Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19980210

Dossier: 96-4833-GST-I

ENTRE :

TECHNOGOLD IMPORTS INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bowman, C.C.I.

[1] Il s’agit d’un appel concernant une cotisation émise selon les dispositions de la Loi sur la taxe d’accise en vertu de laquelle le ministre du Revenu national a refusé d’accorder à l’appelante un crédit de taxe sur les intrants d’un montant de 965,27 $ relatif à l’achat d’une voiture Honda. La raison principale pour le refus était que l’appelante n’était pas la propriétaire de la voiture.

[2] Il est clair que l’appelante a payé le prix de la voiture. Monsieur Abraham Benlezrah, le président de l’appelante, a témoigné et il a mis en preuve deux chèques de l’appelante qui indiquent que l’argent pour l’achat de la voiture a été retiré du compte bancaire de l’appelante, et non pas de celui de monsieur Benlezrah.

[3] Monsieur Benlezrah était le président de l’appelante et il était le propriétaire de la moitié des actions de la société. Son beau-frère monsieur Prosper Trojman possédait l’autre moitié des actions. Il semble que monsieur Benlezrah est maintenant le propriétaire de toutes les actions.

[4] La voiture a été enregistrée au nom de monsieur Benlezrah. Il l’a fait enregistrer à son nom sous la présomption qu’il était, en effet, lui-même la société. Puisqu’il était la personne qui allait conduire la voiture, il croyait qu’elle devait être enregistrée à son nom dans le certificat d’immatriculation. D’ailleurs, l’assurance sur la voiture était à son nom, c’est-à-dire, il était l’assuré selon la police d’assurance, et non pas la société.

[5] De plus, la voiture n’a été mentionnée ni dans le bilan de la société, ni dans l’annexe “ Déduction pour amortissement ” qui faisait partie de la déclaration de revenu de la société. Dans le “ Vehicle Purchase Agreement ” c’est monsieur Benlezrah qui est désigné comme l’acheteur.

[6] À la lumière de tous ces documents, est-ce que je peux conclure que l’appelante était la vraie propriétaire de la voiture vu qu’elle en a payé le prix?

[7] Il faut, selon les dispositions de la Loi, que la personne qui a le droit de réclamer un crédit de taxe sur les intrants soit propriétaire bénéficiaire (“ beneficial owner ”).

[8] Je ne suis pas convaincu qu’il s’ensuive du seul fait qu’une personne paie le prix d’un bien que cette personne en soit propriétaire.

[9] Il y a deux arrêts de la Cour suprême du Canada qui ont tranché la question de savoir qui est propriétaire d’une voiture aux fins du Highway Traffic Act. Dans Honan c. Gerhold et autres, [1975] 2 R.C.S. 866, le juge Spence a dit, aux pages 872-3, (traduction) :

Avec tout le respect pour le savant juge d’appel, je n’en suis pas convaincu. Ce qui a incité Chester Doman à agir, c’était empêcher que sa voiture soit l’objet d’une saisie, dans le cas d’exécution par son épouse du jugement que celle-ci avait contre lui. Cela ne pouvait pas s’accomplir sans qu’il transfère la voiture. Par conséquent, il effectua le transfert qui a transmis à Gerhold le droit de propriété légal suivant la Common Law et c’était là exactement le but recherché. La formule de demande d’immatriculation pour un transfert contient, à mon avis, certains mots qui indiquent qu’il y a eu un transport. Cette formule apparaît à la pièce 19 et on doit remarquer qu’elle est signée à la fois par le cédant et le cessionnaire et qu’elle contient les mots: [TRADUCTION]. “Je, par la présente, donne avis du changement de propriété du véhicule décrit ci-après et fais une demande de transfert du certificat d’immatriculation”. Évidemment, dans les circonstances, feu Chester Doman a continué à avoir la possession exclusive de la voiture et à l’avoir sous son pouvoir et contrôle. Cela faisait partie de l’arrangement. En fait, on retrouve la notion de pouvoir et contrôle exclusif à la fois dans Haberl v. Richardson et Hayduk c. Pidoborozny. Malgré ceci cependant, Gerhold a agi en propriétaire en plusieurs occasions importantes. D’abord, il a inscrit la voiture sous la couverture de sa police d’assurance, et ce faisant il certifiait à la compagnie d’assurance que la voiture était à lui. Deuxièmement, il a fait la demande d’immatriculation, d’abord en 1966 et de nouveau en 1968 et 1969, et il a montré fortement sa désapprobation lorsque Doman l’avait fait en son nom en 1967. Enfin, et à mon avis c’est là le point le plus important, il a vendu la voiture endommagée et a utilisé le produit de la vente à ses propres fins sans de toute évidence avoir l’intention d’en rendre compte à la succession de feu Chester Doman. Ce dernier geste ne peut être compatible qu’avec une affirmation de son droit de propriété sur la voiture.

[10] Dans l’arrêt Hayduk c. Pidoborozny, [1972] R.C.S. 879, le juge Ritchie a dit, aux pages 885-6, (traduction) :

Il est logique que le propriétaire enregistré soit considéré comme le “propriétaire” au sens de la Loi, parce que le but même de l’immatriculation est de porter à la connaissance de tous les usagers de la route l’identité de la personne qu’ils peuvent considérer comme propriétaire, en cas d’accident. En l’espèce, toutefois, l’affirmation que le père était le propriétaire au sens de l’art. 130 ne s’appuie pas seulement sur l’immatriculation. Dans ce cas-ci, le père est l’acheteur de véhicule automobile en vertu d’un contrat de vente conditionnelle qu’il a signé, mais que le fils n’a pas signé. Il est vrai que le fils a effectué tous les versements dus en vertu de ce contrat, avec ses propres deniers, mais le contrat a été consenti sur le crédit du père et les versements n’ont été acquittés en totalité qu’après l’accident. En toute déférence pour les membres de la Chambre d’appel, je pense comme le savant juge de première instance qu’il y a eu une vente valide de ce véhicule au défendeur Peter Pidoborozny (le père) et qu’il était le propriétaire, en common law, même si le fils a fait tous les versements dus en vertu du contrat de vente conditionnelle et a eu la possession exclusive de l’automobile depuis le jour le l’achat de celle-ci.

[11] Je reconnais que ces deux arrêts ont interprété le mot “ propriétaire ” au sens de la législation provinciale et qu’il peut y avoir d’autres considérations quand il faut trancher la question des mots “ acquérir ”, “ fournir ”, ou “ importer ”. Néanmoins, ces mots impliquent l’idée d’un droit de propriété.

[12] Dans la cause M.R.N. c. Wardean Drilling Ltd., 69 DTC 5194, le juge Cattanach a dit à la page 5197 :

In my opinion the proper test as to when property is acquired must relate to the title to the property in question or to the normal incidents of title, either actual or constructive, such as possession, use and risk.

[13] Aussi, dans le dictionnaire Le Nouveau Petit Robert on trouve la définition suivante du mot “ acquérir ” :

Devenir propriétaire de (un bien, un droit), par achat, échange, succession.

[14] Dans les circonstances de cette cause, je suis convaincu que le vrai propriétaire de la voiture était monsieur Benlezrah et non pas la société.

[15] L’appel est donc rejeté.

Signé à Ottawa, Canada ce 10ième jour de février 1998.

“ D.G.H. Bowman ”

J.C.C.I.

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