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Date: 19990204

Dossier: 97-819-IT-G

ENTRE :

ANGOSS INTERNATIONAL LIMITED,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bowman, C.C.I.

[1] Dans l'appel en l'instance, il s'agit de déterminer si un paiement de 150 000 $ US (184 070 $ CDN) fait en 1992 par l'appelante, une résidente du Canada, à Informix Software Inc. ( « Informix » ), une résidente des États-Unis, est assujetti à la retenue d'impôt des non-résidents en vertu de la partie XIII de la Loi de l'impôt sur le revenu. Le ministre du Revenu national a établi la retenue d'impôt pour le motif que le paiement en question y était assujetti aux termes du sous-alinéa 212(1)d)(i) de la Loi.

[2] L'appelante soutient que le paiement n'est pas imposable sous le régime de la partie XIII de la Loi, et ce, essentiellement pour trois raisons :

le paiement n'est aucunement visé par le sous-alinéa 212(1)d)(i);

de toute façon, le paiement est exclu du champ d'application de l'alinéa 212(1)d) du fait du sous-alinéa 212(1)d)(vi);

subsidiairement, le paiement est exempt de l'impôt canadien du fait de l'article XII de la Convention fiscale de 1980 entre le Canada et les États-Unis d'Amérique.

[3] Les parties pertinentes de l'article 212 de la Loi sont libellées dans les termes suivants :

212. (1) Toute personne non-résidente doit payer un impôt sur le revenu de 25 % sur toute somme qu'une personne résidant au Canada lui paie ou porte à son crédit, ou est réputée en vertu de la partie I lui payer ou porter à son crédit, au titre ou en paiement intégral ou partiel :

d)Loyer, redevances et autres paiements — du loyer, de la redevance ou d'un paiement semblable, y compris, sans préjudice de la portée générale de ce qui précède, un paiement fait :

en vue d'utiliser, ou d'obtenir le droit d'utiliser, au Canada, des biens, inventions, appellations, brevets, marques de commerce, dessins ou modèles, plans, formules secrètes, procédés de fabrication, ou toute autre chose,

pour des renseignements relatifs à des connaissances industrielles, commerciales et scientifiques lorsque la somme totale payable à titre de contrepartie pour ces renseignements dépend en totalité ou en partie :

de l'utilisation qui doit en être faite ou de l'avantage qui doit en être tiré,

de la production ou de la vente de marchandises ou de services,

des bénéfices,

pour des services de nature industrielle, commerciale ou scientifique, rendus par une personne qui est un non-résident lorsque la somme totale payable à titre de contrepartie pour ces services dépend en totalité ou en partie :

de l'utilisation qui doit en être faite ou de l'avantage qui doit en être tiré,

de la production ou de la vente de marchandises ou de services,

des bénéfices,

mais à l'exclusion d'un paiement effectué pour des services fournis pour la vente de biens ou la négociation d'un contrat,

conformément à une convention, entre une personne qui réside au Canada et une personne non-résidente, en vertu de laquelle cette dernière convient de ne pas utiliser et de ne permettre à aucune autre personne d'utiliser une chose mentionnée au sous-alinéa (i) ou les renseignements dont il est fait mention au sous-alinéa (ii),

qui dépendait de l'utilisation de biens situés au Canada, ou d'une production tirée de ces biens, qu'il ait constitué ou non un acompte sur le prix de vente des biens, à l'exclusion d'un acompte sur le prix de vente de terres agricoles,

mais à l'exclusion :

d'une redevance ou d'un paiement semblable à l'égard d'un droit d'auteur au titre de la production ou de la reproduction d'une oeuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique,

[...]

[4] Voici le libellé de l'article XII de la Convention :

Article XII — Redevances.

1. Les redevances provenant d'un État contractant et payées à un résident de l'autre État contractant sont imposables dans cet autre État.

2. Toutefois, ces redevances sont aussi imposables dans l'État contractant d'où elles proviennent et selon la législation de cet État; mais si un résident de l'autre État contractant est le bénéficiaire effectif de ces redevances, l'impôt ainsi établi ne peut excéder 10 p. 100 du montant brut des redevances.

3. Nonobstant les dispositions du paragraphe 2, les redevances à titre de droits d'auteurs et autres rémunérations similaires concernant la production ou la reproduction d'une oeuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique (à l'exclusion des redevances concernant les films et les oeuvres enregistrées sur films, bandes magnétoscopiques ou autres moyens de reproduction destinés à la télévision) provenant d'un État contractant et dont un résident de l'autre État contractant est le bénéficiaire effectif, ne sont imposables que dans cet autre État.

4. Le terme « redevances » employé dans le présent article désigne les rémunérations de toute nature payées pour l'usage ou la concession de l'usage d'un droit d'auteur sur une oeuvre littéraire, artistique ou scientifique (y compris les films et les oeuvres enregistrées sur films, bandes magnétoscopiques ou autres moyens de reproduction destinés à la télévision), d'un brevet, d'une marque de fabrique ou de commerce, d'un dessin ou d'un modèle, d'un plan, d'une formule ou d'un procédé secrets, ainsi que pour l'usage ou la concession de l'usage de biens mobiliers corporels et pour des informations ayant trait à une expérience acquise dans le domaine industriel, commercial ou scientifique et, nonobstant les dispositions de l'article XIII (Gains), ce terme comprend aussi les gains provenant de l'aliénation de biens incorporels ou droits décrits dans le présent paragraphe dans la mesure où ces gains dépendent de la productivité, de l'utilisation ou de l'aliénation subséquente de tels biens ou droits.

[5] L'appelante est une société ontarienne qui, pendant toutes les périodes pertinentes, exploitait une entreprise de développement de logiciels. Elle a été constituée en société en 1984 sous le nom de CS Computing Services Inc. En 1993, elle a changé de nom et s'est appelée, à partir de ce moment-là, Angoss Software International Limited. En 1997, elle a adopté son nom actuel. Avant 1992, elle a acquis d'Informix un programme d'ordinateur appelé « SmartWare » . Elle était distributeur de produits modifiés du logiciel, qu'elle achetait tout emballé et installé. Elle n'avait pas le droit de fabriquer le produit.

[6] En 1992, l'appelante a décidé qu'elle voulait commencer à fabriquer le SmartWare et, à peu près au même moment, Informix a décidé qu'elle voulait cesser de fabriquer ce produit.

[7] Deux contrats ont donc été conclus, un contrat de licence du code source et un contrat de licence de distribution de produits modifiés.

[8] Évidemment, les contrats se passent d'explications, mais, en gros, le contrat de licence du code source donnait d'abord à l'appelante le droit d'examiner le code source du SmartWare pendant soixante jours. Si elle décidait de conserver l'accès au code source du SmartWare, elle devait verser à Informix la somme de 150 000 $ US, c'est-à-dire le montant en litige en l'espèce. En outre, si l'appelante décidait de verser le montant de 150 000 $ US, il était prévu au contrat qu'elle détiendrait une licence d'utilisation du code source dans la fabrication de logiciels qu'elle avait l'intention de vendre.

[9] Le contrat de licence du code source a été signé en même temps que le contrat de licence de distribution de produits modifiés. Chacun des deux contrats renvoyant à l'autre, les parties souhaitaient de toute évidence que l'un complète l'autre.

[10] Le contrat de licence de distribution de produits modifiés a été concocté d'une façon étrange. L'objet du contrat était manifestement de compléter le contrat de licence du code source en prévoyant des frais de licence calculés selon le nombre d'exemplaires du logiciel fabriqués.

[11] Dans sa forme initiale, le contrat de licence de distribution de produits modifiés était probablement le genre de contrat qui régissait les relations entre l'appelante et Informix lorsque l'appelante achetait simplement le logiciel et le revendait. Ce contrat aurait été parfaitement inadéquat pour l'octroi d'une licence du code source visant à permettre à l'appelante de fabriquer le produit. Par conséquent, des parties importantes en ont été supprimées pour être remplacées par un contrat modificatif signé en même temps que le contrat initial. Sont reproduites ci-après les parties pertinentes du contrat de licence du code source :

[TRADUCTION]

CONTRAT DE LICENCE DU CODE SOURCE

Le présent contrat est conclu entre, d'une part, Informix Software Inc. ( « Informix » ), une société du Delaware, et, d'autre part, CS Computing Services Inc. (le « licencié » ), une société canadienne, et il entre en vigueur conformément à l'article 6.A des présentes.

ATTENDU QU'Informix exploite une entreprise de conception, de développement, de mise en marché et de concession de licence de programmes d'ordinateur;

ATTENDU QU'Informix soit est le concepteur et le propriétaire de certains programmes d'ordinateur décrits à la pièce A des présentes ( « produits » ), soit a le droit d'accorder des licences pour l'utilisation et pour toute autre forme de disposition, en tout ou en partie, du code source des produits tel qu'il est défini ci-après;

ATTENDU QUE le licencié souhaite obtenir accès au code source, sans payer de redevance, pour une période de soixante (60) jours à compter de la réception du code source d'Informix (la « période d'examen » ) pour déterminer s'il lui est possible de faire progresser certaines applications qu'il tente de développer, et qu'Informix souhaite donner accès au code source à cette fin;

ATTENDU QUE, au plus tard à l'expiration de la période d'examen, le licencié entend aviser Informix de son souhait de conserver l'accès (moyennant des frais de licence, exposés au paragraphe 2) au code source à des fins de développement d'applications;

ATTENDU QUE le code source des produits qui est utilisé dans les présentes désigne l'ensemble lisible du code informatique lié aux produits faisant appel à des algorithmes spécifiques desquels les produits seront dérivés, que le support utilisé à cette fin soit le papier, un support magnétique, des impulsions électroniques ou tout autre format ou support;

ATTENDU QUE le code objet des produits qui est utilisé dans les présentes désigne l'ensemble exécutable du code informatique lié à un produit dérivé du code source connexe au moyen d'une méthode normalement appelée compilation ou de toute autre méthode traduisant le code source, ou un code intermédiaire qui en découle, en un format compréhensible par les ordinateurs à partir duquel ces derniers peuvent fonctionner quel que soit le support utilisé;

EN CONSIDÉRATION de ces prémisses et autres causes, les parties aux présentes conviennent de ce qui suit :

LICENCE DU CODE SOURCE

Les termes « produits » , « code source » et « code objet » ont le sens énoncé précédemment pour toutes les fins relatives au présent contrat.

Informix convient d'accorder au licencié, qui convient d'accepter, suivant les modalités énoncées dans les présentes et sous réserve des restrictions expressément exposées ci-après, une licence, un droit et un privilège non exclusifs et indivisibles d'utiliser et de copier, en tout ou en partie, le code source des produits, et de permettre et de limiter l'accès et l'utilisation du code source au seul licencié et à ses employés, dans la seule mesure nécessaire à l'examen du code source pour la période d'examen et, par la suite, si le licencié exerce son droit de conserver le code source moyennant paiement des frais établis au paragraphe 2 du présent contrat, dans le seul but d'appuyer le développement et la maintenance du logiciel ANGOSS du licencié sur le matériel informatique sur lequel le licencié choisit de mettre les produits en état de fonctionner (combinés dans le logiciel ANGOSS). Le code source livré par Informix au licencié sera en état de fonctionner seulement sur des ordinateurs personnels compatibles IBM sous le système d'exploitation DOS.

Sous réserve des dispositions de l'article 8 du présent contrat, la licence octroyée dans les présentes ne s'applique à aucun autre code source de produits d'Informix qui existe déjà ou qu'Informix concevra, fabriquera, assemblera ou vendra à l'avenir. Si le licencié désire obtenir des droits sur ces nouveaux codes sources des produits d'Informix ou sur d'autres types de codes sources, il faudra conclure un contrat distinct dont les modalités devront être négociées.

En contrepartie de la licence du code source des produits, Informix interdit expressément au licencié, qui s'engage expressément à s'en abstenir, de distribuer, vendre, fabriquer ou copier le code source des produits en vue de le distribuer ou de le vendre, ou d'en disposer par tout autre moyen, de le divulguer ou de le communiquer à un tiers ou de permettre à ce dernier d'en faire l'utilisation.

En contrepartie de la licence du code source des produits, Informix interdit expressément au licencié, qui s'engage expressément à s'en abstenir, de distribuer, vendre, fabriquer ou copier les produits en vue de les distribuer ou de les vendre, ou d'en disposer par tout autre moyen, de les divulguer ou de les communiquer, en un format code objet exécutable, ce qui inclut toutes les compilations du code source des produits, ou toute partie, dans un format code objet exécutable, sauf pour ce qui est prévu au paragraphe 1 (B) ci-dessus. Il est cependant reconnu que le licencié souhaite obtenir le droit de distribuer, vendre, fabriquer ou copier les produits en vue de les distribuer ou de les vendre, ou d'en disposer par tout autre moyen, de les divulguer, de les communiquer ou de les utiliser, dans un format code objet exécutable, ce qui inclut toutes les compilations du code source des produits ou toute partie, en un format code objet exécutable, et l'octroi de ces droits est assujetti à un contrat distinct signé en même temps que le présent contrat.

Les droits conférés par Informix au licencié aux termes du présent contrat ne compromettent d'aucune façon le droit de propriété exclusif d'Informix sur le code source des produits et sur tout autre logiciel lui appartenant ou conçu, fabriqué, distribué ou vendu par Informix ou dont celle-ci dispose par tout autre moyen.

PAIEMENT ET LIVRAISON DU CODE SOURCE DES PRODUITS

S'il désire conserver l'accès au code source après la période d'examen, le licencié doit verser à Informix, à la date d'expiration de la période d'examen ou à la date à laquelle le licencié avise Informix de son désir d'entreprendre des travaux de modification et de développement du code source, la date qui survient le plus tôt étant celle à retenir, le montant non remboursable de cent cinquante mille dollars exactement (150 000 $ US), au 4100, Bohannon Drive, Menlo Park, Californie, 94025, en dollars américains, sans déduction de quelque nature que ce soit.

Informix accepte de faire parvenir au licencié, dans les cinq (5) jours de la date d'entrée en vigueur du présent contrat, le code source utilisable sur des ordinateurs personnels compatibles IBM sous le système d'exploitation DOS.

[...]

4. AVIS DE DROIT D'AUTEUR, LÉGENDES, MARQUES DE COMMERCE ET APPELLATIONS, ET SECRETS DE FABRICATION

A. Le licencié s'engage à apposer l'avis suivant sur les produits ANGOSS dans lesquels les produits ont été compilés et incorporés en tout ou en partie : « Certaines parties de ce produit font l'objet d'une licence, sont la propriété d'Informix Software Inc. et sont visées par des droits d'auteur 1979 - 1991 d’Informix Software Inc. »

Le licencié s'engage également à ne pas utiliser, par quelque autre moyen que ce soit, une marque de commerce ou appellation d'Informix reconnue comme appartenant exclusivement à Informix, sans son consentement écrit préalable.

[...]

MISE EN APPLICATION ET MODIFICATIONS

Le présent contrat fait état de l'entente complète conclue entre les parties sur les sujets qui y sont mentionnés, à condition cependant qu'il soit reconnu que le présent contrat est signé en même temps que le contrat de distribution de produits modifiés conclu entre Informix et le licencié [...]

[12] Le contrat de licence de distribution de produits modifiés conclu entre Informix et l'appelante à titre de licencié, tel qu'il a été modifié, se lisait en partie ainsi :

[TRADUCTION]

1.1 Octroi d'une licence non exclusive. Par les présentes et sous réserve du paragraphe 1.2 du présent contrat, Informix accorde au licencié, moyennant le paiement d'une redevance, les licences suivantes, lesquelles ne sont pas transférables ni exclusives et peuvent être exercées dans le territoire de distribution seulement, et le licencié peut :

a) obtenir d'Informix les matrices de distribution en vue de fabriquer des produits en tout ou en partie a) à des fins de développement interne du programme de distributeur de produits modifiés et b) à des fins de distribution à des titulaires de sous-licence et à des utilisateurs finaux, en conjonction avec le progiciel d'application. Le licencié s'engage à apposer l'avis suivant sur tout produit ANGOSS dans lequel les produits ont été compilés ou incorporés en tout ou en partie : « Certaines parties de ce produit font l'objet d'une licence, sont la propriété d'Informix Software Inc., et sont visées par des droits d'auteur 1979 - 1991 d'Informix Software Inc. » . Le licencié utilisera la méthode de sérialisation ANGOSS pour tenir le compte de tous les exemplaires dans lesquels les produits sont compilés ou incorporés.

accorder le droit à un ou plusieurs distributeurs de distribuer et accorder des sous-licences des produits, avec les progiciels d'application ou comme partie intégrante de ceux-ci, à des revendeurs ou des utilisateurs finaux;

[...]

PIÈCE B

FRAIS, RABAIS ET PAIEMENTS

ARTICLE 1. RABAIS ET FRAIS

Achat à rabais. Il est reconnu que le licencié évaluera le code source du produit conformément au contrat de licence du code source signé en même temps que le présent contrat. Le licencié peut subséquemment accepter de conserver le code source en vue d'y apporter des modifications afin de mettre en marché et de distribuer le produit modifié en conjonction avec le progiciel d'application. Dans l'intervalle, le licencié peut choisir d'acquérir des licences des produits à rabais, selon les modalités suivantes :

À compter de la date d'entrée en vigueur du présent contrat jusqu'au 31 mars 1992, le licencié peut choisir d'acquérir des licences du code objet directement d'Informix moyennant 75 $ (US) pour chaque exemplaire du SmartWare II (version 1.5) (ou le licencié peut remplacer les noeuds d'accès au réseau local); dans ce cas, les exemplaires des versions code objet du produit seront fournis au licencié de la manière la moins coûteuse pour Informix, ce qui peut signifier un emballage minimal adéquat.

S'il fabrique les produits en utilisant le code source, qu'il peut modifier conformément au contrat de licence du code source signé en même temps que le présent contrat, le licencié paie les frais suivants à Informix :

1 à 1 000 exemplaires 50 $ US l'exemplaire

1 001 à 5 000 exemplaires 40 $ US l'exemplaire

5 001 exemplaires et plus 25 $ US l'exemplaire

Le licencié peut acheter directement à Informix la documentation de l'utilisateur relative aux produits moyennant le paiement de cent dollars (100 $ US) l'exemplaire.

[13] Pour que le tableau soit complet, je dois mentionner qu'en janvier 1993 un nouveau contrat de licence de distribution internationale avec droits de fabrication a été conclu par l'appelante et Informix. Ce contrat, qui a remplacé les deux contrats précédents, n'est pas pertinent quant à la nature du paiement fait aux termes du contrat de licence du code source.

[14] Il s'agit donc de déterminer quelle est la contrepartie du paiement de 150 000 $ US.

[15] L'intimée soutient que le paiement était de la nature :

d) du loyer, de la redevance ou d'un paiement semblable, y compris, sans préjudice de la portée générale de ce qui précède, un paiement fait :

en vue d'utiliser, ou d'obtenir le droit d'utiliser, au Canada, des biens [...] formules secrètes, procédés de fabrication, ou toute autre chose [...]

[16] L'appelante concède qu'il peut être soutenu que le paiement est visé par cette disposition, mais elle fait valoir que, s'il s'agit d'une redevance ou d'un paiement semblable, il se rapporte à un droit d'auteur et est par conséquent exempt en application du sous-alinéa 212(1)d)(vi).

[17] En général, le terme « redevance » désigne le paiement effectué périodiquement en fonction de l'utilisation, de la production ou des ventes. L'avocate de l'intimée soutient que, même si le montant de 150 000 $ US n'est pas une redevance ou un paiement semblable, le terme « un paiement » dans la disposition en question n'est pas de la même nature que le loyer ou la redevance et est suffisamment large pour couvrir le versement unique.

[18] Le montant de 150 000 $ US est décrit dans le contrat de licence du code source comme représentant des « frais de licence » et, à mon avis, c'est précisément ce qu'il est — des frais pour l'utilisation du code source. Pour cette raison, je crois, nonobstant l'absence de périodicité, qu'il est « semblable » à une redevance.

[19] L'avocate de l'intimée a indiqué que, s'il faut le qualifier, le montant de 150 000 $ US est une forme de dépôt de garantie ou de paiement visant à sceller une entente relative à la licence, ou à montrer la bonne foi de l'appelante et sa volonté ferme de maintenir la relation. Je crois que cette prétention se prête à deux réponses. Premièrement, le paiement ne devait être fait que lorsque l'appelante aurait examiné le code source et aurait décidé définitivement de prendre la licence. Deuxièmement, si la qualification suggérée par l'intimée était juste, le paiement ne serait aucunement visé par le sous-alinéa 212(1)d)(i).

[20] Les termes redevance ou paiement semblable sont utilisés aux sous-alinéas 212(1)d)(i) et (vi) et ont le même sens. Le paiement a-t-il été fait « à l'égard d'un droit d'auteur au titre de la production ou de la reproduction d'une oeuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique » ?

[21] Il est parfaitement clair que le code source d'un programme d'ordinateur implique l'existence d'un droit d'auteur. C'était le cas même avant la modification de la Loi sur le droit d'auteur, qui a inclus dans la définition d' « oeuvre littéraire » les programmes d'ordinateur. Dans l'arrêt Apple Computer, Inc. v. Mackintosh Computers Ltd. (1990), 71 D.L.R. (4th) 95, la Cour suprême du Canada, qui a confirmé les jugements de la Section de première instance de la Cour fédérale et de la Cour d'appel fédérale, a statué que les codes sources incorporés dans des microplaquettes électroniques étaient protégés par le paragraphe 3(1) de la Loi sur le droit d'auteur, S.R.C. 1970, ch. C-30, qui était libellé dans les termes suivants :

3. (1) Pour les fins de la présente loi, le « droit d'auteur » désigne le droit exclusif de produire ou de reproduire une oeuvre, ou une partie importante de celle-ci, sous une forme matérielle quelconque, [...] ce droit comprend, en outre, le droit exclusif

de produire, reproduire, représenter ou publier une traduction de l'oeuvre;

[...]

s'il s'agit d'une oeuvre littéraire, dramatique ou musicale, de confectionner toute empreinte, tout rouleau perforé, film cinématographique ou autres organes quelconques à l'aide desquels l'oeuvre pourra être exécutée ou représentée ou débitée mécaniquement;

[22] Dans l'ouvrage intitulé Computer Law, Barry B. Sookman, 1991, Thomson Canada Limited, écrit, aux pages 3-66 et 3-67 :

[TRADUCTION]

Code source

Dans de nombreuses affaires tranchées avant l'adoption du projet de loi C-60, il a été jugé que les programmes d'ordinateur, dans leur format code source, satisfaisaient aux conditions relatives à la protection du droit d'auteur en tant qu'oeuvres littéraires355. Dans IBM Corp. v. Ordinateur Spirales356 et Apple Computer Inc. v. Mackintosh Computers Ltd.357, le juge Reed s'est dit d'avis que les codes sources sont protégés en vertu de la Loi pour le motif qu'ils sont l'expression d'une idée dans un format alphanumérique original358. Nul besoin que le contenu ait une signification dans un langage; les codes sources jouissent de la même protection qu'une liste de termes dénués de sens utilisés comme codes télégraphiques359, ou qu'une méthode de sténographie360. De nombreuses décisions rendues aux États-Unis ont elles aussi protégé le code source comme étant une oeuvre de l'esprit fixée sur un support d'expression matériel361.

(les nombreuses notes en bas de page sont omises.)

[23] Il s'ensuit donc qu'un code source d'ordinateur est une oeuvre littéraire à laquelle se rattache un droit d'auteur. Il est clair également que le paiement en litige a été fait en vue d'obtenir le droit d'utiliser ou de reproduire le code source et qu'il a par conséquent été fait « à l'égard d'un droit d'auteur au titre de la production ou de la reproduction d'une oeuvre littéraire [...] » .

[24] En conséquence, le paiement est exempt de retenue de l'impôt en vertu du sous-alinéa 212(1)d)(vi) de la Loi.

[25] Même si j'ai tort de rejeter l'argument de l'intimée selon lequel le paiement est visé par les termes « un paiement fait [...] en vue d'utiliser, ou d'obtenir le droit d'utiliser, au Canada, [...] toute autre chose » qui figurent au début de l'alinéa 212(1)d) et du sous-alinéa (i) de cet alinéa, et non par les termes « d'une redevance ou d'un paiement semblable » du sous-alinéa (vi), je crois que le paiement est de toute façon protégé par la Convention. Le terme « redevance » est défini à la clause 4 de l'article XII comme désignant « les rémunérations de toute nature payées pour l'usage ou la concession de l'usage d'un droit d'auteur sur une oeuvre littéraire, artistique ou scientifique [...] » .

[26] De toute évidence, le montant de 150 000 $ est un paiement de cette nature.

[27] L'appel est admis avec frais et la retenue d'impôt des non-résidents est annulée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de février 1999.

« D. G. H. Bowman »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 26e jour de novembre 1999.

Mario Lagacé, réviseur

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