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Date: 19990528

Dossier: 98-1062-UI

ENTRE :

ANGELA MURPHY,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge Bonner, C.C.I.

[1] L'appelante interjette appel devant notre cour à l'encontre d'une décision qui avait été rendue en vertu de l'article 90 de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi » ) et qui avait été portée en appel auprès du ministre du Revenu national (le « ministre » ). La notification de la décision du ministre qui avait été envoyée à l'appelante en vertu du paragraphe 93(3) de la Loi disait :

[TRADUCTION]

[...]

Il a été décidé que l'emploi que vous exerciez pour l'association de l'hôpital général du comté de Lennox-Addington (appelée en anglais « Lennox & Addington County General Hospital Association » ) au cours de la période allant du 9 janvier 1997 au 22 mars 1998 était un emploi assurable. Il a également été décidé que vous aviez accumulé 677 heures d'emploi assurable au cours de cette période.

[...]

La décision notifiée dans la présente lettre est rendue en vertu du paragraphe 93(3) de la Loi sur l'assurance-emploi et se fonde sur l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'assurance-emploi et sur l'article 10 du Règlement sur l'assurance-emploi.

[2] C'est la partie de la décision du ministre concernant les heures d'emploi assurable qui est soumise à notre cour. La décision selon laquelle l'appelante avait 677 heures d'emploi assurable est basée sur une conclusion voulant que les heures pendant lesquelles l'appelante était en disponibilité pour l'hôpital ne soient pas des heures d'emploi assurable.

[3] L'appelante était employée comme technicienne en radiographie par l'hôpital mentionné dans la décision du ministre. Durant la période en cause, elle travaillait au service de radiographie de l'hôpital. Elle était payée à cet égard selon un taux horaire d'environ 18 $. De plus, il y avait des heures où elle était en disponibilité, soit un quart de travail allant de 22 heures à 8 heures. Les heures pendant lesquelles il faut assurer une permanence pour l'hôpital sont divisées entre quatre techniciens en radiographie. L'hôpital affiche un calendrier précisant pour chaque nuit quel travailleur sera en disponibilité. Si des services de radiographie sont requis après 22 heures, un membre du personnel de l'hôpital téléphone au technicien qui est en disponibilité pour cette nuit-là. Lorsqu'il est en disponibilité, le technicien doit :

a) rester près d'un téléphone et tenir l'hôpital au courant du numéro auquel on peut le joindre;

b) demeurer assez près de l'hôpital pour pouvoir s'y rendre dans un délai maximum de 25 minutes.

Pour les heures de disponibilité, un technicien est payé au taux de 2,50 $ l'heure s'il n'est pas appelé à l'hôpital. S'il est appelé à l'hôpital, il reçoit alors un taux beaucoup plus élevé.

[4] Dans le présent appel, la décision dépend du sens à attribuer aux termes « [...] le nombre d'heures qu'elle a effectivement travaillées [...] » . Ces termes figurent à l'article 9.1 du Règlement sur l'assurance-emploi (le « Règlement » ), qui se lit comme suit :

9.1 Lorsque la rémunération d'une personne est versée sur une base horaire, la personne est considérée comme ayant exercé un emploi assurable pendant le nombre d'heures qu'elle a effectivement travaillées et pour lesquelles elle a été rétribuée.

[5] Le Règlement a été pris en vertu des paragraphes 6(3) et 55(1) de la Loi. Ces dispositions figurent dans la partie I de la Loi concernant les prestations de chômage. Elles se lisent comme suit :

6(3) Pour l'application de la présente partie, le nombre d'heures d'emploi assurable d'un prestataire pour une période donnée s'établit, sous réserve des règlements pris au titre de l'alinéa 54z.1), au titre de l'article 55.

55(1) La Commission peut, avec l'agrément du gouverneur en conseil, prendre des règlements concernant l'établissement du nombre d'heures d'emploi assurable d'une personne et, notamment, prévoyant que les personnes dont la rémunération est versée sur une base autre que l'heure sont réputées avoir le nombre d'heures d'emploi assurable établi conformément aux règlements.

[6] La partie intimée faisait valoir que Mme Murphy était libre de faire ce qu'elle voulait durant les heures où elle était en disponibilité. Mme Murphy pouvait rester chez elle, s'occuper de ses enfants ou même dormir la nuit. L'avocate de la partie intimée soutenait qu'il ne s'agissait pas là d'heures « effectivement » travaillées au sens de l'article 9.1 du Règlement. Elle arguait en outre que, dans le cas de l'appelante, des heures « effectivement » travaillées sont des heures où l'appelante doit être à l'hôpital et accomplir le travail d'un technicien en radiographie. L'avocate de la partie intimée cherchait à étayer son interprétation de l'article 9.1 en faisant référence à l'arrêt Stubart Investments Ltd. c. La Reine[1],soit un arrêt dans lequel la Cour suprême du Canada a exprimé son approbation à l'égard du passage suivant d'un ouvrage de Dreidger[2] :

[TRADUCTION]

Aujourd'hui il n'y a qu'un seul principe ou solution: il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur.

L'avocate de la partie intimée n'a attiré l'attention sur aucun élément quant à l'esprit de la loi qui appuierait la proposition selon laquelle les heures « effectivement » travaillées n'incluent pas des heures où l'employé travaille hors de l'hôpital ni des heures où les fonctions de l'employé sont moins lourdes que d'habitude.

[7] L'appelante soutenait qu'elle assurait un service lorsqu'elle était en disponibilité, car, en restant près d'un téléphone et en demeurant à une distance d'au plus 25 minutes de l'hôpital, elle faisait ce qui était exigé d'elle par l'employeur conformément aux droits de ce dernier prévus dans le contrat de travail, notamment dans la partie de ce contrat concernant les heures de disponibilité. L'appelante faisait remarquer en outre que le salaire versé pour les heures travaillées pendant les périodes de disponibilité était traité comme une rémunération assurable à l'égard de laquelle une cotisation ouvrière était payable en vertu de la Loi et que, dans ces circonstances, il n'était pas approprié que ces heures soient considérées comme autre chose que des heures travaillées dans le cadre d'un emploi assurable.

[8] Dans l'interprétation de l'article 9.1, il faut se rappeler qu'il s'agit de législation subordonnée. Le Règlement est conçu comme un complément de la Loi sur l'assurance-emploi et ne peut être interprété comme modifiant ou réduisant la loi habilitante. À mon avis, on ne peut interpréter les termes de l'article 9.1 « heures qu'elle a effectivement travaillées » de manière à arriver à un nombre inférieur au « nombre d'heures d'emploi assurable » prévu au paragraphe 6(3) et dans d'autres dispositions de la Loi.

[9] L'emploi que l'appelante exerçait pour l'hôpital était indubitablement un emploi assurable en vertu de l'alinéa 5(1)a) de la Loi. En vertu du paragraphe 82(1), l'hôpital devait donc retenir sur la rétribution et a bel et bien retenu sur la rétribution la cotisation ouvrière « [...] pour toute période à l'égard de laquelle cette rétribution est payée [...] » . Le paragraphe 82(1) se lit comme suit :

82. (1) L'employeur qui paie une rétribution à une personne exerçant à son service un emploi assurable est tenu de retenir sur cette rétribution, au titre de la cotisation ouvrière payable par cet assuré en vertu de l'article 67 pour toute période à l'égard de laquelle cette rétribution est payée, un montant déterminé conformément à une mesure d'ordre réglementaire [...]

En l'espèce, chaque heure de disponibilité est nettement une période à l'égard de laquelle une rétribution était payée. Si un emploi est un emploi assurable, chaque heure travaillée dans le cadre de cet emploi doit être une heure travaillée dans le cadre d'un emploi assurable. Il est difficile de voir comment on peut soutenir, en l'absence d'un arrangement suspect, qu'une heure durant laquelle une employée faisait ce qui était légalement exigé d'elle par l'employeur et à l'égard de laquelle une rétribution était payée et une cotisation perçue n'est pas une heure d'emploi assurable. Les considérations invoquées par la partie intimée, soit le lieu de travail et la difficulté de la tâche assignée, ne sont pas pertinentes à mon avis.

[10] En conséquence, l'appel est accueilli, et la décision portée en appel est modifiée, de manière à ajouter aux 677 heures mentionnées dans la décision chaque heure pendant laquelle l'appelante était en disponibilité au cours de la période en question.

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour de mai 1999.

« Michael J. Bonner »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 21e jour de février 2000.

Mario Lagacé, réviseur



[1]           [1984] 1 R.C.S. 536, à la page 578.

[2]           Construction of Statutes, 2e éd., (1983), à la page 87.

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