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Date: 19990607

Dossiers: 97-2142-UI; 97-231-CPP

ENTRE :

WILLIAM MacEACHERN,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Cuddihy, C.C.I.

[1] Les appels dont il s'agit ont été entendus à Sydney (Nouvelle-Écosse) le 3 mai 1999.

I- Les appels

[2] Ces appels sont interjetés à l'encontre de deux décisions du ministre du Revenu national (le « ministre » ) en date du 26 septembre 1997 selon lesquelles l'emploi de l'appelant au Lingan Country Club (le « payeur » ) pour la période allant du 1er avril au 14 septembre 1996 n'était pas un emploi assurable ni un emploi ouvrant droit à pension au sens de la Loi sur l'assurance-chômage (l' « ancienne loi » ), maintenant appelée Loi sur l'assurance-emploi (la « nouvelle loi » ), et au sens du Régime de pensions du Canada (le « Régime » ), parce que, d'après le ministre, il ne s'agissait pas d'un emploi exercé en vertu d'un contrat de louage de services selon l'alinéa 3(1)a) de l'ancienne loi, l'alinéa 5(1)a) de la nouvelle loi et l'alinéa 6(1)a) et le paragraphe 27(1) du Régime.

II- Les faits

[3] Dans ses décisions, le ministre se fondait sur les faits et les motifs énoncés dans ses réponses aux avis d'appel. Aux fins du présent jugement, il suffira d'exposer les faits indiqués dans la réponse à l'avis de l'appel no 97-2142(UI), plus précisément au paragraphe 6, soit :

[TRADUCTION]

a) le payeur était un club de golf et de loisirs situé à Sydney (Nouvelle-Écosse);

b) l'appelant avait été employé par le payeur pendant un certain nombre d'années avant 1996;

c) l'appelant n'a pas été embauché par le payeur en 1996;

d) l'appelant a intenté contre le payeur une action pour congédiement injustifié;

e) l'appelant et le payeur ont conclu un règlement amiable selon lequel l'appelant recevrait l'équivalent de 24 semaines de paye et le payeur n'était pas tenu de réembaucher l'appelant;

f) une fois intervenu le règlement mentionné à l'alinéa e) ci-dessus, l'appelant a retiré la plainte qu'il avait déposée auprès du Labour Relations Board de la Nouvelle-Écosse (conseil des relations de travail);

g) le payeur a versé à l'appelant le montant convenu comme dommages-intérêts tenant lieu de salaire;

h) l'appelant n'a pas fourni de services pour le payeur durant les périodes de chômage en cause (assurance-chômage et assurance-emploi);

i) il n'y avait pas de contrat de louage de services entre l'appelant et le payeur.

[4] L'appelant a admis les allégations figurant aux alinéas a), b), d) et h). Pour ce qui est de l'alinéa c), l'appelant a admis qu'il n'avait pas été embauché par le payeur en 1996, n'ayant pas été rappelé au travail. Il a admis avec explications les allégations formulées aux alinéas e) à g). Il a nié l'alinéa i).

III- La preuve

[5] L'appelant a témoigné au soutien de son appel. Les pièces A-1 à A-3 et J-1 à J-3 ont été versées au dossier de la Cour.

[6] À l'automne 1995, le payeur cherchait à ne pas réembaucher l'appelant pour la saison de travail 1996. L'appelant a recouru à l'arbitrage. Le résultat de l'audience d'arbitrage, en date du 27 octobre 1995, est exposé dans un document (pièce J-1) envoyé aux avocats représentant les deux parties, document qui se lit comme suit :

[TRADUCTION]

[...]

Objet : Club de golf Lingan — Arbitrage

Messieurs,

La présente lettre confirme notre participation à une audience d'arbitrage tenue le 6 octobre 1995. Au début de l'arbitrage, Me Broderick, qui représentait l'employeur, n'a présenté aucun élément de preuve quant à un motif valable de congédiement du plaignant, M. MacEachern. Le consensus était que le conseil d'arbitrage ordonne que le grief soit accueilli et que le plaignant soit rétabli dans ses fonctions sans perte d'avantages ou d'ancienneté, mais que, effectivement, le plaignant soit mis en disponibilité au 6 octobre 1995, avec régime d'indemnisation tenant compte des ajustements nécessaires et devant être négocié par les avocats des parties. Pour une confirmation ou décision écrite plus détaillée, les avocats sont priés de communiquer avec nous.

[...] (Le soulignement est de moi.)

[7] L'appelant a été mis en disponibilité le 6 octobre 1995 et a demandé et reçu des prestations d'assurance-chômage, qui ont expiré à un moment donné en 1996. Également en raison de ce différend, après que ses prestations furent épuisées, l'appelant a demandé de l'aide sociale.

[8] Le 1er avril 1996, l'appelant n'a pas été rappelé au travail comme il devait l'être.

[9] Le 12 novembre 1996, l'avocat de l'appelant a envoyé une lettre (pièce J-2) à M. Gary Ross, le directeur général du Labour Relations Board de la Nouvelle-Écosse, lettre qui se lit comme suit :

[TRADUCTION]

[...]

La présente lettre confirme notre appel d'aujourd'hui. Cette question s'est réglée entre les parties. Le règlement prévoit 24 semaines de paye, selon la garantie de 44 heures de travail par semaine, au taux horaire normal du plaignant, plus tous les avantages sociaux (paye de vacances, régime de retraite et régime de soins de santé) ainsi que les cotisations de l'employeur versées au gouvernement du Canada au titre de l'assurance-chômage et du RPC, moins les retenues sur la paye du plaignant prévues par la loi au titre de l'impôt sur le revenu, du RPC et de l'assurance-chômage. En échange, M. MacEachern accordera une décharge complète à l'employeur, le club de golf Lingan, à l'égard de toute action de sa part, passée, présente ou éventuelle, contre l'employeur, soit le club de golf Lingan, relativement au fait qu'il n'a pas été rappelé au travail depuis le printemps dernier. M. MacEachern signera en outre un document reconnaissant que le club de golf Lingan n'a plus d'obligations envers lui, y compris, entre autres, l'obligation de le rappeler au travail après une mise en disponibilité. [...]

[10] L'appelant devait recevoir pour sa période de travail de 1996 le montant d'un règlement prévoyant 24 semaines de paye, selon la garantie de 44 heures de travail par semaine, au taux horaire normal, plus tous les avantages sociaux, comme l'indique la pièce J-2. Le montant qu'il aurait donc dû recevoir était de 17 510,59 $, comme on peut le voir en consultant les feuillets T4A et T4 pour l'année d'imposition 1996 qui avaient été remis à l'appelant (pièce A-3).

[11] À un moment donné en décembre 1996, une décharge a été signée par l'appelant (pièce A-1). Cette décharge, pour 1 $, ne porte aucune date et aurait été signée par l'appelant. L'appelant a dit : [TRADUCTION] « À l'époque, ma situation était telle que j'aurais pu signer n'importe quoi » . C'était juste avant Noël, et il recevait de l'aide sociale.

[12] Le 23 décembre 1996, le payeur a remis à l'appelant un chèque de 6 559,27 $ (pièce A-2).

[13] Le 17 janvier 1997, le payeur a, par l'intermédiaire de Bernadette Joseph, établi un relevé d'emploi (pièce J-3) auquel a été annexée une lettre, sans date, signée par Me Charles Broderick, qui dit ceci :

[TRADUCTION]

[...]

À QUI DE DROIT,

William MacEachern n'a pas été réembauché au Lingan Golf & Country Club. Ainsi, un grief a été déposé. Après un certain temps, un règlement est intervenu entre les parties. La fiche de cessation d'emploi résulte du règlement de la procédure de grief entre M. MacEachern et le Lingan Golf & Country Club. M. MacEachern a été payé pour la période allant du 1er avril au 14 septembre 1996, mais il n'a pas travaillé.

Nous espérons que cela clarifiera la fiche de cessation d'emploi que nous avons établie.

[...]

[14] À un moment donné en 1997, l'appelant aurait demandé des prestations d'assurance-chômage par suite de ce relevé d'emploi en date du 17 janvier 1997. Il semble à la Cour qu'il cherchait à obtenir des prestations d'assurance-chômage pour la période de travail allant du 1er avril au 14 septembre 1996, à l'égard de laquelle un règlement est censé être intervenu.

[15] Cette période de travail de 1996 ne pouvait normalement donner droit à des prestations d'assurance-chômage, car la somme que l'appelant était censé recevoir, soit 17 510 59 $, a normalement été versée à titre de dommages-intérêts et non de salaire et aucun travail n'a été accompli par l'appelant pour le payeur du 1er avril au 14 septembre 1996. Ainsi, ladite période ne pouvait rendre l'appelant admissible à des prestations pour la période normale de mise en disponibilité allant de l'automne 1996 au printemps 1997.

[16] L'appelant a plaidé lui-même sa cause à l'audience. Il a présenté une longue explication au sujet de ce qui était arrivé.

[17] L'appelant, un grand travailleur, est très mécontent de la situation qu'il vit depuis les trois dernières années. Il fait partie de la population active depuis près de 40 ans; il a sincèrement exprimé son point de vue et a expliqué à sa manière que, de la façon dont il comprenait la situation, il devait recevoir le montant d'un règlement pour la période de travail de 1996 et être admissible à des prestations d'assurance-chômage par suite de ce règlement comme s'il avait travaillé du 1er avril au 14 septembre 1996.

[18] Le payeur, bien qu'ayant été dûment informé, n'a pas comparu ou n'est pas intervenu comme il était en droit de le faire, de sorte qu'aucune information supplémentaire n'a été fournie à la Cour par le payeur. Par exemple, l'appelant ne comprenait pas bien pourquoi le payeur lui avait remis un chèque de seulement 6 559,27 $ le 23 décembre 1996. Il a dit que, ce jour-là, soit l'avant-veille de Noël, il était très contrarié, ayant dû recourir à l'aide sociale, et aurait signé et accepté n'importe quoi. Il avait l'impression que le chèque de règlement qu'il avait reçu (pièce A-2) aurait dû être plus élevé.

[19] La Cour comprenait qu'une personne comme l'appelant, qui n'a pas fait de longues études, puisse être déroutée par les chiffres. L'appelant ne sait pas comment au juste le payeur est arrivé au montant de 6 559,27 $, alors que les documents du payeur indiquent une somme de 17 510,59 $ à la fois comme allocation de retraite (pièce A-3, formulaire T4A, no 03-389-461) et comme revenu d'emploi (pièce A-3, formulaire T4, no 59-533-308). Il semble bien que l'appelant avait l'impression qu'il devait recevoir le montant d'un règlement pour la période de travail allant du 1er avril au 14 septembre 1996 et être admissible à des prestations d'assurance-chômage pour 1996 ou 1997 (pièce J-2). Tel était son argument, à ce qu'il me semble après avoir entendu l'appelant et avoir examiné les pièces dans leur ensemble.

[20] Comme je l'ai dit précédemment, il reste que l'appelant n'a pas travaillé pour le payeur ou n'a pas reçu de salaire du payeur pour la période allant du 1er avril au 14 septembre 1996 et que tout montant qu'il aurait dû recevoir ou qu'il a effectivement reçu en guise de règlement ne peut être interprété comme correspondant à un emploi assurable ou ouvrant droit à pension.

[21] Après avoir entendu l'appelant, la Cour n'est toutefois pas convaincue qu'il comprend bien ce qui est arrivé à son chèque de règlement. Qu'est-ce qui en a été déduit? Pourquoi a-t-il été réduit? L'état des prestations d'assurance-emploi (pièce A-3, formulaire T4U) indique que l'appelant a en 1996 reçu 10 528 $ au total. Ce montant ou une partie de celui-ci a-t-il été déduit du règlement? S'il doit y avoir des déductions, faut-il que ce soit au 1er avril 1996, date à laquelle l'appelant aurait dû être rappelé au travail? Le prestataire n'aurait-il pas été admissible à une prolongation de sa période de prestations? A-t-on remboursé à l'appelant les cotisations au Régime de pensions du Canada ou les cotisations d'assurance-chômage qui semblent avoir été retenues d'après le formulaire T4 de l'appelant pour 1996? Il faut en toute justice pour l'appelant qu'il soit répondu à l'ensemble de ces questions par un représentant de l'intimé, qui, je l'espère, fournira une explication satisfaisante à M. MacEachern et rectifiera la situation de ce dernier s'il y a lieu.

IV- Décision

[22] La période de travail allant du 1er avril au 14 septembre 1996 n'est pas une période assurable ou ouvrant droit à pension, et l'appel est donc rejeté, sauf que je demande à l'intimé de fournir à l'appelant, dans un délai raisonnable, une explication au sujet des questions posées dans le présent jugement.

[23] La Cour est bien consciente du caractère limité de la question qui lui était soumise, mais, vu la situation de ce citoyen, j'estime que la demande faite par la Cour à l'intimé permettra à l'appelant de mieux comprendre sa situation.

Signé à Dorval (Québec) ce 7e jour de juin 1999.

« S. Cuddihy »

J.S.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 9e jour de mars 2000.

Benoît Charron, réviseur

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