre, pour les femmes. Lorsque les travaux de rénovation ont été achevés en 1993 ou 1994, les 22 petites chambres avaient été transformées en neuf chambres plus spacieuses, dont cinq avaient une salle de bain privée. Les quatre autres chambres formaient deux groupes de deux chambres avec salle de bain commune. Jim a engagé des techniciens spécialisés (électriciens et plombiers) pour effectuer certains travaux de rénovation, mais il a aussi posé une partie des cloisons sèches.

[4] Le restaurant de l'hôtel peut recevoir 51 personnes et le bar, 121. Au cours des années visées par l'appel, il y avait dans le bar quatre appareils de loterie vidéo mais, depuis quelques années, il y en a six. Rita est chargée principalement d'exploiter le restaurant et Jim, le reste de l'hôtel. Le restaurant est ouvert de 7 h à 17 h 30 du lundi au vendredi, de 8 h à 20 h le samedi et de 8 h à 14 h le dimanche. Le bar est ouvert de 11 h à 2 h six jours par semaine, soit du lundi au samedi. Jim ouvre les portes du bar à 11 h et y travaille jusqu'à approximativement 16 h 30 quand un employé à temps partiel prend la relève et tient le bar jusqu'à 21 h. Entre 16 h 30 et 21 h, Jim prend un repas et fait une petite sieste. Puis il retourne au bar à 21 h et y travaille jusqu'à la fermeture, à 2 h.

[5] Les cotisations d'impôt sur le revenu qui sont visées par l'appel ont été établies dans les circonstances suivantes. La compagnie produit des déclarations de revenus des sociétés chaque année depuis 1989. Pour les exercices clos les 30 juin 1992, 1993 et 1994, le passif du bilan faisait état des avances des actionnaires suivantes :

Exercice Avances des actionnaires

30 juin 1992 19 384 $

30 juin 1993 49 390 $

30 juin 1994 72 853 $

Les avances des actionnaires ont augmenté de 30 006 $ de 1992 à 1993 et d'un autre 23 463 $ de 1993 à 1994. Revenu Canada a relevé l'augmentation des avances des actionnaires et remarqué que Jim et son épouse avaient déclaré un faible revenu dans les mêmes années d'imposition :

Année d'imposition Salaire de Jim Salaire de Rita

1992 6 250 $ 7 741 $

1993 6 000 $ 6 000 $

1994 6 000 $ 6 000 $

[6] À l'examen des déclarations de revenu de la compagnie pour les exercices de 1993 et 1994, Revenu Canada n'arrivait pas à comprendre comment les avances des actionnaires à la société avaient pu augmenter de 30 006 $ en 1993 et de 23 463 $ en 1994 alors que Jim et son épouse ne gagnaient collectivement que 12 000 $ ou 13 000 $ en travaillant pour la compagnie. Revenu Canada a donc envoyé David Cherrett, un vérificateur de Winnipeg, à Dominion City, pour y rencontrer Jim et pour vérifier les livres et les registres de la compagnie. M. Cherrett a témoigné à l'audition des appels en l'instance. Il a déclaré que, dans l'ensemble, les livres et les registres de la compagnie étaient bien tenus. Jim a donné l'assurance à M. Cherrett qu'il n'avait aucune autre source de revenu. En d'autres termes, ni Jim ni son épouse ne touchaient quelque autre revenu de placement ou de pension que ce soit. Ils ne vivaient que des salaires qu'ils tiraient de la compagnie. Ainsi qu'il est démontré au paragraphe 5 précédemment, chacun d'eux gagnait de 6 000 $ à 7 000 $ par année. Lorsque M. Cherret a demandé d'où provenait l'argent qui avait permis d'augmenter les avances des actionnaires de 30 000 $ en 1993 et d'un autre 23 000 $ en 1994, Jim a répondu au vérificateur que les nouveaux capitaux investis dans la compagnie provenaient des gains qu'il avait réalisés à la loterie vidéo. Jim a raconté qu'il avait eu beaucoup de chance à la loterie et qu'il avait fait assez d'argent au cours des trois premières années comme propriétaire de l'hôtel pour pouvoir y investir les montants supplémentaires qui, sur le bilan de la compagnie, prenaient la forme d'une augmentation des avances des actionnaires.

[7] Les cotisations visées par l'appel sont fondées sur le simple fait que M. Cherrett n'a pas cru que Jim avait réalisé des gains à la loterie vidéo. En conséquence, M. Cherrett se retrouvait avec une augmentation inexpliquée des investissements de Jim dans la compagnie. Il a donc décidé de déterminer ce que l'on appelle communément l'“ avoir net ” de Jim pour pouvoir relever toute variation de l'avoir net de Jim au cours d'une période donnée. L'état de l'avoir net de Jim Mazurski est joint, en annexe A, à la réponse de l'intimée à l'avis d'appel de Jim et à l'avis d'appel de la compagnie. Selon l'état de l'avoir net de Jim, cet avoir net a augmenté de la façon suivante de 1991 à 1994 :

10 743 $

50 558 $

31 602 $

Total 92 903 $

[8] Bien que cet état de l'avoir net n'eût pas été produit en preuve, son contenu n'est pas contesté par Jim. L'avocate des deux appelants a déclaré qu'elle ne contestait aucun des chiffres figurant dans l'état de l'avoir net comme preuve d'une augmentation de l'avoir net de Jim de 1991 à 1994. Elle acceptait le fait que l'avoir net avait augmenté, mais elle était d'avis que toute augmentation de l'avoir net, abstraction faite des salaires versés à Jim et à Rita par la compagnie dans les années pertinentes, était attribuable exclusivement aux gains de Jim, qui utilisait les appareils qui se trouvaient dans l'hôtel pour jouer à la loterie vidéo.

[9] L'annexe B de la réponse de l'intimée à l'avis d'appel de la compagnie est un document intitulé [TRADUCTION] “ Réévaluation du revenu selon l'avoir net ”, dans lequel Revenu Canada a apparemment tenté de réévaluer le revenu de la compagnie au cours des exercices se terminant en juin 1992, 1993 et 1994, en supposant que l'augmentation de l'avoir net de Jim découlait effectivement de ventes non déclarées par l'hôtel. Encore une fois, cette annexe B n'a pas été produite en preuve, mais elle n'a pas été contestée par les appelants, si ce n'est qu'ils ont affirmé que la compagnie n'avait pas omis de déclarer des ventes dans les déclarations de revenus qu'elle a produites et que toute augmentation de l'avoir net de Jim était le résultat de ses gains à la loterie vidéo. Et enfin, l'annexe C de la réponse de l'intimée à l'avis d'appel de la compagnie est un rapprochement entre l'avoir net de Jim et la réévaluation du revenu de la compagnie, à partir duquel Revenu Canada a conclu que, dans les deux exercices visés par l'appel, la compagnie a effectué des ventes qu'elle n'a pas déclarées, dont voici les montants :

30 juin 1993 27 776 $

30 juin 1994 59 014 $

[10] Les conclusions ci-dessus qu'a tirées Revenu Canada (qu'elles soient exactes ou non) et la défense générale des appelants sont confirmées dans les allégations de fait suivantes, formulées dans l'avis d'appel modifié de la compagnie :

[TRADUCTION]

Conformément aux avis de nouvelles cotisations tous deux datés du 27 janvier 1997, le ministre du Revenu national a établi une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelante relativement aux années d'imposition 1993 et 1994 et a ainsi augmenté le revenu de l'appelante pour chacune des années d'imposition 1993 et 1994 de 27 776 $ et de 59 014 $ respectivement, en tenant compte du fait que l'appelante avait omis de déclarer un revenu.

6. Les montants de 27 776 $ et de 59 014 $ ajoutés au revenu de l'appelante pour les années d'imposition 1993 et 1994 n'étaient pas un revenu de l'appelante, mais des gains réalisés à la loterie vidéo par Jim Mazurski, que ce dernier a prêtés à l'appelante.

L'intimée a admis le paragraphe 4, mais elle a nié le paragraphe 6.

[11] L'annexe C de la réponse de l'intimée à l'avis d'appel de la compagnie est un rapprochement entre l'augmentation totale de l'avoir net de Jim (92 903 $) pour les trois années d'imposition visées par l'appel et l'écart inexpliqué, en ce qui concerne les gains de la compagnie, écart qui totalise 86 790 $ pour les deux exercices se terminant en juin 1993 et 1994. Ainsi qu'on l'a vu dans les actes de procédure mentionnés précédemment, les appelants ne contestent pas le contenu de l'état de l'avoir net de Jim, mais ils soutiennent tous deux que toute augmentation apparente de cet avoir net est attribuable exclusivement aux gains que Jim a réalisés à la loterie vidéo. En revanche, Revenu Canada soutient que toute augmentation de l'avoir net de Jim découle de ventes non déclarées par la compagnie et que les montants de ces ventes non déclarées ont été attribués à Jim. Par conséquent, une cotisation a été établie à l'égard de la compagnie en tenant compte du fait que celle-ci avait omis de déclarer la totalité de son revenu, et une cotisation a été établie à l'égard de Jim en tenant compte du fait que, en tant qu'actionnaire de 50 p. 100 de la compagnie, il s'était attribué des montants d'argent substantiels de la compagnie.

[12] Le paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu prévoit une pénalité pour tout contribuable qui, sciemment, fait un faux énoncé dans sa déclaration de revenus. Aux fins de l'application de cette disposition de la Loi, M. Cherrett a recommandé que des pénalités soient imposées à Jim et à la compagnie relativement aux cotisations qui sont visées par l'appel. Dans son témoignage rendu oralement lors de l'audition, M. Cherrett a déclaré que sa recommandation avait été approuvée par son superviseur et que des pénalités étaient censées être imposées à Jim et à la compagnie. Une erreur s'est cependant produite lors du traitement des cotisations et la pénalité de Jim a été omise alors qu'une pénalité a été imposée à la compagnie. M. Cherrett a déclaré qu'il s'agissait d'une erreur car une pénalité aurait dû être imposée à Jim pour la même raison qu'une pénalité avait été imposée à la compagnie. Revenu Canada a toutefois décidé de n'établir aucune nouvelle cotisation à l'égard de Jim à la seule fin de lui imposer une pénalité. Par conséquent, l'appel de Jim se rapporte uniquement à l'augmentation de son revenu du fait prétendument d'un avantage conféré à un actionnaire en vertu de l'article 15 de la Loi. Pour sa part, la compagnie interjette appel relativement à l'augmentation de son revenu découlant de prétendues ventes non déclarées et à la pénalité imposée en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi.

[13] Comme on pouvait s'y attendre compte tenu de la question en litige dans les deux appels en l'instance, toute la preuve porte sur la question de savoir si Jim a gagné des montants substantiels à la loterie vidéo de l'hôtel. Comme les cotisations établies à son égard et à l'égard de la compagnie reposent sur l'augmentation de son avoir net, il a dû expliquer la source des montants suivants, qui ont été ajoutés au revenu qu'il a déclaré dans les années d'imposition en cause dans l'appel en l'instance :

1992 10 743 $

1993 50 558 $

1994 31 602 $

Total 92 903 $

[14] Le total des montants ajoutés au revenu de Jim dans ces trois années dépasse largement l'augmentation de 30 006 $ des avances des actionnaires à la compagnie au cours de l'exercice se terminant au mois de juin 1993, et de 23 460 $ au cours de l'exercice se terminant au mois de juin 1994. Les augmentations des avances des actionnaires sont à l'origine de la vérification des livres de Jim et de la compagnie qui, quant à elle, a donné lieu à la détermination de l'avoir net de Jim. Les cotisations établies à l'égard de Jim étaient par conséquent fondées sur l'état de l'avoir net et non sur l'augmentation des avances des actionnaires à la compagnie. Son appel a été plaidé par son avocate sur le fondement du montant total de 92 903 $; j'y reviendrai aux paragraphes 33 et 34 de mes motifs du jugement. Je le mentionne maintenant uniquement pour démontrer que Jim avait la charge de prouver que les gains nets qu'il a réalisés en jouant à la loterie vidéo de l'hôtel dans les trois années en cause s'élevaient au moins à 92 903 $.

[15] Premier témoin des appelants, Jim a décrit comment il avait acquis l'hôtel (déjà mentionné précédemment) et en assurait la gestion. Essentiellement, l'épouse de Jim, Rita, gère le restaurant et Jim, le bar. Ils n'ont que deux ou trois employés, qui travaillent principalement comme serveur au restaurant ou comme barman pour relayer Jim, et une autre personne qui fait le ménage des chambres en cas de besoin ainsi que celui de l'hôtel et des salles de bain. Le bar ouvre à 11 h, mais il n'y a guère de clients en après-midi ou en soirée les quatre premiers jours de la semaine; toutefois, leur nombre s'accroît les vendredi et samedi soirs. Normalement, Jim commande la bière une fois par semaine mais, s'il en manque, il peut appeler la Société des alcools du Manitoba (“ SAM ”) et faire une commande spéciale. Comme le prix des boissons alcoolisées est plus élevé, il commande celles-ci lorsqu'il en a besoin seulement. En tant qu'exploitant d'un débit de boisson, il doit remplir des rapports trimestriels destinés à la SAM. Au début des années 1990, la SAM envoyait un inspecteur tous les mois en général pour vérifier s'il y avait des mineurs sur place. Jim a déclaré que lui et l'hôtel n'avaient jamais eu de problème avec les inspecteurs de la SAM, si ce n'est que ces derniers avaient exigé des rénovations à certains endroits.

[16] Jim n'avait aucune expérience de la tenue de livres avant son arrivée à l'hôtel à titre de gérant, mais il a décrit la façon dont il faisait la caisse à la fin d'une journée. L'hôtel avait essentiellement quatre sources de revenu : le restaurant, le bar, les appareils de loterie vidéo et les chambres. À la fin de la journée, l'épouse de Jim, Rita, faisait le relevé de caisse pour le restaurant et Jim faisait les relevés pour le bar, les appareils de loterie vidéo et les chambres. La pièce A-1 est une série de relevés de comptes destinés à la SAM faisant état d'achats par le Queen's Hotel au cours d'une période de plusieurs mois à partir du mois de juillet 1993. La pièce A-2 est une série de relevés de caisse préparés par Jim à la fin de chaque journée. Bien que les documents de la pièce A-2 soient intitulés “ Relevés de caisse du restaurant ”, Jim les utilisait en fait pour consigner les ventes effectuées par le bar ainsi que les recettes des appareils de loterie vidéo. La pièce A-3 regroupe un grand nombre de rapports quotidiens relatifs aux appareils de loterie vidéo pour toute l'année 1994. Chaque rapport fait état des montants d'argent misés chaque jour dans les appareils de loterie vidéo, des montants remis chaque jour par les mêmes appareils et de certains autres montants, dont un “ montant [final] net de la journée ” pour chaque jour. Le montant net de la journée est attribué dans une proportion de 80 p. 100 à la Fondation manitobaine des loteries et dans une proportion de 20 p. 100 à l'hôtel. Les feuilles qui font partie de la pièce A-3 paraissent couvrir la période du mois de janvier au mois de décembre 1994. Elles peuvent être rattachées à l'année 1994 parce que le “ montant net de la journée ” du 4 janvier est de 655,50 $ et que le même montant figure à la pièce A-2 comme étant le total des appareils de loterie vidéo pour le 4 janvier 1994.

[17] Le témoignage de Jim sur le fait qu'il jouait à la loterie vidéo et sur ses gains n'est pas compliqué. Les appareils de loterie vidéo sont situés dans le bar, qui est ouvert six jours par semaine, du lundi au samedi de 11h à 2 h. Le bar est généralement tranquille les quatre premiers jours de la semaine (du lundi au jeudi) parce que Dominion City est une collectivité de 350 personnes seulement. Jim doit cependant être sur place lorsque le bar est ouvert et il dispose donc de plusieurs heures de temps libre lorsqu'il n'y a aucun client. En semaine, il joue à la loterie vidéo pendant deux à quatre heures entre le début de l'après-midi et la fin de la soirée. De plus, il a l'occasion de jouer le vendredi, avant que le bar commence à se remplir en fin d'après-midi. Il ne se permet pas de jouer lorsqu'il y a des clients dans le bar. Lorsqu'il décide de jouer, il retire un billet de 20 $ de son porte-monnaie, qu'il échange contre des pièces de un dollar, puis il commence à insérer les pièces dans les appareils. D'après son témoignage, il gagne toujours, et de 80 à 100 $ par jour.

[18] Il importe de comprendre ce qui se produit lorsqu'un client gagne à la loterie vidéo. D'après le témoignage de Jim et d'autres témoins, les appareils de loterie ressemblent à des machines à sous en ce sens qu'il y a des symboles qui défilent lorsqu'une pièce est insérée et qui s'immobilisent pour former une combinaison qui indiquera au client, du moins ce dernier l'espère-t-il, qu'il a gagné. Lorsqu'un client gagne, une série de lumières s'allument dans la partie supérieure de l'appareil et un message indique au client qu'il peut soit encaisser le montant gagné, soit recevoir un crédit équivalant au montant du gain. Le gain peut être modeste — 20 $ — ou atteindre 1 000 $. Si le client décide d'utiliser le crédit, il peut continuer à jouer sans miser quelque autre montant que ce soit jusqu'à ce que le crédit soit épuisé ou jusqu'à ce qu'il gagne un autre montant d'argent en utilisant une partie du crédit gagné antérieurement.

[19] Si le client décide d'encaisser le montant gagné et de ne pas utiliser le crédit pour jouer à la loterie vidéo, il doit peser sur un bouton indiquant qu'il souhaite encaisser le montant gagné; l'appareil de loterie imprimera alors un reçu indiquant le montant gagné. Pour se faire payer, le client présente le reçu en question à l'exploitant du bar qui l'insère dans un machine qui vérifie le montant du gain, la date, l'appareil avec lequel le montant a été gagné et d'autres renseignements pertinents. Si le reçu du client est accepté par la machine de vérification, le préposé au bar le conserve et remet au client le montant gagné. D'après les témoignages de Jim et d'un ou deux employés de l'hôtel, le reçu n'est plus d'aucune utilité et il est simplement rangé dans une boîte qui se trouve sous le comptoir du bar.

[20] Lorsque M. Cherret est arrivé à l'hôtel en 1995 pour entreprendre la vérification pour le compte de Revenu Canada, il a posé à Jim des questions sur l'augmentation des avances des actionnaires à la compagnie et il a été informé que ces avances additionnelles provenaient des gains que Jim avait réalisés en jouant à la loterie vidéo. À cette époque-là, Jim n'avait aucun registre attestant ses gains ni aucun autre document indiquant à quelle fréquence il jouait à la loterie vidéo, à quel moment il avait gagné ou quels montants il avait gagnés. Jim a simplement demandé à M. Cherrett de le croire sur parole lorsqu'il disait que les capitaux supplémentaires investis dans la compagnie provenaient des gains qu'il avait réalisés à la loterie vidéo. M. Cherrett a poursuivi sa vérification jusqu'en 1996; il a recueilli les renseignements nécessaires en vue de relever toute variation de l'avoir net de Jim de 1991 à 1994. Les nouvelles cotisations visées par l'appel n'ont été établies qu'au mois de janvier 1997.

[21] Au cours de la vérification, la question de l'absence de toute documentation faisant la preuve des montants misés et des montants gagnés à la loterie vidéo a dû être abordée par Jim et M. Cherrett ou par Jim et ses conseillers professionnels. Pour une raison quelconque, en 1996, Jim a commencé à conserver ce qu'il prétend être les reçus que la machine imprimait chaque fois qu'il gagnait. Jim a rassemblé une quantité considérable de reçus faisant état de gains. Quelque temps avant l'audition des appels en l'instance, ses prétendus reçus pour 1996 et 1997 ont été remis à Revenu Canada. Bien qu'ils se rapportent aux années 1996 et 1997 (années subséquentes aux années en cause en l'espèce), ils semblent avoir été remis à Revenu Canada comme preuve de la constance avec laquelle Jim gagnait à la loterie vidéo.

[22] Pour les motifs exposés ci-après, j'ai conclu que la prétention de Jim selon laquelle l'augmentation de son avoir net, qui a été admise, était attribuable aux gains qu'il avait réalisés à la loterie vidéo ne peut être retenue. Sa prétention n'est pas raisonnable. En fait, elle est absurde.

[23] Certains des documents de Jim lui nuisent bien plus qu'ils ne l'aident. La pièce R-3 est une photocopie des reçus faisant état de gains à la loterie vidéo pour le mois d'avril 1996. La pièce R-5 est une photocopie des reçus de Jim faisant état de gains à la loterie vidéo pour le mois de mai 1996 et les pièces R-6 et R-7, des photocopies d'autres reçus pour le mois de décembre 1996 et le mois de février 1997 respectivement. Ces pièces ont été présentées à Jim en contre-interrogatoire et un examen plus serré de celles-ci a donné des résultats surprenants. Ainsi, d'après la pièce R-3, le 16 avril 1996 à 14 h 14 min 24 s, Jim a gagné 100 $. Quarante-deux secondes plus tard, à 14 h 15 min 6 s, avec un appareil différent, il a gagné 77,75 $. Trois jours plus tard, soit le 19 avril 1996 à 14 h 15 min 6 s, Jim a gagné 133,75 $. Onze secondes plus tard, soit à 14 h 15 min 17 s, en utilisant un appareil différent, il a gagné 69,50 $. D'après la pièce R-5, Jim a réalisé quatre gains très rapides au mois de mai 1996. Le 3 mai 1996 à 11h 9 min 52 s, il a gagné 62,50 $ et, 54 secondes plus tard, soit à 11 h 10 min 46 s, il a gagné 30 $. Le 25 mai à 14 h 15 min 2 s, il a gagné 67,75 $ et, une seconde plus tard, soit à 14 h 15 min 3 s, en utilisant un appareil différent, il a gagné 15,50 $. Le 30 mai 1996 à 14 h 48 min 54 s, il a gagné 35 $ et, huit secondes plus tard, à 14 h 49 min 2 s, il a gagné 100 $. Le 30 mai 1996 également, à 14 h 15 min 3 s, il a gagné 28,75 $ et, deux secondes plus tard, soit à 14 h 15 min 5 s, il a gagné 18,50 $ en jouant avec un autre appareil. Lorsqu'on lui a demandé en contre-interrogatoire comment il pouvait expliquer ces gains rapides à quelques secondes d'intervalle seulement en utilisant des appareils différents, Jim a déclaré qu'il avait dû jouer avec deux appareils en même temps. La chose est possible, mais elle exigerait certainement beaucoup de concentration.

[24] Si l'on se reporte à la pièce R-6, le 27 décembre 1996 à 12 h 44 min 21 s, Jim a gagné 75 $ et, 43 secondes plus tard, soit à 12 h 45 min 4 s, il a gagné 25 $ en utilisant un autre appareil. D'après la pièce R-7, le 1er février 1997 à 14 h 15 min 2 s, il a gagné 104,50 $ et, quinze secondes plus tard, soit à 14 h 15 min 17 s, il a gagné 5,75 $ en jouant avec un autre appareil. En contre-interrogatoire, Jim a reconnu que tous les jeux des appareils de loterie vidéo étaient des jeux de hasard. Aucune compétence n'était requise. Il a reconnu que le fait de gagner ou de perdre était simplement affaire de chance. Compte tenu des nombreux gains rapides que révèlent les pièces R-3, R-5, R-6 et R-7 et la prétention de Jim qu'ils étaient tous ses gains, je conclus que, lorsqu'il a rassemblé les reçus qui font partie de ces pièces, il a simplement utilisé au hasard des reçus qui lui avaient été remis par des clients de l'hôtel. Selon la preuve non contredite, tous les reçus faisant état de gains qui étaient présentés pour paiement à la personne qui tenait le bar étaient rangés dans une boîte sous le comptoir du bar et n'étaient utilisés par l'hôtel à aucune autre fin comptable. Jim tenait le bar plus souvent que quiconque.

[25] Si je croyais le témoignage de Jim, je devrais accepter le fait qu'il passait au moins deux heures par jour (il dit de deux à quatre heures) à jouer à la loterie vidéo, qu'il gagnait plus qu'il ne perdait, et que, au cours des années 1992, 1993 et 1994, ses gains dépassaient ses pertes de 92 903 $ (voir les paragraphes 7 et 13 ci-dessus). Pour deux motifs, je ne crois pas que Jim passait au moins deux heures par jour à jouer à la loterie vidéo. Premièrement, il gérait un hôtel dont le revenu brut s'élevait à 428 000 $ et à 402 000 $ au cours des exercices clos le 30 juin 1993 et le 30 juin 1994 respectivement. Deuxièmement, Jim et Rita ont touché des salaires totalisant 12 000 $ en 1993 et en 1994. Ces deux années-là, ils vivaient dans un logement de 1 400 pieds carrés qui faisait partie de l'hôtel et ils élevaient leurs trois enfants, qui, en 1993, étaient âgés de 15, 12 et 9 ans. Jim n'avait pas le temps ni l'argent pour jouer à la loterie vidéo pendant deux à quatre heures par jour.

[26] La pièce R-1 contient approximativement 50 rapports quotidiens préparés par Jim relativement aux appareils de loterie vidéo. Chaque page porte sur deux périodes de six jours représentant deux semaines d'exploitation. Est indiqué pour chaque jour le total du montant misé dans les appareils de loterie et celui qui a été remis, ce qui donne, dans la colonne de droite, un montant appelé “ montant net de la journée ”. Le montant net de chacun des six jours d'exploitation de chaque semaine est additionné, et le total est attribué dans une proportion de 80 p. 100 à la Fondation manitobaine des loteries et, dans une proportion de 20 p. 100, à l'hôtel. Comme il préparait lui-même ces rapports, Jim savait que chaque appareil de loterie vidéo génère un bénéfice dont l'hôtel, à la fin de la semaine, touche une partie, soit 20 p. 100. Autrement dit, Jim savait ou aurait dû savoir que l'hôtel était constamment le grand gagnant à la loterie vidéo. Par conséquent, il savait ou aurait dû savoir qu'en jouant à la loterie vidéo pendant deux à quatre heures par jour dans l'espoir de déjouer l'appareil, il avait peu de chance de gagner.

[27] Quatre personnes ont témoigné pour le compte de Jim afin de donner une certaine crédibilité à sa prétention qu'il gagnait des montants importants à la loterie vidéo. Rita, l'épouse de Jim, a témoigné. Elle a décrit ses tâches comme gérante du restaurant et a déclaré qu'elle voyait son mari passer le plus clair de son temps devant les appareils de loterie vidéo. Elle a déclaré qu'elle savait comment valider un reçu gagnant de l'appareil de loterie vidéo et qu'elle avait à l'occasion encaissé de tels reçus pour certains clients, mais pas pour son mari. Margaret Pott est serveuse au Queen's Hotel. De 1967 à aujourd'hui, elle a surtout vécu à Dominion City ou dans les environs. Elle a commencé à travailler à la cuisine de l'hôtel vers 1985 et elle est ensuite devenue serveuse. Il lui arrive parfois de travailler au bar. Elle a indiqué qu'elle avait vu Jim jouer à la loterie vidéo et qu'elle y jouait parfois elle-même, mais qu'elle avait tendance à perdre. Elle a convenu avec l'avocat de l'intimée en contre-interrogatoire que la loterie vidéo était affaire de chance uniquement, qu'aucune compétence n'était requise et qu'il s'agissait simplement de jeux du hasard.

[28] Helen Penner est à la retraite et vit à Dominion City. Elle travaillait à l'hôtel dans les années 1980 et s'y rend aujourd'hui presque tous les jours pour prendre un café et jouer à la loterie vidéo. Elle y travaille encore à temps partiel à l'occasion. Elle a dit ignorer combien d'appareils de loterie se trouvent dans l'hôtel aujourd'hui; peut-être six ou sept. Elle a indiqué que Jim gagnait plus souvent qu'elle. Son témoignage sur le fait que Jim jouait et sur les gains qu'il a réalisés a été donné après un interrogatoire principal quelque peu dirigé. Sharon Hancock est une employée actuelle du Queen's Hotel. Elle est serveuse et tient le bar; elle vit à Dominion City depuis environ 30 ans. Elle ne joue pas à la loterie vidéo car elle estime que c'est du gaspillage, mais elle a dit qu'elle savait que Jim jouait. Elle a déclaré également qu'elle avait vu Jim ou l'épouse de ce dernier gagner à la loterie vidéo; cependant, à ces occasions, elle était une cliente du bar et non une employée et elle ignore donc de quelle façon ils encaissaient leurs gains.

[29] Ces quatre femmes (Rita Mazurski, Margaret Pott, Hilda Penner et Sharon Hancock) ont témoigné pour corroborer le témoignage de Jim selon lequel il jouait et gagnait fréquemment à la loterie vidéo. On peut difficilement conclure qu'elles sont des témoins objectifs puisque Rita est l'épouse de Jim et que les trois autres témoins sont soient des employés à temps plein, soit des employés occasionnels de l'hôtel. Chacune d'elles s'est obligeamment présentée à la barre des témoins et a déclaré, non sans un peu d'encouragement dans un cas, que Jim jouait à la loterie vidéo. J'accorde peu de poids au témoignage de ces quatre femmes en ce qui concerne la question de savoir si Jim jouait et gagnait fréquemment à la loterie vidéo.

[30] L'intimée a appelé à témoigner Remy Brengman, directeur général de la division des appareils de loterie vidéo de la Fondation manitobaine des loteries. M. Brengman travaille pour la Fondation depuis 1985. Il a expliqué que les appareils de loterie vidéo n'étaient installés que dans les débits de boissons imposant une limite d'âge. Ils sont reliés à un système central régissant la comptabilité, les montants payés et les heures de fonctionnement. C'est la Fondation manitobaine des loteries qui établit l'heure d'arrêt des appareils. Chaque appareil porte une puce mémoire programmable et effaçable qui n'est pas contrôlée par le système central. On ne sait trop comment, la puce influe sur la proportion du montant d'argent qu'un appareil donné peut permettre de gagner.

[31] M. Brengman a déclaré que l'on ne peut gagner plus de 1 000 $ en jouant à l'un ou l'autre des appareils de loterie vidéo. Il a indiqué également qu'il y avait au Manitoba approximativement 5 300 appareils, qui rapportent 200 000 000 $ nets par année au gouvernement du Manitoba. Il est particulièrement intéressant de noter, aux fins des appels en l'instance, son témoignage suivant lequel chaque appareil est en théorie programmé pour remettre environ 90 p. 100 des montants misés mais que, en pratique, seulement 70 p. 100 des montants misés sont remis. Je déduis de l'une de ses réponses que, si un groupe important de personnes disposait collectivement au début d'une journée de 1 000 000 $ et commençait à jouer à la loterie vidéo sans miser d'autres montants que celui-là, la totalité de l'argent finirait pas se retrouver dans l'appareil de loterie vidéo. Suivant le témoignage de M. Brengman, il est tout à fait improbable, du point de vue statistique, qu'une personne comme Jim puisse gagner continuellement à la loterie vidéo. Je tire la conclusion opposée, c'est-à-dire que, si une personne jouait à la loterie vidéo deux ou trois heures par jour pendant une longue période — deux ou trois ans —, elle perdrait un important montant d'argent.

[32] Sur la question de la crédibilité de Jim, j'ai déjà déclaré que je ne crois pas qu'il aurait gagné les montants en cause en jouant à la loterie vidéo. Sa version des faits n'a pas été corroborée par un témoin indépendant que j'aurais pu juger plus crédible, elle n'a pas été corroborée par des livres que Jim aurait soigneusement tenus. Elle n'a pas été corroborée par le témoignage de M. Brengman, qui m'a convaincu que toute personne jouant à la loterie vidéo régulièrement pendant une longue période ne peut l'emporter sur l'appareil. Et enfin, la version de Jim n'a pas été corroborée par les photocopies des reçus gagnants imprimés par les appareils de loterie vidéo qui ont été produits sous les cotes R-3, R-5, R-6 et R-7. J'ai décrit comment, si la version de Jim était retenue, et si ces reçus représentaient réellement les montants qu'il a gagnés en 1996 et 1997, il aurait gagné à plusieurs reprises à deux appareils différents dans un délai de quelques secondes, comme s'il avait joué à deux appareils en même temps. Je suis contraint de conclure que ces reçus ne représentaient pas les gains de Jim, qu'il s'agissait plutôt de reçus gagnants qu'il avait encaissés pour ses clients.

[33] La pièce R-15 est un document qui a été produit par M. Brengman et qui provient des registres de la Fondation manitobaine des loteries. Ce document fait état des montants totaux misés dans les appareils de loterie vidéo du Queen's Hotel de Dominion City et payés par ceux-ci au cours des années civiles 1992, 1993 et 1994. La pièce R-15 indique que les appareils se trouvant au Queen's Hotel ont payé les montants totaux suivants dans les trois années en question :

Montants payés

270 668 $

385 775 $

406 236 $

L'avocate des appelants a fait valoir que les montants ajoutés au revenu déclaré de Jim pour les années en cause en l'espèce (qui, d'après Jim, représentaient ses gains à la loterie vidéo) constituent une portion très faible des montants totaux payés par les appareils qui se trouvaient à l'hôtel pendant les années en question. L'avocate a énuméré dans sa plaidoirie les fractions suivantes (les prétendus gains de Jim par rapport au total des montants qui ont été payés) ainsi que les pourcentages correspondants pour démontrer que Jim n'avait pas gagné une part disproportionnée du total des montants payés par les appareils se trouvant à l'hôtel :

10 743 $

270 668 $ 4 p. 100

1993 50 558 $

385 775 $ 13 p. 100

1994 31 602 $

406 236 $ 7,7 p. 100

[34] Je n'accepte pas cet argument de l'avocate des appelants car il repose sur l'hypothèse suivant laquelle Jim gagne chaque fois qu'il joue à la loterie vidéo. Cette hypothèse ne peut qu'être erronée. Jim doit perdre souvent. Par conséquent, en 1992, par exemple, chaque fois que Jim perdait un dollar à la loterie vidéo, il devait gagner un dollar avant que ses gains dépassent de 10 743 $ le montant de ses pertes cette année-là. Si je suppose, comme je dois le faire, que, chaque année, Jim perdait de l'argent à la loterie vidéo, je dois conclure que les montants gagnés chaque année excédaient les montants qui ont été ajoutés à son revenu déclaré du fait du calcul de l'avoir net puisque le total de ses gains devait annuler toutes ses pertes avant qu'il puisse s'en dégager un excédent représentant l'augmentation de son avoir net. En d'autres termes, si sa prétention était vraie, le montant de ses gains à la loterie vidéo au cours de chacune des années 1992, 1993 et 1994 devrait avoir excédé les montants ajoutés à son revenu déclaré pour les années en question du fait du calcul de l'avoir net (voir les paragraphes 7 et 13 précédents). Cela signifierait que le pourcentage des gains réalisés par Jim sur les appareils de loterie vidéo de l'hôtel chaque année était beaucoup plus élevé que les pourcentages indiqués dans le tableau qui figure au paragraphe 34. C'est fort peu probable.

[35] Les appelants ont appelé à témoigner Robert McKenzie, le comptable indépendant de l'hôtel qui a dressé les états financiers de la compagnie pour toutes les années pertinentes. M. MacKenzie a dit du bénéfice brut qu'il était l'excédent du revenu brut sur le coût des ventes, divisé par le revenu brut. Après avoir appliqué cette formule aux trois exercices de la compagnie se terminant en 1992, 1993 et 1994, M. McKenzie a déterminé que la compagnie avait un bénéfice brut de 37 p. 100 en 1992, de 33 p. 100 en 1993 et de 30 p. 100 en 1994. Si les montants que Revenu Canada a ajoutés au revenu déclaré de la compagnie pour les exercices se terminant en 1993 et en 1994 avaient été ajoutés au revenu brut de la compagnie à titre de ventes non déclarées, je suis convaincu que le bénéfice brut de la compagnie n'aurait pas été déraisonnablement élevé dans l'un ou l'autre de ces deux exercices.

[36] En l'espèce, il faut choisir entre la thèse des appelants selon laquelle toute augmentation de l'avoir net de Jim de 1991 à 1994 était le résultat de ses gains à la loterie vidéo, et la thèse de Revenu Canada selon laquelle cette augmentation de l'avoir net de Jim découlait de ventes non déclarées de la compagnie, dont le montant a été attribué à Jim. Ainsi qu'il a été mentionné précédemment, il n'y a entre les parties aucun litige sur le fait que l'avoir net de Jim a augmenté de 92 903 $ entre la fin de 1991 et la fin de 1994. Compte tenu de cette augmentation admise de l'avoir net de Jim, l'explication de ce dernier n'est pas raisonnable, ni probable, ni plausible. Au cours de ces années-là, la compagnie avait un revenu brut de plus de 400 000 $, mais un profit net de moins de 1 400 $ dans chacune des années 1993 et 1994. Compte tenu du maigre salaire de Jim et des faibles profits de la compagnie, il est raisonnable, probable et plausible que l'augmentation admise de l'avoir net de Jim découle de ventes non déclarées de la compagnie, dont le montant a été attribué à Jim.

[37] Je rejette les appels de la compagnie pour les années 1993 et 1994 et confirme les cotisations pour le motif que la compagnie avait, au cours des années en question, des ventes non déclarées de 27 776 $ et de 59 014 $ respectivement. Je confirme aussi toute pénalité imposée à la compagnie en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Les appels de Jim pour les années d'imposition 1992, 1993 et 1994 sont rejetés. L'intimée a droit aux frais dans les appels en l'instance comme s'il n'y avait qu'un appelant, mais elle a droit à des frais additionnels de 200 $ pour les actes de procédure rédigés relativement au deuxième appelant.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de septembre 1999.

“ M. A. Mogan ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 14e jour de juin 2000.

Benoît Charron, réviseur

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