Date: 19991216
Dossier: 97-3205-GST-G
ENTRE :
SASKATCHEWAN PESTICIDE CONTAINER MANAGEMENT ASSOCIATION INC.,
appelante,
et
SA MAJESTÉ LA REINE,
intimée.
Motifs du jugement
Le juge Margeson, C.C.I.
[1] Dans une nouvelle cotisation, dont l'avis est daté du 8 août 1996 et porte le numéro 09ES-CEN14860, le ministre a refusé les crédits de taxe sur les intrants de 269 822,17 $ relativement à toutes les activités accomplies par l'appelante au cours de la période du 1er janvier 1991 au 30 juin 1994, réclamé des intérêts et imposé des pénalités.
[2] Au moment du procès, l'intimée a accepté de renoncer aux pénalités et aux intérêts.
[3] Par voie de requête, l'appelante a demandé l'autorisation de déposer un avis d'appel modifié et une liste de documents modifiée. La requête a été admise, les frais devant suivre l'issue de la cause.
Faits
[4] Les parties ont produit sous la cote A-1 un exposé conjoint des faits (partiel), dont voici le texte :
[TRADUCTION]
EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS (PARTIEL)
La Saskatchewan Pesticide Container Management Association Inc. est une personne morale ayant son siège social à Regina (Saskatchewan).
Les remboursements de taxe nette et l'intérêt qui ont été versés à l'appelante s'élèvent à 269 822,17 $.
Dans la nouvelle cotisation établie à l'égard de la contribuable, des intérêts de 25 899,14 $ et des pénalités de 28 380,39 $ ont été réclamés, de sorte que la nouvelle cotisation totale s'élève à 324 101,70 $.
L'appelante et l'intimée ne contestent pas que la TPS payée par l'appelante, qui a donné lieu au remboursement de taxe nette, a effectivement été payée par l'appelante.
Curtis Construction ou Saskcon Repair Services Ltd. avaient des contrats avec l'appelante.
L'appelante, une société sans but lucratif, a été constituée le 21 mars 1991 sous le régime de la Non-Profit Corporations Act (Saskatchewan).
Dans un avis de cotisation daté du 19 septembre 1994 et portant le numéro 09ES0200119, le ministre du Revenu national a établi une cotisation à l'égard de l'appelante pour avoir omis de percevoir et de remettre la taxe conformément à la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise (ci-après la “ TPS ”) sur les fonds qu'elle avait reçus de l'Institut canadien pour la protection des cultures (“ CPIC ”); le ministre n'a cependant pas rajusté les crédits de taxe sur les intrants précédemment payés à l'appelante pour les périodes de déclaration en cause dans la cotisation. Par conséquent, le ministre a réclamé 219 816,61 $ au titre de la TPS, 21 340,48 $ au titre des intérêts et 23 338,54 $ au titre des pénalités.
L'appelante s'est opposée à cette cotisation dans un avis d'opposition daté du 20 octobre 1994.
Dans un avis de décision daté du 8 août 1996, le ministre a modifié la cotisation susmentionnée par voie d'avis de nouvelle cotisation daté du 8 août 1996 et portant le numéro 09ES-CEN140860, indiquant qu'aucune TPS n'était payable sur les fonds que l'appelante avait reçus du CPIC, mais que l'appelante ne pouvait pas réclamer de crédit de taxe sur les intrants car toutes les activités auxquelles elle avait pris part consistaient à effectuer des fournitures exonérées. Par conséquent, le ministre a réclamé à l'appelante les montants suivants :
Remboursement de taxe nette et intérêt
payé à l'appelante 269 822,17 $
Intérêt 25 899,14 $
Pénalités 28 380,39 $
Total 324 101,70 $
L'annexe A jointe au présent exposé conjoint des faits donne les détails de la demande de crédits de taxe sur les intrants et des remboursements effectués. L'appelante et l'intimée conviennent que le montant de la TPS indiqué à l'annexe A a été payé par l'appelante.
L'appelante s'est opposée au deuxième avis de nouvelle cotisation dans un avis d'opposition daté du 23 septembre 1996.
Le ministre a ratifié la nouvelle cotisation mentionnée au paragraphe 10 ci-dessus dans un avis de décision daté du 17 juillet 1997.
SIGNÉ à Regina (Saskatchewan) ce 23e jour de novembre 1999.
MELLOR & ANDERSON
Par : Me Kevin C. Mellor
Avocat de l'appelante
SIGNÉ à Winnipeg (Manitoba) ce 25e jour de novembre 1999.
MINISTÈRE DE LA JUSTICE
Par : Me Gerald Chartier
Avocat de l'intimée
Destinataire : Ministère de la Justice
301-310, avenue Broadway
Winnipeg (Manitoba)
R3C 0S6
Le présent exposé conjoint des faits a été
préparé et livré par
MELLOR & ANDERSON
1400-2002, avenue Victoria
Regina (Saskatchewan)
S4P 0R7
Avocat chargé du dossier : Me Kevin C. Mellor
Téléphone : (306) 789-8868
Télécopieur : (306) 789-3366
ANNEXE A
L'appelante a produit des déclarations dans lesquelles elle réclamait les crédits de taxe sur les intrants et les remboursements de taxe nette qui suivent pour les périodes de déclaration comprises entre le 1er janvier 1991 et le 30 juin 1994 (la “ période pertinente ”), d'après les montants qui ont été payés ainsi qu'il est indiqué au tableau suivant :
Fin de la Crédits de Taxe nette Intérêt Remboursement
période taxe sur les déclarée payé versé
intrants
réclamés
91.03.31 170 (170) 3,16 173,16
91.06.30 23 160 (23 160) 64,22 23 224,22
91.09.30 15 199,20 (15 199,20) 38,63 15 237,83
91.12.31 537,36 (537,36) 1,12 538,48
92.03.31 67 666,53 (67 666,53) 214,47 67 881
92.06.30 15 199,20 (15 199,20) 1,70 592,19
92.09.30 13 794,99 (13 794,99) 3,60 13 798,59
92.12.31 68 285,25 (68 285,25) 0 68 285,25
93.03.31 5 611,52 (5 611,52) 0 5 611,52
93.06.30 2 633,51 (2 633,51) 0 2 633,51
93.09.30 21 923,29 (21 923,29) 17,48 21 940,77
93.12.31 12 777,23 (12 777,23) 1,26 12 778,49
94.03.31 6 915,11 (6 915,11) 0 6 915,11
94.06.30 30 212,05 (30 212,05 0 30 212,05
Total 284 085,24 (284 085,24) 345,64 269 822,17
Preuve
[5] Roberta Wyndrum a travaillé comme expert-conseil pour l'appelante, ci-après appelée la “ SPCMA ”, de 1991 à 1997. Elle portait le titre de directrice générale du programme d'élimination des contenants de pesticides. Elle administrait les fonds que la SPCMA recevait et versait, aidait à la rédaction des contrats, effectuait certaines recherches et travaillait en collaboration avec les agriculteurs et le conseil d'administration de la SPCMA.
[6] Avant de travailler à la SPCMA, elle avait été administratrice de municipalité rurale et s'était occupée des activités de municipalités. Elle avait traité avec Revenu Canada, et elle a reconnu le formulaire d'inscription aux fins de la taxe sur les produits et services qu'elle avait rempli pour le compte de la SPCMA. Mme Wyndrum avait par la suite réclamé des crédits de taxe sur les intrants dans les années 1990, 1991 et 1992.
[7] Elle a indiqué que la première déclaration de la SPCMA était demeurée sans réponse, mais que, après que l'association eut communiqué de nouveau avec Revenu Canada, une vérification avait été effectuée. Revenu Canada n'avait rien relevé d'anormal dans les activités de l'association. Une nouvelle vérification a été effectuée au milieu des années 1990 relativement à l'application de la TPS aux fonds qui provenaient de l'Institut canadien pour la protection des cultures (ci-après appelé le “ CPIC ”), un organisme fédéral à but non lucratif. L'association a interjeté appel de cette cotisation et elle a obtenu gain de cause.
[8] La SPCMA recevait 1 $ pour chaque contenant qu'elle éliminait. Ce financement provenait initialement du CPIC. Les activités de la SPCMA sont toujours restées les mêmes. N'ayant jamais été avisée, après la première vérification, qu'elle devait corriger quoi que ce soit, l'association a été étonnée d'être l'objet d'une deuxième vérification. Elle a payé le montant indiqué dans la cotisation établie à la suite de cette deuxième vérification, pour éviter de devoir payer de l'intérêt et des pénalités supplémentaires.
[9] Mme Wyndrum a mentionné l'onglet 11 de la pièce R-1, où sont énoncées les activités de la SPCMA, dont celles consistant à retenir les services d'un entrepreneur pour faire la collecte puis l'élimination de contenants de pesticides et de contenants en métal, à s'occuper de l'entreposage, du déchiquetage et du recyclage ainsi qu'à déterminer les diverses dépenses engagées. Le témoin a aussi fait la chronologie, au moyen de la pièce R-1, de certains des contacts qu'elle avait eus avec Revenu Canada et ses vérificateurs. Le témoin a déclaré que l'association ne savait pas trop quoi faire au sujet de la TPS et qu'elle avait appelé Revenu Canada en plus d'écrire au ministère. L'information que la SPCMA a reçue de Revenu Canada différait des opinions qu'elle avait reçues d'un organisme affilié du Manitoba. Cependant, la SPCMA n'a jamais reçu d'opinion de Revenu Canada.
[10] Mme Wyndrum a mentionné une lettre adressée à Revenu Canada le 6 mai 1992, dans laquelle elle indiquait que la SPCMA n'avait effectué aucune vente taxable, mais qu'elle en effectuerait à l'avenir et que, dans ce cas, elle paierait la TPS.
[11] Elle a mentionné la lettre que Revenu Canada lui a fait parvenir le 29 juin 1992, pour prouver que le ministère avait admis que, dans le cadre de ses activités, la SPCMA effectuait une fourniture taxable. Elle avait reçu cette lettre après la première vérification.
[12] Mme Wyndrum a reconnu divers documents, dont les états financiers de la SPCMA, des contrats et des factures mettant en cause Curtis Construction Ltd. et des documents relatifs aux déclarations de TPS et aux crédits de taxe sur les intrants.
[13] Elle a fait valoir que ces documents prouvaient qu'il y avait eu vente de plastique (pas par la SPCMA), que l'on avait trouvé des marchés et que, par conséquent, il était possible de fabriquer un produit à l'intention des consommateurs. L'association avait eu des discussions avec différentes compagnies dans le but de dénicher un marché définitif pour son produit final.
[14] Mme Wyndrum a indiqué que la SPCMA travaille dans le secteur du recyclage et de l'élimination. Ses activités incluent la collecte de contenants de pesticides, le déchiquetage de ces contenants, leur transport dans un entrepôt central, leur lavage puis le transport du plastique déchiqueté jusqu'à un fabriquant de produit final. L'association fait aussi effectuer des tests de toxicité des matières plastiques; certaines sont jugées dangereuses et d'autres, non. Certains des marchés qu'elle avait trouvés se sont envolés, soit parce que les organismes en cause ont fait faillite, soit parce que l'établissement a été détruit par un incendie, soit parce que ces organismes ne sont pas arrivés à s'établir, soit parce qu'ils étaient d'avis que le plastique demeurait un produit dangereux. En 1996, les marchés avaient disparu les uns après les autres.
[15] Même si le produit était dangereux, il existait des marchés; mais, si le produit avait été moins dangereux, il y aurait eu davantage de marchés.
[16] Mme Wyndrum s'est reportée plus particulièrement aux états des résultats de 1991 et de 1992 de la SPCMA et au montant assez considérable que celle-ci a payé pour faire effectuer des études de toxicité. Elle a engagé ces frais dans le but de déterminer dans quels marchés elle vendrait ses produits. C'était, selon le témoin, une mesure prudente.
[17] Mme Wyndrum a également mentionné les factures reçues de la Saskcon Repair Services Ltd. (qui ont été admises, sous réserve de l'importance à leur accorder, à la seule fin de montrer que le témoin en a fait la demande et que ces factures provenaient de Saskcon). Elle a fait valoir que les factures prouvaient qu'il existait un marché à un prix donné. Les chargements dont il est question sur les factures ont été expédiés à Hong Kong, et la SPCMA avait l'intention de faire la même chose avec ses propres chargements.
[18] Mme Wyndrum a nommé certaines compagnies utilisant un produit fini et elle a mentionné divers produits pouvant être fabriqués en plastique. Les municipalités collaboraient à la réalisation du programme en offrant des sites d'entreposage, en assumant la responsabilité de ceux-ci et en en assurant l'entretien. Mme Wyndrum a répété que la SPCMA aurait perçu la TPS sur les ventes qu'elle aurait en définitive effectuées, si c'eût été le cas.
[19] En contre-interrogatoire, elle a admis qu'elle était l'unique employée de la SPCMA et qu'elle rendait des comptes au conseil d'administration. À la fin de 1996, soit les marchés s'étaient envolés, soit la vente du produit en cause n'était plus permise. On avait relevé des problèmes liés à l'utilisation du produit avant 1996. Celui-ci était dangereux lorsqu'il n'était pas lavé. En 1993, 1994 et 1995, on l'avait lavé, sans toutefois réussir à le vendre. Il n'était pas jugé dangereux à ce moment-là.
[20] On a attiré l'attention de Mme Wyndrum sur les statuts constitutifs de la SPCMA, sur les activités qui y sont énumérées et sur les règlements de l'association. Elle a déclaré que les objets de l'association étaient bien ceux mentionnés et qu'aucune activité irrégulière n'avait été envisagée sans qu'on en fasse mention dans les règlements. L'objectif fondamental était l'administration du programme d'élimination de contenants de pesticides. L'organisme était à but non lucratif; son objectif n'était donc pas de faire de l'argent. Il n'avait aucun plan d'entreprise, et le témoin n'a pu faire état de quelque autorisation expresse de vendre du plastique.
[21] Mme Wyndrum a admis que la SPCMA n'avait jamais réclamé d'honoraires à quiconque et que celle-ci n'avait aucun reçu, sauf pour les fonds que lui avait remis le CPIC. Aucuns frais d'adhésion n'étaient réclamés à ses administrateurs. La mention, dans la lettre du 6 mai 1992 qu'elle avait adressée à Revenu Canada, des ventes qui seraient effectuées à l'avenir découlait des discussions qu'elle avait eues avec les compagnies qui lavaient le plastique et avec celles qui l'achetaient.
[22] Lorsqu'on lui a demandé ce que l'association avait l'intention de faire avec ce produit, Mme Wyndrum a déclaré que, contrairement à la Saskatchewan, la Caroline du Sud ne considérait pas le produit dangereux. L'association avait tenté de trouver des marchés au Canada et aux États-Unis. Mme Wyndrum a admis que, même si l'association réduisait la toxicité du produit, celui-ci serait peut-être encore jugé dangereux; son utilisation dans la fabrication d'un produit final était par conséquent restreinte.
[23] La tentative de l'association de transformer le plastique en boulettes et de vendre celles-ci à une compagnie qui les reformulerait a échoué. Puis, l'association a trouvé une compagnie de St. Louis qui pouvait utiliser le produit dans des usines de récupération d'énergie, mais cette compagnie n'était pas disposée à payer pour acquérir le produit ou le transporter. En outre, elle réclamait un montant pour son élimination. La SPCMA subissait des pressions pour se défaire du plastique. Son objectif étant d'en débarrasser la Saskatchewan, il lui a donc fallu payer pour l'envoyer en Caroline du Sud. Du 1er janvier 1991 au 30 juin 1994, il n'y a pas eu d'autre transaction active concernant le plastique, mais il y a eu des discussions.
[24] Mme Wyndrum a confirmé que le CPIC représentait la seule source de fonds de l'association et qu'il lui offrait un financement généreux parce qu'il avait appris que, si rien n'était fait au sujet des contenants, le gouvernement adopterait une loi.
[25] Pour chaque contenant vendu dans la province, l'association recevait 1 $ sous forme de versement spontané. Mme Wyndrum a déclaré que la formule de financement avait été modifiée en 1996 mais, lorsqu'on lui a montré l'onglet 21 de la pièce R-1, elle a confirmé que c'était plutôt en 1994 que la formule de financement avait été modifiée. Par la suite, les fonds ont été versés à l'association uniquement après que les dépenses eurent été engagées et que tous les fonds déjà reçus eurent été utilisés.
[26] Lors du réinterrogatoire, Mme Wyndrum a déclaré que le plastique avait été envoyé en Caroline du Nord et que, par la suite, on l'avait accumulé en conformité avec le programme. Elle estimait que les statuts constitutifs permettaient à l'association de faire du recyclage, ce qui incluait toute la gamme des ventes.
[27] L'avocat de l'appelante a versé en preuve la transcription d'une partie de l'interrogatoire préalable, soit les questions 28, 43 à 47, 63, 64 et 84.
[28] Larry Gruber est vérificateur à l'Agence des douanes et du revenu du Canada. Il est vérificateur de la taxe d'accise et effectue des vérifications relativement à la TPS. Il est chargé, dit-on, des “ gros cas ”. Il détient le titre de comptable agréé. Dans la présente affaire, on lui avait confié l'opposition.
[29] Il est également agent des appels. Il a examiné l'opposition et les questions en litige, analysé les faits et rendu une décision visant à établir une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelante. Il a fait valoir que la SPCMA n'effectuait aucune fourniture taxable, qu'elle n'était pas tenue de percevoir la TPS sur le financement qu'elle recevait ni de la payer, et qu'elle n'avait droit à aucun crédit de taxe sur les intrants.
[30] Il a pris en considération une interprétation qui lui a été fournie par la direction des politiques de l'Agence, et a conclu que la SPCMA n'effectuait aucune fourniture taxable pour une contrepartie dans le cadre d'une activité commerciale. Il s'est fondé sur les paragraphes 169(1) et 141.01(2) de la Loi sur la taxe d'accise (la “ Loi ”).
[31] Les dépenses engagées par la SPCMA étaient destinées à protéger l'environnement et non pas à effectuer des fournitures taxables. Les témoignages que le témoin a entendus en Cour ne l'ont pas fait changer d'idée.
[32] Il a conclu que l'activité consistant à recueillir les contenants n'était pas une activité accomplie dans le but de livrer une fourniture taxable dans le cadre d'une activité commerciale.
[33] En contre-interrogatoire, il a admis que Curtis Construction Ltd. et Saskcon avaient fourni des services à la SPCMA au cours de la période en cause. Il a examiné les transcriptions et tous les documents. Il ne s'est jamais rendu au lieu d'affaires de Curtis Construction Ltd. et il n'a communiqué avec aucune des personnes avec qui la SPCMA essayait de conclure un contrat de vente.
[34] Si la SPCMA effectue des fournitures taxables, elle devrait percevoir la TPS et elle aurait droit à des crédits de taxe sur les intrants dans la mesure où les dépenses sont engagées aux fins d'une activité commerciale. Il faut donc qu'il y ait “ possibilité de vente ” ou qu'il y ait “ déjà eu des ventes ”.
[35] Il a admis qu'en décidant, au terme de la première vérification, que la SPCMA devait percevoir la TPS, il se trouvait à admettre qu'il y avait une activité commerciale. Le ministère a changé d'idée après la première vérification.
[36] Le témoin a mentionné l'article 10 de la partie VI de l'annexe 5 de la Loi et indiqué que, lorsque les fournitures sont effectuées à titre gratuit, elles sont réputées être non taxables. Dans la présente affaire, aucune contrepartie n'a été versée pour les fournitures. Celles-ci étaient destinées au grand public et aucuns frais ne s'y rattachaient.
[37] Si la SPCMA avait conçu un produit, les crédits de taxe sur les intrants auraient pu se rapporter uniquement aux dépenses engagées aux fins de la fourniture et non aux fins du service au public. En l'espèce, toutes les dépenses visaient la protection du public.
Arguments pour le compte de l'appelante
[38] Dans ses plaidoiries écrite et orale, l'avocat de l'appelante a fait valoir que sa cliente avait satisfait aux conditions donnant droit aux crédits de taxe sur les intrants. Pour ce qui est de la première question en litige, selon une interprétation ordinaire de la Loi, l'activité de l'appelante est visée par la définition d'“ activité commerciale ” énoncée au paragraphe 123(1).
[39] L'avocat s'est à cet égard appuyé sur l'affaire Hleck, Kanuka, Thuringer v. The Queen, 2 GTC 1034, où le juge Bell a permis à l'appelante de réclamer un crédit de taxe sur les intrants relativement au prix d'un billet qu'un avocat avait acheté à son épouse pour que celle-ci puisse l'accompagner à un colloque. L'avocat a fait valoir que l'issue de cette affaire dépendait de la mesure dans laquelle l'appelante avait acquis le billet pour l'utiliser dans le cadre de son activité commerciale. Il a indiqué que, dans les affaires de TPS, la Cour utilise une norme moins rigoureuse pour trancher cette question lorsque la demande est fondée sur la dépense. La Cour a admis un pourcentage de 100 p. 100 en application du paragraphe 169(1).
[40] De même, l'affaire Bailey v. M.N.R., 90 DTC 1321, est utile. Dans cette affaire, le juge Rip a conclu que l'appelant participait à un projet à risque de caractère commercial. Dans l'affaire qui nous occupe, l'appelante était également visée par la définition d'“ activité commerciale ” au paragraphe 123(1). La fourniture en cause n'était pas une fourniture exonérée au sens de cette définition.
[41] Dans la présente affaire, l'appelante fait la collecte, le déchiquetage et le lavage du plastique et fait effectuer des tests de toxicité du plastique. Les tests de toxicité visent à rendre le produit plus vendable. L'activité ultime consiste à tenter de vendre le produit. Le témoin de l'intimée a lui-même admis que le produit, s'il avait été vendu, aurait été taxable.
[42] La possibilité d'effectuer des ventes avait été envisagée lorsque les contrats conclus avec Saskcon et Curtis Construction Ltd. avaient été rédigés. La lettre que l'appelante a adressée à Revenu Canada indiquait également qu'il y aurait des ventes à l'avenir.
[43] La preuve a indiqué que l'appelante savait que, dans l'industrie, il y avait des ventes de la matière plastique en cause, comme l'ont démontré les factures. L'appelante connaissait l'existence de marchés pour le plastique. Elle a effectué une fourniture taxable et a ainsi satisfait aux exigences de la définition d'“ activité commerciale ” figurant au paragraphe 123(1).
[44] De plus, selon l'affaire Bailey, précitée, l'existence d'un commerce n'est pas requise; il suffit que l'activité en cause ait lieu dans le cadre d'un commerce. La fourniture n'était pas exonérée aux termes de la définition d'“ activité commerciale ” au paragraphe 123(1).
[45] Les activités accomplies par l'appelante représentaient le flux général habituel d'une entreprise de recyclage. La preuve a démontré que l'appelante avait l'intention de vendre le plastique, mais qu'elle avait dû s'en débarrasser en raison des pressions exercées par le gouvernement. Cependant, elle a toujours eu l'intention de vendre le produit en bout de ligne.
[46] En 1992, le ministre n'a eu aucune difficulté à conclure qu'il y avait activité commerciale, et l'on savait qu'il n'y avait aucune vente. En 1994, on n'a relevé aucun problème concernant les crédits de taxe sur les intrants. Le problème ne s'est posé que parce que le ministre a conclu qu'il ne pouvait réclamer la TPS sur les fonds, et que la seule façon pour lui de conserver les montants perçus était de refuser les crédits de taxe sur les intrants.
[47] Le fait qu'il n'y a eu aucune vente au cours de la période pertinente n'a pas d'importance. L'appelante devrait avoir droit à la totalité des crédits de taxe sur les intrants puisque les intrants sur lesquels la TPS a été payée étaient tous reliés au programme de recyclage et d'élimination, qui est un programme composé d'éléments continus plutôt que l'une des nombreuses composantes distinctes d'un programme. Chaque mesure prise dans le cadre du processus de recyclage était nécessaire pour que les fournitures taxables pussent être effectuées.
[48] La deuxième question est celle de savoir si l'appelante a effectué des fournitures exonérées conformément à l'article 10 de la partie VI de l'annexe V de la Loi.
[49] L'avocat a fait valoir que la thèse du ministre selon laquelle les fournitures étaient exonérées parce qu'il n'y avait eu aucune contrepartie ne s'applique qu'à la question de la collecte du plastique, si tant est qu'elle s'y applique. Cependant, il y avait une contrepartie de la part de la municipalité. Celle-ci fournissait le site, en assumait la responsabilité et en assurait l'entretien. L'article 10 ne s'applique pas.
[50] La Loi permet une interprétation libérale des dispositions relatives à la TPS et du terme contrepartie.
[51] Si la thèse de l'intimée est retenue, les montants d'argent destinés à assainir l'environnement seraient versés au trésor public, ce qui aurait pour effet de limiter les fonds devant servir à assainir l'environnement, et il est impossible qu'on ait visé un tel résultat en rédigeant les dispositions relatives à la TPS.
[52] L'avocat a conclu que l'appel devrait être admis, et il souhaitait s'adresser à la Cour sur la question des frais.
Arguments pour le compte de l'intimée
[53] L'avocat de l'intimée a d'abord traité de la question de savoir si le fait pour les municipalités d'avoir fourni un site d'entreposage, d'en avoir assumé la responsabilité et d'en avoir assuré l'entretien équivalait à la remise d'une contrepartie pour les services de l'appelante. Il a fait valoir qu'aucune preuve n'avait été produite à l'appui de cet argument. L'appelante n'a appelé à témoigner aucun représentant de l'une ou l'autre municipalité pour établir que la municipalité en cause avait fourni une contrepartie pour les services de la SPCMA. Il ressort de la preuve que tout ce que l'appelante a reçu, ce sont les fonds octroyés par le CPIC, qui n'était contrôlé ni par un gouvernement ni par une municipalité.
[54] Est en cause en l'espèce un organisme à but non lucratif dont l'objectif est de gérer l'élimination de contenants de pesticides, et qui ne compte qu'un seul employé. L'objet de l'appelante était d'assainir l'environnement, et non de fabriquer un produit à vendre.
[55] Il ne pouvait y avoir d'activité commerciale qu'une fois le plastique nettoyé. Il n'y a eu qu'une seule opération au cours de toute la période en cause, et l'appelante a dû payer pour faire transporter le plastique et l'éliminer. Les coûts ont été engagés non pas parce qu'il y avait un marché pour le produit, mais plutôt pour assainir l'environnement.
[56] La SPCMA n'a effectué aucune fourniture taxable au sens du paragraphe 123(1) car il n'y a eu aucune activité commerciale. Aucune fourniture n'a été effectuée dans le cadre d'une activité commerciale, c'est-à-dire dans le cadre d'une entreprise.
[57] En outre, l'appelante n'a reçu aucune contrepartie, de sorte qu'elle ne peut, comme le prévoit le paragraphe 141.02(2), réclamer aucun crédit de taxe sur les intrants.
[58] L'appelante est un organisme à but non lucratif au sens du paragraphe 123(1) de la Loi et, par définition, elle est un organisme de services publics et un organisme du secteur public. Même si l'appelante effectuait des fournitures au cours de la période en cause, celles-ci étaient des “ fournitures exonérées ” au sens de l'article 10, partie VI de l'annexe V de la Loi, parce qu'elles étaient effectuées par un “ organisme du secteur public ” et parce que la totalité, ou presque, de ces fournitures étaient effectuées à titre gratuit.
[59] L'avocat a invoqué l'affaire Club 63 North v. Canada, [1995] G.S.T.C. 75 (C.C.I.), pour conclure que, aux termes de l'article 10, partie VI de l'annexe V de la Loi, “ la totalité, ou presque ” signifie 90 p. 100.
[60] L'avocat s'est également fondé sur l'affaire London Life Insurance Co. v. Canada, [1998] G.S.T.C. 93 (C.C.I.), où le juge Hamlyn a conclu que les améliorations locatives n'avaient pas été effectuées dans le cadre d'une activité commerciale et que, par conséquent, le paragraphe 169(1) ne s'appliquait pas à ces améliorations.
[61] Il n'y a aucune injustice ici car ce que l'on a fourni ne faisait pas partie des services à l'égard desquels des crédits de taxe sur les intrants peuvent être réclamés.
[62] Se reportant de nouveau à la question de savoir si les municipalités avaient versé une contrepartie pour les services de l'appelante, l'avocat a déclaré qu'aucune preuve d'une contrepartie n'avait été donnée. Il pouvait s'agir d'un don. Il n'y a aucune preuve qu'il y a eu contrepartie. S'il y avait eu contrepartie, celle-ci se serait appliquée à 10 p. 100 au moins des activités. Il n'y a aucune preuve que ce fut le cas.
[63] Sur la question, soulevée par l'avocat de l'appelante, de savoir pourquoi le produit était lavé s'il n'était pas destiné à la vente, l'avocat de l'intimée a déclaré que l'on pouvait tout aussi bien répondre que c'était pour protéger l'environnement.
[64] L'appel devrait être rejeté.
Contre-preuve
[65] En contre-preuve, l'avocat de l'appelante a répété qu'il n'est pas nécessaire de réaliser un profit pour avoir droit aux crédits de taxe sur les intrants.
[66] Essentiellement, la question se résume à déterminer si oui ou non il s'agissait d'une activité commerciale.
[67] En ce qui concerne le calcul de la valeur de la contrepartie au cas où il serait impossible d'obtenir la totalité des crédits de taxe sur les intrants réclamés, l'avocat a fait valoir que la Cour disposait des renseignements nécessaires pour déterminer le pourcentage du montant en question pouvant être utilisé pour calculer les crédits de taxe sur les intrants.
[68] De plus, les statuts constitutifs sont suffisamment généraux pour permettre cette activité. Même si ce n'est pas le cas, cela ne signifie pas qu'il n'y a eu aucune activité commerciale.
[69] La municipalité fournissait le bien-fonds. Il faut conclure que cela valait quelque chose. C'était une contrepartie.
Analyse et décision
[70] Un certain nombre de questions accessoires ont été soulevées par les avocats au cours de leurs plaidoiries. La Cour se penchera d'abord sur ces questions.
[71] La Cour est convaincue qu'il n'est pas nécessaire que l'appelante réalise un profit réel pour accomplir une activité commerciale. Il n'est pas nécessaire que les statuts constitutifs de l'appelante énoncent des pouvoirs précis pour que celle-ci accomplisse une activité commerciale pour l'application de la Loi. La question pourrait être soulevée dans d'autres instances, mais cela n'empêche pas l'appelante de demander la réparation à laquelle elle prétend avoir droit dans la présente affaire. Toutefois, dans l'examen de l'ensemble de la preuve sur la question de savoir si l'appelante accomplissait une activité commerciale, la Cour a le droit de prendre en considération le fait que les statuts constitutifs ne traitent pas précisément de ce pouvoir.
[72] Au cours de sa plaidoirie, l'avocat de l'appelante a soutenu qu'il est impossible que le législateur ait envisagé le résultat que le ministre visait dans la présente affaire. On ne peut dire avec certitude s'il a plaidé que la Loi n'envisage pas la perception de la taxe d'une part, mais, d'autre part, qu'elle empêche une personne qui se trouve dans la situation de l'appelante de réclamer des crédits de taxe sur les intrants. Cependant, sous le régime de la Loi, il semblerait que cela puisse être le résultat réel, peu importe que cela ait été ou non l'intention du législateur lorsqu'il a rédigé la Loi. Cependant, la Cour ne peut trancher les questions sur ce fondement dans la présente affaire, et elle est convaincue que les questions sont bien énoncées en l'occurrence.
[73] La Cour est convaincue, compte tenu de la preuve produite en l'espèce, que le ministre a effectivement changé d'idée entre la première et la deuxième vérification. La preuve révèle clairement que le ministre avait au commencement conclu que les fonds que la SPCMA avait initialement reçus du CPIC étaient assujettis à la TPS, ce qui signifiait que l'appelante avait pris part à la réalisation de fournitures taxables, et que le ministère admettait implicitement que la SPCMA accomplissait une activité commerciale. Cependant, la preuve montre clairement que le ministre a changé d'idée avant que la deuxième vérification soit effectuée et qu'il a conclu que les fonds reçus du CPIC n'étaient pas taxables et que la SPCMA n'avait pas droit aux crédits de taxe sur les intrants.
[74] Cela a de toute évidence engendré beaucoup d'incertitude et d'émoi chez les dirigeants de la SPCMA et les a indubitablement convaincus que le ministre adoptait cette nouvelle tactique dans le seul but de conserver les fonds. Cette thèse a été niée par le témoin de l'intimée, et la Cour accepte son témoignage à cet égard.
[75] La Cour est convaincue qu'il y a effectivement eu changement de politique de la part du ministre, par suite de discussions tenues avec la division des politiques à Ottawa, et que la décision du ministre d'établir une nouvelle cotisation était fondée sur la conclusion que les fonds reçus du CPIC n'étaient pas taxables et que la SPCMA n'avait pas droit aux crédits de taxe sur les intrants.
[76] La preuve montre également que la SPCMA avait de la difficulté à obtenir du ministre une réponse définitive sur les questions en litige en l'espèce, et on peut facilement comprendre les vives inquiétudes qu'ont entretenues les dirigeants de la SPCMA jusqu'à ce que le ministre achève sa deuxième vérification et établisse la cotisation qui est visée par le présent appel.
[77] Dans sa sagesse, la SPCMA a décidé de payer le montant indiqué dans la cotisation pendant que les questions en litige étaient débattues, de façon à ne pas avoir à payer de pénalités et d'intérêts supplémentaires.
[78] Toutes ces questions ont de toute évidence été examinées par les parties avant que le procès commence puisque le ministre a accepté de renoncer à toutes les pénalités et à tous les intérêts.
[79] La Cour se penchera maintenant sur les questions de fond soulevées dans la présente affaire, qui ont été assez bien circonscrites par les deux avocats.
[80] L'avocat de l'appelante a énoncé la question très clairement dans sa contre-preuve lorsqu'il a fait valoir qu'elle se résumait à savoir si la SPCMA prenait ou non part à une activité commerciale. En plaidoirie, la thèse de l'intimée reflétait celle que le ministre avait adoptée en établissant la cotisation et, selon cette thèse, la SPCMA n'avait pas droit aux crédits de taxe sur les intrants car elle n'avait effectué aucune fourniture taxable pour une contrepartie dans le cadre d'une activité commerciale. Essentiellement, cette thèse prend en considération toutes les dispositions de la Loi qui ont été mentionnées.
[81] La façon la plus facile pour la Cour d'analyser la question est de se demander ceci : quelle était l'activité commerciale à laquelle la SPCMA prenait part? Pour répondre à cette question, il faut déterminer quelles étaient ses activités. La preuve fait ressortir que le mandat principal de la SPCMA, ainsi qu'il est indiqué dans les statuts constitutifs et confirmé par les témoignages entendus en cour, était d'assainir l'environnement en éliminant de façon sûre les contenants de pesticides. Rien dans les statuts constitutifs de la SPCMA n'indique que son intention était de concevoir un produit qu'elle pourrait vendre sur le marché public et grâce auquel elle pourrait peut-être réaliser un profit. De fait, le témoignage entendu pour le compte de l'appelante indique que les objets énoncés dans les règlements et dans les statuts constitutifs étaient bien les objets de la SPCMA et qu'aucune activité irrégulière n'était envisagée. Le témoin a admis que l'objectif fondamental était d'administrer le programme d'élimination des contenants de pesticides. La SPCMA était clairement un organisme à but non lucratif, celle-ci ne cherchait pas à faire de l'argent.
[82] Mme Wyndrum a admis que l'association n'avait aucun plan d'entreprise et qu'elle était elle-même incapable d'établir l'existence d'une autorisation explicite de vendre la matière plastique. Elle a admis également que la SPCMA n'avait jamais réclamé quoi que ce soit à quiconque et qu'elle n'avait aucun reçu, si ce n'est pour les fonds que lui avait versés le CPIC. Un examen raisonnable de ces éléments semble indiquer que, initialement du moins, la SPCMA n'avait pas l'intention de prendre part à ce que l'on pourrait raisonnablement appeler une activité commerciale, et qu'il n'y avait aucune indication que l'activité avait pour but de créer un produit final qui pourrait être vendu et dont l'association pourrait en définitive tirer un profit.
[83] Il ne saurait faire de doute que, en tentant de réaliser l'objectif immédiat, qui était d'assainir l'environnement en éliminant les contenants de pesticides contaminés, la SPCMA devait accomplir certaines activités. Il est clair que le plastique devait être recueilli, lavé, décontaminé et, enfin, éliminé d'une façon ou d'une autre. Pour réaliser son objectif d'éliminer les contenants, la SPCMA avait discuté de la question avec d'autres compagnies et conclu qu'une façon d'y arriver serait de créer un produit qui, à son avis, pourrait être écoulé sur le marché. Cependant, même dans ce cas, personne de la SPCMA n'a donné la moindre indication que l'association visait ainsi à réaliser un profit. La Cour ne peut que conclure que son seul objet était de transformer les contenants de manière à les rendre acceptables et utilisables et de réaliser ainsi son objectif ultime d'éliminer les contenants se trouvant en Saskatchewan.
[84] Il ne saurait faire de doute que, à un moment donné, la SPCMA avait acquis la conviction qu'il existait ou qu'il existerait des marchés qui lui permettraient d'éliminer les contenants de pesticides et de les évacuer de la Saskatchewan. Pour différentes raisons, ces marchés ne se sont jamais concrétisés, de sorte que, finalement, aucune matière plastique n'a été vendue, et aucune rentrée d'argent n'a eu lieu; en fait, à la fin, la SPCMA a dû payer des montants considérables pour que quelqu'un d'autre la débarrasse du produit, en plus de payer les frais de transport de la matière plastique jusqu'à un site d'élimination aux États-Unis. La SPCMA n'a jamais effectué de ventes, même si elle a fait l'impossible pour trouver un marché et si elle était probablement convaincue qu'un tel marché existait. Les mesures qu'elle a prises étaient à tout le moins de nature préparatoire, et ses activités n'en étaient certainement pas au stade où l'on aurait pu considérer que l'association était une entreprise.
[85] Quoi qu'il en soit, les actions de l'appelante et les activités auxquelles elle prenait part ne visaient en fin de compte qu'à lui permettre de réaliser son objectif déclaré de débarrasser la Saskatchewan des contenants de pesticides qui s'y trouvaient; toutes les mesures qu'elle a prises visaient à la réalisation de cet objectif. On peut difficilement dire que, à un moment donné, la SPCMA a pris part à un projet à risque ou à une affaire de caractère commercial, ou qu'elle a pris part à une entreprise, ainsi que le prétend l'avocat de l'appelante.
[86] L'avocat de l'appelante s'est fondé sur l'affaire Hleck, Kanuka, Thuringer, précitée, que l'on peut cependant distinguer des faits en cause en l'espèce. Dans cette affaire, le juge Bell n'a éprouvé aucune difficulté à conclure qu'il y avait activité commerciale. Cependant, cette activité commerciale était le cabinet d'avocats de l'époux, et l'avocat de l'appelante a réussi à convaincre le juge de première instance que la participation de son épouse aux activités entourant le colloque “ s'intégr[ait] ” au flux général habituel des affaires dans le cadre des activités commerciales du cabinet d'avocats, même s'il y avait une part d'agrément personnel. Cette conclusion était de toute évidence une interprétation très libérale du critère énoncé dans la Loi, mais l'avocat de l'appelante dans cette affaire a de toute évidence été à la hauteur de la tâche, et le juge de première instance a dû être convaincu qu'on s'était acquitté de la charge de la preuve.
[87] La Cour n'est pas convaincue que l'appelante dans la présente affaire s'est acquittée de la charge de prouver qu'elle avait pris part à une activité commerciale au cours de la période pertinente. En conséquence, il n'est pas nécessaire que la Cour examine le pourcentage à appliquer pour déterminer le montant des crédits de taxe sur les intrants. Cependant, si la Cour avait conclu que l'appelante avait participé à une activité commerciale au cours de la période pertinente, l'argument de l'avocat de l'appelante selon lequel le programme ne constitue pas l'une des nombreuses parties d'un tout, mais un processus exhaustif, aurait très bien pu être accepté par la Cour.
[88] Si la Cour avait conclu que l'appelante prenait part à la réalisation de fournitures taxables dans le cadre d'une activité commerciale, il aurait été raisonnable qu'elle conclue que chaque mesure prise dans le cadre du processus de recyclage constituait une partie essentielle de la réalisation de fournitures taxables, et que la fraction à appliquer était de 100 p. 100.
[89] L'avocat de l'intimée a fait valoir que l'appelante n'avait effectué aucune fourniture taxable au sens du paragraphe 123(1) de la Loi car les fournitures n'étaient pas effectuées dans le cadre d'une activité commerciale. La Cour a conclu dans le même sens et retient l'argument de l'avocat de l'intimée à cet égard.
[90] L'avocat a également fait valoir que l'appelante n'avait reçu aucune contrepartie pour ces activités et que, par conséquent, toute fourniture effectuée par elle au cours de la période en cause était une fourniture exonérée au sens du paragraphe 141.01(2) puisque, essentiellement, elle avait été effectuée à titre gratuit.
[91] La Cour est convaincue, sur le fondement de la preuve, que l'appelante est un organisme à but non lucratif au sens du paragraphe 123(1) de la Loi et qu'elle est également, par définition, un organisme de services publics et un organisme du secteur public. L'avocat a fait valoir que, en conséquence, les fournitures étaient des “ fournitures exonérées ” au sens de l'article 10, partie VI de l'annexe V de la Loi, parce qu'elles ont été effectuées par un “ organisme du secteur public ” et que la totalité ou presque de ces fournitures ont été effectuées à titre gratuit.
[92] Le seul argument présenté relativement à une contrepartie versée à la SPCMA a été le témoignage portant que les municipalités avaient fourni un site d'entreposage, qu'elles en avaient assumé la responsabilité et qu'elles en avaient assuré l'entretien. La Cour n'est pas convaincue que cette preuve appuyait la prétention selon laquelle il s'agissait là d'une contrepartie pour les activités de la SPCMA.
[93] Les seuls fonds qui ont été reçus par la SPCMA étaient les fonds octroyés par le CPIC, et aucune preuve n'indique que les municipalités ont versé une autre contrepartie à la SPCMA. Il n'y a aucune preuve que les municipalités et la SPCMA ont conclu une entente énonçant, mentionnant ou envisageant la possibilité que le fait, pour les municipalités, de fournir le terrain, d'en assurer l'entretien et d'en assumer la responsabilité, équivalait à une contrepartie. S'il s'agissait d'une contrepartie, il aurait fallu que la preuve en soit fournie.
[94] La Cour a déjà abordé la possibilité qu'il y ait injustice, une question qu'a soulevée l'avocat de l'appelante, et elle accepte l'argument de l'avocat de l'intimée selon lequel aucune injustice n'a été subie en l'espèce car ce qui a été fourni ne faisait pas partie des services pour lesquels des crédits de taxes sur les intrants peuvent être réclamés en vertu de la Loi.
[95] La Cour est convaincue que l'appelante n'a pas réussi à s'acquitter de la charge qui lui incombait d'établir qu'elle avait droit aux crédits de taxe sur les intrants qu'elle a réclamés, et l'appel est à cet égard rejeté.
[96] L'appel est admis relativement aux pénalités, lesquelles sont par les présentes éliminées.
[97] Compte tenu des circonstances, il n'y aura aucune adjudication de frais.
Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de décembre 1999.
“ T. E. Margeson ”
J.C.C.I.
[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]
Traduction certifiée conforme ce 11e jour de septembre 2000.
Philippe Ducharme, réviseur