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Date: 20020108

Dossiers: 2000-3931-IT-I, 2000-3934-IT-I

ENTRE :

CHRISTIANE AURAY-BLAIS,

JEAN-FRANÇOIS BLAIS

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

Intimée.

Motifsdu jugement

La juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1]            Ces appels ont été entendus selon la procédure informelle et sur preuve commune.

[2]            Les questions en litige pour l'année 1996 sont de savoir :

1)              si l'acquisition d'un tracteur était une dépense afférente aux activités de recherche scientifique et de développement expérimental (" RS & DE "), au sens du sous-alinéa 37(8)a)(ii)(A) (III) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la " Loi "); et

2)              si l'acquisition d'un tracteur ayant déjà été utilisé deux ans mais vendu avec la garantie d'un tracteur neuf, est un bien admissible au crédit d'impôt à l'investissement, au sens du paragraphe 127(9) de la Loi.

[3]            Les questions en litige pour l'année 1997 sont de savoir :

1)              si une dépense d'intérêt de 5 410 $ était une dépense prescrite selon l'article 2902 duRèglement de l'impôt sur le revenu (le " Règlement ") et par conséquent, non admissible au crédit d'impôt à l'investissement (le " CII ");

2)              si cette dépense d'intérêt était une dépense afférente aux activités de RS & DE au sens de l'alinéa 37(8)a) de la Loi; et,

3)              si la répartition des pertes de l'entreprise telle que modifiée par le ministre du Revenu national (le " Ministre ") soit à part égale 50 / 50 entre les associés en vertu de l'autorité qui lui est conférée par le paragraphe 103(1.1) de la Loi est raisonnable dans les circonstances.

[4]            Pour établir sa nouvelle cotisation en date du 8 mai 2000, à l'égard de l'appelante, le Ministre s'est fondé sur les faits décrits au paragraphe 8 de la Réponse à l'avis d'appel (la " Réponse ") comme suit :

a)              durant la période en litige, l'appelante et monsieur Jean-François Blais étaient associés dans une entreprise faisant de la RS & DE (ci-après, l'" entreprise ");

b)             suite à l'analyse du projet de RS & DE, le Ministre a refusé les dépenses suivantes dans le cadre du RS & DE de l'entreprise :

                1996

i)               un certain bien a été jugé non admissible au Crédit d'impôt à l'investissement (ci-après, le " CII ") et non déductible à titre de dépense de RS & DE; il s'agit d'un tracteur pour lequel un montant de 36 000 $ était inclus dans le calcul du compte de dépenses de RS & DE;

ii)              l'appelante était d'accord avec le refus du CII sur le tracteur puisque celui-ci est usagé;

1997

iii)             une dépense d'intérêts de 5 410 $ que le Ministre a :

·          jugé non déductible à titre de RS & DE;

·          jugé non admissible au CII puisqu'il s'agit d'une dépense prescrite selon l'article 2902 du Règlement de l'impôt sur le revenu (ci-après, le " Règlement ");

·          considéré cette dépense comme une dépense d'exploitation;

iv)            l'appelante était d'accord avec le refus du CII sur la dépense d'intérêts;

v)             la répartition des pertes de l'entreprise a été modifiée pour que les pertes soient réparties à part égale (50-50) entre les associés;

vi)            en aucun temps l'appelante n'a été en mesure de fournir des documents pouvant prouver la répartition du temps de travail entre les associés;

vii)           conséquemment, le Ministre a émis à l'appelante les avis de nouvelle cotisation en date du 8 mai 2000, pour les années d'imposition en litige.

[5]            En ce qui concerne l'appelant, la Réponse donne un détail supplémentaire pour expliquer le refus du Ministre de considérer le tracteur comme une dépense en capital afférente aux activités de RS & DE au sens de l'alinéa 37(8)a) de la Loi. L'alinéa b)iii) de la Réponse dit ceci :

... la durée de vie du tracteur est plus longue que la durée du projet de RS & DE.

[6]            En ce qui concerne la répartition des pertes de l'entreprise pour l'année 1997, l'alinéa b)vi) de la Réponse de l'appelant mentionne ce qui suit :

dix pour-cent de la perte de l'entreprise a été attribué à l'appelant, tel que ce dernier l'avait présenté dans sa déclaration de revenus pour l'année d'imposition 1997;

[7]            À cet égard, l'avocate de l'intimée a affirmé que si la décision était de maintenir la répartition du Ministre à parts égales que 50 pour-cent de la perte de l'entreprise sera attribuée à l'appelant pour l'année d'imposition 1997.

[8]            Les Avis d'appel sont identiques :

...

Voici l'énoncé du différend qui nous sépare de la position du personnel de Revenu Canada pour la société de recherche Christiane et Jean-François Blais : pour les avis de cotisation de 1996, il avait été exclu des dépenses scientifiques, certains instruments (servant exclusivement à la recherche) dont la vie utile a été jugée par Revenu Canada avec une espérance de vie plus longue que celle du projet de recherche. Ceci a eu comme conséquence de ne pas pouvoir inclure ces instruments comme dépenses de recherche. La décision rendue pour l'avis d'opposition, quoique confuse, ne nous permet pas de conclure que les instruments en cause ne sont pas admissibles comme dépenses de recherche scientifique. Par le fait même, le calcul des données fourni ne nous renseigne pas sur la position du Ministère.

Nous aimerions donc que la Cour rende une décision sur la définition de vie utile et son application (en utilisant le temps de réalisation du projet comme vie utile ou autres, tels l'amortissement, l'évaluation du bien (valeur matérielle, valeur technologique, valeur économique), la valeur marchande après quelques années, etc.), au niveau d'instruments servant exclusivement à la recherche scientifique.

Pour les avis de cotisation de 1997, nous ne sommes pas en accord avec les représentants de Revenu Canada de disposer à leur guise du contrat de société pour le partage des profits et des pertes ainsi que de l'attribution des traitements aux sociétaires.

De plus, nous aimerions que la Cour fasse appliquer un même taux créditeur pour la période d'imposition encourue pour les années 1996-1997 pour chacun des avis de cotisation, car il est à considérer que l'effet de la société d'individus agit comme vase communiquant sur les montants des avis de cotisation de chacun et que la différence entre les taux créditeurs et débiteurs pénalise indubitablement la société. De plus, nous aimerions pouvoir présenter notre appel conjointement.

...

[9]            Les deux appelants ont témoigné. Tous les deux sont biochimistes.

[10]          L'appelant a travaillé pour Agriculture Canada de 1972 à 1983. Il a quitté pour tenter une carrière de consultant. Maintenant, il est dans la recherche. L'appelante travaille présentement au Centre Hospitalier de l'Université de Sherbrooke (" CHUS ").

[11]          L'appelant a expliqué qu'en 1997, il participait à deux projets de recherche, soit celui de la société Christiane et Jean-François Blais, et celui de Innovations et Intégrations Brassicoles Inc. C'est du premier projet dont il est question ici.

[12]          En ce qui concerne le deuxième projet, en 1997, une subvention du Conseil national de recherche au montant de 15 000 $ avait été accordée à cette corporation et non à l'appelant parce que selon ce dernier le Conseil national de recherche ne donnerait de subventions qu'à une entité corporative. Toutefois, cette entité corporative pourrait accorder comme salaire au principal chercheur le montant de la subvention et c'est ainsi que l'appelant a un revenu de 15 000 $ pour l'année 1997.

[13]          Le projet de recherche des appelants concerne le développement de plants de houblon et d'orge capables de résister à certaines maladies et infections. Le Ministre n'a pas contesté que ce projet était une activité de RS & DE.

[14]          En ce qui concerne la répartition des pertes de l'entreprise de la société, l'appelant a produit la pièce A-1. Il s'agit de documents préparés pour les fins de l'audition. Ces documents comprennent les déclarations de revenu des appelants montrant la différence de revenus. Le revenu de l'appelante en 1997 est plus de deux fois supérieur à celui de l'appelant. Dans les années antérieures, il l'était encore beaucoup plus, ce qui fait que selon le calcul de l'appelant pour les années 1994 à 1997, la proportion était de 88 p. 100 à 12 p. 100. Les documents de cette pièce comprennent aussi des descriptions générales des travaux faits ainsi qu'une compilation globale des heures travaillées. L'appelante aurait travaillé 508 heures durant cette année 1997, alors que l'appelant aurait travaillé 51 heures. L'appelant affirme qu'il a travaillé 2 300 heures pour Innovations et Intégrations Brassicoles Inc. durant l'année 1997 et qu'il n'aurait accordé que 51 heures pour le projet de recherche commun. Les documents ne comprennent pas une description des travaux faits au jour le jour et de qui les effectuaient. Il n'y a pas non plus de tableau indiquant les apports financiers de chacun des deux appelants.

[15]          Les appelants ont affirmé avoir acheté le tracteur pour faire les travaux de culture requis pour leurs activités de RS & DE, à l'égard d'une expérimentation qui peut durer de 10 à 15 ans. L'appelante a dit qu'elle n'aurait pas acquis le tracteur si cela n'avait été pour des projets de recherche et développement.

[16]          L'appelante a expliqué qu'ils avaient déjà acheté un tracteur en 1977 et qu'ils en ont acheté un autre en 1996, un tracteur qui avait été remis à neuf. Elle a admis que le tracteur pouvait à l'occasion être utilisé pour les travaux de la corporation pour laquelle son mari était le chercheur. Elle a aussi admis que c'était son mari qui utilisait le plus souvent le tracteur.

[17]          Elle a aussi mentionné qu'elle et son mari possédaient 195 acres de terrain dont quatre acres étaient consacrés au projet commun. Les appelants exercent aussi des activités agricoles.

[18]          Selon l'appelante, la période la plus active de l'entreprise était d'avril à octobre, 30 semaines, où elle aurait travaillé 10 heures par semaine.

[19]          Les dépenses d'intérêt concernaient deux emprunts, soit un au montant de 33 000 $ pour l'achat du tracteur Landini et un deuxième de 60 000 $ pour les frais de fournitures d'équipement et d'installation. Il n'y a eu aucune description détaillée du montant de 60 000 $. Les appelants ont témoigné pour dire qu'il s'agissait d'achats d'ordinateur et autres dans les années antérieures, mais aucun document n'a été présenté pour expliquer ce total de 60 000 $.

[20]          Les appelants ont expliqué que les emprunts sont faits conjointement mais que les remboursements se faisaient dans la proportion de leurs revenus.

[21]          Monsieur Jean-Guy Paquet est un conseiller scientifique régional pour l'Agence des douanes et du revenu Canada (" ADRC "). Selon lui l'achat du tracteur ne pouvait pas être considéré comme une dépense en capital afférente aux activités de RS & DE parce que le tracteur lui-même n'était pas sujet à expérimentation. Il ne s'agissait pas d'un prototype qui était consommé dans le cadre des activités de RS & DE. Il a aussi fait mention que l'achat du tracteur était exagéré. Il a donné comme exemple l'achat d'un Boeing par une personne qui expérimenterait le revêtement des pistes d'avions.

[22]          Monsieur Gaétan Descheneaux, vérificateur a expliqué qu'il s'était informé au sujet de la durée de vie du projet ainsi que la durée de vie du tracteur. La durée de vie du projet était de 10 ans et celle du tracteur de 20 à 25 ans. C'est sur cette base qu'il a refusé de le considérer comme étant une dépense afférente aux activités de RS & DE. En ce qui concerne le crédit d'impôt pour investissement, le tracteur n'était pas un bien admissible puisqu'il n'était pas neuf. En ce qui concerne les dépenses d'intérêt, elles n'étaient pas déductibles en vertu de l'article 37 si l'achat du tracteur n'était pas une dépense de RS & DE. En ce qui a trait au CII, les intérêts ne sont pas des dépenses admissibles vu l'article 2902 du Règlement qui en fait des dépenses prescrites.

[23]          Par ailleurs, une allocation de coût en capital a été accordée pour le tracteur pour les années 1996 et 1997, ainsi que les intérêts dans le calcul du revenu de l'entreprise agricole.

[24]          La pièce I-5 a été produite lors du témoignage de monsieur Descheneaux. Il s'agit du rapport sur opposition. On y lit ce qui suit relativement à la dépense du tracteur et la répartition des pertes et profits de la société formée par les appelants :

1996 -

Nous maintenons la cotisation à savoir que le tracteur acquis en 1996 pour la somme de 36 000 $ n'est pas admissible comme dépenses de RS & DE; en effet, le vérificateur s'est informé auprès d'un concessionnaire de tracteur pour savoir le prix de vente d'un tracteur de même marque ayant dix ans d'usure et celui-ci lui a répondu environ 20 000 $. Il est donc évident que lorsque les dix ans de RS & DE auront été effectués, le tracteur n'aura pas été consommé à 90%.

1997 -

Nous maintenons la cotisation résultant de la répartition des parts de 50:50 dans la société; puisque le contribuable n'a aucun document pouvant nous prouver qu'il a fait 90% du temps de travail alors que son associé n'a fait que 10%.

...

[25]          Monsieur Bertrand Provencher, conseiller technique, a expliqué qu'en 1997, l'appelante travaillait à plein temps au CHUS et l'appelant travaillait sur son propre projet de recherche. Il est donc raisonnable de croire que les deux travaillaient à part égale sur le projet de la société. Les apports financiers de chacun n'ont pas été spécifiquement révélés. Il n'y a pas de raisons pour lesquelles il ne s'agirait pas d'une répartition à moitié moitié.

[26]          Monsieur Marcel Vaillancourt, un évaluateur à ADRC a témoigné. Il a expliqué que la vie économique d'un tracteur est habituellement de 15 à 20 ans. Un tracteur ne perd pas tellement de valeur. La durée de vie utile signifie durée de vie économique.

Arguments

[27]          Les appelants se sont référés à la décision du juge Hamlyn dans Com Dev Ltd c. La Reine, [1999] A.C.I. no 141 (Q.L.) :

28             L'article 37 de la Loi vise à encourager la recherche scientifique au Canada (Consoltex Inc. v. The Queen, 97 DTC 724, C.C.I.). L'incitation fiscale à faire des travaux de RSDE au Canada est double. Premièrement, les dépenses en RSDE donnent droit à un traitement de faveur en vertu de l'article 37. Les dépenses admissibles en vertu de l'article 37 sont entièrement déductibles pour l'année dans laquelle elles ont été engagées ou peuvent être regroupées et déduites pour des années ultérieures. Deuxièmement, un CII peut être obtenu en vertu du paragraphe 127(5) de la Loi.

29             Le paragraphe 127(5) de la Loi permet à un contribuable de demander une déduction fondée sur le CII du contribuable pour l'année. Le CII pour l'année est défini au paragraphe 127(9) de la Loi. La définition d'un CII en vertu du paragraphe 127(9) de la Loi inclut, entre autres, un pourcentage des " dépenses admissibles " d'un contribuable faites dans l'année. L'expression " dépense admissible " est également définie en vertu du paragraphe 127(9) de la Loi. L'intimée admet que les montants en question sont des " dépenses admissibles " de l'appelante au sens du paragraphe 127(9) et donneraient droit au CII en vertu du paragraphe 127(9) si on interprétait cette définition sans se reporter à l'alinéa 127(11.1)c) de la Loi.

[28]          Les appelants font valoir que les dispositions de l'article 37 de la Loi sont des mesures d'encouragement à la recherche et doivent être interprétées libéralement. Les appelants font valoir que le tracteur a été utilisé à 100 p. 100 pour les activités de RS & DE et que sa vie utile coïncidera avec la durée anticipée de leur projet, soit dix ou quinze ans. Au terme du projet de recherche, les biens utilisés à 100 p. 100 pour les activités de RS & DE n'auront plus d'utilité.

[29]          L'avocate de l'intimée fait valoir que le tracteur aura à la fin du projet une grande valeur résiduelle et que la proportion dans laquelle le tracteur est utilisé par le projet de recherche des appelants est vague : l'appelant a son propre projet de recherche pour lequel il utilise aussi le tracteur et il y a aussi les activités agricoles des appelants. Il ne s'agit pas selon elle d'une application de l'article 37 de la Loi.

Conclusion

[30]          Le sous-alinéa 37(8)a)(ii)A(III) se lit comme suit :

37(8)        Interprétation — Dans le cadre du présent article :

a)             les mentions des dépenses afférentes aux activités de recherche scientifique et de développement expérimental :

...

(ii)            lorsqu'elles figurent ailleurs qu'au paragraphe (2), se limitent :

(A)           aux dépenses engagées par un contribuable au cours d'une année d'imposition, sauf une année d'imposition pour laquelle le contribuable a fait le choix prévu à la division (B), représentant chacune :

...

(III)          soit une dépense en capital pour la fourniture de locaux, d'installations ou de matériel qui, au moment où la dépense est engagée, répondent à l'une des conditions suivantes :

1.              ils sont censés être utilisés, pendant la totalité, ou presque, de leur temps d'exploitation au cours de leur vie utile prévue, dans le cadre d'activités de recherche scientifique et de développement expérimental exercées au Canada,

2.              la totalité, ou presque, de leur valeur est censée être consommée dans le cadre d'activités de recherche scientifique et de développement expérimental exercées au Canada,

[31]          Pour déterminer l'application de cette disposition, il faut se placer au moment où la dépense en capital est engagée. Le matériel acquis doit répondre à l'une des deux conditions suivantes. Il faut que le matériel soit utilisé en totalité ou presque en totalité pour des activités de RS & DE pendant le temps ou presque tout le temps où le matériel est en état de fonctionnement normal. La deuxième condition est que la valeur du matériel soit consommée en totalité ou presque en totalité par les activités de RS & DE.

[32]          Les appelants ont parlé d'une durée de projet de recherche de 10 ans. Ils ont aussi parlé que leurs recherches pourraient se continuer sur une durée de quinze ans. Ils ont aussi mentionné qu'ils croyaient que le tracteur n'aurait plus de valeur ou d'usage à la fin de la période expérimentale.

[33]          Le conseiller scientifique régional semblait émettre deux raisons pour le refus de la dépense. La première avait trait aux conditions de l'article 37, soit que la durée de vie utile du bien était supérieure à celle du temps des expériences ou que la valeur du bien ne sera pas consommée par l'expérience. Certains témoins ont aussi émis l'avis que ce n'était pas la totalité ou presque la totalité du temps d'exploitation du tracteur qui était consacrée aux activités de RS & DE. La deuxième raison émise par le conseiller scientifique régional aurait été que l'achat du tracteur lui paraissait nettement exagéré pour les fins de recherche poursuivies par les appelants. La deuxième raison qui est peut être une raison valable n'est pas celle qui a été donnée aux appelants.

[34]          Je dois constater que la raison donnée aux appelants est que la durée de vie utile du tracteur dépassait celle du projet. C'est cette seule raison que je dois examiner. C'est celle qui est exprimée à la Réponse. La difficulté dans cet appel est le manque de précisions de la Réponse à l'avis d'appel à l'égard de ce que le Ministre considérait la vie utile et la valeur résiduelle du tracteur après 10 ou 15 ans d'activités de RS & DE. Des chiffres ont été énoncés par les témoins de l'intimée. Ils ont dit que le tracteur pourrait valoir 20 000 $ après ses 10 ou 15 ans d'usage et pourrait avoir encore une dizaine d'années de vie de fonctionnement normal à la fin des activités de recherche. Ces chiffres auraient dû être mentionnés dans la Réponse. Ce sont des faits importants sur lesquels s'est fondé le Ministre. On les voit énoncés dans le rapport produit comme pièce I-5. Cependant, ces données ne semblent pas avoir été transmises aux appelants. Il n'y a pas eu en preuve de lettres aux appelants leur indiquant ces données. On ne leur a mentionné que la vie utile du tracteur dépassait la durée du projet. Je suis d'avis qu'il aurait fallu être plus explicite.

[35]          Il n'est pas évident à prime abord qu'au terme d'un projet de 10 à 15 ans, presque la totalité de la valeur d'un tracteur n'aura pas été consommée dans le cadre des activités de RS & DE exercées au Canada. Des données précises doivent être mentionnées dans les lettres aux appelants et dans la Réponse afin qu'un débat judiciaire valable et équitable ait lieu. Il en va de même si l'intimée veut faire valoir que le matériel est utilisé substantiellement pour d'autres activités que des activités de RS & DE ou que la dépense n'est pas raisonnable dans les circonstances, il s'agit d'allégués qui doivent se retrouver dans la Réponse. Vu que la proposition des appelants n'est pas à sa face même déraisonnable en ce qui concerne la vie utile du tracteur et vu l'absence d'allégations des autres moyens soulevés lors de l'audience par les témoins de l'intimée, il me faut conclure que l'acquisition du tracteur est une dépense en capital afférente aux activités de RS & DE au sens de l'alinéa 37(8)a) de la Loi.

[36]          En ce qui concerne le crédit d'impôt à l'investissement, le paragraphe 127(9) de la Loi définit ainsi " bien admissible " :

Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article

...

" bien admissible " Relativement à un contribuable, bien (à l'exclusion d'un bien d'un ouvrage approuvé et d'un bien certifié) qui est :

a)             soit un bâtiment visé par règlement, dans la mesure où le contribuable l'a acquis après le 23 juin 1975;

b)             soit une machine ou du matériel visés par règlement et que le contribuable a acquis après le 23 juin 1975,

qui, avant l'acquisition, n'a été utilisé à aucune fin ni acquis pour être utilisé ou loué à quelque fin que ce soit, et :

c)              ...

[37]          Il a été admis par les appelants que le tracteur avait déjà été utilisé deux ans avant son acquisition par les appelants. Ils ont fait valoir que la garantie qui leur avait été offerte sur ce tracteur était identique à celle qui est offerte sur un tracteur neuf. Je suis d'avis toutefois que le texte de la Loi est bien clair. La machine ou le matériel avant l'acquisition ne doit pas avoir été utilisé à aucune fin ni avoir été acquis pour être utilisé ou loué à quelque fin que ce soit. Le tracteur n'est donc pas un bien admissible pour le crédit d'impôt à l'investissement au sens de ces définitions au paragraphe 127(9) de la Loi.

[38]          En ce qui concerne les intérêts, l'avocate de l'intimée a fait valoir que les intérêts seraient acceptables comme dépenses en recherche et développement en vertu de l'article 37(8) si la dépense du tracteur est acceptée. Elle n'a pas fait de distinction quant au but des intérêts à payer, à savoir s'il s'agissait d'intérêts sur l'emprunt pour l'acquisition du tracteur ou pour l'acquisition des ordinateurs les années précédentes. Je n'en ferai pas. Ces intérêts doivent donc être considérés comme des dépenses courantes attribuables à des activités de RS & DE au sens de l'article 37 de la Loi.

[39]          L'avocate de l'intimée fait valoir que toutefois, ce sont des dépenses prescrites en ce qui concerne le CII. Elle se réfère à l'article 2902 du Règlement et à l'alinéa 20(1)c) de la Loi. Ce dernier alinéa vise les intérêts. La partie pertinente de l'article 2902 du Règlement se lit comme suit :

2902         Pour l'application de la définition " dépense admissible ", au paragraphe 127(9) de la Loi, une dépense prescrite est

a)             une dépense de nature courante engagée par un contribuable

(i)             pour l'administration générale ou la gestion d'une entreprise, y compris

...

(C)            une somme visée à l'un des alinéas 20(1)c) à g) de la Loi,

[40]          Je suis d'avis que les vues de l'avocate sont conformes à la Loi. Les intérêts sont des dépenses prescrites. Par conséquent, ils ne sont pas des dépenses admissibles. Je me réfère à la décision du juge Mogan de cette Cour dans Minicom Data Corp. c. Canada, [1992] A.C.I. no 417 (Q.L.), aux pages 4 et 5 :

J'estime qu'il n'existe aucune ambiguïté dans la disposition que je dois interpréter parce que le texte de la description d'une " dépense prescrite " au sous-alinéa 2902a)(i) du Règlement est clair et sans équivoque. ...

...

... Une lecture sensée du sous-alinéa 2902a)(i) du Règlement montre que les éléments énumérés aux divisions (A) à (H) ne sont pas simplement des exemples d'une dépense de nature courante " pour l'administration générale ou la gestion d'une entreprise ". En elle-même, l'expression " y compris " qui suit immédiatement ce membre de phrase élargit le sens des mots. J'estime que le législateur a voulu que chacun des éléments indiqués aux divisions (A) à (H) soit une dépense prescrite s'il est de nature courante, qu'il soit ou non pour l'administration générale ou la gestion d'une entreprise.

[41]          Au même effet est la décision de la juge Kempo de cette Cour dans Spectron Computer Corp. c. Canada, [1993] A.C.I. no 700 (Q.L.)

[42]          En ce qui concerne la répartition des revenus de la société, le paragraphe 103(1.1) de la Loi se lit comme suit :

103(1.1) Entente au sujet des revenus, etc. en proportions déraisonnables — Lorsque plusieurs associés d'une société de personnes qui ont, entre eux, un lien de dépendance conviennent de partager tout revenu ou toute perte de la société de personnes, ou tout autre montant qui se rapporte à une activité quelconque de la société de personnes, et qui doit entrer en ligne de compte dans le calcul du revenu ou du revenu imposable de ces associés et que la part du revenu, de la perte ou de cet autre montant revenant à l'un de ces associés n'est pas raisonnable dans les circonstances, compte tenu du capital qu'il a investi dans la société de personnes ou du travail qu'il a accompli pour elle ou de tout autre facteur pertinent, cette part est réputée, indépendamment de toute convention, être le montant qui est raisonnable dans les circonstances.

[43]          L'appelante bien qu'employée au CHUS a consacré son temps libre et ses vacances d'été aux recherches. Les appelants affirment que durant l'année 1997, comme l'appelant avait sont propre projet de recherche, l'appelante a consacré beaucoup plus d'heures au projet de recherche commun que l'appelant. Ils prétendent aussi que l'appelante a consacré plus de ressources financières que son mari, car ils ont contribué chacun selon leur revenu. Les agents du Ministre ont fait état lors de leur témoignage qu'ils n'ont pas vu le détail des apports financiers de chacun ni celui des heures travaillées. Je n'ai pas en preuve de lettres aux appelants leur demandant spécifiquement telle information. Les appelants ont fourni lors de leur témoignage la preuve de revenus individuels très différents et ont expliqué la différence des heures travaillées. Dans ces circonstances, je suis d'avis que compte tenu de l'apport financier et du travail accompli par les associés que leur convention de partage du revenu pour l'année 1997 était raisonnable selon les circonstances.

[44]          L'appel est accordé, sans frais, selon les conclusions ci-avant décrites.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de janvier 2002.

" Louise Lamarre Proulx "

J.C.C.I.

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2000-3931(IT)I et 2000-3934(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                 Christiane Auray-Blais et Sa Majesté la Reine

                                                                                et Jean-François Blais et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      Sherbrooke (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                                    le 5 septembre 2001

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :                         l'hon. juge Louise Lamarre Proulx

DATE DU JUGEMENT :                                      8 janvier 2002

COMPARUTIONS :

Pour les appelants :                              les appelants eux-mêmes

Pour l'intimée :                                       Me Marie-Aimée Cantin

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour les appelants :

                                Nom :                      

                                Étude :                    

Pour l'intimée :                                       Morris Rosenberg

                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                Ottawa, Canada

2000-3931(IT)I

ENTRE :

CHRISTIANE AURAY-BLAIS,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Jean-François Blais (2000-3934(IT)I) le 5 septembre 2001 à Sherbrooke (Québec) par

l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions

Pour l'appelante :                                          L'appelante elle-même

Avocate de l'intimée :                                    Me Marie-Aimée Cantin

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la " Loi ") pour les années d'imposition 1996 et 1997 sont accordés, sans frais, et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations sur la base que pour l'année 1996, l'acquisition du tracteur est une dépense afférente aux activités de recherche scientifique et de développement expérimental, au sens du sous-alinéa 37(8)a)(ii)(A)(III) de la Loi, mais n'est pas un bien admissible au crédit d'impôt à l'investissement, au sens du paragraphe 127(9) de la Loi.

Pour l'année 1997, la dépense d'intérêt est une dépense au sens de l'alinéa 37(8)a), mais étant une dépense prescrite, est non admissible au crédit d'impôt à l'investissement et la convention des appelants concernant la répartition des profits et pertes de l'entreprise est raisonnable.

          Le tout selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de janvier 2002.

" Louise Lamarre Proulx "

J.C.C.I.


2000-3934(IT)I

ENTRE :

JEAN-FRANÇOIS BLAIS,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Christiane Auray-Blais (2000-3931(IT)I) le 5 septembre 2001 à Sherbrooke (Québec) par

l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions

Pour l'appelant :                                            L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :                                    Me Marie-Aimée Cantin

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la " Loi ") pour les années d'imposition 1996 et 1997 sont accordés, sans frais, et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations sur la base que pour l'année 1996, l'acquisition du tracteur est une dépense afférente aux activités de recherche scientifique et de développement expérimental, au sens du sous-alinéa 37(8)a)(ii)(A)(III) de la Loi, mais n'est pas un bien admissible au crédit d'impôt à l'investissement, au sens du paragraphe 127(9) de la Loi.

Pour l'année 1997, la dépense d'intérêt est une dépense au sens de l'alinéa 37(8)a), mais étant une dépense prescrite, est non admissible au crédit d'impôt à l'investissement et la convention des appelants concernant la répartition des profits et pertes de l'entreprise est raisonnable.

          Le tout selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de janvier 2002.

   " Louise Lamarre Proulx "   

J.C.C.I.

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