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Date: 19981006

Dossier: 96-4617-IT-G

ENTRE :

PIERRE MAILLOUX,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

(rendus à l'audience le 15 mai 1998 à Québec (Québec))

Le juge Archambault, C.C.I.

[1] Monsieur Pierre Mailloux conteste des avis de cotisation établis par le ministre du Revenu national (ministre) à l'égard des années d'imposition 1991 et 1992. Essentiellement, le débat porte sur le droit de monsieur Mailloux à des crédits d'impôt à l'investissement à l'égard de dépenses de recherche scientifique et de développement expérimental (RS & DE) engagées par une société de personnes (Ferme Piluma).

[2] Dès le début de l’audience, la procureure de l’intimée a admis que sa cliente reconnaissait, d'une part, que Ferme Piluma exploitait une entreprise entièrement consacrée à la recherche scientifique au cours des années 1991 et 1992 et, d'autre part, que monsieur Mailloux avait droit à une partie de ses crédits d’impôt. Toutefois, certaines dépenses engagées par Ferme Piluma ne donnaient pas ouverture à de tels crédits. Pour faciliter l’identification des dépenses en litige, la procureure de l’intimée a produit, au début de l’audience, un tableau que je reproduis ici :

1991

1992

Dépenses de ferme réclamées par le contribuable

273 758

204 236

MOINS: dépenses refusées

Dépenses personnelles**

Achats

Consommation personnelle

19 470

1 326*

14 223

1 400*

Dépenses capitalisées**

Salaires

Biens en immobilisation

-catégorie 1

Biens en immobilisation

-catégorie 8

74 687

5 705

16 613

9 369

Autres dépenses**

Dépenses non déboursées

Bâtisse

Équipement

Dépenses résid. selon é.f.

990*

100*

1 200*

1 225*

103 478

42 830

PLUS: dépenses additionnelles accordées

Contrat universitaire

Déduction pour amortissement

3 932

3 932

6 308

6 560

12 868

Dépenses de ferme révisées

174 212

174 274

MOINS: dépenses de recherche refusées

Dépenses d’intérêt***

Divers***

Déduction pour

amortissement***

11 807

7 144

17 922

10 330

15 422

18 534

36 873

44 286

Dépenses de recherche révisées

137 339

x 20%

129 988

x 20%

Crédit d’impôt révisé

27 468

25 998

Portion Pierre Mailloux - 98%

26 918

25 478

* Monsieur Mailloux a reconnu que ces dépenses ne constituaient pas des dépenses admissibles.

** Ces dépenses sont désignées comme des “ dépenses du premier groupe ” dans ces motifs.

*** Ces dépenses sont désignées comme des “ dépenses du deuxième groupe ” dans ces motifs.

[3] Toute la preuve a porté sur la description et la nature des dépenses engagées par Ferme Piluma. J’ai l’intention de passer en revue les dépenses faisant l’objet d’une contestation par monsieur Mailloux et de déterminer dans quelle mesure elles constituent des “ dépenses admissibles ”[1] aux fins du paragraphe 127(9) de la Loi de l’impôt sur le revenu (Loi).

Dépenses du premier groupe

a) dépenses personnelles

[4] Parmi les “ Dépenses personnelles ” décrites sous la rubrique “ Achats ”, monsieur Mailloux a reconnu qu'une somme de 1 445 $ engagée en 1991 et une somme de 9 674 $[2] engagée en 1992 représentaient des dépenses personnelles et qu'il ne contestait pas le refus du ministre d’accorder des crédits d’impôt à leur égard. Parmi les dépenses personnelles refusées par le ministre et à l’égard desquelles monsieur Mailloux continue à réclamer des crédits d’impôt, il y a des dépenses relatives à l'acquisition et à la construction d'une véranda entourant la résidence occupée par le gérant de Ferme Piluma, soit le frère de monsieur Mailloux.

[5] À mon avis, ces dépenses ne constituent pas des dépenses admissibles aux fins du crédit d'impôt à l'investissement parce qu’il s’agit de dépenses personnelles qui n’ont pas été engagées en vue de poursuivre le programme de RS & DE. De toute façon, même si elles l’ont été, elles ont trait à l'acquisition d'un bâtiment et sont inadmissibles en raison du sous-alinéa 37(7)f)(i) de la Loi[3]. Je suis d’avis que l’expression “ acquisition ” comprend l'acquisition par accession, soit l'ajout à un bâtiment déjà existant.

[6] Parmi les autres dépenses personnelles contestées, il y a des primes de 440 $ payées par Ferme Piluma relativement à une police d'assurance sur la vie de monsieur Mailloux. La bénéficiaire de cette police est Ferme Piluma. À mon avis, cette dépense ne constitue pas une dépense admissible pour les fins du crédit d’impôt à l’investissement. Il n'y a eu aucune preuve que la police d'assurance a été souscrite dans la poursuite du programme de RS & DE, c'est-à-dire, par exemple, que cette police était nécessaire à titre de garantie pour financer les activités de RS & DE de Ferme Piluma.

[7] Quant aux frais d'acquisition engagés par Ferme Piluma pour le mobilier de patio, il ressort de la preuve que ce mobilier sert à la fois à des fins personnelles et à des fins d'affaires; à mon avis, ces dépenses ne sont pas admissibles en raison de l'application de la division 37(7)c)(ii)(A) de la Loi[4]. Il ne s'agit pas de dépenses qui sont attribuables en totalité ou presque à des RS & DE.

[8] Lors de son témoignage, monsieur Mailloux a indiqué qu'une somme de 1 269 $ avait été utilisée pour financer un voyage d'affaires de son frère en France et pour acquérir des connaissances reliées au domaine dans lequel Ferme Piluma effectuait de la recherche scientifique. Même si aucun justificatif de ces frais n'a été fourni, je suis convaincu que cette somme a servi à ces fins et, pour ce motif, elle représente une dépense admissible pour les fins du crédit d'impôt à l'investissement.

b) dépenses capitalisées

[9] Passons à la prochaine rubrique des dépenses du premier groupe. Il s'agit des dépenses capitalisées. Le premier élément se rapporte à un salaire de 16 613 $ pour l'année 1992. Le ministre a indiqué qu'il était prêt à reconnaître qu'une somme de 540 $ devait être admise dans le calcul des dépenses admissibles; en ce qui a trait au solde, monsieur Mailloux a reconnu qu'il ne s’agissait pas d’une dépense admissible.

[10] Le deuxième élément concerne des biens de catégorie 1. La preuve a révélé, à l'égard de l'année 1991, que la somme de 74 687 $ refusée par le ministre représente le coût d'acquisition de bâtiments. Une très grande partie de cette somme a trait à la construction d'un séchoir à foin que monsieur Mailloux considère comme une sorte “ d’usine pilote ”. En ce qui concerne l'année 1992, la somme de 9 369 $ représente des dépenses reliées à la construction d'une annexe ¾possiblement d'une fromagerie ¾ et à des modifications électriques apportés à un bâtiment.

[11] Après avoir considéré l'alinéa 37(7)f) de la Loi, qui exclut des dépenses admissibles toute dépense en capital faite pour l'acquisition d'un bâtiment, j'en viens à la conclusion que les dépenses reliées aux bâtiments de catégorie 1 ne représentent pas des dépenses admissibles. La Loi dispose expressément que la seule exception à cette règle a trait à un bâtiment destiné à une fin particulière visée par règlement. Selon la preuve entendue, le séchoir à foin constitue un bâtiment mais non un bâtiment visé à l’article 2903 du Règlement de l’impôt sur le revenu.

[12] À l'égard des biens de la catégorie 8, le ministre a reconnu qu'une somme de 976 $ devait être admise comme dépense admissible et le contribuable a reconnu que le solde, soit 4 629 $, n'était pas admissible.

Dépenses du deuxième groupe

a) dépenses d’intérêt

[13] Parmi les dépenses du deuxième groupe, on retrouve des dépenses d'intérêt. La preuve a révélé que les intérêts refusés par le ministre avaient trait à un prêt pour financer la construction du séchoir à foin. La question qu'il faut trancher est de savoir si ces intérêts sont visés par l'alinéa 37(7)f) de la Loi, qui exclut des dépenses admissibles toute dépense en capital relative à l'acquisition d'un immeuble.

[14] Après une certaine hésitation, j'en suis venu à la conclusion que les intérêts sont soumis à l'application de cet alinéa. Ce résultat m’apparaît davantage en harmonie avec l’esprit de la Loi. Je ne crois pas que le législateur ait voulu permettre la déduction d'intérêts à l'égard d’un prêt destiné à couvrir des dépenses qui ne sont pas admissibles comme dépenses de RS & DE.

b) divers

[15] Parmi les dépenses de 1991 décrites sous la rubrique “ Divers ”, l’intimée a reconnu qu'une somme de 6 108 $ constituait une dépense admissible et le contribuable a reconnu que le solde de 1 036 $ n'était pas admissible.

[16] Quant à l'année 1992, l’intimée reconnaît qu'une partie, soit 3 649 $, de la somme de 15 422 $, que le ministre avait refusée constitue des dépenses admissibles. Monsieur Mailloux prétend qu’il a droit à ce que le solde soit également admis.

[17] À mon avis, le solde de ces dépenses ne représente pas des dépenses admissibles. Il s'agit notamment de dépenses relatives à la location de voitures et, à mon avis, ces dépenses ne sont pas attribuables en totalité ou presque à la poursuite de RS & DE, tel que l'exige le sous-alinéa 37(7)c)(ii) de la Loi. Je n'ai pas été convaincu par le témoignage de monsieur Mailloux que l'usage personnel de la voiture et du camion était limité à seulement dix pour cent. Il n'y a aucune preuve corroborant ses prétentions que ces véhicules auraient été utilisés à 90 pour cent pour les fins de RS & DE.

[18] Parmi les autres dépenses décrites sous la rubrique “ Divers ”, on retrouve des dépenses reliées au patio. Ces dépenses ne sont pas admissibles parce qu’elles ne sont pas attribuables en totalité ou presque à la poursuite de RS & DE. On y retrouve aussi des dépenses à l'égard desquelles il n'y a eu aucune preuve précisant leur nature et les fins pour lesquelles elles avaient été engagées. Parmi ces dépenses, il y a une somme de 1 162 $ et une somme de 590 $.

[19] Des dépenses du deuxième groupe, il ne reste que des déductions pour amortissement. Ces déductions ne constituent pas des “ dépenses ” mais plutôt des “ allocations ”; elles doivent donc être exclues dans le calcul des dépenses admissibles.

[20] Pour ces motifs, les appels de monsieur Mailloux sont admis et les cotisations sont déférées au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant compte de ce qui suit : que les dépenses du premier groupe de Ferme Piluma qui doivent être refusées totalisent 102 502 $ pour 1991 et, pour 1992, 41 021 $; que le total des dépenses du deuxième groupe de Ferme Piluma qui doivent être refusées s'élève à 30 677 $ pour 1991 et à 40 637 $ pour l'année 1992; que les totaux des dépenses admissibles pour les fins des crédits d'impôt à l'investissement sont respectivement 144 423 $ pour l’année 1991 et 135 446 $ pour l’année 1992, ce qui donne un crédit d'impôt révisé de 28 885 $ pour 1991 et de 27 089 $ pour 1992. La part de monsieur Mailloux représente donc 28 307 $ pour 1991 et 26 447 $ pour 1992. Le tout sans frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour d'octobre 1998.

“ Pierre Archambault ”

J.C.C.I.



[1] Cette définition se lit comme suit :

“ dépense admissible ” s’entend d’une dépense pour recherches scientifiques et développement expérimental qu’un contribuable a faite après le 31 mars 1977 et qui est admissible à titre de dépense visée à l’alinéa 37(1)a) ou au sous-alinéa 37(1)b)(i), à l’exclusion

                a) d’une dépense prescrite,

                b) d’une dépense précisée par le contribuable pour l’application de la      division 194(2)a)(ii)(A), si le contribuable est une corporation.

Le sous-alinéa 37(1)a)(i) et le sous-alinéa 37(1)b)(i) de la Loi disposent :

37(1) Le contribuable qui exploite une entreprise au Canada au cours d’une année d’imposition peut, en produisant un formulaire prescrit contenant les renseignements prescrits avec sa déclaration de revenu en vertu de la présente partie pour l’année, déduire dans le calcul du revenu qu’il tire de cette entreprise pour l’année un montant qui ne dépasse pas la fraction éventuelle du total des montants suivants :

                a) le total des montants dont chacun représente une dépense de nature courante qu’il a faite au cours de l’année ou d’une année d’imposition          antérieure se terminant après 1973

                (i) pour des recherches scientifiques et du développement expérimental                 effectués au Canada directement par le contribuable ou pour son compte,                 en rapport avec une entreprise du contribuable,

[...]

                b) le moins élevé des montants suivants :

                (i) le total des montants dont chacun représente une dépense en capital que          le contribuable a faite au cours de l’année ou d’une année d’imposition          antérieure se terminant après 1958 quant à des biens acquis qui seraient, si            le présent article ne s’y appliquait pas, des biens amortissables du contribuable ¾ autres que des fonds de terre ou des droits de tenure à bail           dans ces fonds ¾, pour des recherches scientifiques et du développement expérimental effectués au Canada directement par le contribuable ou pour              son compte, en rapport avec une entreprise du contribuable.

[2] Ce chiffre de 9 674 $ s’explique de la façon suivante : une somme de 9 089 $ a été admise au début de l'audience et une somme additionnelle de 585 $ relative à des frais de chevaux l’a été en cours d'audience.

[3] Ce sous-alinéa se lit comme suit :

37(7)f) par dérogation à l’alinéa c), les dépenses afférentes aux recherches scientifiques et au développement expérimental ne comprennent pas :

(i) les dépenses en capital faites pour l’acquisition d’un bâtiment ¾ sauf s’il s’agit d’un bâtiment destiné à une fin particulière visée par règlement ¾, y compris un droit de tenure à bail dans ce bâtiment.

[4] Cette division se lit comme suit :

37(7)c) les mentions des dépenses afférentes aux recherches scientifiques et au développement expérimental, ou se rapportant à ceux-ci,

[...]

(ii) lorsqu’elles figurent ailleurs qu’au paragraphe (2), se limitent :

(A) aux dépenses dont chacune représente une dépense engagée pour des recherches scientifiques et du développement expérimental effectués au Canada et qui y est attribuable en totalité ou presque, ou engagée pour la fourniture, à ces fins, de locaux, installations ou matériel.

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