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Date: 19980318

Dossiers: 96-2779-IT-G; 96-2780-IT-G

ENTRE :

GORDON ATKINS, AMDEN INVESTMENTS Ltd.,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

Motifs du jugement

Le juge Beaubier, C.C.I.

[1] Ces appels, interjetés sous le régime de la procédure générale, ont été entendus ensemble sur preuve commune par consentement des parties, à Calgary (Alberta) les 25 et 26 février 1998.

[2] L'appelant Gordon Atkins, cadre dirigeant de l'appelante Amden Investments Limited ( « Amden » ), a témoigné pour les appelants. Durant toute la période pertinente, M. Atkins détenait 80 p. 100 des actions émises d'Amden, et son épouse détenait les 20 p. 100 restants. La fin de l'exercice d'Amden est le 31 octobre. M. Atkins avait commencé à travailler comme architecte à Calgary en 1962. Il a gagné un certain nombre de prix nationaux en architecture. Il travaille et habite encore dans la région de Calgary. Il s'occupe maintenant de promotion immobilière en banlieue. L'intimée a appelé Daryl Sekiya, un vérificateur de Revenu Canada. Aucune des parties n'a appelé comme témoin un expert en évaluation immobilière.

[3] Les points en litige entre les parties sont énoncés comme suit dans les réponses :

1. Concernant M. Atkins :

[TRADUCTION]

9. Il s'agit de savoir :

a) si le ministre a eu raison d'établir à l'égard de l'appelant, en vertu de l'article 80.4 de la Loi, une nouvelle cotisation de 14 405 $ et de 7 668 $ au titre d'intérêts réputés avoir été reçus pour ses années d'imposition 1990 et 1992, respectivement;

b) si le ministre a eu raison d'établir à l'égard de l'appelant, en vertu du paragraphe 15(2) de la Loi, une nouvelle cotisation de 6 216 $ au titre de prêts à l'actionnaire qu'il avait reçus d'Amden, relativement aux paiements qu'Amden avait faits à ses enfants dans son année d'imposition 1992;

c) si le ministre a eu raison d'établir à l'égard de l'appelant, en vertu du paragraphe 15(1) de la Loi, une nouvelle cotisation de 2 600 $ et de 1 928 $ au titre d'avantages qui lui avaient été conférés en tant qu'actionnaire par Amden dans son année d'imposition 1990, relativement au bien locatif occupé gratuitement par ses enfants et relativement à ses frais personnels de déplacement payés par Amden, respectivement;

d) si le ministre a eu raison d'établir à l'égard de l'appelant une nouvelle cotisation de 214 500 $ au titre de revenus non déclarés pour son année d'imposition 1989;

e) si le ministre a eu raison d'établir à l'égard de l'appelant, en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi, une nouvelle cotisation lui imposant une pénalité pour son année d'imposition 1989 à l'égard de 199 500 $ de revenus non déclarés (un crédit ayant été porté au compte de l'appelant pour le montant de 15 000 $ qu'il avait par erreur déclaré pour son année d'imposition 1990 comme revenu relatif au contrat).

Les points 9b) et c) ont été réglés sur consentement déposé par les parties, et ces questions sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en conséquence.

2. Concernant Amden :

[TRADUCTION]

14. Il s'agit de savoir :

a) si les montants indiqués par l'appelante comme additions au coût en capital du bien locatif pour ses années d'imposition 1990, 1991 et 1992 ont à bon droit été refusés par le ministre;

b) si le ministre a eu raison de refuser les frais de déplacement et de représentation indiqués par l'appelante pour son année d'imposition 1990;

c) si le ministre a eu raison d'établir à l'égard de l'appelante une nouvelle cotisation de 90 000 $ au titre du revenu non déclaré de l'appelante pour son année d'imposition 1990;

d) si le ministre a eu raison d'établir à l'égard de l'appelante, en vertu de l'alinéa 163(2)a), une nouvelle cotisation lui imposant une pénalité relativement à la somme de 55 000 $ pour son année d'imposition 1990.

Les points 14a) et b) ont été réglés sur consentement déposé par les parties, et ces questions sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en conséquence.

[4] Concernant les points relatifs à Gordon Atkins qui restent en litige, la chronologie des faits est la suivante :

1) 15 juin 1987 (pièce R-1, section 12) — Amden signe une convention de services pour s'opposer à une dédensification de terrain avec E. F. Wood, le propriétaire. En guise d'honoraires, Amden recevra deux lots.

2) Date inconnue (la pièce R-1, section 31, datée du 5 avril 1989, fournit un point de référence) — Amden transfère à M. Atkins son intérêt dans la convention de la pièce R-1, section 12, d'après le témoignage de M. Atkins; aucun document en faisant foi n'a été déposé en preuve.

3) 12 mai 1988 (pièce A-1, section 2) — Le lotissement de M. Wood, appelé Rosewood, est approuvé par l'Alberta Planning Board.

4) 26 avril 1989 (pièce R-1, section 31) — M. Wood transfère le terrain à Rosewood Hill Properties Corporation.

5) 22 novembre 1989 (pièce R-1, section 19) — Le district municipal de Rocky View (administration publique locale dont relève Rosewood — ci-après appelée Rocky View) signe la convention de mise en valeur avec le plan annexé. Le district de Rocky View est adjacent à Calgary. Il est à noter que dans la pièce R-1, section 19, il manque les pages 3 à 24 inclusivement.

6) 20 décembre 1989 (pièce R-1, section 21) — Rocky View signe une opposition à l'encontre du titre de Rosewood sur le lotissement non encore enregistré. La preuve ne fait état d'aucune date précise de l'enregistrement de cette opposition ou du plan de lotissement au bureau d'enregistrement des droits fonciers. Les deux premiers chiffres qui ont été inscrits lors de l'enregistrement du plan de lotissement sont « 90 » , ce qui indique que l'enregistrement a eu lieu en 1990. (Voir la pièce R-1, section 22.)

7) 28 décembre 1989 — En guise d'honoraires concernant Rosewood, M. Atkins choisit le lot 11 et, à l'issue d'un tirage au sort, reçoit le lot 16. (Voir l'hypothèse x) — cette phrase-ci.)

8) 11 janvier 1990 (pièce R-1, section 22) — Le lot 11 est transféré de Rosewood à M. Atkins. M. Atkins signe l'affidavit établissant à 124 500 $ la valeur du lot 11.

9) 11 janvier 1990 (pièce R-1, section 22) — Le lot 16 est transféré de Rosewood à M. Atkins. M. Atkins signe l'affidavit établissant à 35 000 $ la valeur du lot 16.

10) 23 février 1990 (pièce R-1, section 26) — M. Atkins transfère le lot 11 à Owens pour 124 500 $.

11) « En vigueur au 5 avril 1990 » (pièce R-1, section 31) — Le paragraphe 2 stipule que M. Atkins peut différer l'obligation qu'il a de bâtir un immeuble sur le lot 16 s'il vend le lot 16 à un tiers.

12) 1994 — M. Atkins transfère le lot 16 à un cessionnaire pour 96 000 $ moins certaines réserves, soit un montant net de 90 000 $.

[5] En ce qui a trait aux points qui sont encore en litige, les hypothèses de l'intimée relatives à Gordon Atkins qui ont été confirmées ou qui n'ont pas été réfutées par la preuve figurent aux alinéas suivants du paragraphe 8 de la réponse :

[TRADUCTION]

[...]

b) Durant toute la période pertinente aux fins de cet appel, Amden était une personne morale dûment constituée en vertu des lois alors en vigueur en Alberta.

c) La fin de l'exercice d'Amden était le 31 octobre.

d) Durant toute la période pertinente aux fins de cet appel, l'appelant et son épouse, C. Joan Atkins, étaient actionnaires d'Amden; ils détenaient respectivement 80 p. 100 et 20 p. 100 du capital-actions de la compagnie.

[...]

g) Durant toute la période pertinente aux fins de cet appel, l'appelant était administrateur d'Amden et était chargé de l'exploitation quotidienne d'Amden. Les décisions d'Amden étaient prises par l'appelant, qui était le cerveau de l'organisation.

[...]

p) Durant toute la période pertinente aux fins de cet appel, plus particulièrement de 1989 à 1992, l'appelant exerçait la profession d'architecte sous le nom de Gordon Atkins & Associates.

q) L'appelant avait, au fil des ans, acquis des connaissances et compétences dans le traitement de demandes de lotissement et la supervision de travaux de construction — routes, adduction d'eau, électricité, aménagement paysager, etc.

r) Avant 1989, l'appelant avait déjà participé à de nombreux lotissements relatifs à différents terrains.

s) Le 15 juin 1987, Amden a conclu une convention avec M. Wood (le « contrat » ) au profit de l'appelant relativement à une parcelle appartenant à M. Wood, soit une parcelle d'environ 87,5 acres légalement décrite comme étant le quart sud-est de la section 24 du canton 24 du rang 3, à l'ouest du 5e méridien (le « terrain » ). L'avantage correspondant au contrat a ensuite été cédé à l'appelant avec le consentement de M. Wood.

t) En juin 1987 ou à peu près, M. Wood — prévoyant que le District municipal de Rocky View voudrait dédensifier le terrain — avait, en vertu du contrat susmentionné, retenu les services de l'appelant pour que celui-ci s'oppose à la dédensification du terrain et, s'il y parvenait, qu'il prenne ensuite toutes les mesures pouvant être nécessaires pour faire approuver la subdivision du terrain en 30 lots.

u) Les obligations de l'appelant étaient les suivantes :

[...]

ii) faire les observations qui s’imposaient auprès des autorités réglementaires en ce qui a trait au contrôle de la conception concernant le terrain;

iii) aider à coordonner les travaux de construction — routes, adduction d'eau, gaz, électricité, aménagement paysager — faire occasionnellement fonction de contremaître et aider à la subdivision du terrain en 30 lots;

iv) fournir ses services pour aider le propriétaire à l'égard d'une demande visant à ce que le terrain soit subdivisé en parcelles de deux acres aussi nombreuses que permises et en lots pour le propriétaire.

v) Si l'opposition de l'appelant à la dédensification du terrain était couronnée de succès et que le terrain soit loti, la contrepartie ou les honoraires payables à l'appelant consistaient en deux lots de deux acres devant être choisis par lui, lorsque l'enregistrement de ces lots serait possible.

w) Le 13 septembre 1988, les efforts de l'appelant pour faire opposition à la dédensification du terrain avaient été couronnés de succès. M. Wood avait continué à retenir les services de l'appelant aux fins du lotissement du terrain.

[...]

y) Les lots 11 et 16, entièrement viabilisés, ont été transférés à l'appelant le 11 janvier 1990.

z) Dans le cadre du travail accompli pour obtenir l'approbation nécessaire aux fins de la convention de mise en valeur, l'appelant a effectué une étude de faisabilité de l'ensemble du projet qui indiquait la valeur de chaque lot.

[...]

bb) Le 23 février 1990, l'appelant a vendu le lot 11 pour 124 500 $, et l'affidavit du cessionnaire dans le transfert du terrain dans le cadre de l'opération susmentionnée disait que la juste valeur marchande du lot était de 124 500 $.

cc) La juste valeur marchande des lots 11 et 16 le 7 novembre 1989 était de 124 500 $ et de 90 000 $, respectivement.

dd) La déclaration de revenu de l'appelant pour son année d'imposition 1989 a été signée par lui le 29 avril 1990, et l'appelant a omis de déclarer cette somme de 214 500 $ en tant que contrepartie qui lui avait été payée par M. Wood en 1989, en vertu du contrat. L'appelant a ainsi déclaré en moins son revenu pour son année d'imposition 1989, soit 214 500 $ en moins.

[...]

ff) Toutefois, l'appelant a déclaré par erreur la somme de 15 000 $ comme revenu gagné par lui en 1990 en vertu du contrat.

gg) Dans un document manuscrit en date du 6 février 1990, l'appelant estimait à 125 500 $ la juste valeur marchande du lot 11 et à 105 000 $ la juste valeur marchande du lot 16 et disait qu'il s'attendait à obtenir le titre sur les lots dans la semaine et à vendre les lots dans la semaine également.

[6] Concernant Amden :

1) Au 12 février 1989 (pièce A-1, section 6) — Amden et M. Hodgson concluent une entente verbale pour qu'Amden veille à la subdivision du terrain de M. Hodgson à Rocky View. Dans un passage d'une ébauche manuscrite qui semble avoir été établie en caractères d'imprimerie par M. Atkins (page 2), les honoraires d'Amden sont décrits comme étant « deux parcelles de deux acres de son choix. Le transfert sera effectué lorsque les parcelles pourront être enregistrées et recevoir un titre distinct. » Cela a été le fondement des discussions tenues entre Amden et M. Hodgson.

2) 5 septembre 1989 (pièce A-1, section 7) — L'approbation de l'Alberta Planning Board quant au plan de lotissement de M. Hodgson appelé « Alandale » est reçue. M. Atkins a témoigné qu'il avait choisi le lot correspondant aux honoraires d'Amden entre cette date et le 30 septembre 1989.

3) 22 novembre 1989 (pièce A-1, sections 56 et 57) — M. Hodgson retire un appel à l'Alberta Planning Board relatif à un différend en matière de réserve avec Rocky View au sujet du plan de lotissement proposé pour Alandale.

[7] Les hypothèses de l'intimée concernant Amden qui ont été confirmées ou qui n'ont pas été réfutées par la preuve figurent aux alinéas suivants du paragraphe 13 de la réponse :

[TRADUCTION]

[...]

b) Durant toute la période pertinente aux fins de l'appel, l'appelante était une personne morale dûment constituée en vertu des lois alors en vigueur en Alberta.

c) La fin de l'exercice de l'appelante était le 31 octobre.

d) Durant toute la période pertinente aux fins de cet appel, l'appelante était propriétaire du bien locatif et exploitait une entreprise consistant à conseiller des propriétaires de terrains dans le traitement de demandes de lotissement et à coordonner des travaux de construction — routes, adduction d'eau, électricité, aménagement paysager, etc.

[...]

h) Durant toute la période pertinente aux fins de l'appel, M. Atkins et son épouse, Joan Atkins, détenaient respectivement 80 p. 100 et 20 p. 100 des actions du capital-actions de la compagnie appelante.

[...]

n) L'appelante a conclu le contrat susmentionné pour aider Allan Hodgson à obtenir l'autorisation nécessaire pour lotir le terrain lui appartenant, soit le terrain légalement décrit comme suit :

Quart nord-est de la section 24 du canton 24 du rang 3, à l'ouest du 5e méridien, soit un terrain d'une superficie de 113 acres, plus ou moins, y compris une amélioration (le « terrain » ).

o) Conformément au contrat susmentionné, l'appelante a entrepris :

i) immédiatement et de toute urgence, de prendre toutes les mesures pouvant être nécessaires pour que le terrain soit reclassifié, puis subdivisé en 30 lots;

ii) de faire occasionnellement fonction de contremaître dans la coordination de travaux de construction relatifs au terrain — routes, adduction d'eau, électricité, aménagement paysager, etc.

p) Conformément au contrat susmentionné, Allan Hodgson a accepté de transférer à l'appelante un lot de deux acres, faisant partie du terrain et devant être choisi par l'appelante, en contrepartie des services de l'appelante mentionnés précédemment.

q) L'appelante s'est acquittée des obligations prévues au contrat et, le 3 octobre 1990, conformément au contrat, Allan Hodgson a transféré à l'appelante le titre sur une parcelle du terrain, d'une superficie de deux acres, légalement décrite comme suit :

Plan 9010945, lot 4, sauf toutes les mines et tous les minéraux qui s'y trouvent (le « lot » ).

r) L'affidavit d'attestation relatif au transfert susmentionné disait que la juste valeur marchande du lot le 3 octobre 1990 était de 100 000 $.

s) La juste valeur marchande du lot en 1990 était estimée par M. Atkins à 110 000 $.

t) Durant toute la période pertinente aux fins de cet appel, M. Atkins savait que d'autres lots de deux acres de la région de Springbank avaient été vendus par Allan Hodgson en 1990 à des prix allant de 85 000 $ à 230 000 $ le lot, selon l'emplacement.

u) La juste valeur marchande du lot au cours de la période allant du 22 novembre 1989 au 3 octobre 1990 était d'au moins 90 000 $, et M. Atkins de (sic) l'appelante le savait ou aurait dû raisonnablement le savoir.

Concernant la pénalité

v) Dans sa déclaration de revenu pour son année d'imposition 1992, l'appelante a indiqué 35 000 $ comme valeur de la contrepartie qu'elle avait reçue d'Allan Hodgson pour les services qu'elle lui avait rendus en vertu des dispositions du contrat.

w) Dans sa déclaration de revenu pour son année d'imposition 1990, l'appelante n'a indiqué aucun revenu provenant du contrat et a ainsi, par l'entremise de ses préposés et représentants, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé — ou y a participé, y a consenti ou y a acquiescé — en prétendant n'avoir tiré aucun revenu du contrat susmentionné durant son année d'imposition 1990, faisant de la sorte une déclaration en moins de son revenu, c'est-à-dire 90 000 $ en moins. Aux fins de l'imposition de la pénalité, le ministre a toutefois porté au crédit du compte de l'appelante la somme de 35 000 $ qu'elle avait par erreur déclarée comme revenu provenant du contrat pour l'année d'imposition 1992, et le ministre a présumé que le revenu non déclaré pour l'année d'imposition 1990 était de 55 000 $.

x) Par suite de cette déclaration en moins, l'impôt qui aurait été payable par l'appelante pour l'année d'imposition 1990 s'il avait été calculé en vertu du sous-alinéa 163(2)a)(i) excède de 15 033,39 $ l'impôt qui aurait été payable s'il avait été calculé en vertu du sous-alinéa 163(2)a)(ii) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[8] Au cours de l'interrogatoire principal auquel il a été soumis, M. Atkins a dit au sujet de ses activités de lotissement : j' « échange mes services [...] contre un droit de propriété sur une partie du terrain que nous subdivisons » . Il a dit ensuite au sujet du propriétaire : « Une fois qu'on a pu procéder à l'enregistrement, il est obligé de transférer ce titre. » Comme c'est à lui et à Amden qu'on faisait appel, il a dit : je « [...] me sentais rassuré quant au fait que ma réserve foncière prenait de l'expansion » . Il a également dit qu'il ne jugeait pas nécessaire de déclarer un terrain comme revenu tant qu'il n'avait pas le titre sur le terrain.

[9] Ainsi, les deux appelants ont reçu comme honoraires les lots en question. Les valeurs de ces lots sont les valeurs que le ministre du Revenu national a présumées. Aucun évaluateur ou expert n'a été appelé à témoigner quant à la valeur des lots. Ainsi, les valeurs présumées par le ministre n'ont pas été réfutées par la preuve présentée à la Cour, car les seuls chiffres différents qui aient été présentés sont ceux que M. Atkins a indiqués dans son témoignage. Les points restants sont des questions de temps, à savoir :

a) quand les honoraires étaient-ils payables;

b) quand chacun des appelants a-t-il eu un intérêt enregistrable dans le terrain concernant chaque lot.

APPEL DE M. ATKINS

[10] L'accord conclu par M. Atkins avec M. Wood (pièce A-1, section 12) dit aux paragraphes 8 à 11 inclusivement :

[TRADUCTION]

8. Le propriétaire sera en droit de résilier la présente convention par un avis écrit au consultant dans les circonstances suivantes :

a) si le consultant manque à son obligation d'exécuter l'une quelconque des dispositions de la présente convention;

b) si, le 31 décembre 1988 ou avant, le consultant n'est pas parvenu à faire subdiviser le terrain en au moins 15 parcelles de deux acres et en lots pour le propriétaire.

Dès que le consultant aura reçu un avis de résiliation, la présente convention sera résiliée, et le propriétaire n'aura plus par la suite d’obligation envers le consultant.

9. Le consultant pourra n'importe quand résilier la présente convention en envoyant un préavis écrit de 30 jours de son intention au propriétaire.

10. Si les terrains sont subdivisés en lots pour le propriétaire et en au moins 15 parcelles de deux acres, le consultant aura droit aux honoraires de consultant visés au paragraphe 11 des présentes. Si le consultant réussit dans son opposition à la demande visant à « dédensifier » les terrains et que le propriétaire tarde à demander ou à en entreprendre le lotissement des terrains, le consultant aura droit à des honoraires de 10 000 $.

11. Les honoraires (les « honoraires de consultant » ) payables au consultant pour les services rendus par lui en vertu des présentes consisteront en deux parcelles de deux acres qui lui seront transférées et qui seront choisies comme suit :

a) le consultant aura droit au premier choix d'une parcelle de deux acres après le lotissement des terrains. La seconde parcelle de deux acres correspondant aux honoraires de consultant sera l'objet d'un « tirage au sort » ;

b) le dixième jour ouvrable suivant la date à laquelle l'autorité réglementaire compétente aura accordé le droit de subdiviser le terrain en lots pour le propriétaire et en au moins 15 parcelles de deux acres, les parties aux présentes se rencontreront à l'emplacement des terrains ou à tout autre endroit dont elles pourront convenir, à 10 heures (heure de Calgary). Le consultant indiquera alors son second choix d'une parcelle de deux acres, puis le propriétaire placera dans un contenant approprié la description de trois parcelles de deux acres non encore choisies, et la parcelle ainsi tirée au sort sera le second lot correspondant aux honoraires de consultant, à moins que les parties n'en conviennent autrement.

[11] M. Atkins a témoigné que la convention conclue avec M. Wood n'avait pas été rédigée par lui. Cependant, le paragraphe 14 renferme un passage qui a été biffé, puis paraphé par quelqu'un, la dernière lettre des initiales étant « W » . Le passage dactylographié qui a été biffé est entièrement favorable à M. Atkins. Le paragraphe 14 se lit comme suit :

[TRADUCTION]

14. Le consultant accepte par les présentes de faire « occasionnellement » fonction de contremaître dans les travaux de construction (routes, adduction d'eau, électricité, gaz, etc.) nécessaires aux fins du lotissement des terrains, mais, ce faisant, n'encourt aucune responsabilité pour négligence, manquement volontaire ou autre. « [...] W »

Le passage biffé indique que M. Atkins a du moins participé jusqu'à un certain point à la rédaction du document dactylographié avant que celui-ci ne soit signé.

[12] Un plan de lotissement ne peut être enregistré dans un bureau albertain d'enregistrement des droits fonciers que s'il a été entériné par une autorité compétente en matière d'approbation de lotissement. Le paragraphe 86(1) de l'Alberta Planning Act, R.S.A. 1980, ch. P-9, se lit comme suit :

[TRADUCTION]

86(1) Sauf disposition contraire prévue au paragraphe (2), un registraire n'acceptera pas d'enregistrer un instrument ayant ou pouvant avoir pour effet de lotir une parcelle si le lotissement n'a pas été entériné par l'autorité compétente en matière d'approbation de lotissement.

Le paragraphe (2) ne s'applique pas à des plans comme ceux qui sont en litige. Aux termes de l'article 87, l’autorité chargée d'approuver des lotissements est une municipalité comme Rocky View. L'article 110 dispose expressément ceci :

[TRADUCTION]

110(1) Lorsque, en appel, le conseil fait droit à une demande d'approbation de lotissement, le requérant doit présenter le plan de lotissement ou autre instrument à l'autorité chargée d'approuver les lotissements contre qui l'appel avait été interjeté, pour qu'elle l'entérine.

(2) Si une autorité en matière d'approbation de lotissement omet ou refuse d'entériner un plan de lotissement ou autre instrument qui lui est soumis en vertu du paragraphe (1), le président du conseil peut le faire.

Se fondant sur ces dispositions, la Cour conclut que M. Atkins a eu droit à ses honoraires lorsque Rocky View a entériné le plan de lotissement. Même si Rocky View refusait d'entériner le plan, il était nécessaire que le plan soit retourné au président du conseil, pour fins d'approbation, avant de devenir un plan de lotissement enregistrable subdivisant la parcelle en lots. Ce n'est qu'à ce stade qu'il y avait un plan de lotissement enregistrable subdivisant la parcelle en lots. En vertu du paragraphe 10 de la convention conclue avec M. Wood, M. Atkins avait droit à ses honoraires si « les terrains [étaient] subdivisés » . Cela a eu lieu lorsque, le 20 décembre 1989, Rocky View a signé le plan (pièce R-1, section 19).

[13] Dans les dix jours suivants, soit le 28 décembre 1989, M. Atkins a choisi ses lots et a ainsi déterminé que ses lots étaient le lot 11 et le lot 16. Il avait alors un intérêt dans ces lots qui était enregistrable par voie de caveat. Notre cour conclut que, le 28 décembre 1989, M. Atkins a reçu ses honoraires, soit deux lots d'une valeur de 214 500 $. Il n'a pas déclaré ce montant comme revenu pour son année d'imposition 1989.

[14] Le point 9e) qui est décrit dans la réponse à l'avis d'appel de M. Atkins est de savoir si une pénalité a été imposée à juste titre à l'égard des 199 500 $ de revenus non déclarés par M. Atkins pour son année 1989.

[15] Les extraits du témoignage de M. Atkins qui ont été cités sont clairs. M. Atkins a accepté les lots comme honoraires. Vu l'absence de témoignage de la part d'un expert en évaluation, la Cour accepte les hypothèses utilisées pour déterminer la valeur des lots. La date des ventes des lots de M. Wood et les prix auxquels ces lots se sont vendus confirment toutefois les valeurs qui ont servi d’hypothèses.

[16] M. Atkins était un architecte-promoteur avisé, expérimenté et très intelligent qui a accepté les lots comme honoraires, qui savait qu'il s'agissait de revenus et qui en connaissait la valeur.

[17] Il ressort clairement de l'ensemble de la preuve qu'il savait qu'il s'agissait d'un revenu imposable. Ses protestations selon lesquelles il avait passé en revue ces opérations avec son comptable et s'était fié à son comptable ne sont pas crédibles. Son comptable n'a pas été appelé à témoigner. Quoi qu'il en soit, M. Atkins savait ce qu'il faisait en 1989, savait ce qu'étaient des honoraires et savait que des honoraires étaient imposables comme revenus. M. Atkins avait établi son état des résultats en fin d'année pour son comptable. Il avait peu de clients, et ces montants étaient considérables par rapport à son revenu habituel. Il n'a absolument rien déclaré en 1989 concernant ces lots. De l'avis de la Cour, il savait qu'il s'agissait de revenus en 1989. Il y avait alors plus de 20 ans qu'il exploitait sa propre entreprise et il savait parfaitement bien ce qu'est un revenu d'entreprise. C'est un homme d'affaires intelligent et astucieux qui a profité d'une occasion, qui a fait en sorte que les montants en cause n'apparaissent pas dans son revenu et qui n'a pas déclaré ces montants. M. Atkins a sciemment et délibérément omis de déclarer ce revenu.

[18] Son appel relatif à la pénalité est rejeté.

[19] L'alinéa 14a) de l'avis d'appel de M. Atkins conteste la cotisation :

[TRADUCTION]

a) imposant un avantage en intérêts en vertu de l'article 80.4 de la Loi de l'impôt sur le revenu (du Canada) (la « Loi » ) pour ses années d'imposition 1990 et 1992 concernant le compte de prêt à l'actionnaire que détenait l'appelant auprès d'Amden;

Les hypothèses figurant aux alinéas 8 l) et o) se lisent comme suit :

[TRADUCTION]

l) Au cours de l'année d'imposition 1990 de l'appelant, Amden a, de temps à autre, prêté diverses sommes d'argent à l'appelant. L'avantage en intérêts réputé avoir été accordé à l'appelant au cours de son année d'imposition 1990 relativement à son compte de prêt à l'actionnaire était de 14 405 $.

[...]

o) Le compte de prêt à l'actionnaire que détenait l'appelant auprès d'Amden et l'obligation de l'appelant au titre d'intérêts réputés avoir été reçus en vertu de l'article 80.4 de la Loi relativement aux soldes de son compte de prêt à l'actionnaire pour son année d'imposition 1992 sont indiqués aux première et deuxième annexes des présentes, respectivement.

Cela se rapporte au fait que M. Atkins prélevait simplement de l'argent sur Amden lorsqu'il en avait besoin à ses fins personnelles ou aux fins de l'entreprise. Aucune retenue n'était effectuée, et M. Atkins ne payait aucun acompte trimestriel d'impôt sur le revenu à l'égard de ces sommes. Ni lui ni Amden n'ont consigné ces sommes durant l'année. Le comptable agréé avec qui Amden et M. Atkins faisaient affaire avait enregistré les prélèvements dans un grand livre du « compte de prêt à l'actionnaire » , que M. Sekiya, le vérificateur de Revenu Canada, a obtenu. Il s'agit du seul registre de ces prélèvements. Ainsi, une cotisation au titre d'intérêts a été établie à l'égard de M. Atkins en vertu de l'article 80.4 de la Loi de l'impôt sur le revenu. M. Atkins en a appelé.

[21] M. Sekiya a rendu compte en détail de ses calculs, qui figurent en annexe à la réponse. Le seul registre de société quant aux prélèvements est le « compte de prêt à l'actionnaire » . Les divers points pris en compte par M. Sekiya étaient contestés par M. Atkins, mais le comptable agréé et Mme Atkins n'ont pas témoigné. Ni Amden ni M. Atkins n'ont payé d'impôt sur les prélèvements à mesure que ceux-ci étaient effectués. En fait, il semble que tous rapprochements aient été faits après la fin de l'exercice. Concernant les sommes payées à M. Atkins par Amden, il n'y avait non plus aucune résolution ou autre registre de société ou désignation. Ces appels sont rejetés.

[22] Donc, les parties des appels de M. Atkins qui ne sont pas l'objet du règlement sur consentement sont entièrement rejetées.

APPEL D'AMDEN

[23] Le brouillon d'Amden incluait une page dactylographiée (page 3) qui a été extraite de la convention conclue avec M. Wood. Le paragraphe relatif aux honoraires — écrit à la main, en caractères d'imprimerie — se lit comme suit :

[TRADUCTION]

Les honoraires payables au consultant pour les services rendus par lui en vertu des présentes consisteront en une parcelle de deux acres de son choix qui lui sera transférée. Le transfert sera effectué lorsque des parcelles pourront être enregistrées et faire l'objet d'un titre distinct.

(Pièce A-1, section 6).

À en juger par la page de M. Wood intégrée à la copie de travail d'Amden, il semble que le brouillon d'Amden ait été établi après la convention conclue avec M. Wood. Donc, les négociations d'Amden avec M. Hodgson se fondaient sur l'expérience de M. Wood. Le brouillon indique que le transfert du lot au titre des honoraires devait se faire « lorsque des parcelles pourront être enregistrées et faire l'objet d'un titre distinct » .

[24] M. Wood a témoigné : « Une fois qu'on a pu procéder à l'enregistrement, il est obligé de transférer ce titre. »

[25] Toutefois, Amden n'a eu aucune convention écrite de M. Hodgson. Pour avoir un intérêt légal dans le lot correspondant aux honoraires, Amden devait avoir une note écrite signée par M. Hodgson et décrivant l'intérêt d'Amden dans le terrain. La seule preuve d'un tel écrit dans l'appel d'Amden se trouve à l'hypothèse q) de l'intimée. Il y est dit que M. Hodgson a transféré le titre sur le lot 4, plan 9010945, à Amden le 3 octobre 1990.

[26] Au cours du réinterrogatoire, M. Atkins a témoigné qu'Amden avait reçu son lot correspondant aux honoraires en 1991. Je ne crois pas cela. Devant une hypothèse exacte comme celle qui figure à l'alinéa q), Amden aurait dû déposer une copie conforme de l'acte translatif de propriété indiquant que le transfert avait été effectué en 1991. Elle ne l'a pas fait. Donc, l'hypothèse q) est tenue pour véridique.

[27] Le 3 octobre 1990, Amden a reçu ses honoraires, soit un lot d'une valeur de 90 000 $. En vertu de la cotisation, le revenu non déclaré d'Amden pour 1990 au titre de ces honoraires est de 90 000 $.

[28] Concernant cette opération, Amden a déclaré des honoraires de 35 000 $ pour 1992. La présentation, par M. Atkins, de cet élément de preuve se fondait sur des montants de 15 000 $ à 20 000 $ par lot et sur une réception des honoraires en 1991. Amden a plutôt déclaré 35 000 $ pour 1992. Encore là, le témoignage de M. Atkins n'était pas crédible.

[29] Il est clair que les honoraires d'Amden ont été reçus le 3 octobre 1990 et il ressort des hypothèses r) et s) que la valeur de ses honoraires était d'au moins 90 000 $ à cette époque. Pourtant, Amden n'a pas déclaré d'honoraires. La fin de son exercice était le 31 octobre, et la valeur du lot était élevée. Vu le manque de crédibilité de M. Atkins, vu la valeur du lot et vu la nature des honoraires en cause dans cette opération, on ne peut dire qu'il y a eu un oubli concernant ces honoraires. Encore là, c'est sciemment et délibérément qu'on a omis de déclarer ces honoraires, et la pénalité a à bon droit été imposée par le ministre du Revenu national.

[30] Les parties des appels d'Amden qui ne sont pas l'objet du règlement sur consentement sont entièrement rejetées.

[31] L'intimée se voit adjuger une série complète de frais entre parties pour chaque appel, sauf qu'un seul mémoire de frais est adjugé pour l'audience elle-même; M. Atkins devra payer les frais entre parties qui seront taxés concernant l'audience.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de mars 1998.

« D. W. Beaubier »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 24e jour de juillet 1998.

Benoît Charron

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