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Date: 20001123

Dossier: 95-591-IT-I

ENTRE :

J. R. MOORE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Margeson, C.C.I.

[1] L'appel porte sur une cotisation établie par le ministre du Revenu national (le “ ministre ”), dont l'avis est daté du 20 juillet 1989, dans laquelle le ministre a calculé l'impôt sur le revenu payable pour l'année 1988 à l'égard d'un montant de 15 000 $ que l’appelant a reçu cette année-là de son employeur, le ministère du Revenu de l'Ontario (le “ ministère ”), par suite de son transfert de Stratford (Ontario), où il résidait, à Barrie (Ontario).

[2] La cotisation était fondée sur le fait que l'appelant avait reçu un avantage au titre de sa charge ou de son emploi, et que cet avantage était inclus comme il se doit dans son revenu en application des alinéas 6(1)a) et b) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ Loi ”).

[3] L'appelant a témoigné que le montant reçu lui a été versé au titre de ses frais de réinstallation, dans le cadre d'un régime de réinstallation. Il a déposé un certain nombre de pièces, avec le consentement de l'intimée, notamment le Régime amélioré de réinstallation (pièce A-1), le Régime amélioré de réinstallation – feuille de calcul (pièce A-2), une lettre, sous forme de note de service, datée du 23 août 1988 et envoyée à M. C. E. Winter, directeur – Opérations extérieures, par J. R. Moore, commissaire régional à l'évaluation, au sujet du Régime amélioré de réinstallation (pièce A-3), et une note de service datée du 21 septembre 1988 de J. R. Moore, commissaire régional à l'évaluation, à M. C. E. Winter, directeur –Opérations extérieures, toujours au sujet du Régime amélioré de réinstallation (pièce A-4). Figuraient également parmi les pièces produites un état comparatif du coût des composantes et une note de service envoyée à M. R. H. Beach, directeur exécutif – Services d'évaluation, par C. E. Winter, directeur – Opérations extérieures, au sujet du Régime amélioré de réinstallation – J. R. Moore – région 16 (Barrie). Cette note, datée du 29 août 1988, constitue la pièce A-5.

[4] L'appelant a déclaré que, en février 1988, on lui avait demandé de quitter le poste qu’il occupait dans la région de Huron Perth et de se rendre dans le comté de Simcoe pour occuper un nouveau poste au ministère. Par suite de cette décision, l'appelant a déménagé de Stratford à Barrie, ces deux villes étant situées en Ontario.

[5] Le prix des maisons était plus élevé sur le marché immobilier de Barrie que sur celui de Stratford. L'appelant a déclaré que, pour avoir droit à un avantage en vertu du régime ministériel, il devait prouver au ministre qu'il avait subi une perte; le ministre ne verserait pas l'avantage en question sans exiger de preuve de l'augmentation des frais là où l’appelant déménageait.

[6] Au moment où il a présenté sa demande, l'appelant savait que, selon les calculs effectués par le ministère, il avait droit à un montant de 12 947,39 $. Le maximum autorisé par le régime était de 15 000 $, et l'appelant voulait obtenir la totalité de ce montant. D'où la pièce A-3. Ce document a été rédigé par l'appelant dans le but de démontrer au ministre qu'il se réinstallait dans une région où les maisons coûtaient plus cher. Ainsi qu'il l'indiquait dans sa lettre, il demandait que l'on envisage d'approuver le remboursement maximum autorisé dans le cadre du Régime amélioré de réinstallation, soit 15 000 $.

[7] L'appelant a envoyé subséquemment une autre lettre au ministère (pièce A-4). Il y exposait certaines lacunes du régime et disait s'estimer lésé du fait qu'il avait en fin de compte acheté une maison de moins bonne qualité, même s'il avait un motif économique tout à fait valable pour agir ainsi. Il a finalement demandé au ministre de prendre en considération les éléments additionnels non inclus dans la formule de calcul. Il a émis l'opinion que la formule semblait tenir compte principalement du prix d'achat à Barrie moins le prix de vente à Stratford. D'autres éléments, qu'il avait énumérés dans sa lettre du 21 septembre 1988, n'étaient pas inclus. Il était d'avis que ces éléments additionnels devaient être pris en considération aux fins de la détermination de la contrepartie à verser aux termes du Régime amélioré de réinstallation.

[8] Dans la pièce jointe intitulée [TRADUCTION] “ état comparatif du coût des composantes ”, l'appelant indiquait avoir payé 10 500 $ de plus pour sa résidence, que celle-ci comptait 16 ans de plus que sa résidence précédente, que la surface habitable était inférieure, notamment dans la salle familiale, qui était en outre de moins bonne qualité, qu'il n'y avait pas de foyer, que l'isolation était sujette à caution, qu'il y avait moins de salles de bains et beaucoup moins d'espace de rangement.

[9] Le ministre a fini par approuver la demande, et l'appelant a eu droit au montant maximum prévu par le régime, soit 15 000 $.

[10] Au cours de son témoignage, l'appelant a indiqué que, en raison de la situation du marché immobilier à Barrie, il devait payer 40 000 $ de plus pour une maison plus modeste que celle qu'il possédait à Stratford. La nouvelle maison était plus petite et plus vieille, et des rénovations étaient nécessaires. La pièce A-5 contient l'approbation du ministre en vue du versement à M. Moore du montant maximum prévu de 15 000 $.

[11] L'appelant a dit avoir consacré tout l'argent tiré de la vente de sa résidence de Stratford à l'acquisition de la maison plus onéreuse à Barrie. Il en a eu moins pour son argent, et il a dû accroître son emprunt hypothécaire.

[12] En contre-interrogatoire, il a déclaré avoir déménagé de Stratford à Barrie en 1988. Il avait acheté la résidence précédente en 1987 pour la somme de 120 000 $, et le solde de son emprunt hypothécaire s'élevait en 1987 à 108 500 $ environ. En 1988, il a vendu sa maison de Stratford, laquelle était grevée d’une hypothèque au taux de 10¼ p. 100 et d'une durée de cinq ans. Une fois la maison vendue, l'emprunt hypothécaire a été remboursé sur le produit de la vente, soit 140 500 $. L'appelant a contracté un nouvel emprunt auprès de la même société de crédit hypothécaire pour la nouvelle résidence.

[13] La nouvelle résidence a été achetée 151 000 $, et l'emprunt hypothécaire était de 122 000 $, au taux de 11 p. 100. L'appelant a pris sa retraite en 1995 et habite toujours cette résidence.

Thèse de l'intimée

[14] L'avocat de l'intimée soutient que l'unique question est de savoir si les 15 000 $ versés à l'appelant étaient ou non imposables entre les mains de ce dernier en 1988. À son avis, l'appelant a fait valoir qu'il avait droit au montant maximum de 15 000 $ du ministère parce que l'écart de prix pour l'achat d'une maison comparable à Barrie était supérieur à ce montant.

[15] Toutefois, le montant en question a été versé à l'appelant parce que celui-ci a déménagé et qu'il a acheté une nouvelle résidence dans une région où les prix des maisons étaient plus élevés. Il n'a pas dépensé au-delà de 15 000 $ de plus pour l'achat de sa nouvelle résidence, étant donné qu'il a opté pour une maison dont la valeur était moins élevée. La question est donc : quel est le traitement fiscal applicable à ce montant?

[16] L'avocat a fait mention des articles 3, 5 et 6 de la Loi. Aux termes de l'article 3, le contribuable doit inclure dans le calcul de son revenu pour l'année le revenu tiré de son emploi. L'article 5 précise que le revenu du contribuable correspond aux sommes reçues à titre de traitement, de salaire et de toute autre rémunération. Enfin, l'article 6 précise que le contribuable doit inclure dans le calcul de son revenu la valeur de la pension, du logement et des autres avantages qu'il a reçus. Il faut se demander si le paiement de 15 000 $ est visé à l'article 5 ou à l'article 6 de la Loi.

[17] L’avocat a indiqué que les tribunaux ont souvent à se pencher sur des affaires ayant trait à des subventions au logement. En règle générale, tous les avantages reçus par un employé doivent être inclus dans le calcul de son revenu imposable. L'avocat a invoqué l'affaire La Reine c. Savage, [1983] 2 R.C.S. 428 (83 DTC 5409) à l'appui de son argument selon lequel les montants, pour être imposables, n'ont pas forcément à être reçus au titre de l'emploi. La nature de l'événement déclencheur est passablement générale.

[18] Fait exception le cas où un contribuable reçoit un montant à titre de remboursement d'une perte qu'il a subie. Un tel montant n'est pas imposable. L'avocat a mentionné l'affaire Ransom v. M.N.R., 67 DTC 5235, à l'appui de son argument. Dans cette affaire, il a été jugé que le montant en cause n'était pas imposable. Par contre, on en est venu à la conclusion inverse dans l'affaire La Reine c. Phillips, [1994] 2 C.F. 680 (94 DTC 6179), le montant reçu ayant été jugé imposable. Il ne s'agissait pas d'un remboursement non imposable au titre des dépenses engagées relativement à un emploi. C'est cette même situation que l'on retrouve ici.

[19] Le déménagement n'a pas causé de baisse de la valeur nette du patrimoine de l'appelant, celle-ci ayant été restaurée grâce au montant reçu.

[20] L'avocat de l'intimée a également invoqué l'affaire Procureur général du Canada c. Hoefele et al., [1996] 1 C.F. 322 (95 DTC 5602), dans laquelle la Cour a estimé que le contribuable avait subi une perte à la suite de son déménagement de Calgary à Toronto, étant donné les taux d'intérêt plus élevés en vigueur au nouveau lieu de résidence. Le montant en question correspondait donc à une perte et n'était pas imposable. Toutefois, dans la présente affaire, la raison pour laquelle les 15 000 $ ont été versés est que, si l'appelant avait acheté une maison comparable à celle qu'il possédait avant, le coût additionnel à engager aurait été supérieur à ces 15 000 $. Dans ce contexte, étant donné sa décision de ne pas acheter une maison plus chère à son nouveau lieu de travail, sa situation devrait être la même que s'il avait au contraire choisi d'acheter une maison plus chère, puisqu'il aurait alors eu droit à l'avance de 15 000 $.

[21] L'avocat de l'intimée a soutenu que le montant en question ne couvrait pas l'écart de taux hypothécaire comme le prétendait l'appelant, qu'il était donc imposable entre les mains de ce dernier et que l'appel devrait être rejeté.

Thèse de l'appelant

[22] L'appelant a soutenu que l'écart de taux hypothécaire en l'instance était de trois quarts de point de pourcentage, et non d'un quart de point comme l'avait déclaré l'avocat de l'intimée. Il a déclaré que la somme qu’il avait reçue ne constituait pas un avantage. Il s'est reporté à l'affaire Phillips, précitée, indiquant que ce cas particulier était différent puisque le paiement reçu avait eu pour effet d'accroître la valeur nette du patrimoine du contribuable, ce qui n'a pas été le cas pour l’appelant.

[23] Il s'est fondé en grande partie sur l'affaire Hoefele, précitée, soulignant sa grande importance. Il n'a pas reçu les 15 000 $ parce qu'il n’avait pas les moyens d’acheter une maison comparable à celle qu'il avait auparavant. À ce propos, il a fait mention de la pièce A-4, page 2, où il mentionnait certains éléments et demandait au ministre de les prendre en considération en plus de ceux déjà inclus dans la formule de calcul. Il a indiqué que la formule semblait reposer principalement sur le prix d'achat de la maison de Barrie moins le prix de vente de celle de Stratford. L'appelant estimait toutefois que les éléments qu'il mentionnait étaient tout à fait valables et qu'ils devaient être inclus dans le calcul de la contrepartie accordée aux termes du Régime amélioré de réinstallation.

[24] Il a par ailleurs soutenu que la hausse du taux d'intérêt hypothécaire et celle des impôts fonciers étaient incluses dans le calcul du paiement de 15 000 $.

[25] Il s'est aussi reporté à l'affaire Savage, précitée, dans laquelle le juge Dickson explique les principes servant à différencier les rentrées imposables des rentrées non imposables :

[...] S'il s'agit d'une acquisition importante qui confère au contribuable un avantage économique et qui ne fait pas l'objet d'une exemption comme, par exemple, un prêt ou un cadeau, elle est alors visée par la définition compréhensive de l'art. 3.

Dans l'affaire Hoefele, précitée, la Cour a indiqué ce qui suit :

Par conséquent, selon la Cour suprême, pour qu'elle soit imposable à titre d'“ avantage ”, une rentrée doit conférer un avantage économique. En d'autres termes, pour qu'elle soit imposable, la rentrée doit avoir pour effet d'augmenter la valeur nette du patrimoine du bénéficiaire. À l'inverse, la rentrée qui n'augmente pas celle-ci n'est pas un avantage et n'est pas imposable. Le remboursement d’une dépense n’est donc pas imposable, car la valeur nette du patrimoine du bénéficiaire ne s'en trouve pas accrue.

Notre jurisprudence accepte depuis longtemps que l'accent soit mis sur le gain net pour déterminer si une rentrée constitue un “ avantage ” et si elle est, par conséquent, imposable.

[26] L'appelant a mentionné l'affaire Ransom, précitée, et a cité, en y souscrivant, l'affaire Hoefele, précitée, faisant sienne la thèse du juge Noël selon laquelle [TRADUCTION] “ le remboursement de dépenses engagées en raison d'un déplacement ne peut être considéré comme un avantage, car il n'a pas vraiment pour effet d'améliorer la situation financière du bénéficiaire ”. Le juge Noël ajoute :

[TRADUCTION]

Il me semble bien clair que le remboursement d'une somme à un employé par un employeur au titre de dépenses engagées ou de pertes subies en raison de l'emploi (remboursement qui, comme l'a déclaré lord McNaughton dans l'affaire Tenant v. Smith, [1982] A.C. 150, n'enrichit pas le bénéficiaire, mais le dédommage tout simplement de ses frais) n'est pas une rémunération comme telle ni un avantage “ de quelque nature que ce soit ”, si bien qu’il n’est visé ni par la disposition liminaire du paragraphe 5(1) ni par l’alinéa a). Il est tout aussi évident qu’il ne s’agit pas d’une allocation au sens de l’alinéa b), pour les raisons que j’ai déjà mentionnées.

[27] L'appelant a fait mention de l'affaire La Reine c. Splane, C.F. 1re inst., no T-1877-88, 10 juillet 1990, dans laquelle le juge Cullen déclare :

Le contribuable n'a pas ainsi fait d'argent supplémentaire. En effet, les paiements lui ont simplement permis de maintenir la situation dans laquelle il se trouvait avant sa mutation et l'ont empêché d'essuyer une perte en acceptant la mutation latérale.

Il a prétendu avoir lui aussi subi une perte par suite du déménagement. Pour étayer son argument, il s'est reporté à la page 332 (DTC : à la page 5605) de l'affaire Hoefele, où la Cour écrit :

La Cour doit donc trancher la question de savoir si, dans chacune des présentes affaires, le contribuable a été rétabli dans la situation où il se trouvait auparavant ou s'il a réalisé un gain. Bien qu'un certain nombre d'expressions puissent être utilisées à cet égard - comme rembourser, restituer, indemniser, dédommager, rétablir, soustraire à une dépense - le principe sous-jacent demeure le même. Si, dans le cadre de l'opération globale, la situation financière de l'employé n'est pas améliorée, c'est-à-dire s'il s'agit d'une opération où les différents éléments s'annulent lorsqu'on les considère dans leur ensemble, la rentrée n'est pas un avantage et, par conséquent, elle n'est pas imposable en vertu de l'alinéa 6(1)a). Peu importe que la dépense soit engagée relativement à des frais occasionnés par l'accomplissement du travail, un déplacement lié à l'emploi ou l'emménagement dans un nouveau lieu de travail, tant que l'employeur ne paie pas les dépenses quotidiennes ordinaires de l'employé.

[28] Il a aussi cité le passage qui suit des motifs de la Cour dans l'affaire Hoefele, à la page 334 (DTC : à la page 5606) :

[...] la question de savoir si, légalement, il s'agit d'un “ avantage ” au sens de l'alinéa 6(1)a) est une toute autre affaire dont l'issue dépend des faits de chaque cas.

La Cour déclare encore, toujours à la même page :

[...] Lorsqu'une entreprise verse une somme forfaitaire à un employé pour le dédommager de l'augmentation du coût du logement dans le cadre d'une réinstallation, la somme est imposable si la situation de l'employé s'en trouve améliorée. Par contre, l'aide financière qui consiste à dédommager de la perte d'un taux hypothécaire avantageux n'est pas imposable.

[29] Il a mentionné de nouveau l'affaire Hoefele, à la page 12, et il a prétendu que le mécanisme de subvention au titre des intérêts hypothécaires n'avait pas pour effet d'accroître son avoir propre dans sa résidence. La subvention n'a entraîné aucun gain économique pour lui. La valeur nette de son patrimoine n'a pas augmenté. L'alinéa 6(1)a) ne s'applique donc pas. Qui plus est, aux pages 335 et 336 (DTC : à la page 5607), la Cour cite les propos suivants du juge Sobier de la Cour canadienne de l'impôt :

[...] La situation financière d'une personne ne progresse pas du fait que cette dernière maintient le même avoir propre dans un actif ayant une plus grande valeur.

Il a maintenu que, dans la présente affaire, l'argent reçu n'était pas uniquement constitué de la subvention au titre des intérêts hypothécaires. Sa perte, pour ce qui est de l’avoir, se chiffrait à 32 000 $. Son avoir propre dans sa résidence précédente représentait 23 p. 100 de la valeur de cette dernière, mais la hausse de son emprunt hypothécaire sur la nouvelle résidence avait ramené ce pourcentage à 19,2. Le nouvel emprunt avait un taux d'intérêt plus élevé, et la période de remboursement était plus longue. Les 15 000 $ reçus n'ont pas eu pour effet d'accroître son avoir propre, ni même de le ramener à son niveau d'avant le déménagement. L'appelant était d'avis que son avoir propre avait diminué à la suite du déménagement.

[30] Il s'est également élevé contre les retards survenus avant que l'appel soit entendu et contre tous les obstacles qu'il a rencontrés depuis le moment où la cotisation initiale a été établie. Il estimait que la Cour devait lui accorder ses dépens, y compris les dépenses engagées au fil du parcours long et tortueux qu'a suivi l'affaire devant les tribunaux.

[31] En ce qui concerne les 2 395,98 $ mentionnés à la pièce A-2 comme subvention au titre des taux d'intérêt hypothécaires, l'appelant a convenu que ce montant se rapportait à une seule année et que son emprunt hypothécaire sur la résidence de Stratford était renouvelable au bout de trois ans.

[32] Il a également brièvement abordé la question de la subvention au titre de l'impôt foncier, mais ce poste étant de peu d'importance, et il n'a pas insisté.

[33] Il a souligné que son avoir propre dans la résidence de Stratford représentait 23 p. 100 du prix de vente, soit 32 000 $, tandis que son avoir propre dans la résidence de Barrie n'était que de 29 000 $, soit 19 p. 100 du prix d'achat. Il a donc perdu 3 000 $ d’avoir propre.

[34] Il a aussi rappelé que, dans l'affaire Hoefele, précitée, la Cour avait pris en considération la période de 10 ans couverte par la subvention au titre des taux hypothécaires et que, si notre cour faisait de même, les paiements hypothécaires pour cette période, calculés à partir de la subvention au titre des taux hypothécaires indiquée à la pièce A-2, dépasseraient les 20 000 $. Il a admis que le taux d'intérêt hypothécaire avait baissé trois ans après la date de l'achat; aussi a-t-il tenu compte du fait que la subvention pour la deuxième période de trois ans pourrait s'élever à 6 600 $ seulement, et à 6 000 $ pour la troisième, en raison des baisses des taux d’intérêt survenues au cours de ces périodes.

[35] La Cour a autorisé l'avocat de l'intimée à présenter une réplique au sujet des points soulevés par l'appelant dans l'exposé de sa thèse. L’avocat a alors indiqué qu'il était disposé à admettre que le montant de 2 395,98 $ mentionné à la pièce A-2 n'était peut-être pas imposable entre les mains de l'appelant, puisqu'il s'agissait d'une subvention au titre des taux d'intérêt hypothécaires.

[36] Il a soutenu qu'il était nécessaire d'examiner non seulement la valeur nette du patrimoine du contribuable, mais également la forme du paiement. Il s'est à ce propos reporté à l'affaire Hoefele, précitée, dans laquelle la forme de la transaction est importante en vue d'en déterminer la nature.

[37] Au sujet de la prétention de l'appelant voulant que ce dernier ait droit à une subvention au titre des taux d'intérêt hypothécaires pour une période de plus d'un an, l'avocat de l'intimée a soutenu qu'aucun élément de preuve n'indiquait que le montant reçu à ce titre se rapportait à une période supérieure à un an, d'autant plus que, aux termes du régime, le ministre ne pouvait accorder cette subvention relativement à une période supérieure à un an.

[38] Au sujet de l'écart de 10 500 $ mentionné à la pièce A-2, l'avocat affirme que ce montant était sans l'ombre d'un doute imposable entre les mains de l'appelant. Le montant a été versé à l’appelant parce que ce dernier a acheté une maison plus chère, et il correspondait justement à l'écart entre le prix de la maison précédente et celui de la nouvelle.

[39] L'avocat a ajouté que, à son avis, la différence entre les 15 000 $ reçus et la somme totale de 12 947,39 $ à laquelle l'appelant avait droit d'après la feuille de calcul était imposable entre les mains de l'appelant. L'unique raison pour laquelle ce dernier avait reçu ce montant additionnel est qu'il n'était pas tenu compte, dans la formule, du fait que l'appelant avait acheté une maison moins luxueuse que celle qu'il avait quittée. Par conséquent, la formule ne lui donnait pas droit à un montant aussi élevé que s'il avait acheté une maison plus luxueuse, auquel cas il eût pu avoir droit à l'avantage maximum. En fin de compte, la frugalité dont il avait fait preuve le pénalisait, alors que tel ne devrait pas être le cas. Cependant, le montant reçu était rattaché à l'achat de la maison plus dispendieuse.

[40] En ce qui concerne la question de savoir si la subvention au titre des taux d'intérêt hypothécaires devait être accordée pour une période de plus d'un an, l'avocat de l'intimée a avancé que, aux termes du régime, ce montant de rajustement était limité à un an, et qu'à cet égard la détermination du montant reçu et la formule de calcul devaient prévaloir. Conformément à la formule applicable, le gouvernement ne pouvait lui verser de subvention que par rapport à la période d'un an.

[41] La Cour doit se poser la question suivante : à quel titre étaient versées les subventions dans le cadre du régime? Dans la présente affaire, il ne suffit pas de dire qu'on a subi une perte. Pour que le montant qu'il a reçu soit exonéré, l'appelant doit prouver qu'il s'agit d'une compensation au titre de cette perte.

[42] En réplique, l'appelant a de nouveau invoqué l'affaire Hoefele, à la page 11, pour étayer ses divers arguments. Il a en outre soutenu que la différence entre les 15 000 $ reçus et les 12 947,39 $ calculés au moyen de la formule exposée à la pièce A-2 était destinée à éponger ses dépenses additionnelles au fil des ans et qu'elle ne devrait pas être imposable. Selon lui, l'étude de l’évolution de la jurisprudence montre que les tribunaux autorisent l'exonération de ces dépenses additionnelles. Il a fait mention à ce propos de l'affaire McNeill c. La Reine, [1987] 1 C.F. 119 (86 DTC 6477). Il voulait bien admettre que les restrictions prévues par le régime ne lui permettaient de recevoir une subvention au titre des taux d'intérêt hypothécaires que pour une période d'un an, mais il estimait qu’il ne devrait pas être limité à cette seule année.

[43] Il a ajouté que le montant reçu n'était pas un paiement forfaitaire versé sans autre formalité. Il devait prouver qu'il avait subi une perte. Il avait convaincu le ministère qu'il allait essuyer une perte au fil des ans, et c'est pour cette raison qu'on lui a accordé le paiement maximum de 15 000 $.

[44] L'appel devrait être admis, avec frais.

Analyse et décision

[45] L'exposé ci-devant montre que les faits en l'instance ne sont pas complexes et que la question à trancher est claire; par contre, il n'est pas si simple de la trancher. Ainsi que l'a fait remarquer l'avocat de l'intimée, des questions du genre de celle examinée ici ont été étudiées en maintes occasions, par nombre de tribunaux de différents paliers. Il en ressort que chaque cas doit être examiné en fonction des faits qui lui sont propres, et que les particularités d’une affaire peuvent conduire à un résultat différent, même si la question à l'étude semble être la même.

[46] L'étude des affaires invoquées par l'avocat de l'intimée et de celles invoquées par l'appelant permet de constater clairement qu’un certain nombre de principes s'appliquent relativement à la question à trancher. Il ressort de ces affaires que le montant reçu, pour être imposable, doit être visé par la Loi; or, dans la présente affaire, l'avocat de l'intimée a soutenu que ce montant était imposable en application des articles 5 et 6 de la Loi, et qu'il devait être inclus dans le calcul du revenu de l'appelant pour l'année en cause conformément à l'article 3. Plus précisément, il a fait valoir que le montant constituait une forme de rémunération aux termes de l'article 5, reçue par le contribuable au cours de l'année en cause, et qu'il faisait partie des “ avantages qu'il a reçus ou dont il a joui [...] au titre, dans l'occupation ou en vertu d'une charge ou d'un emploi [...] ”, en application de l'alinéa 6(1)a) de la Loi.

[47] Dans l'affaire McNeill, précitée, sur laquelle s'est fondé l'appelant, le juge Rouleau n'a pu déterminer que la totalité du montant que le ministre voulait assujettir à l'impôt était visée par l'une de ces dispositions, et il a de ce fait admis l'appel et déclaré que l'indemnité de logement de 15 571 $ versée au demandeur par Sa Majesté la Reine du chef du Canada n'était pas imposable, mais que l'indemnité de changement de milieu de 2 155,41 $ devait être incluse dans le calcul du revenu du contribuable pour l'année en cause.

[48] Il est donc clair qu’il ne s’agit en l’espèce pas d’un cas où la totalité du montant est soit imposable, soit exonérée, et que la Cour peut, à partir des faits et de l'interprétation de la loi, conclure qu'une partie du montant est imposable et assujettie aux dispositions mentionnées précédemment, et qu'une partie est exonérée parce que les dispositions pertinentes ne s'y appliquent pas.

[49] Dans la présente affaire, l'appelant a prétendu que la totalité du montant était non imposable, tandis que l'intimée soutenait au départ que la totalité du montant imposable. Tout bien considéré, il apparaît à la Cour que l'intimée a concédé qu'une fraction du montant n'était pas imposable et ne devait pas être incluse dans le calcul du revenu de l'appelant pour l'année en cause.

[50] L'avocat de l'intimée était disposé à concéder uniquement la somme de 2 395,98 $, soit le montant de la subvention au titre des taux d'intérêt hypothécaires pour un an, ce qui signifie que, pour lui, le reste du montant en cause est imposable.

[51] Les affaires examinées révèlent clairement l'émergence du concept de “ gain net ”, selon lequel, au fond, une rentrée ne doit pas être considérée comme un avantage si elle n'a pas pour effet d'améliorer la situation économique du contribuable — par exemple, le remboursement des faux frais découlant d'un déménagement. De même, si le contribuable “ avait simplement été rétabli dans la situation financière où il se trouvait avant que son employeur n'exige qu'il engage ces dépenses ”, le montant n'est pas imposable. Ou encore, si “ le contribuable n'a pas ainsi fait d'argent supplémentaire [et que] les paiements lui ont simplement permis de maintenir la situation dans laquelle il se trouvait avant sa mutation et l'ont empêché d'essuyer une perte en acceptant la mutation latérale ”, le montant n'est pas imposable. Toutefois, l'assertion suivante, que l'on retrouve dans l'affaire Hoefele, précitée, à la page 332 (DTC : à la page 5605), s'applique directement à ce genre de situation :

[...] Peu importe que la dépense soit engagée relativement à des frais occasionnés par l'accomplissement du travail, un déplacement lié à l'emploi ou l'emménagement dans un nouveau lieu de travail, tant que l'employeur ne paie pas les dépenses quotidiennes ordinaires de l'employé.

[52] L'argument de l'avocat de l'intimée selon lequel la Cour devait tenir compte de tous les faits propres à l'affaire, donc non pas seulement de la nature ou des caractéristiques du paiement, mais aussi de la forme qu'a revêtue le paiement, nous apparaît raisonnable. L'avocat a également avancé qu'il ne suffit pas à l'appelant de dire qu'il a subi une perte, mais que ce dernier doit prouver que le montant reçu visait à compenser la perte.

[53] Notre cour est convaincue que, pour trancher la question en l'instance, elle doit examiner la forme du paiement, sa nature et ses caractéristiques. Essentiellement, il faut à cette fin que la Cour se penche sur ce à quoi se rapportait le paiement.

[54] Dans la présente affaire, des preuves claires — la pièce A-2, présentée par l'appelant lui-même — montrent que le paiement comportait trois composantes : 1) l'écart de coût des maisons, qui s'élevait à 10 500 $ entre la maison de Barrie et celle de Stratford; 2) la subvention au titre des taux d'intérêt hypothécaires — il est bien indiqué dans la pièce A-2 qu'une fraction de 2 395,98 $ du montant en question visait à couvrir l'écart de taux entre l'emprunt hypothécaire sur la maison de Stratford — 10,25 p. 100 — et celui sur la maison de Barrie — 11 p. 100, et il est clair également que le paiement accordé par le ministre se rapportait à une période d'un an, et ce, même si l'appelant avait contracté un emprunt hypothécaire pour une durée de trois ans, après quoi il devait renouveler l’emprunt; 3) la subvention au titre des impôts fonciers, dont le montant est infime (51,41 $).

[55] D'autres éléments de preuve produits par l'appelant indiquent que, lorsqu’il avait présenté sa demande initiale, il avait été décidé de ne pas lui accorder le paiement maximum de 15 000 $. L'appelant n'était pas satisfait de cette décision et, à force de persévérance et d'ingéniosité, il était parvenu à convaincre le ministère de lui verser le montant maximum.

[56] Dans sa première lettre, datée du 23 août 1988 (pièce A-3), l'appelant cherchait à convaincre le ministre qu'il déménageait dans une région où le prix des maisons était plus élevé et s'efforçait d'établir l'écart de coût qui existait entre des logements comparables à Barrie et à Stratford. La lettre abordait aussi la question de l'écart de taux d'intérêt. L'appelant demandait que l'on envisage de nouveau l'approbation du montant maximum de 15 000 $ prévu par le Régime amélioré de réinstallation.

[57] L'appelant a fait parvenir au ministère une autre lettre, datée du 21 septembre 1988. Il y indiquait qu’il avait reçu le relevé des calculs dans le cadre du régime et que ceux-ci ne tenaient pas compte de [TRADUCTION] “ l'écart de coût réel entre logements comparables ”; il mentionnait ensuite des facteurs qui, à son avis, n’avaient pas convenablement été pris en considération, par exemple le fait qu'il avait dû acheter une maison de moins bonne qualité en raison des prix du marché plus élevés, l'absence d'enfants qui rendait inutile l'achat d'une grande maison, la nécessité de remettre à plus tard l'achat d'une voiture neuve à l'aide d'une partie de l'avoir propre tiré de la vente de la maison, tous ces facteurs ayant incité l’appelant à acheter une maison de moins bonne qualité. De plus, l'argent reçu devait être déclaré à titre de revenu imposable, ce qui avait pour effet de réduire la valeur nette de la subvention reçue. L'appelant reconnaissait aussi que la subvention au titre de l'hypothèque portait sur une période d'un an seulement.

[58] Il a indiqué qu’il était en fait pénalisé parce qu’il avait acheté une maison de moindre valeur, même s'il pouvait avoir de très bonnes raisons d'agir ainsi. Il a admis que le déménagement était assorti d'une promotion, mais il a ajouté que, compte tenu des frais additionnels, il se pouvait fort que sa situation ne se soit pas améliorée en bout de ligne.

[59] Il ressort de ces lettres, de même que des autres éléments de preuve, que le montant de 10 500 $ calculé au départ correspondait bel et bien à la différence entre le coût des maisons, comme cela était indiqué dans la pièce A-2. Ce montant était versé à l'appelant parce que la maison qu'il achetait à Barrie allait lui coûter 151 000 $ et que le prix de vente de son ancienne résidence était de 140 500 $. Le paiement était donc effectué tout simplement parce que l'appelant avait acheté une maison plus coûteuse, même si celle-ci était à ses yeux une maison de moins bonne qualité. Il demeure que l'appelant a reçu ce montant parce qu'il a acheté une maison plus coûteuse. La somme reçue constitue de toute évidence un avantage pour l'appelant car, s'il ne l'avait pas reçue, la valeur nette de son patrimoine aurait été moins élevée. L'ensemble des faits montre clairement qu'il s'agissait d'un avantage pour lui, et cette conclusion ne va pas à l'encontre du principe de l'avantage net mentionné dans les affaires pertinentes.

[60] En ce qui concerne la différence entre le montant de 12 947,39 $ calculé aux termes du “ régime amélioré de réinstallation ” et les 15 000 $ qu'a reçus l'appelant par suite de ses démarches auprès du ministère, elle a en fin de compte été versée parce que l'appelant a su convaincre les autorités que, s'il avait acheté une maison plus chère, il aurait eu droit au montant maximum de 15 000 $. Ce n'est pas parce qu'il a décidé d'économiser qu'on devait le pénaliser en ne lui donnant que 12 947,39 $. La différence lui a de toute évidence été versée pour compenser le coût plus élevé de sa nouvelle maison ainsi que d'autres frais exposés par l'appelant dans ses démarches auprès du ministre. Il est clair que certains de ceux-ci entrent dans la catégorie des dépenses quotidiennes ordinaires de l'employé, et que les sommes correspondantes ne sont pas exonérées.

[61] L'affaire Phillips, précitée, est à cet égard pertinente.

[62] Ainsi que l'a indiqué l'appelant lui-même dans sa réplique, la différence entre les 12 947,39 $ et les 15 000 $ visait à couvrir ses dépenses additionnelles au fil des ans.

[63] La Cour rejette l'argument de l'appelant selon lequel il devrait avoir droit à la subvention au titre des taux d'intérêt hypothécaires pour une période de plus d'un an. Sur ce point, la forme et la détermination du paiement en question sont des éléments importants. Il ressort de l'ensemble de la preuve que le paiement en question devait se rapporter à une année seulement, et qu'il s'agissait d'ailleurs de la période maximale prévue dans le cadre du régime. Par conséquent, le seul montant non imposable entre les mains de l'appelant est celui qui correspond à la subvention au titre des frais d'intérêt hypothécaires pour un an.

[64] La Cour est convaincue que le fait que le montant reçu par l'appelant ait été versé sous forme de paiement forfaitaire ne change rien à la situation. L'appelant a fait valoir qu'il avait dû prouver au ministère qu'il avait subi une perte au fil des ans, et que c'est pour cette raison qu'on lui avait versé ce montant. Comme je l’ai indiqué précédemment, les raisons de ce paiement sont claires, et la Cour est convaincue qu'il est imposable.

[65] Le montant de 51,21 $, qui représente la subvention au titre de l'impôt foncier versée au motif que l'appelant avait acheté une maison plus chère et que l'impôt foncier était plus élevé, est imposable.

[66] Somme toute, l'appel est admis, et la question est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte des conclusions de la Cour selon lesquelles une somme de 2 395,98 $ n'était pas imposable pour l'année en question mais que le reste du montant en cause l'était.

[67] L'appelant n'a droit à aucun autre redressement.

[68] L'appelant n'a pas droit à ses dépens, n’ayant pour l’essentiel pas eu gain de cause dans le présent appel.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de novembre 2000.

“ T. E. Margeson ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 28e jour de mars 2001.

Philippe Ducharme, réviseur

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