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Date: 20000822

Dossier: 2000-645-GST-I

ENTRE :

VIVIAN M. MAY,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Sarchuk , C.C.I.

[1] Vivian M. May interjette appel contre une cotisation en date du 30 avril 1999 en vertu de laquelle le ministre du Revenu national a rejeté sa demande de remboursement de taxe sur les produits et services (“ TPS ”).

[2] Les parties ont déposé un exposé conjoint des faits[1], qui dit :

[TRADUCTION]

1. Mme Vivian May (l'“ appelante ”) avait passé un contrat avec Gateway Pacific Construction Ltd. (le “ vendeur ”) le 2 avril 1994 (date de clôture : 16 juin 1994) pour acquérir une résidence personnelle, c'est-à-dire un intérêt dans un condominium à bail appelé WestRoyal Complex, soit l'unité 3A du 328, Taylor Way, West Vancouver (Colombie-Britannique). Le condominium à bail fait l'objet de la description officielle suivante : lot condominial 112, lot du district 1039, plan de condominium à bail LMS445. Une copie de l'offre d'achat et du contrat de vente figure à l'onglet 1.

2. Le condominium à bail de l'appelante était une unité faisant partie de l'une des deux phases de la construction d'environ 180 unités, par le vendeur, sur un terrain loué du district de West Vancouver. Le vendeur avait converti le terrain faisant l'objet du bail foncier en lots condominiaux individuels à bail en déposant le plan de condominium à bail des phases 1 et 2 au bureau d'enregistrement des droits immobiliers de Vancouver / New Westminster, conformément aux dispositions des lois intitulées Condominium Act et Land Titles Act. Figure à l'onglet 2 une copie du bail foncier et de l'accusé de réception, par le cessionnaire, de la cession du bail (no ST921005) faite par le vendeur à l'appelante.

3. L'appelante a payé 23 450 $ de TPS au vendeur, en tant que représentant de Sa Majesté du chef du Canada, pour la conclusion de l'opération d'achat. Ce montant représentait 7 p. 100 du prix d'achat, 335 000 $, du condominium à bail. Figure à l'onglet 3 une copie de l'état des rajustements de l'appelante.

4. L'appelante a reçu un remboursement de TPS pour habitations neuves de 8 453,02 $ (y compris 11,02 $ d'intérêts) en septembre 1994. Une copie du bordereau de dépôt de l'appelante indiquant ce montant figure à l'onglet 4.

5. Depuis janvier 1995, Revenu Canada savait, en raison de nombreuses lettres écrites par des propriétaires d'unités du WestRoyal Complex et par le sous-comité de la TPS du WestRoyal Complex, que le paiement de la TPS sur la fourniture exonérée d'unités condominiales à bail du WestRoyal Complex comme celle de l'appelante était en litige. Des copies d'avis et de procès-verbaux de réunions du conseil du condominium qui sont en la possession de l'appelante figurent à l'onglet 5.

6. Le 27 juillet 1998, la Cour canadienne de l'impôt a tranché l'affaire Taylor c. La Reine, no 96-705 (98 G.T.C. 2206). Cette décision a été rendue plus de quatre ans après que l'appelante a, le 16 juin 1994, conclu l'achat de son condominium à bail. Dans l'arrêt Taylor, il est statué que la cession de l'intérêt à bail dans les terrains et les habitations respectives comme celle de l'appelante est exonérée de taxe en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise. Une copie de l'arrêt Taylor figure à l'onglet 6.

7. Par l'entremise de son représentant, l'appelante avait écrit à Revenu Canada le 28 août 1998 concernant la possibilité d'un remboursement du solde de TPS dû (23 450 $ - 8 422 $ = 15 008 $) sur la fourniture exonérée de son condominium à bail. Une copie de la lettre figure à l'onglet 7.

8. M. Melvin Bellefontaine, de Revenu Canada, a le 27 octobre 1998 appelé au bureau du représentant de l'appelante pour demander une lettre de consentement autorisant la divulgation d'informations aux représentants de l'appelante. Une note au dossier figure à l'onglet 8.

9. La lettre de consentement a été envoyée à Revenu Canada le 14 novembre 1998. Une copie de cette lettre figure à l'onglet 9.

10. Le représentant de l'appelante a parlé à M. Bellefontaine le 11 décembre 1998 concernant le formulaire de demande de remboursement général envoyé par Revenu Canada. Une copie de la note au dossier figure à l'onglet 10.

11. La demande générale de remboursement de TPS a été envoyée à Revenu Canada le 30 décembre 1998. Une copie de la lettre annexée à la demande générale de remboursement figure à l'onglet 11.

12. La demande générale de remboursement a été rejetée par voie d'avis de cotisation no 990131122129P0001 en date du 30 avril 1999. Une copie d'une lettre rejetant la demande générale de remboursement figure à l'onglet 12.

13. L'avis d'opposition à la cotisation a été présenté au ministre le 18 juin 1999. Une copie de l'avis d'opposition et de l'addenda y annexé figure à l'onglet 13.

14. Par voie d'avis de décision en date du 15 novembre 1999, le ministre a rejeté l'opposition et a ratifié la cotisation pour le motif que la demande générale de remboursement n'avait pas été faite dans le délai prévu au paragraphe 261(3) de la Loi sur la taxe d'accise. Une copie de l'avis de décision figure à l'onglet 14.

Régime législatif

[3] Les dispositions pertinentes de la Loi qui étaient en vigueur le 30 décembre 1998, date à laquelle l'appelante a fait sa demande générale de remboursement, se lisent comme suit :

261(1) Dans le cas où une personne paie un montant au titre de la taxe, de la taxe nette, des pénalités, des intérêts ou d'une autre obligation selon la présente partie alors qu'elle n'avait pas à le payer ou à le verser, ou paie un tel montant qui est pris en compte à ce titre, le ministre lui rembourse le montant, indépendamment du fait qu'il ait été payé par erreur ou autrement.

[...]

261(3) Le remboursement n'est versé que si la personne en fait la demande dans les deux ans suivant le paiement ou le versement du montant.

Le paragraphe 261(3) tel qu'il se lisait à cette époque reflétait une modification qui a été apportée en 1997 et par laquelle le délai précédent, qui était de quatre ans, a été ramené à deux ans. La modification disposait en outre ceci :

71(2) Le paragraphe (1) s'applique aux montants suivants :

a) ceux qui, après juin 1996, sont payés ou comptabilisés au titre de la taxe ou d'un autre montant à payer ou à verser en application de la partie IX de la même loi;

b) ceux qui, avant juillet 1996, sont payés ou comptabilisés au titre de la taxe ou d'un autre montant à payer ou à verser en application de cette partie, à l'exception des montants dont le remboursement est demandé aux termes de l'article 261 de la même loi avant juillet 1998. [2] [3]

Thèse de l'appelante

[4] L'appelante invoque l'affaire Taylor et Redmond c. La Reine[4],dans laquelle le juge en chef Garon, de la C.C.I., a dans des circonstances identiques statué que l'acquisition, par les parties appelantes, de leurs habitations respectives était exonérée de taxe en vertu de la partie IX de la Loi, et la cotisation du ministre leur refusant le remboursement de la taxe payée par erreur a donc été annulée. Comme cette décision a été rendue le 27 juillet 1998, l'appelante soutient que son droit de faire une demande générale de remboursement s'applique à partir de cette date. À l'appui de cette position, l'avocat de l'appelante fait valoir que l'interprétation appropriée du paragraphe 261(1) peut être établie en lisant les paragraphes (1) et (3) ensemble et en utilisant le paragraphe (1) pour déterminer ce qui signifient les termes “ dans les deux ans suivant le paiement ou le versement du montant ”. Il fait également valoir qu'il est nécessaire de prendre en compte dans la signification du paragraphe (3) le passage du paragraphe (1) qui dit “ elle n'avait pas à [...] payer ou à [...] verser ”. En lisant ces dispositions de cette manière et en admettant le fait que l'appelante n'a appris qu'elle “ n'avait pas à [...] payer ” le montant en litige que lorsqu'a été rendue la décision Taylor et Redmond, soit le 27 juillet 1998, l'appelante avait, si le délai légal s'appliquait effectivement, deux ans suivant cette date pour faire sa demande. L'avocat soutient qu'interpréter ainsi les termes mentionnés n'est pas contraire au sens ordinaire et à l'objet de la loi et représente plutôt une interprétation créative de la loi permettant à la Cour d'interpréter les dispositions législatives pertinentes de manière à accorder un redressement à l'appelante.

[5] À l'appui de cette approche de l'interprétation de lois fiscales, on a fait référence à l'affaire Smith Drugs Ltd. c. M.R.N.[5], dans laquelle Mme le juge Reed a dit :

À mon avis, les commentaires émis dans les arrêts Wally Fires v. Her Majesty the Queen, 90 DTC 6662 (C.S.C.) et Johns-Manville Canada Inc. v. Her Majesty the Queen, 85 DTC 5373 (C.S.C.) selon lesquels, en cas d'incertitude, il faut donner le bénéfice du doute au contribuable, ne rejettent pas le principe énoncé dans l'arrêt Stubart. Ces affaires indiquent seulement que, si après avoir lu les dispositions législatives pertinentes en fonction de l'objet et de l'esprit de la Loi, on éprouve des doutes quant à l'interprétation visée, il faut pencher en faveur du contribuable, que la disposition en question prévoit une imposition, une exemption ou une déduction.

[6] Après l'audition de l'appel, Me Harkness a produit des arguments supplémentaires dans lesquels il soutient qu'une interprétation raisonnable du paragraphe 261(3) de la Loi indique qu'une personne assujettie aux dispositions de la Loi saurait, dans la plupart des cas, si la vente taxable a avorté, si la fourniture taxable est restée impayée ou si elle a été consommée hors du Canada. Dans de telles circonstances, il n'y aurait pas de TPS à payer, et la personne demanderait dans le délai imparti un remboursement à l'égard de la TPS versée sur la vente. D'autre part, jusqu'à ce qu'un tribunal détermine qu'une fourniture est exonérée, une personne ne saurait normalement pas qu'il est possible d'avoir un remboursement à l'égard d'une telle fourniture sur laquelle Revenu Canada a perçu de la taxe par erreur. Dans le cas de l'appelante en l'espèce, il n'a été déterminé que la fourniture de son intérêt à bail était une fourniture exonérée que lorsque la décision Taylor et Redmond a été rendue, soit après l'expiration du délai imparti. Sur la foi d'une décision récente de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique (“ C.A.C.-B. ”), soit l'arrêt Hansen v. The Queen[6], l'avocat a argué que le paragraphe 261(3) peut être interprété comme fixant un délai de nature procédurale, car il indique qu'une personne demande un remboursement lorsqu'elle devient au courant de circonstances dans lesquelles la TPS n'était pas payable. Dans l'arrêt Hansen, la C.A.C.-B. a statué qu'un délai de nature procédurale peut être prorogé d'un commun accord ou établissant qu'il y a préclusion. Ainsi, dit l'avocat, Revenu Canada a, en acceptant le fait que des acheteurs avaient droit à des remboursements après que la décision Taylor a été rendue, consenti effectivement à proroger le début du délai à la date de la décision, soit au 27 juillet 1998.

[7] Subsidiairement, l'appelante soutient qu'à cause de la préclusion le ministre ne peut rejeter sa demande de remboursement en affirmant qu'elle est frappée de prescription étant donné qu'elle a été faite en retard. L'appelante dit que, si sa demande est frappée de prescription, son omission de présenter la demande dans le délai requis est attribuable à des déclarations faites par des employés et représentants du ministre avant l'expiration du délai concernant son droit à un remboursement général.

Conclusion

Argument relatif à la préclusion

[8] L'appelante a été incapable de préciser un moment où un fonctionnaire ou représentant de Revenu Canada lui aurait fourni de l'information erronée sur son droit à un remboursement général. Cependant, à la fin de 1995, toutes les personnes qui avaient acheté les habitations condominiales en cause savaient que la position de Revenu Canada était qu'elles n'avaient pas droit au remboursement. De plus, malgré l'absence d'une preuve directe à cet égard, il est raisonnable de conclure que l'appelante était au courant de cette position et qu'elle croyait que la position de Revenu Canada indiquait implicitement qu'elle ne devrait pas faire une demande parce que celle-ci ne serait pas acceptée. Il est également justifié de conclure que, tout comme bien d'autres personnes, l'appelante a agi en conséquence et a conclu que faire une demande serait une perte de temps. Ainsi, se fondant sur l'exactitude de la position exprimée par Revenu Canada, elle a omis de présenter sa demande dans le délai imparti.

[9] Bien qu'il soit clair qu'elle a agi à son détriment par suite des déclarations faites par des employés de Revenu Canada quant aux dispositions pertinentes de la Loi, l'appelante ne peut avoir gain de cause. L'issue estoppel (préclusion fondée sur la chose jugée) a été examinée dans un certain nombre de causes, et le principe pouvant en être dégagé est que la Couronne ne peut être liée par une déclaration en matière d'interprétation du droit faite par l'un de ses employés ou représentants. Dans l'arrêt M.R.N. c. Inland Industries Limited[7], la Cour suprême du Canada a examiné certains articles de la Loi de l'impôt sur le revenu concernant la déductibilité de cotisations au titre de services passés à un régime de pension initialement accepté par le ministère du Revenu national pour fins d'enregistrement, mais à l'égard duquel des déductions ont ultérieurement été refusées. Parlant pour la Cour, le juge Pigeon a en fait disposé de toute question de préclusion en disant :

[...] Toutefois, il me paraît clair qu'une approbation donnée sans que les conditions prescrites par la loi ne soient remplies ne lie pas le ministre.

Ce principe a été appliqué dans l'affaire Stickel c. M.R.N.[8],par le juge Cattanach, qui a dit :

En bref, les fins de non-recevoir [la préclusion] sont soumises à une règle générale: elles ne peuvent aller à l'encontre des lois d'application générale.

[10] Le raisonnement à la base du principe exprimé dans ces causes a été succinctement résumé par le juge Bowman dans l'affaire Goldstein c. La Reine[9] :

On dit parfois que la préclusion n'est pas recevable contre la Couronne. Cette affirmation n'est pas exacte et semble provenir d'une mauvaise application du terme préclusion. Le principe de la préclusion lie la Couronne, tout comme d'autres principes de droit. La préclusion du fait du comportement, telle qu'elle s'applique à la Couronne, comprend des déclarations de faits de fonctionnaires de la Couronne sur lesquelles le sujet s'est fondé et en fonction desquelles il a agi, à son détriment. La doctrine n'a aucune application lorsqu'une interprétation particulière d'une loi a été communiquée à un sujet par un fonctionnaire de l'État, que le sujet s'est fondé sur cette interprétation à son détriment et que le gouvernement a ensuite retiré ou modifié l'interprétation. Dans un tel cas, un contribuable cherche parfois à invoquer la doctrine de la préclusion. Ce n'est pas approprié, non pas parce que ces déclarations donnent lieu à une préclusion qui ne lie pas la Couronne, mais plutôt parce qu'aucune préclusion ne peut se poser lorsque de telles déclarations ne sont pas conformes au droit. Bien que la préclusion soit maintenant un principe de droit positif, elle prend son origine dans le droit de la preuve et, en tant que telle, se rapporte aux déclarations de faits. Elle n'a aucun rôle à jouer lorsque des questions d'interprétation du droit sont en cause, car la préclusion ne peut déroger au droit.

[11] La question dont je suis saisi est de savoir si les déclarations que des fonctionnaires de Revenu Canada ont faites à divers propriétaires d'habitations condominiales au sujet de l'assujettissement à la taxe de la fourniture de leurs habitations étaient des déclarations de fait ou de droit. Ces déclarations portaient essentiellement que l'acquisition des habitations condominiales était assimilée à une opération d'achat-vente, qu'elle ne représentait pas une fourniture exonérée et qu'elle était donc à juste titre assujettie aux 7 p. 100 de TPS. À mon avis, il s'agissait non pas de déclarations de fait, mais plutôt d'une opinion quant à l'interprétation appropriée des dispositions pertinentes de la Loi. Dans de telles circonstances, l'appelante ne peut faire valoir la préclusion afin d'empêcher le ministre de se fonder sur les dispositions du paragraphe 261(3) de la Loi pour rejeter sa demande de remboursement.

Argument relatif au délai

[12] J'ai conclu que l'“ approche créative ” de l'appelante quant à l'interprétation des paragraphes 261(1) et (3) de la Loi doit être rejetée. L'intention du législateur de fixer un délai pour la présentation d'une demande de remboursement est énoncée en termes non équivoques. L'avocat de l'appelante voudrait que la Cour interprète cette disposition particulière comme correspondant à ce que l'appelante croyait que le législateur aurait dit si ce dernier avait été saisi de cette situation particulière. Lorsque la signification d'un texte est claire, notre cour n'a pas compétence pour en atténuer les conséquences. Bien que notre cour puisse être en droit d'interpréter le libellé d'une loi adoptée par le législateur, elle ne peut le déformer pour le rendre conforme à ce qu'elle peut considérer comme raisonnable[10].

[13] Je suis également d'avis que l'affaire Hansen se distingue de la présente espèce aussi bien en fait qu'en droit. Dans cette cause-là, il s'agissait de savoir si le droit de Mme Hansen de former une demande d'indemnisation à l'égard d'un terrain qui avait été exproprié aux fins d'une route était prescrit parce que le délai d'un an prévu à l'article 25 de la loi intitulée Expropriation Act[11] était écoulé. La commission appelée Expropriation Compensation Board (la “ commission ”) avait décidé que le ministère, étant lié par la préclusion, ne pouvait se fonder sur le délai. L'appel était interjeté contre cette décision. Pour ce qui est des faits relatifs à l'affaire Hansen, au cours d'une réunion entre les avocats tenue en juin 1995, le négociateur du ministère avait déclaré à l'avocat de Mme Hansen que le délai d'un an commencerait à courir à compter de la date de possession, soit le 8 août, plutôt qu'à compter de la date du paiement comme le spécifiait la disposition pertinente, soit le 21 juillet. Le juge MacKenzie, de la Cour d'appel, a conclu que cette déclaration n'était pas ambiguë et que c'était une déclaration de fait destinée à être suivie et ayant été suivie et il a statué que la commission avait eu raison de conclure que les éléments de la préclusion promissoire avaient été établis. Cet arrêt n'aide guère l'appelante, car la préclusion à laquelle il a été conclu concernait une déclaration de fait, qui avait été suivie par Mme Hansen à son détriment. Tel n'est pas le cas dans la présente espèce, dans laquelle les déclarations de M. Gravelle (et d'autres représentants de Revenu Canada) reflétaient l'interprétation du ministère quant aux dispositions pertinentes de la Loi.

[14] L'avocat de l'appelante a également argué que le délai prévu au paragraphe 261(3) de la Loi est un délai de nature procédurale pouvant être prorogé d'un commun accord ou en établissant qu'il y a préclusion, et ce, sur la foi des propos suivants tenus par le juge MacKenzie dans l'arrêt Hansen :

[TRADUCTION]

En vertu de l'article 25, aux termes duquel une instance ne peut être introduite après l'expiration du délai d'un an, le propriétaire est réputé avoir accepté un paiement anticipé comme règlement intégral en l'absence de toute autre demande présentée dans le délai imparti. À mon avis, cela n'équivaut pas à l'extinction de la demande, qui est simplement réputée avoir été réglée. Cette distinction peut être subtile, mais je pense que le libellé de l'article 25 fixe un délai de nature procédurale qui peut être prorogé d'un commun accord ou en établissant qu'il y a préclusion.

Je ne saurais convenir de l'argument présenté sur la foi de ces propos. Premièrement, l'appelante n'a pas établi la preuve d'une préclusion. Deuxièmement, le délai prévu au paragraphe 261(3) de la Loi est un délai de nature fondamentale et non pas simplement de nature procédurale et il ne peut être prorogé. Ce paragraphe dispose : “ Le remboursement n'est versé que si la personne en fait la demande dans les deux ans [...] ”. Comme l'a fait remarquer l'avocat de l'intimée, cette disposition prévoit clairement l'extinction de tous les droits au remboursement. De plus, rien n'indique que l'appelante a été mal informée par un fonctionnaire de Revenu Canada sur le délai fixé pour la présentation d'une demande de remboursement. Ainsi, il est difficile de trouver un fondement à l'argument de Me Harkness selon lequel Revenu Canada a consenti effectivement à proroger le début du délai à la date de la décision Taylor et Redmond. En outre, même si l'appelante avait pu établir que Revenu Canada avait conclu une forme d'accord avec elle, un tel accord viserait en fait à déterminer la taxe autrement qu'en conformité avec la loi et serait illégal[12].

[15] Je dois ajouter à ce qui précède qu'aucune disposition de la Loi ne permet au ministre ou encore à la Cour fédérale ou à notre cour de proroger ou de modifier les délais spécifiés dans une disposition législative comme le paragraphe 261(3) ou d'y déroger[13].

[16] Plusieurs autres motifs d'appel avaient été invoqués par l'appelante dans les actes de procédure, y compris un enrichissement injustifié du ministre et une négligence de sa part, ainsi qu'un motif, fondé sur les dispositions de la loi de la Colombie-Britannique intitulée Limitation Act, selon lequel la demande de l'appelante n'était pas frappée de prescription. L'avocat de l'appelante a fait savoir que ces motifs n'étaient plus invoqués.

[17] Par conséquent, pour les motifs mentionnés ci-dessus, l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour d'août 2000.

“ A. A. Sarchuk ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 12e jour de février 2001.

Mario Lagacé, réviseur



[1]               Pièce A-1 — L'avocat de l'intimée a fait savoir qu'il y avait accord inconditionnel quant à l'admission des documents figurant aux onglets 1-4, 6, 8-10, 12 et 14. Pour ce qui est du document figurant à l'onglet 5, l'intimée est d'accord qu'il soit admis sur la base suivante : il a été fourni par l'appelante et reflète la manière dont celle-ci a compris les discussions tenues avec Revenu Canada. En ce qui a trait aux documents figurant aux onglets 11 et 13, l'intimée reconnaît qu'ils ont été présentés à Revenu Canada dans un effort pour obtenir le remboursement de TPS pour l'appelante. L'intimée n'est toutefois pas disposée à accepter ces documents du point de vue de la véracité de leur contenu. Les avocats de l'appelante ont accepté ces conditions.

[2]               Voir L.C. 1997, ch. 10, paragraphes 71(1) et (2).

[3]               On ne conteste pas le fait que, comme l'appelante avait acheté son habitation le 16 juin 1994, les paragraphes 261(1) et 261(3) exigeaient qu'elle fasse la demande générale de remboursement au plus tard le 16 juin 1998. Toutefois, l'appelante n'a fait sa demande de remboursement que le 30 décembre 1998, et le délai dans son cas est de deux ans.

[4]               C.C.I., no 96-705, 27 juillet 1998 ([1998] G.S.T.C. 80).

[5]               C.F., 1re inst., no T-1761-86, 27 avril 1992, à la page 12 ([1992] 54 F.T.R. 32, aux pages 38-39).

[6]               Diane Hansen et al v. The Queen in right of the Province of British Columbia, as represented by the Minister of Transportation and Highways, 2000 BCCA 338.

[7]               [1974] R.C.S. 514, à la page 523 (72 DTC 6013, à la page 6017).

[8]               [1972] C.F. 672, à la page 685 (72 DTC 6178, à la page 6185).

[9]               C.C.I., no 94-840(IT)I, 1er mars 1995, à la page 11 (96 DTC 1029, à la page 1034).

[10]             Affaire Altrincham Electric Supply Limited. v. Sale Urban District Council, [1936] 154 L.T. 379, à la page 388, citée par le juge Estey qui l'approuvait dans l'arrêt Wanklyn et al v. M.N.R., [1953] 2 S.C.R. 58.

[11]       R.S.B.C. 1996, ch. 125. L'article 25 se lit comme suit :

[TRADUCTION]

Si une demande visant la détermination d'une indemnisation n'est pas faite à la commission dans l'année suivant un paiement fait en vertu de l'article 20, le propriétaire dont le terrain a été exproprié est réputé avoir accepté ce paiement en règlement intégral de sa demande d'indemnisation et il ne peut introduire une instance pour que soit déterminée une indemnisation.

[12]             Voir par exemple l'arrêt Cohen c. La Reine, C.A.F., 3 juin 1980 (80 DTC 6250).

[13]             Au sujet du délai spécifié au paragraphe 256(3) de la Loi, voir les observations formulées dans l'affaire Domjancic c. La Reine, C.A.F., no A-385-96, 14 avril 1997 ([1997] G.S.T.C. 30), juges Stone et Robertson et juge suppléant Gray, et C.C.I., no 95-2808(GST)I, 1er avril 1996 ([1996] G.S.T.C. 52), juge Hamlyn.

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