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Date: 19991030

Dossier: 98-2730-IT-I

ENTRE :

GILLES BERGERON,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1] Il s'agit d'un appel par voie de la procédure informelle, concernant l'année d'imposition 1997. La question en litige est de déterminer si le ministre du Revenu national (le “Ministre”) a correctement inclus, dans le calcul du revenu de l'appelant, la somme de 14 000 $ à titre de prestation imposable provenant d'un Régime enregistré d'épargne-retraite (“REER”), à l'égard de l'année d'imposition 1997, en vertu de l'alinéa 56(1)h) et du paragraphe 146(8) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “Loi”).

[2] Les faits sur lesquels le Ministre s'est fondé pour établir la cotisation sont décrits au paragraphe 5 de la Réponse à l'avis d'appel (la “Réponse”) comme suit :

a) l'appelant a fait une première demande de retrait dans le cadre du programme du Régime d'accession à la propriété et a alors retiré, le 9 décembre 1996, une somme de 6 000 $ d'un REER;

b) le retrait pour la somme de 6 000 $ a été considéré admissible par le ministre dans le cadre du programme du Régime d'accession à la propriété;

c) l'appelant a fait une deuxième demande de retrait dans le cadre du programme du Régime d'accession à la propriété et a alors retiré, le 6 février 1997, une somme de 14 000 $ d'un REER;

d) pour l'année d'imposition 1997, l'appelant, ayant déjà participé dans l'année d'imposition 1996 au programme du Régime d'accession à la propriété, ne pouvait pas y participer de nouveau;

e) conséquemment, le retrait de la somme de 14 000 $ provenant d'un Régime enregistré d'épargne-retraite fut ajouté dans le calcul du revenu de l'appelant à l'égard de l'année d'imposition 1997.

[3] Les faits décrits à l'Avis d'appel sont les suivants :

....

Voici les circonstances de cette affaire :

— En 1996, Gilles décide d'acheter une maison pour y résider;

— Il dispose d'un capital de 8 000 $ (env.);

— On lui suggère d'adhérer au programme R.A.P. Il détient 6 000 $ de REER avec une compagnie d'assurance;

— Le banquier consulté pour l'hypothèque suggère à Gilles de faire un emprunt de 14 000 $ pour acheter un autre REER permettant d'atteindre le maximum autorisé, soit 20 000 $;

— L'emprunt est déposé en REER au début de novembre 1996;

— En décembre 1996, Gilles s'informe auprès de l'assureur qui gère son REER de 6 000 $ des modalités de retrait en vertu du programme R.A.P.;

— On lui fait signer une formule sans aucune explication;

— Quelques jours plus tard, Gilles reçoit à son grand étonnement un chèque de 6 000 $ de cet assureur;

— Ignorant la technicalité du programme R.A.P., il dépose l'argent à la banque car il n'en a besoin qu'en mai 1997;

— Au début de février 1997, le banquier qui gère le REER de 14 000 $ lui fait signer une formule de transfert au programme R.A.P.;

— Au printemps 1997, en produisant ses rapports d'impôt, Gilles réclame une exemption de REER de 14 000 $;

— Impôt Canada et Revenu Québec lui remboursent une somme globale de 5 000 $ (env.);

— Gilles procède à l'achat de sa résidence en mai 1997;

— Il débourse 12 000 $ comptant et 2 000 $ de frais;

— Il procède à des travaux pour 4 000 $;

— Le 20 août 1997, Gilles est avisé par lettre que le REER de 14 000 $ est refusé car le programme R.A.P. avait été sollicité en 1996 lors du remboursement de 6 000 $ par l'assureur;

...

[4] L'appelant et monsieur Jean-Paul Tessier, agissant comme représentant de celui-ci, ont témoigné. Tel que mentionné à l'Avis d'appel, en 1996, l'appelant détenait 6 000 $ dans un REER auprès d'une compagnie d'assurances. Le 5 novembre 1996, sur le conseil d'un banquier auprès duquel il sollicitait un emprunt hypothécaire, il emprunte de cette banque un montant de 14 000 $ pour déposer dans un REER géré par cette banque. Les documents montrant cet emprunt et cette contribution au REER ont été produits comme pièce A-1.

[5] La déduction du montant de 14 000 $ versé au REER a été incluse par l'appelant dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition 1996. La déclaration d'impôt pour l'année 1996 et pour l'année 1997 ont été produites comme pièces I-1 et I-2.

[6] La prime de 14 000 $ qui a été versée le 5 novembre 1996 au REER de l'appelant ne pouvait être retiré par lui, pour les fins du Régime d'accession à la propriété, moins de 90 jours après son versement, selon l'alinéa 146(5)a)(iv.1) de la Loi (ci-après cité), si l'appelant voulait conserver le droit à la déduction de la prime pour l'année 1996. C'est ce qui explique pourquoi ce versement n'a été retiré que le 6 février 1997.

[7] L'alinéa 146(5)a)(iv.1) de la Loi se lit comme suit :

146(5) Un contribuable peut déduire dans le calcul de son revenu pour une année d'imposition le montant qu'il demande, à concurrence du moins élevé des montants suivants :

a) l'excédent éventuel du total des montants représentant chacun une prime que le contribuable a versée après 1990 et au plus tard le soixantième jour suivant la fin de l'année à un Régime enregistré d'épargne-retraite dont il était rentier au moment du versement de la prime, à l'exception :

...

(iv.1) de la fraction de la prime qui serait considérée comme retirée par lui à titre de montant admissible, au sens du paragraphe 146.01(1), moins de 90 jours après son versement si les gains relatifs à un Régime enregistré d'épargne-retraite étaient considérés comme retirés avant les primes versées dans le cadre de ce régime et si les primes étaient considérées comme retirées suivant l'ordre dans lequel elles ont été versées,

...

[8] Le 28 novembre 1996, l'appelant a retiré du REER qu'il détenait auprès de la compagnie d'assurances, la somme de 6 000 $ à titre de retrait sous le Régime d'accession à la propriété. La pièce A-2 est constituée de deux formules concernant le Régime d'accession à la propriété, une est une demande de retrait pour l'année 1996 et l'autre pour l'année 1997. Celle de l'année 1997, au montant de 14 000 $, est en date du 6 février 1997. À la partie 2, Attestation du participant, il est mentionné :

... Je n'ai pas participé au Régime d'accession à la propriété avant le 1er janvier 1997. ...

[9] Les circonstances du premier retrait se trouvent dans les quelques paragraphes de l'Avis d'appel ci-avant cités. Selon l'Avis d'appel, l'appelant n'avait fait que discuter auprès de l'assureur des modalités de retrait sans en faire la demande. L'Avis d'appel mentionne aussi que le montant de 6 000 $ a été retiré du REER et tout simplement déposé à la banque et n'aurait été utilisé qu'en mai 1997.

[10] Pour quelle raison un premier retrait a-t-il eu lieu en 1996 plutôt que d'avoir attendu à l'année 1997, ce qui aurait permis à l'appelant de n'inclure ni l'une ni l'autre des prestations à titre de prestation imposable? Le représentant de l'appelant dit qu'il s'agit d'un versement prématuré du montant de 6 000 $ qui n'avait fait l'objet d'aucune demande éclairée. Tout ceci est bien étonnant. Dans cette affaire, l'on a que la version des faits de l'appelant. Il n'y a pas eu d'autres éléments de preuve comme la correspondance entre l'assureur et l'appelant lors et après le retrait, ou encore celle avec le banquier. Il n'y a pas eu non plus le dépôt des contrats relatifs à l'achat de la propriété: le contrat d'hypothèque, l'offre d'achat et le contrat d'achat. Ces éléments de preuve auraient pu aider à comprendre le malheureux retrait du montant de 6 000 $ en 1996. Toutefois, l'absence d'information à ce sujet n'empêche toutefois pas de rendre une décision dans cette affaire.

[11] L'alinéa 56(1)h) et le paragraphe 146(8) de la Loi se lisent comme suit :

56(1) Sans préjudice de la portée générale de l'article 3, sont à inclure dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition :

...

h) toutes sommes relatives à un régime enregistré d'épargne-retraite ou à un fonds enregistré de revenu de retraite et qui doivent, en vertu de l'article 146, être incluses dans le calcul du revenu du contribuable pour l'année

146(8) Est inclus dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition le total des montants qu'il a reçus au cours de l'année à titre de prestations dans le cadre de régimes enregistrés d'épargne-retraite, sauf des retraits exclus au sens du paragraphe 146.01(1), et des montants qui sont inclus, en application de l'alinéa (12)b), dans le calcul de son revenu.

La définition de “prestation” se retrouve au paragraphe 146(1) de la Loi et, pour la partie pertinente, se lit comme suit :

“prestation” – Est comprise dans une prestation toute somme reçue dans le cadre d'un régime d'épargne-retraite, à l'exception :

...

[12] Ces dispositions veulent que doit être inclus dans le calcul du revenu d'un contribuable le total des montants qu'il a reçu au cours de l'année à titre de prestations dans le cadre d'un Régime enregistré d'épargne-retraite, sauf des retraits exclus au sens du paragraphe 146.01(1).

[13] Le montant de 14 000 $, que l'appelant a reçu à titre de prestations en 1997 dans le cadre d'un REER, est-il un retrait exclu au sens du paragraphe 146.01(1) du Régime d'accession à la propriété? Les définitions de “montant admissible” et “retrait exclu” du paragraphe 146.01(1) de la Loi se lisent comme suit :

146.01(1) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article :

montant admissible” — Montant qu'un particulier reçoit à un moment donné à titre de prestation dans le cadre d'un régime enregistré d'épargne-retraite, si les conditions suivantes sont réunies :

a) le particulier reçoit le montant après le 25 février 1992 à sa demande écrite présentée sur formulaire prescrit dans lequel il indique l'emplacement de l'habitation admissible qu'il a commencé à utiliser comme lieu principal de résidence ou qu'il a l'intention de commencer à utiliser ainsi moins d'un an après son acquisition;

...

i) si le moment donné est postérieur à 1994, le particulier n'a pas reçu de montant admissible avant l'année civile qui comprend ce moment.

retrait exclu” — S'entend du retrait d'un particulier qui constitue :

a) soit un montant admissible reçu par celui-ci;

...

[14] On voit à ce paragraphe qu'un montant admissible est un montant qu'un particulier reçoit dans une année civile, à titre de prestation dans le cadre d'un REER, si les conditions décrites à cette définition sont réunies, notamment, si le particulier n'a pas reçu de montant admissible relativement à une habitation admissible avant cette année civile. Ce montant admissible est alors considéré comme un retrait exclu, en vertu de la définition de “retrait exclu” au même paragraphe. En d'autres termes, il ne peut y avoir de retrait exclu plus d'une année.

[15] Dans le contexte de cette affaire, il est aussi d'intérêt de noter l'alinéa 146.01(2)f) de la Loi qui se lit comme suit :

146.01(2) Les présomptions suivantes s'appliquent au présent article :

...

f) sauf pour l'application du présent alinéa et des alinéas a) à h) de la définition de “montant admissible” au paragraphe (1), le particulier qui reçoit un montant admissible au cours d'une année civile donnée ainsi qu'un autre montant à un moment donné en janvier de l'année civile suivante, ou à tout moment postérieur de cette année que le ministre estime acceptable —— lequel montant serait un montant admissible s'il n'était pas tenu compte de l'alinéa i) de cette définition —— est réputé avoir reçu l'autre montant à la fin de l'année donnée et non au moment donné, si la demande visée à l'alinéa a) de cette définition par suite de laquelle l'autre montant a été reçu a été faite avant la fin de l'année donnée.

[16] Un montant admissible peut être reçu en janvier et être considéré comme un montant admissible pour l'année précédente, si la demande du retrait s'est faite avant la fin de cette année précédente. Dans la présente affaire, le paiement ne pouvait avoir lieu qu'en février, tel qu'expliqué au paragraphe 6 de ces motifs. Il n'y avait pas possibilité d'application de cet alinéa et ce n'est donc pas sous cet aspect qu'il y a eu erreur d'aiguillage.

[17] L'erreur c'est d'avoir retiré en 1996 le montant de 6 000 $ et non en 1997. Le représentant de l'appelant demande à cette Cour d'annuler le paiement du montant de 6 000 $. Je ne vois pas sous quelle autorité cela pourrait se faire. Ainsi que je l'ai mentionné au paragraphe 9 de ces motifs, je n'ai aucune preuve devant moi que ce paiement n'a pas été fait selon la demande de l'appelant. Au contraire, la demande a été produite comme pièce A-2 et elle est signée par l'appelant. S'il y avait matière à rescision de cet acte juridique, les recours auraient du préalablement être exercés auprès de la compagnie d'assurance.

[18] En regard de ce qui a été fait, vu qu'il y a eu réception d'un montant admissible en 1996, au montant de 6 000 $, il me faut conclure que le montant de 14 000 $, reçu en l'année 1997 à titre de prestation dans le cadre d'un REER, n'est pas un montant admissible au sens du paragraphe 146.01(1) de la Loi. En conséquence, ce montant doit être inclus dans le revenu de l'appelant en vertu de l'alinéa 56(1)h) et du paragraphe 146(8) de la Loi. L'appelant a été correctement cotisé en fait et en droit.

[19] L'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour d'octobre, 1999.

“Louise Lamarre Proulx”

J.C.C.I.

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