Date: 19991102
Dossier: 98-87-IT-G
ENTRE :
CYRIL THOMAS,
appelant,
et
SA MAJESTÉ LA REINE,
intimée.
Motifs du jugement
Le juge Beaubier, C.C.I.
[1] Cet appel a été entendu sous le régime la procédure générale à Saskatoon (Saskatchewan) le 7 octobre 1999. L’appelant était le seul témoin.
[2] Voici le libellé des paragraphes 9 et 10 de la réponse à l’avis d’appel :
[TRADUCTION]
9. En établissant la nouvelle cotisation de l’appelant comme il l’a fait, le ministre s'est appuyé sur les hypothèses de fait suivantes :
(a) Les faits admis ci-dessus sont exacts;
(b) L’appelant a construit une maison (la “ maison Elrose ”) dans la ville d’Elrose en 1982;
(c) À l’époque où l’appelant a construit la maison Elrose, il avait l’intention de prendre sa retraite dans la ville d’Elrose et d’habiter la maison Elrose durant sa retraite;
(d) L’appelant et sa famille ont utilisé la maison Elrose en guise de résidence principale jusqu’à 1985;
(e) En 1985, l’appelant a quitté Elrose pour accepter un poste d’instituteur dans la ville de Marsden;
(f) L’appelant avait l’intention de vendre la maison Elrose lorsqu’il a quitté Elrose en 1985;
(g) L’appelant a loué la maison Elrose lorsqu’il a été incapable de la vendre en 1985;
(h) L’appelant a loué la maison Elrose à un prix inférieur à celui du marché parce qu’il était préférable de louer la maison à bas prix plutôt que de la laisser vacante;
(i) L’appelant aurait vendu la maison Elrose n’importe quand pendant la période durant laquelle il la louait s’il avait reçu une offre d’achat;
(j) En 1992, l’appelant a signé une cession par renonciation de son droit de propriété sur la maison Elrose en faveur de la Banque Royale du Canada, qui détenait l’hypothèque grevant la maison Elrose;
(k) La maison Elrose a été vendue par un agent immobilier le 2 juillet 1992 pour la somme de 38 000,00 $;
(l) En 1992, l’appelant a déclaré un revenu d’emploi de 30 537,21 $ provenant du district scolaire de Battle River, et il a déclaré un revenu de pension de 28 430,52 $ de la Saskatchewan Teachers Superannuation Commission;
(m) L’appelant, qui occupait le poste d’enseignant/directeur à Marsden, a pris sa retraite en 1992;
(n) L’appelant a déclaré des pertes locatives nettes imputables à la location de la maison Elrose de 1987 à 1992 (l’ “ activité ”);
(o) L’appelant n’a pas déclaré de revenu de location net ni de pertes locatives nettes provenant de l’activité en 1985 et en 1986;
(p) De 1987 à 1992, l’appelant a déclaré les pertes nettes suivantes imputables à l’activité :
ANNÉE D’IMPOSITION |
REVENU BRUT |
DÉPENSES BRUTES |
PERTES LOCATIVES NETTES |
1987 |
(1 076 $) |
||
1988 |
(1 106 $) |
||
1989 |
5 400 $ |
6 706 $ |
(1 306 $) |
1990 |
3 300 $ |
7 152 $ |
(3 852 $) |
1991 |
3 000 $ |
6 775 $ |
(3 775 $) |
1992 |
**$ NÉANT |
$36 535 $ |
(36 535 $) |
* Comprend la perte finale de 33 710,47 $
** Il a par la suite modifié cette mention pour lire : 4 mois x 250 $ = revenu brut de 1 000 $
(q) L’activité n’a fourni à l’appelant aucune source de revenu de 1985 à 1992;
(r) Le revenu net découlant de l’activité ne couvrait même pas l’intérêt à payer sur l’hypothèque de la maison Elrose;
(s) L’appelant n’avait établi aucun projet ni plan d’action visant à tirer des bénéfices de l’activité;
(t) L’appelant n’a pas fourni de preuves relatives aux frais de construction de la maison Elrose;
(u) L’appelant a évalué le coût de la maison Elrose car il l’a construite lui-même et n’a pas conservé de factures;
(v) L’appelant a déclaré une perte finale à l’égard de la maison Elrose calculée comme suit :
Coût non amorti de l’immeuble 70 940 $
Produit de l’aliénation -37 230 $
Perte finale déclarée 33 710 $
(w) La fraction non amortie du coût en capital (“ FNACC ”) de la maison Elrose ne constituait pas le coût réel du bien; elle était fondée sur une évaluation que l’appelant avait préparée en 1985;
(x) L’appelant n’avait pas fourni la preuve de la FNACC de la maison Elrose;
(y) L’appelant a déclaré les montants suivants en guise de FNACC de la maison Elrose dans les tableaux de la déduction pour amortissement soumis dans ses déclarations de revenu pour les années d’imposition 1991 et 1992 :
Premier janvier 1991 68 000 $
31 décembre 1991 68 000 $
Premier janvier 1992 70 940 $
(z) L’appelant n’a pas montré pourquoi la FNACC s’élevait à 68 000 $ le 31 décembre 1991 alors que le lendemain, soit le premier janvier 1992, elle était passée à 70 940 $;
(aa) Les dépenses déclarées de 2 824,70 $ étaient des frais personnels ou de subsistance de l’appelant, et de plus elles n’étaient pas raisonnables dans les circonstances;
(bb) L’appelant n’a pas correctement calculé la perte finale qu’il a déclarée;
(cc) L’appelant n’avait pas d'attente raisonnable de tirer un profit de l’activité au cours de l’année d’imposition 1992;
(dd) La maison Elrose n’est pas un bien amortissable d’une catégorie visée par règlement; et
(ee) Le ministre a initialement établi une cotisation pour l’année d’imposition 1992 le 14 avril 1993 et il a établi une nouvelle cotisation à l’égard de la déclaration de revenu de l’appelant pour 1992 le 4 avril 1996, ce qui est dans un délai de 3 ans après la date de la mise à la poste de l'avis de première cotisation prévu au paragraphe 152(3.1) de la Loi.
B. QUESTIONS LITIGIEUSES À TRANCHER
10. Les questions en litige sont les suivantes :
a) Le ministre a-t-il établi une nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 1992 dans le délai imparti par la loi conformément aux paragraphes 152(3.1) et 152(4) de la Loi?
b) L’appelant avait-il une attente raisonnable de tirer un profit de l’activité au cours de l’année d’imposition 1992?
c) Les dépenses de 2 824,70 $ subies par l’appelant ont-elles été engagées en vue de tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien et étaient-elles raisonnables dans les circonstances, où s’agissait-il de frais personnels ou de subsistance de l’appelant?
d) La maison Elrose était-elle un bien amortissable d’une catégorie déterminée utilisée en vue de tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien, et le ministre a-t-il à bon droit rejeté la perte finale s’élevant à 33 710,47 $?
e) Si la Cour conclut que l’appelant a droit à la perte finale à l’égard de la maison Elrose, ce qui n’est pas admis, mais expressément nié, quel est le montant exact de la perte finale admise?
[3] À l’audition, l’avocat de l’appelant a convenu que les questions litigieuses énoncées aux alinéas 10a) et d) n’étaient plus contestées. Les hypothèses énoncées aux alinéas 9b), d), e), f), g), h), i), j), k), l), m), n), o), p), t), v), w) et y) sont exactes.
[4] À toutes les époques pertinentes, l’appelant était instituteur ou directeur d’école. En 1982, il était directeur d’école à Elrose, une petite ville de la Saskatchewan dont les habitants s’adonnent surtout à la culture des céréales. À cette époque, les agriculteurs y étaient fort prospères. Il a vendu la maison qu’il avait alors, réalisant un profit de 10 500 $, et il en a bâti une nouvelle. Le terrain lui a coûté 5 460 $, et il a déclaré dans le cadre de son témoignage que les matériaux et les ouvriers engagés lui ont coûté 68 000 $. Il avait dit plus tôt à Revenu Canada que les matériaux et la main-d’oeuvre lui avaient coûté 59 000 $. Il a malheureusement jeté ses reçus au cours d’un déménagement en 1994 avant de faire l’objet d’une nouvelle cotisation.
[5] En 1986, il a quitté Elrose pour aller habiter à Marsden (Saskatchewan) pour y enseigner. Il a mis sa maison à vendre auprès d’une agence immobilière; il en demandait 68 000 $ et n’a pu la vendre. (Elle avait été évaluée à 76 400 $ le 18 avril 1985 à des fins d’hypothèque). Des habitations pour personnes âgées avaient été construites à Elrose, et la maison de l’appelant ne pouvait être louée à des personnes âgés; elle devait être louée à de jeunes couples. Au début de l’année scolaire, la maison a été louée 500 $ par mois à un instituteur avec qui il a conclu verbalement un contrat de bail pour la session scolaire. Les paiements hypothécaires (principal et intérêt) s’élevaient à 513,86 $. Les loyers subséquents ont diminué selon l'hypothèse de fait p). Chaque été, l’appelant et son épouse retournaient à Elrose, habitaient la maison, la peinturaient et la réparaient et ils tentaient de la vendre, soit eux-mêmes, soit par l’entremise d’une agence immobilière. En octobre 1990, elle était annoncée comme étant à vendre pour la somme de 60 000 $ et on invitait les acheteurs potentiels à faire une offre. En juin 1992, l’appelant l’a cédée à la Banque Royale du Canada en paiement de l’hypothèque dont le solde était alors de 41 785,96 $. La banque a vendu la maison le 2 juillet 1992 au prix de 38 000 $.
[6] Les antécédents de cette affaire montrent un appelant coincé dans le marché agricole à la baisse dans une petite ville de la Saskatchewan. Les similitudes entre l’espèce et l’affaire Mastri v. R. (C.A.F.), 97 DTC 5420 apparaissent aisément. La décision du juge Robertson dans l’affaire Mastri se terminait par les deux paragraphes suivants :
Avant de conclure, je désire faire part avec déférence de mon désaccord à l’égard de la conclusion à laquelle est arrivée l’instance inférieure selon laquelle il n’y a aucun “ élément personnel ” en l’espèce. Au contraire, il ressort clairement de la preuve que les Mastri ont conclu une promesse d’achat de la maison en rangée avec l’intention de l’occuper et que, environ un an après l’achat, la maison est en fait devenue leur résidence principale. À mon avis, on peut difficilement parler d’absence d’élément personnel dans cette situation – particulièrement puisqu’il n’y a aucun élément de preuve indiquant que, au moment où les contribuables ont conclu l’achat de la propriété pour la somme de 159 000 $, ils se sont demandés si la maison en rangée pouvait être louée avec profit.
Le juge de la Cour de l’impôt a commis une erreur dans son application de l’arrêt Tonn et compte tenu du fait que sa conclusion quant à l’absence d’attente raisonnable de profit n’a pas été contestée, les contribuables n’ont pas le droit de déduire leur part respective de la perte locative d’autres sources de revenus. Les demandes de contrôle judiciaire devraient être accueillies, les jugements de la Cour de l’impôt annulés et l’affaire renvoyée pour que soit rendue une nouvelle décision sur le fondement que les appels des contribuables devant cette cour doivent être rejetés. Les contribuables ont droit à un seul mémoire de frais raisonnables et justifiés à l’égard des deux demandes de contrôle judiciaire.
[7] La Cour estime que la détermination du moment où existait l’attente raisonnable de tirer un profit doit commencer en 1986 lorsque l’appelant a loué sa maison la première fois. À cette époque, il était novice dans le domaine de la location. Il devait simplement louer sa résidence parce qu’il était incapable de la vendre à un prix qu’il jugeait raisonnable. Le marché locatif était faible à Elrose et la concurrence lui venait principalement du projet de logements pour personnes âgées qui n’allait pas bien non plus. Vu ces circonstances, il a loué à perte en 1986 pour aider à couvrir les dépenses liées à la maison jusqu’à ce qu’il puisse la vendre. Ainsi, il n’avait aucune attente raisonnable de louer à profit en 1986. Il essayait simplement d’assurer l’entretien de la maison et d’aider à couvrir ses dépenses jusqu’à ce qu’il soit capable de la vendre. Elle avait été sa demeure personnelle et, comme les Mastri, il s’est fait prendre par la baisse du marché immobilier, aussi bien en ce qui concerne la location que la vente. Telle était la situation en 1986. Par la suite, les choses se sont constamment détériorées.
[8] L’appelant n’avait aucune formation ni expérience antérieures en matière de location. Il voulait simplement louer sa maison en attendant de pouvoir la vendre à son prix, afin de couvrir ses dépenses du mieux qu’il le pouvait et assurer l’entretien de la maison. Celle-ci, telle qu’elle était exploitée, n’a jamais eu la moindre possibilité de fournir des profits après avoir compté la déduction pour amortissement, étant donné la concurrence du projet de logements pour personnes âgées à Elrose.
[9] Malheureusement, cette situation s’est perpétuée chaque année jusqu’à ce que, finalement, l’appelant transfère sa maison à la banque. Il n’y a donc jamais eu une attente raisonnable de profit. L’appelant n’a jamais exploité une entreprise.
[10] Pour ces motifs, l’appel est rejeté. Les dépens entre parties sont adjugés à l’intimée.
Signé à London (Ontario), ce 2e jour de novembre 1999.
“ D.W. Beaubier ”
J.C.C.I.
[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]
Traduction certifiée conforme ce 14e jour de juillet 2000.
Mario Lagacé, réviseur