Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 19990121

Dossier: 96-292-IT-G

ENTRE :

RÉGENT MILLETTE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus les 22, 23 juin 1998, à Montréal (Québec), et le 29 juin 1998, à Ottawa (Ontario), par l’honorable juge Louise Lamarre Proulx

Motifs du jugement

Le juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1] L'appelant interjette appel des nouvelles cotisations du ministre du Revenu national (le “Ministre”) pour les années d'imposition 1986 à 1992.

[2] Pour chacune des années en cause, le Ministre a ajouté du revenu d'intérêt, provenant de prêts hypothécaires, aux montants respectifs de 95 802 $, 119 070 $, 56 301 $, 41 373 $, 74 857 $, 77 948 $ et 71 465 $. Pour l'année 1989, il a ajouté un profit sur vente d'immeuble au montant de 120 000 $ et pour l'année 1991, il a ajouté un revenu de dividendes au montant de 348 $. Ces revenus n'avaient d'aucune manière été mentionnés dans les déclarations de revenu de l'appelant.

[3] Le Ministre a également imposé une pénalité pour chacune des années en cause en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “Loi”).

[4] L'annexe A à la Réponse amendée à l'Avis d'appel réamendé (la “Réponse”) décrit tous les contrats de prêts hypothécaires faits par l'appelant au cours des années en cause. On y trouve les numéros de lot et les adresses civiques des propriétés hypothéquées, le nom des emprunteurs, le numéro du contrat, la date du contrat, le montant prêté, le taux d'intérêt et les intérêts dus pour chacune des années en cause. Pour chacun de ces contrats qui ont tous été produits comme pièces à l'appui, ont également été produites comme pièces à l'appui les quittances. On y voit aussi toutes les différentes transactions qui ont mené au profit sur vente d'immeuble dans l'année 1989.

[5] De plus, le Ministre a indiqué au paragraphe 6.1 de la Réponse que l'appelant a omis de déclarer d'autres revenus d'intérêts pour les prêts énumérés à l'annexe B de la Réponse. Le paragraphe 6.1 de la Réponse se lit comme suit :

6.1 En plus des revenus d'intérêt non déclarés et énumérés aux paragraphes 4 et 4.1 de cette réponse amendée, l'appelant a omis de déclarer des revenus d'intérêt pour les prêts énumérés à l'annexe “B” de cette réponse amendée. Les intérêts de ces prêts n'ont pas été inclus au revenu de l'appelant pour les années en litige par Revenu Canada ou l'appelant.

[6] Les intérêts de ces prêts n'ont pas été inclus au revenu de l'appelant pour les années en litige par Revenu Canada lors des nouvelles cotisations parce que ces prêts ne sont venus à sa connaissance qu'en mai 1998, un mois avant l'audition de cette cause. Le calcul même des intérêts n'a été présenté que lors de l'audition. Le Ministre demande que la Cour prenne en considération ces intérêts pour compenser le cas échéant toute réduction du revenu imposé.

[7] L'appelant dans son Avis d'appel réamendé, soutient d'une part que la cotisation du Ministre est arbitraire parce qu'elle serait fondée sur une preuve documentaire non vérifiée. Il prétend qu'il n'a pas reçu les sommes alléguées par le Ministre. D'autre part, l'appelant déclare qu'il fera la preuve de certaines dépenses qu'il aurait engagées à l'encontre des revenus d'entreprise imposés par le Ministre.

[8] Monsieur Eric Saulnier-Millette et l'appelant ont témoigné pour l'appelant. Monsieur Alain Tessier, vérificateur à Revenu Canada, a témoigné à la demande de l'avocat de l'intimée.

[9] Monsieur Eric Saulnier-Millette, fils de l'appelant, a aidé ce dernier dans la préparation de son appel. Il a préparé un document de travail, pièce A-3, qui explique la position de l'appelant. Pour chaque année en cause, il a pris le montant d'intérêts calculés par le Ministre et de ce montant, il indique les sommes qui selon l'appelant devraient être déduites de ce revenu. Les feuilles de travail du vérificateur ont été déposées par l'appelant comme pièce A-5. Une autre pièce déposée par l'appelant est la pièce A-4 qui est un résumé de la pièce A-5. Il s'agit aussi de documents de travail du vérificateur du Ministre. C'est sur la base de ces documents que la pièce A-3 a été préparée. L'avocat de l'intimée dans sa plaidoirie écrite a suivi ce même plan. Donc, ce document est essentiel au débat judiciaire et les motifs de jugement suivront cet ordre.

[10] Je vais parler d'abord du témoignage de monsieur Tessier. Il a expliqué qu'il est allé au bureau d'enregistrement de Laval et à celui de Montréal et qu'il a cherché à l'index des noms tous les contrats qui ont été enregistrés au nom de monsieur Régent Millette, au nom de son fils Éric Saulnier-Millette, (né en novembre 1973), et au nom de son épouse Mireille Saulnier-Millette. Le vérificateur du Ministre a lu ces contrats et a noté l'information. Il s'agissait en majeure partie de contrats de prêts hypothécaires et pour une moindre partie de contrats de rachats et de revente d'immeubles. Il a noté pour chacun des contrats la date du contrat, le montant prêté, le taux d'intérêt, la durée et l'échéance du contrat. Selon l'historique de chacun des immeubles, il a pu voir s'il y avait eu des prolongations de délai ou des renouvellements concernant le même immeuble. De plus, il a vérifié pour chacun des contrats s'il y avait une date de radiation et il a vérifié au registre des radiations pour s'assurer de la date exacte de la radiation. À partir de toutes ces informations, il a procédé au calcul des revenus d'intérêts. La liste de tous ces prêts et autres transactions ainsi que le calcul des intérêts et profits sur vente se trouvent à l'annexe A de la Réponse.

[11] Le vérificateur est aussi entré en communication avec quelques débiteurs qu'il avait sélectionnés dans un but d'échantillonnage. Il a obtenu des débiteurs des photocopies de chèques qui avaient été émis soit à l'appelant ou soit à monsieur Éric Saulnier-Millette. Il a vérifié l'endos des chèques et il a constaté que monsieur Millette encaissait ces chèques dans 22 comptes de banque différents, dans 12 institutions bancaires différentes.

[12] Il a envoyé à l'appelant, en date du 23 juin 1993, un projet de cotisation. Le 22 juillet 1993, il a reçu de monsieur Millette une demande de prolongation du délai. Le 15 septembre 1993, monsieur Millette est venu le rencontrer au bureau de Laval. Il prétendait qu'il n'avait pas reçu tous les intérêts et qu'il avait perdu des sommes d'argent et qu'il avait de mauvaises créances. Le vérificateur lui a demandé les preuves, il a répondu que tous les documents étaient au ministère du Revenu du Québec. Il n'avait pas de livres comptables parce qu'il n'avait jamais tenu de comptabilité et les quelques documents qu'il aurait pu détenir étaient en la possession de Revenu Québec. Selon le rapport de l'agent aux appels que monsieur Tessier avait en mains, rapport daté du 12 octobre 1995, monsieur Millette n'a jamais fait parvenir l'information additionnelle de documents prouvant les pertes ou les mauvaises créances.

[13] Le vérificateur du Ministre explique pourquoi les prêts dont la liste paraît à l'annexe B, n'ont pas été inclus dans la cotisation. Il a pris connaissance de ces documents au mois de mai 1998, par les documents obtenus de Revenu Québec. Il s'agit aussi de prêts hypothécaires, mais qui sont inscrits dans les bureaux d'enregistrement de Longueuil et autres bureaux. Sa recherche avait été faite dans les bureaux d'enregistrement de Montréal et de Laval. Tous les documents mentionnés à l'annexe B à l'exception du premier se trouvent à la pièce I-4.

[14] L'appelant est un professeur d'école maintenant à la retraite. Dans les années en litige, il était professeur pour la Commission scolaire des Mille-Iles. Il est dans l'entreprise de prêt d'argent depuis 1980. Il admet qu'il n'a jamais déclaré les revenus provenant de cette source.

[15] En ce qui concerne l'année 1986, le revenu d'entreprise aurait du être selon l'appelant de 51 898,26 $ et non de 95 802 $. Comme je l'ai mentionné précédemment, la pièce A-3 est un document de travail de l'appelant qui reprend les revenus d'entreprise qui ont été ajoutés par le Ministre et indique à chaque année les sommes qui, selon l'appelant, devraient être déduites de ce revenu d'entreprise. Les sommes qui devraient être déduites, selon l'appelant, sont le montant de 7 300 $ concernant une pénalité pour remboursement avant terme d'un prêt de 60 000 $ paraissant à l'onglet 77 de la pièce I-2. La quittance a été produite à l'onglet 78 de la même pièce. Lors de l'audience, l'intimée à consenti à ce que cette somme soit réduite de 5 800 $, étant donné une erreur d'interprétation faite par le vérificateur lors du calcul du montant de la pénalité pour remboursement avant terme. Au lieu de 7 300 $, cette somme doit être de 1 500 $. L'appelant prétend ne pas avoir reçu ce montant, parce qu'il ne l'aurait pas exigé. La quittance ne fait toutefois aucune mention que cette pénalité pour remboursement avant terme n'a pas été payée, tel que prévu au terme du contrat de prêt. L'appelant réclame une autre réduction au montant de 11 000 $. Cette somme concerne aussi une pénalité pour remboursement avant terme d'un prêt de 120 000 $, produit à l'onglet 79 de la pièce I-2. La quittance a été produite à l'onglet 80 de la même pièce. Lors de l'audience, l'intimée a consenti à ce que cette somme soit réduite de 9 439 $, étant donné une erreur dans le calcul de la pénalité. Il reste toutefois une somme de 1 561 $ que l'appelant prétend ne pas avoir exigé quoique dans la quittance l'appelant reconnaît avoir reçu toutes les sommes en capital et intérêts qui lui étaient dus. L'appelant demande que son revenu soit diminué d'une somme de 640 $, qui représente également une pénalité pour remboursement avant terme d'un prêt de 16 000 $, produit à l'onglet 86 de la pièce I-2. La quittance a été produite à l'onglet 87, et dans cette quittance, l'appelant reconnaît avoir reçu toutes les sommes en capital et intérêts qui lui sont dues. L'appelant demande que soit déduit une somme de 3 850 $ qui représente une pénalité pour remboursement avant terme d'un prêt de 70 000 $, qui est produit à l'onglet 98 de la pièce I-2. Selon la quittance produite à l'onglet 99 de la pièce I-2, l'appelant reconnaît avoir reçu toutes les sommes en capital et intérêts qui lui sont dues.

[16] Pour cette année 1986, l'appelant réclame que soit déduit des frais de bureau de 5 000 $. Ces frais de bureau sont demandés pour chacune des années en litige. Ils sont demandés globalement pour électricité, taxes, ligne de téléphone supplémentaire, papeterie, transport, essence et automobile. Il n'y a pas de répartition à l'égard de chaque chef et il n'y a aucun document. Ils sont demandés par une inscription à la pièce A-3, un document qui a été produit le jour de l'audience.

[17] Pour la même année 1986, l'appelant réclame que soient déduits des frais financiers au montant total de 16 113,74 $. Cette somme porte sur des intérêts payés à la Caisse populaire La Concorde, totalisant 12 498,11 $. Cette réclamation de l'appelant est fondée sur une lettre de la Caisse en date du 1er mai 1990, onglet 2 de la pièce A-1, faisant état des intérêts payés par l'appelant. L'appelant réclame aussi la somme de 3 615,63 $ pour des intérêts payés à la Banque nationale du Canada. Toutefois, le document apporté en preuve et qui paraît à l'onglet 2 de la pièce A-1, à la page A-2, montre des intérêts pour un montant de 2 831,91 $.

[18] De plus, pour la même année 1986, la preuve a démontré que l'appelant a perçu des intérêts additionnels de 9 655 $. La mention de ces revenus additionnels a été faite dans la Réponse amendée à l'Avis d'appel réamendé. L'Avis d'appel réamendé a été produit le 11 mars 1998. La Réponse a été produite le 5 juin 1998. L'interrogatoire au préalable a eu lieu le 2 novembre 1997. Lors de son interrogatoire préalable, l'appelant avait déclaré sous serment qu'il n'y avait pas d'autres prêts que ceux énumérés à la pièce A-4, soit le document préparé par le vérificateur du Ministre. Cette déclaration se retrouve aux pages 71 à 74 de la pièce A-7.

[19] En ce qui concerne l'année 1986, la réduction accordée serait de 15 230 $. Cependant comme les revenus d'intérêts non déclarés et non cotisés sont de 9 655 $, le Ministre consent à ce que le revenu imposable de l'appelant soit réduit de 5 584 $.

[20] Année 1987 : selon le tableau produit sous la cote A-3, le montant total du revenu d'intérêts sur prêts qui a été calculé par le Ministre est de 119 070 $. Selon l'appelant, il devrait plutôt réclamer une perte de 262 621,24 $.

[21] L'appelant réclame que soit déduit un montant de 1 800 $. Cette somme représente les intérêts accordés par jugement contre des emprunteurs (onglet 14, pièce A-1) car un des débiteurs aurait fait faillite (onglet 15, pièce A-1) en 1990. Cependant, cette faillite a eu lieu en 1990 et il n'y a aucune preuve que l'autre débiteur soit insolvable à part l'allégation à cet effet de l'appelant. Ce prêt est garanti par une hypothèque sur un immeuble et il n'y a aucune preuve que cette garantie hypothécaire ne soit pas toujours valable.

[22] L'appelant réclame que son revenu soit réduit de 5 500 $, 15 844 $ et 275 000 $. Les deux premières sommes représentent respectivement les intérêts sur deux prêts de 80 000 $ et 195 000 $, reproduits aux onglets 4 et 6 de la pièce A-1. Le troisième montant représente une perte concernant le capital de ces deux prêts. Le 24 février 1987, l'appelant a consenti un prêt de 80 000 $ à un taux d'intérêt de 15 pour-cent (onglet 4, pièce A-1). Le 16 septembre 1987, l'appelant a cédé cette créance pour un dollar et autres bonnes et valables considérations (onglet 5, pièce A-1). Le 9 mars 1987, l'appelant a consenti un prêt de 195 000 $ à un taux d'intérêt de 15 pour-cent (onglet 6, pièce A-1). Le 16 septembre 1987, cette créance a été cédée pour un dollar et autres bonnes et valables considérations (onglet 7, pièce A-1). L'appelant fait état que dans le transport de créance produit à l'onglet 5 de la pièce A-1, on lit ce qui suit : “De plus, le débiteur déclare qu'aucun versement de capital et d'intérêt n'a été fait.” Par ailleurs, une clause de cette même cession de créance dit ceci : “Aux termes dudit acte (l'emprunt de 80 000 $ en date du 24 février 1987) la somme de quatre-vingt mille dollars (80 000 $) porte intérêt au taux de QUINZE pourcent (15 %) l'an, calculé semestriellement et non à l'avance... Le présent transport de créance est consenti pour et en considération de la somme de un dollar (1 $) et autres bonnes et valables considérations que le cédant reconnaît avoir reçu du cessionnaire, dont quittance générale et finale.

[23] En ce qui concerne le deuxième prêt, soit celui de 195 000 $ et que l'on retrouve à l'onglet 6 de la pièce A-1, on y trouve cette déclaration spéciale : “Les parties aux présentes déclarent que le présent prêt annule celui passé devant le notaire soussigné, le 27 février 1987, sous sa minute 9477, au montant de 130 000 $, lequel n'a pas été enregistré.

[24] L'appelant prétend n'avoir rien reçu en ce qui concerne les intérêts sur ces prêts et que de plus, il a perdu le capital de ces deux prêts. Il prétend qu'il a été induit en erreur lors de la passation de ces contrats de prêts. Par ailleurs, le deuxième contrat de prêt, celui de 195 000 $, a été passé le 9 mars 1987 et il majorait de 65 000 $ un prêt non enregistré, fait en date du 27 février, au montant de 130 000 $. L'avocat de l'intimée fait valoir que si, tel que le prétend l'appelant, il a été induit en erreur, il est impossible de comprendre comment il a pu signer le deuxième prêt et qu'il n'y a aucune preuve documentaire à l'effet que l'appelant n'a pas reçu paiement des intérêts, tel que mentionné à ces prêts et que lors du transfert des créances, que les bonnes et valables considérations n'ont pas été expliquées.

[25] Le montant de 437 $ dont la déduction est demandée par l'appelant représente des intérêts accordés par un jugement qui est reproduit à l'onglet 12 de la pièce A-1. Il n'y a aucune preuve que ces intérêts n'ont pas été payés.

[26] La somme de 600 $ demandée en déduction par l'appelant représente une pénalité pour remboursement avant terme d'un prêt produit à l'onglet 82 de la pièce I-2. La quittance notariée qui paraît à l'onglet 83 de la pièce I-2, reconnaît que toutes les sommes en capital et intérêts ont été payées. Un montant de 2 200 $ est également demandé en déduction par l'appelant. Il concerne un remboursement avant terme d'un prêt produit à l'onglet 110 de la pièce I-2. La quittance produite à l'onglet 111 de la même pièce I-2 reconnaît que toutes les sommes en capital et intérêts ont été payées.

[27] Toujours pour l'année 1987, l'appelant réclame des frais financiers au montant total de 8 599 $. L'avocat de l'intimée s'oppose à la déduction de ces frais parce qu'il n'y a aucune preuve de l'utilisation des argents empruntés pour les fins de l'entreprise de prêt.

[28] Toujours selon la pièce A-3 et pour l'année 1987, l'appelant réclame des frais juridiques au montant de 5 592 $. L'avocat de l'intimée ne s'y oppose pas.

[29] Toujours pour la même année et selon la même pièce A-3, l'appelant réclame des dépenses au montant de 11 118,36 $ faites pour deux propriétés, l'une sise au 3461-67 Cartier et l'autre au 2281-91 Dorion (voir onglet 17, pièce A-1).

[30] En ce qui concerne la propriété sise sur la rue Cartier, il s'agit d'un immeuble hypothéqué en faveur de l'appelant, en date du 14 août 1985. Les dépenses faites pour cet immeuble sont notamment des paiements de taxe et/ou autres dépenses pour en assurer le gage hypothécaire en faveur de l'appelant. L'avocat de l'intimée fait valoir que ces sommes payées doivent être considérées comme des prêts additionnels accordés à l'emprunteur hypothécaire. À l'onglet 163 de la pièce I-3, l'appelant reconnaît avoir reçu de l'emprunteur hypothécaire toutes les sommes dues en vertu de l'acte de prêt qu'on trouve à l'onglet 162 de la pièce I-3.

[31] En ce qui concerne les dépenses au montant de 4 263,93 $, pour l'immeuble situé sur la rue Dorion, l'avocat de l'intimée fait valoir que ces déboursés doivent être ajoutés au coût de l'immeuble et considérés lors de la disposition en 1989. En effet, un jugement rendu le 19 mai 1988 (onglet 19, pièce A-1) déclare l'appelant propriétaire suite à une action de dation en paiement. L'avocat de l'intimée fait valoir que ces dépenses sont des prêts additionnels faits à l'emprunteur hypothécaire et vu qu'il y a eu reprise de l'immeuble, ceux-ci doivent être ajoutés au coût de l'immeuble en vertu de l'article 79 de la Loi.

[32] Toujours selon la pièce A-3 et pour l'année 1987, l'appelant réclame une perte de 20 000 $ suite à un prêt de 70 000 $ (onglet 12, pièce A-1). Il n'y a aucune preuve écrite prouvant la perte de cette somme.

[33] Toujours à la même pièce A-3 et pour l'année 1987, l'appelant réclame une déduction de 30 000 $ comme perte faite suite à un prêt (onglet 14, pièce A-1). Il n'y a aucune preuve écrite de la perte de ce montant. À l'égard de ce prêt, il est intéressant de lire la déposition de monsieur Éric Saulnier-Millette qui a préparé le document A-3, pages 75 à 78 des notes sténographiques. Il demande que soit déduit en 1987 un montant d'intérêts parce que le débiteur principal a fait faillite en 1990. Il omet de mentionner que le prêt était cautionné par une autre personne. C'est l'avocat de l'intimée qui fait ressortir cet aspect.

[34] L'avocat de l'intimée fait valoir que la preuve a démontré que l'appelant a perçu des intérêts additionnels de 25 154 $ pour des prêts décrits à l'annexe B de la Réponse. En résumé, l'intimée soutient que le revenu imposable de l'appelant ne doit pas être réduit pour l'année d'imposition 1987. Les déductions accordées seraient au montant de 5 600 $, mais vu le revenu d'intérêt non déclaré et non cotisé au montant de 25 154 $, l'avocat de l'intimée fait valoir qu'aucune déduction ne peut être accordée à l'appelant pour cette année.

[35] Année 1988 : montant ajouté selon le Ministre, 56 301 $. Selon l'appelant, le montant devrait être 14 064,10 $. Les faits pour cette année ne sont pas tellement différents que pour les années antérieures. Il y a un montant de 2 475 $ que l'appelant demande de déduire du revenu parce qu'il s'agit d'intérêts accordés par jugement et que l'appelant n'aurait pas reçu ces intérêts.

[36] Il s'agit d'une somme de 4 346,41 $, demandée comme frais financiers payés à titre d'intérêts à quelques institutions bancaires. En ce qui concerne ce montant, l'intimée ne s'oppose pas à la réduction de 2 510 $ et 220,15 $. Par contre, l'avocat de l'intimée fait valoir qu'à l'égard des sommes concernant la Banque de St-Hyacinthe, l'appelant n'a pas fait la démonstration que ces sommes avaient été empruntées dans le cadre de son entreprise.

[37] Il s'agit d'une somme de 17 570,62 $ payée en frais juridiques. L'avocat de l'intimée conteste des frais juridiques au montant de 5 000 $ et 3 000 $, puisque la preuve documentaire démontre clairement que ces sommes sont prêtées à monsieur Marcel Millette (voir onglet 24 de la pièce A-1). En ce qui concerne un montant de 7 686,86 $, l'avocat de l'intimée fait valoir qu'il se limite à 6 733,80 $, étant donné la décision que l'on retrouve à la dernière page de l'onglet 24, pièce A-1, qui établit les honoraires à 6 733,80 $.

[38] En ce qui concerne la réduction pour un montant de 36 $, l'avocat de l'intimée y consent.

[39] En ce qui concerne la demande de déduction au montant de 8 808,87 $ pour des dépenses faites pour des propriétés sises rue Cartier et Dorion, selon l'avocat de l'intimée, elles sont soit une augmentation des emprunts faits par le débiteur hypothécaire qui est à ce moment le propriétaire des immeubles, soit encore elles doivent être capitalisées et ajoutées au coût de l'immeuble si le créancier hypothécaire devient propriétaire.

[40] En ce qui concerne la somme de 4 000 $, prêtée sur la garantie d'une voiture, l'avocat de l'intimée fait valoir qu'il est raisonnable de croire que la voiture valait à cette date l'équivalent de 4 000 $.

[41] L'avocat de l'intimée fait valoir que les intérêts sur prêts non déclarés et qui n'ont pas fait l'objet de la cotisation étaient au montant de 57 232 $. Donc, pour l'année 1988, l'avocat de l'intimée fait valoir que le montant de revenu pourrait être réduit de 11 384,04 $. Par ailleurs le revenu non déclaré et non cotisé provenant des contrats décrits à l'annexe B était au montant de 57 232 $, ce qui fait qu'aucune réduction ne devrait être accordée pour cette année.

[42] Année 1989 : En ce qui concerne l'année 1989, il s'agit de l'année où en plus des revenus d'intérêts, le Ministre avait inclus un profit sur vente d'immeuble au montant de 120 000 $. Ces immeubles avaient été pris en possession par l'appelant en tant que créancier hypothécaire et revendus. Le montant de 120 000 $ se divisait en deux profits de 60 000 $ faits sur la propriété sise au 3445-49 Cartier et 2281-91 Dorion.

[43] En ce qui concerne la propriété sise sur la rue Dorion, le profit en a été diminué de 16 985,56 $ parce que le Ministre pris en compte les intérêts non perçus sur les contrats de prêts. Donc, au lieu de 60 000 $, le profit est de 43 014,44 $. Le calcul selon l'avocat de l'intimée a été fait en conformité avec l'article 79 de la Loi.

[44] En ce qui concerne la propriété sise sur la rue Cartier, le profit en a été réduit de 48 522,56 $. Donc au lieu d'être 60 000 $, le profit est de 11 477,44 $. La réduction du profit provient des dépenses faites pour la conservation de l'immeuble hypothéqué par l'appelant et que l'on retrouve à l'onglet 22 de la pièce A-1 et des intérêts non perçus. Le calcul selon l'avocat de l'intimée a été fait en conformité avec l'article 79 de la Loi.

[45] L'avocat de l'intimée fait également valoir que l'appelant a réalisé un profit de 23 586 $ sur la disposition de l'immeuble situé au 1201-11 de la rue Jean-Talon.

[46] L'intimée ne conteste pas les frais juridiques totalisant 3 880,40 $.

[47] La preuve a démontré que l'appelant a perçu des intérêts additionnels de 56 512 $ pour des prêts qui n'étaient pas à la connaissance du Ministre lors de la cotisation et décrits à l'annexe B.

[48] En résumé, pour l'année 1989, le Ministre consent à ce que le revenu imposable de l'appelant soit réduit de 13 421 $. Les réductions accordées seraient au montant de 69 933 $, moins les revenus d'intérêts non déclarés de l'annexe B au montant de 55 512 $, ce qui fait une réduction totale de 13 421 $.

[49] Année 1990 : selon le tableau produit sous la cote A-3, l'appelant réclame une réduction du revenu d'un montant de 3 500 $, qui représente des intérêts sur un prêt qui n'avaient pas été payés en 1990. Toutefois, suite à un jugement en date du 12 août 1994, l'appelant a obtenu la propriété de l'immeuble, garantissant l'emprunt hypothécaire. L'avocat de l'intimée soutient que les intérêts non perçus doivent être ajoutés au coût de l'immeuble en vertu de l'article 79 de la Loi.

[50] L'intimée consent à la dépense de 6 456,80 $ pour frais juridiques.

[51] L'appelant réclame des sommes de 162 363,89 $, 85 071,14 $ et 36 775,98 $, dans les trois cas concernant des reprises d'immeubles dans le cas de forclusion hypothécaire. L'avocat de l'intimée fait valoir que, en vertu du paragraphe 79h) de la Loi, lorsqu'il y a forclusion hypothécaire, aucune somme n'est déductible relativement à la créance, en vertu de l'alinéa 20(1)p). Le contribuable est réputé avoir acquis l'immeuble à un coût égal à la créance. De plus, il y a absence de preuve en ce qui concerne la juste valeur marchande de l'immeuble.

[52] En résumé, les réductions accordées seraient au montant de 7 675,67 $, mais comme il y avait un revenu d'intérêts additionnel au montant de 53 127 $, le Ministre ne consent à aucune réduction.

[53] Année 1991 : Pour l'année 1991, les demandes de réduction qui sont différentes de celles que l'on a vues dans les années précédentes, sont au montant de 21 542 $, 15 010 $, 1 000 $, 11 000 $ et 6 207 $. Il s'agissait de créances qui avaient été transférées au fils de l'appelant, monsieur Éric Saulnier-Millette. L'avocat de l'intimée fait valoir que la preuve a révélé que monsieur Saulnier-Millette n'était qu'un prête-nom pour son père.

[54] La preuve a démontré lors du procès que l'appelant a reçu des intérêts additionnels de 52 404 $. Donc, en résumé l'intimée serait prête à accorder une réduction de 3 830,62 $, toutefois comme les revenus d'intérêts de l'annexe B sont au montant de 52 404 $, il n'y a aucune réduction possible.

[55] Année 1992 : La nature des demandes de réduction ne diffèrent pas de celles des années précédentes. En ce qui concerne l'année 1992, l'intimée pourrait accorder une réduction au montant de 9 746,13 $. Toutefois, l'appelant a perçu des intérêts additionnels au montant de 37 989 $. Donc l'intimée soutient que l'appelant n'a droit à aucune réduction pour cette année.

[56] En conclusion, l'intimée demande d'accorder l'appel pour l'année 1986 en réduisant le revenu de 5 584 $, de rejeter les appels pour les années 1987, 1988, 1990, 1991 et 1992, et d'accorder l'appel pour l'année 1989, en réduisant le revenu de 16 985,56 $. Le tout avec dépens pour l'intimée.

Analyse et conclusions

[57] Dans mon rapport de la preuve, j'ai accordé beaucoup de crédit aux propos de l'avocat de l'intimée et peu, si ce n'est pas du tout, à ceux de l'appelant parce que, et c'est à regret que je le dis, les propos de l'appelant ne sont pas fiables. Ainsi, il a indiqué lors de son interrogatoire au préalable qu'il n'y avait pas d'autres prêts que ceux découverts par le vérificateur du Ministre et décrits à l'annexe A. Or, en mai 1998, le vérificateur du Ministre a été informé de tous ceux que l'on trouve à l'annexe B de la Réponse. L'appelant suggère dans sa plaidoirie que Revenu Canada n'avait qu'à s'informer à Revenu Québec. De telles affirmations ne peuvent que confirmer que l'appelant n'est pas crédible.

[58] Dans son avis d'appel, l'appelant avait déclaré que la cotisation du Ministre était arbitraire parce que fondée sur une preuve documentaire non vérifiée et il alléguait qu'il n'avait pas reçu les sommes incluses. Or, tous les contrats d'emprunt ont été produits par le Ministre et aucun document soutenant les prétentions de l'appelant qu'il n'avait pas reçu les montants des pénalités pour remboursement avant terme n'a été produit. L'appelant prétend qu'il était sa coutume de ne pas exiger les pénalités pour remboursement avant terme. Pourquoi avoir inclus une telle clause dans les contrats de prêts et pourquoi les quittances n'en faisaient-elles jamais état? Il serait légalement difficile d'aller à l'encontre d'un écrit sur une simple preuve testimoniale d'autant plus quand la personne n'est pas crédible.

[59] L'avocat de l'intimée fait valoir que l'appelant est un homme informé qui connaissait la teneur des actes qu'il signait. Je me réfère à la page 2, point 3 de la plaidoirie écrite :

3. Il soutient respectueusement que lorsqu'on analyse la preuve dans cette affaire, il est nécessaire de se rappeler que l'appelant est un homme d'affaires scolarisé et expérimenté et qu'il connaît très bien l'effet des contrats notariés, des quittances, des cessions et, de façon générale, les rouages de la justice. En effet, l'appelant a signé de nombreux contrats de prêts hypothécaires, quittances et cessions de créance au cours des années. De plus, lorsque celui-ci désire qu'on lui rembourse les sommes prêtées, il n'hésite pas à prendre les procédures judiciaires pour arriver à ses fins. Avec des prêts qui dépassaient largement le demi-million par année, l'appelant est loin d'être novice en la matière.

[60] Les propos de l'avocat de l'intimée concernant la force probante des actes notariés expriment correctement la jurisprudence à cet égard, et je le cite aux pages 3 et 4 de sa plaidoirie écrite, aux points 10, 11 et 12 :

10. Le prêt et la quittance étant des actes notariés, l'appelant ne peut les contredire par preuve testimoniale et ainsi prétendre qu'il n'a pas reçu les pénalités prévues au contrat. En effet, dans l'affaire Régent Millette c. Moquin et al., l'honorable juge Brassard de la Cour supérieure du Québec a conclu qu'une “reconnaissance de dette est malheureusement fatale et les défendeurs ne peuvent pas contester le montant qu'ils ont admis avoir reçu et pour lequel ils donnent quittance”.

Régent Millette c. Moquin et al.,

Cour supérieure du Québec,

no 700-05-001209-901

11. Dans cette affaire, le demandeur Régent Millette réclamait la somme totale de 165 000 $ pour des prêts hypothécaires faits aux défendeurs. Ces prêts ont été faits par contrat notarié. Les défendeurs alléguaient en défense que les sommes prêtées étaient de beaucoup inférieures aux sommes déclarées au contrat et que le tout avait pour but de cacher un taux d'intérêt plus élevé. Même si le demandeur n'a pas réussi à convaincre le juge qu'il avait véritablement prêté la somme totale de 165 000 $ aux défendeurs, le juge lui a tout de même donné raison étant donné que les actes notariés ne pouvaient être contestés par les défendeurs.

12. Une autre décision de la Cour supérieure du Québec en date du 20 mai 1998 confirme que l'appelant ne peut contredire les actes notariés déposés en preuve. En effet, dans Régent Millette c. Franco Cigana, une décision qui a été portée à l'attention de l'intimée en juillet 1998, l'honorable juge Bélanger a donné raison au procureur du demandeur concernant une objection à la preuve testimoniale. Dans cette affaire, M. Millette s'est vu accorder par la Cour la somme de 979 935 $ avec intérêts pour le remboursement de 16 prêts fondés sur une preuve documentaire. Le juge a maintenu l'objet du demandeur et le défendeur n'a pu contredire les écrits valablement faits. Voir aussi l'article 1234 du C.c.B.-C. et les décisions Village Touristique Mont Sainte-Anne Inc. et Zieba.

Régent Millette c. Cigana

Cour supérieure du Québec,

(1998) A.Q. no 1641

Village Touristique Mont Sainte-Anne Inc. c. Boutique du Village Ski Michel Inc.,

Cour d'appel du Québec,

(1995) A.Q. no 789, paragraphes 13 et 14

Zieba c. Québec,

Cour supérieure du Québec,

(1997) A.Q. no 610, paragraphes 70 à 74

[61]Pour les raisons ci-avant données, aucune des affirmations de l'appelant à l'effet qu'il n'a pas reçu les pénalités pour remboursement avant terme et qu'il a perdu le capital de certaines sommes prêtées ne peut être acceptée.

[62] En ce qui a trait à l'application des prescriptions de l'article 79 de la Loi dans ce litige, lors de la forclusion d'hypothèques et de la revente des immeubles acquis suite aux forclusions, je suis d'avis qu'elles ont été correctement appliquées.

[63] En ce qui concerne les frais financiers, l'appelant fait valoir que l'emprunt hypothécaire au montant de 89 000 $ sur la résidence de l'appelant avait été fait dans le but de prêter cette somme dans le cadre de son entreprise de prêt. L'appelant dit ceci dans son argumentation et je le cite : “La preuve a toutefois démontré que cette résidence était antérieurement entièrement payée ...”. Or cette affirmation est clairement erronée. À la pièce A-8, à laquelle l'appelant renvoie la Cour et qui est le prêt hypothécaire accordé par la Banque nationale, dont l'appelant réclame les intérêts payés à titre de dépenses pour les fins de son entreprise de prêts hypothécaires, à l'alinéa 11c), on y lit ce qui suit : “Que l'immeuble hypothéqué est la propriété absolue du débiteur et libre de tout privilège et hypothèque ou autre charge, sauf et excepté une première hypothèque en faveur de la Caisse populaire de la Concorde, laquelle sera payée et radiée à même le produit des présentes.” Les intérêts payés sur ce dernier emprunt hypothécaire sont pour l'année 1986, de 3 615,63 $ et à la Caisse populaire de la Concorde de 12 498,11 $, selon la page 2 de la pièce A-3, document préparé par l'appelant. En ce qui concerne l'emprunt hypothécaire en date du 5 juillet 1989, le prêt au paragraphe 1b) mentionne que l'objet de l'emprunt est une construction de bâtisse selon les plans et devis ayant rapport à la propriété ci-après décrite et qui auront été approuvés par le créancier. On voit donc encore une fois que les affirmations, même celles écrites, de l'appelant ne sont pas fiables.

[64] L'avocat de l'intimée fait valoir, en ce qui concerne les frais financiers, qu'il n'y a aucune preuve à l'effet que la somme empruntée de la caisse a été utilisée pour les fins de l'entreprise, et pour cette raison, elle n'a pas été accordée à l'appelant. L'avocat de l'intimée fait valoir que la déduction de ces intérêts ne doit pas non plus être accordée, puisqu'on ne connaît pas le but pour lequel l'emprunt a été fait.

[65] Je suis d'avis que la preuve n'a pas révélé de lien entre les emprunts et l'argent prêté dans l'entreprise de prêts de l'appelant et qu'en conséquence, aucune déduction n'est permise en regard des frais financiers.

[66] L'appelant réclame des frais de bureau et de voiture pour une somme globale de 5 000 $ pour chacune des années en cause. Il n'y a aucune répartition du montant à l'égard des dépenses engagées. Aucun document n'a été soumis.

[67] En ce qui concerne les frais de bureau, l'avocat de l'intimée soumet qu'il n'y a aucune preuve à l'effet que cette somme a été dépensée dans le cadre de l'entreprise. Cette réclamation est fondée sur une vague estimation et ne peut faire l'objet d'une déduction. Il ne peut s'agir d'une dépense concernant une comptabilité quelconque de l'entreprise, puisque celle-ci est absente et ce, même si l'article 230 de la Loi l'exige. L'avocat de l'intimée ne fait pas de distinction entre les frais de bureaux et ceux de voiture comme ils sont englobés par l'appelant sous un même titre.

[68] Je suis d'avis que l'avocat de l'intimée a raison. Il est vrai que les dépenses de bureau et de voiture peuvent être des dépenses normales d'une entreprise de prêts d'argent. Ces dépenses ne peuvent pas être demandées sous forme globale et automatique. Le montant demandé doit représenter des dépenses réelles et qui peuvent être prouvées le cas échéant à la satisfaction du Ministre. Il ne s'agit pas d'une déduction automatique. La déduction dans la forme dans laquelle elle est demandée ne peut donc pas être acceptée.

[69]L'appelant se demande si on peut lors d'un procès faire la preuve de revenu non déclaré qui n'était pas l'objet d'une cotisation et l'utiliser pour compenser les réductions du revenu imposé. Ce point est important et à la fin de cette analyse, je conclus que ce revenu ne peut pas être utilisé pour le calcul de l'impôt.

[70]L'avocat de l'intimée fait le raisonnement suivant :

33. Dans sa plaidoirie écrite, l'appelant invoque l'argument que les représentations concernant ces revenus additionnels ont été faites par l'intimée à la veille du procès. Le sous-procureur général du Canada soutient que ces revenus additionnels font partie de sa Réponse à l'avis d'appel réamendée et qu'il n'y a pas eu objection au dépôt de cette Réponse. Il n'y a rien de nouveau pour l'appelant puisque ces revenus additionnels sont connus de l'appelant depuis des années étant donné qu'il est partie à ces transactions et que les questions en litige sont toujours les mêmes.

34. De plus, lors de l'interrogatoire préalable, l'appelant a déclaré sous serment qu'il n'y avait pas d'autre prêt que ceux énumérés à A-4 (voir pages 71 à 74, A-7). L'appelant ne peut invoquer le fait que cette position lui a été communiquée tardivement puisque c'est lui qui a la responsabilité et le devoir de divulguer ses revenus. Il est inconcevable de prétendre qu'étant donné que le Ministère n'a pris connaissance de ces revenus que tardivement, ceux-ci ne peuvent être considérés par cette Cour alors que c'est l'appelant qui est en défaut de ne pas les avoir divulgués en temps utile dans ses déclarations ou à tout le moins lors de l'interrogatoire préalable. Si cette honorable Cour devait retenir les arguments de l'appelant, ceci constituerait un encouragement envers les contribuables à ne pas divulguer leurs revenus. Le droit ne peut être de récompenser les contribuables qui ne déclarent pas leurs revenus.

35. Le Ministre ne demande pas que les cotisations soient révisées à la hausse par cette honorable Cour. Toutefois, il soutient que les réductions du revenu et les dépenses accordées par cette Cour doivent être réduites par les revenus additionnels non cotisés. Cette Cour ne peut ignorer ces revenus non déclarés sur la base qu'ils ont été invoqués par l'intimée de façon tardive et qu'ils n'ont pas fait l'objet de la cotisation. De plus, cette Cour ne peut admettre les dépenses sans pour autant admettre les revenus correspondants. L'appelant ne peut avoir le beurre et l'argent du beurre. Il ne s'agit pas d'une question d'interprétation de la Loi, mais plutôt d'un refus de divulguer de la part de l'appelant.

36. S'il est vrai que ces sommes sont invoquées tardivement, ce que l'intimée conteste, l'appelant en est le seul responsable. En plus, c'est l'impôt payable qui est en litige dans cette affaire et non pas le calcul de cet impôt. (voir la décision Riendeau).

La Reine c. Riendeau, Cour d'appel fédérale,

(1991) A.C.F. no 559

37. De plus, l'appelant réclame des dépenses ou pertes concernant certains prêts qui n'ont pas fait l'objet des cotisations telles que la perte de 165 000 $ en 1990 (A-3, Gérard B. Côté et al., jugement). Une perte n'est déductible que si elle a été encourue dans le but de gagner du revenu. L'appelant ne peut réclamer de perte sur des prêts s'il s'oppose au revenu de ces mêmes prêts.

[71] L'article 2 de la Loi prévoit qu'un impôt sur le revenu doit être payé par un contribuable pour chaque année d'imposition sur son revenu imposable. Le revenu imposable d'un contribuable est son revenu pour l'année plus les ajouts prévus à la section C et moins les déductions permises par cette même section. Le revenu d'un contribuable pour une année d'imposition est son revenu total déterminé selon les règles édictées à l'article 3. Le paragraphe 150(1) de la Loi exige qu'une déclaration de revenu soit produite, dans le cas d'un particulier pour chaque année d'imposition où un impôt est payable. L'article 151 prévoit que le contribuable estime le montant d'impôt payable. Le paragraphe 152(1) prévoit que le Ministre examine la déclaration de revenu d'un contribuable pour l'année et fixe l'impôt. Le paragraphe 152(4) de la Loi prévoit que le Ministre peut établir de nouvelles cotisations pour l'année d'imposition en cause. Si on met en rapport les articles 2 et 3 et l'article 152, l'impôt cotisé pour une année est en fonction du revenu total du contribuable pour une année. Les seuls articles de la Loi pourraient peut-être donc donner raison aux prétentions de l'avocat de l'intimée. Toutefois, il s'agit ici d'un appel d'une cotisation et ce sont les principes concernant les appels qui s'appliquent. Le débat judiciaire est circonscrit selon les paramètres établis par les parties et selon l'objet de l'appel. Lors d'un appel d'une cotisation, tous les éléments de la cotisation ne sont pas devant le juge et seuls peuvent l'être ceux qui ont fondé la cotisation.

[72] Il est accepté par la jurisprudence que cette Cour ne puisse pas augmenter le montant de la cotisation du Ministre parce que cela équivaudrait à un appel de la cotisation par le Ministre, ce que le Ministre ne peut pas faire. Le Ministre ne peut pas en appeler de sa propre cotisation; Harris v. M.N.R., 64 DTC 5332, 5337; Shiewitz v. M.N.R., 79 DTC 340, 342 et Abed v. The Queen, 82 DTC 6099, 6103.

[73] Il semblait aussi être accepté par la jurisprudence que c'était le montant de la cotisation qui était d'importance et non pas les raisons données dans l'avis de cotisation ou dans l'avis de ratification; Belle-Isle v. M.N.R. 66 DTC 5100; M.N.R. v. Minden, 62 DTC 1044; Harris v. M.N.R. 64 DTC 5332; Vineland Quarries and Crushed Stone Ltd. v. M.N.R. 70 DTC 6043; The Queen v. The Consumers' Gas Company Ltd., 87 DTC 5008; La Reine c. Riendeau, 91 DTC 5416. La décision de la Cour suprême du Canada dans Banque Continentale du Canada c. Canada, [1998] A.C.S. No 62, semble toutefois jeter un certain doute sur cette notion jurisprudentielle de longue date. La Cour suprême du Canada, dans son jugement majoritaire sous la plume du juge McLachlin, s'est exprimée ainsi en ce qui concerne un nouveau fondement pour justifier une cotisation :

... Je suis d'accord avec le juge Bastarache pour dire que ne peut être retenu l'argument du ministre – soulevé pour la première fois devant notre Cour – que la Banque a vendu des éléments d'actif de crédit-bail amortissables ou encore que celle-ci était par ailleurs imposable à l'égard de la récupération de la déduction pour amortissement en application du par. 88(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, ch. 148, et ses modifications. Le ministre ne saurait être autorisé à avancer un nouveau fondement pour justifier une nouvelle cotisation après l'expiration du délai prévu à cette fin.

La Banque avait été cotisée sur la base d'un gain au titre du revenu plutôt qu'un gain en capital. Au moment de la plaidoirie au niveau de la Cour suprême du Canada, le Ministre avait fait état que la banque était imposable à l'égard de la récupération de la déduction pour amortissement en application du paragraphe 88(1) de la Loi.

[74] Il ne me paraît pas certain que la Cour Suprême soit d'avis que l'intimée ne puisse pas dans sa Réponse à l'avis d'appel indiquer des raisons différentes que celles mentionnées dans l'avis de cotisation si le fondement de la cotisation demeure le même. Il me semble qu'il ne faut pas confondre argument et fondement ou que l'on puisse distinguer dans certaines circonstances ces notions. De plus, cette affirmation de la Cour suprême doit se prendre dans un contexte d'une cour de dernier échelon. Elle ne veut pas se constituer en tribunal de première instance alors qu'elle est un tribunal de dernier recours et doit avoir eu l'avantage de l'analyse juridique des divers paliers judiciaires sous elle et ceci tout particulièrement s'il s'agit de raisons qui peuvent avoir exigé une certaine preuve. Je me fonde sur les propos du juge Bastarache, dont le raisonnement a été approuvé par le jugement majoritaire :

[13] Les contribuables doivent savoir sur quelle base repose la cotisation qui leur est transmise afin de pouvoir présenter les éléments de preuve appropriés pour la contester. En l'espèce, il n'est pas évident que les faits étayent l'établissement d'une nouvelle cotisation sur la base invoquée par l'appelante. Par exemple, la valeur du fonds commercial rattaché à l'entreprise de location de la Banque, qui a été transféré à Central en décembre 1986, pourrait avoir une incidence sur la nouvelle demande de l'appelante fondée sur la récupération de l'amortissement par la Banque. Il n'est pas possible de déterminer dans quelle mesure la Banque pourrait par ailleurs être imposable à l'égard de la récupération de l'amortissement, ni de fixer son revenu aux fins de l'impôt, à moins de pouvoir répartir correctement le prix d'acquisition payé par Central entre le fonds commercial d'une part et les éléments d'actif de crédit-bail d'autre part. Parce que la Banque n'a pas été imposée à l'égard de la récupération de l'amortissement, la preuve relative à la répartition du prix d'acquisition n'a pas été présentée en première instance. Pour pouvoir permettre à l'appelante d'établir une nouvelle cotisation en l'absence de conclusions de fait tirées en première instance, notre Cour devrait se transformer en tribunal de première instance à l'égard de la nouvelle demande.

[75] Je ne désire pas élaborer plus sur ce sujet sauf pour dire que dans l'acceptation de faits nouveaux ou modification des paramètres de l'objet en litige, il faut agir avec prudence. Dans le présent cas, l'appelant n'a été mis au courant du calcul des intérêts qu'au moment de l'audition. Il est vrai qu'il savait que le Ministre était au courant d'autres prêts que ceux énumérés à l'annexe A puisque le paragraphe 6.1 de la Réponse faisait état d'autres prêts énumérés à l'annexe B. Toutefois, ce paragraphe disait explicitement que ces intérêts n'avaient pas été inclus au revenu de l'appelant pour les années en litige pour le calcul de l'impôt. Déjà je suis d'avis que sur le seul plan des règles de la procédure, ces intérêts ne devaient pas être pris en compte pour compenser les réductions de revenu accordées par le Ministre lors de l'audition, vu l'information tardive donnée sur le montant des intérêts.

[76] Toutefois si je vais au fond des choses et que l'on se pose la question à savoir s'il s'agit d'un changement de fondement de la cotisation, il me semble que la réponse ne peut être qu'affirmative. Le fondement de la cotisation inclut sûrement le montant du revenu qui a été l'objet de la cotisation puisque c'est en fonction de ce revenu que la cotisation dont il y a appel a été établie.

[77] Le Ministre pouvait, au sujet du revenu qui est venu à sa connaissance après l'émission des cotisations, émettre de nouvelles cotisations. Il a choisi de ne pas le faire et d'inclure ce revenu non déclaré et non connu au moment de la cotisation comme s'il était le revenu total sur lequel il a calculé sa cotisation. Je suis d'avis qu'il ne pouvait correctement le faire. D'une part, la cotisation dont il y a appel n'a pas été fondée sur ce revenu additionnel. De plus, il me semble que ce serait utiliser la Cour pour fins de cotisation alors que ce pouvoir n'appartient qu'au Ministre.

[78] Le Ministre garde le pouvoir de cotiser sur ce revenu additionnel, puisque la Cour ne le prend pas en compte pour diminuer le revenu sur lequel l'impôt cotisé a été calculé. Il ne l'aurait pas pu dans le cas contraire vu le principe de l'autorité de la chose jugée.

[79] En conclusion, je ne peux pas prendre en compte les intérêts des prêts mentionnés à l'annexe B pour compenser les réductions du revenu qui a été l'objet de la cotisation du Ministre.

[80] À l'audition et dans sa plaidoirie, l'appelant a admis avoir été négligent dans la présentation de ses déclarations de revenus. Même s'il n'y avait pas eu cette admission, la preuve est très claire que l'appelant a omis sciemment de déclarer les revenus dont il est mention dans le présent appel. Le Ministre a donc correctement imposé la pénalité prévue au paragraphe 163(2) de la Loi.

[81] En conséquence, les appels sont accordés et les cotisations sont déférées au Ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations qui prendront compte des réductions du revenu d'intérêts auxquelles l'intimée a consenti à l'audition et dont les montants sont mentionnées aux paragraphes [19], [34], [41], [48], [52], [54] et [55] de ces motifs. Les frais sont accordés à l'intimée.

Signé à Ottawa, Ontario, ce 21e jour de janvier, 1999.

“ Louise Lamarre Proulx ”

J.C.C.I.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.