Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Date: 20030319

Dossier: 2001-2138(IT)I

ENTRE :

MARIA E. MOSCATO,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

___________________________________________________________________

 

Pour l'appelante : L'appelante elle-même

Avocate de l'intimée : Me Tamara Sugunasiri

____________________________________________________________________

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

(Rendus oralement à l'audience à

Toronto (Ontario), le 10 janvier 2002)

 

Le juge Sarchuk

 

[1]     Il s'agit d'appels de cotisations d'impôt pour les années d'imposition 1997 et 1998 de l'appelante, visant à inclure dans son revenu les versements de pension alimentaire reçus en vertu d'une ordonnance rendue par la Cour avant mai 1997. Les faits de ces appels ne sont pas contestés :

 

          [TRADUCTION]

 

(a)        au cours des années d'imposition 1997 et 1998, l'appelante a reçu les sommes de 6 000 $ et de 6 000 $ respectivement (les « sommes »);

 

(b)        une ordonnance de la Cour rendue le 12 juillet 1992 (l'« ordonnance ») et un accord modificateur signé le 17 décembre 1993 ont exigé du mari de l'appelante, Anthony Moscato (l'« époux »), qu'il verse directement à l'appelante une pension alimentaire de 600 $ par mois pour leur fils Ross Gregory Moscato (l'« enfant »);

 

(c)        l'appelante et l'époux ont signé un accord le 27 décembre 1996 (l'« accord »), diminuant le montant des versements de pension alimentaire pour l'enfant à 500 $ par mois;

 

(d)        l'accord ne prévoyait pas que les versements de pension alimentaire pour l'enfant reçus après le 30 avril 1997 seraient soumis aux nouveaux règlements et, par conséquent, qu'ils ne seraient ni imposables, ni déductibles;

 

(e)        l'appelante et l'époux n'ont pas tous les deux signé et produit auprès du ministre un formulaire T1157 intitulé « Choix à l'égard de la pension alimentaire pour enfants » pour exclure du revenu de l'appelante les versements de pension alimentaire pour l'enfant;

 

[2]     La difficulté éprouvée par l'appelante provient de ce que la législation est d'une précision absolue quant à la façon de composer avec les accords signés avant le 1er mai 1997. Il en est ainsi parce que le calcul a été fait en vertu des anciens règlements et qu'il faut tenir compte du fait que les versements d'allocation d'entretien, payés et reçus, seraient considérés comme un revenu à déclarer par une personne (dans ce cas l'appelante) et déductibles par l'autre personne. Désormais, depuis le 1er mai 1997, nous avons un système entièrement différent et la législation a complètement changé. Dorénavant, la somme payée au destinataire est reçue exempte d'impôt et n'est pas déductible par le payeur. Dans bien des cas, cette modification a mené à reconsidérer l'accord qui existait, avec pour résultat que les parties et leurs avocats ont établi de nouveaux accords pour tenir compte de la nouvelle loi. C'est pourquoi ces règlements sont si stricts, et ils le sont, c'est évident.

 

Mme MOSCATO :       C'est tout simplement cette date magique.

 

LE JUGE :                    Cette date magique.

 

Mme MOSCATO :       Je ne sais pas pourquoi c'est si ‑‑

 

LE JUGE :                    Vous avez lu la documentation et elle est complexe. Elle est terriblement complexe. Ce n'est pas quelque chose que n'importe qui peut facilement comprendre. En fait, les avocats ne la comprennent pas.

 

[3]     Plusieurs choses ont changé. Pour arriver au résultat que le législateur souhaitait (à savoir de modifier la loi pour qu'elle soit conforme à une décision de la Cour suprême, de sorte que les destinataires n'aient pas à inclure les versements de pension alimentaire pour enfants dans leur revenu), ce système à quatre alinéas a été mis en place. L'effet fondamental de cette loi, comme l'a indiqué l'avocate, est que, pour que le montant de pension alimentaire pour enfants soit soustrait, en vertu de la formule indiquée à l'alinéa 56(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu,[1] il doit être un montant recevable en vertu d'une ordonnance ou d'un accord signé à la date d'exécution ou postérieurement à celle-ci et avant la fin de cette première année.

 

[4]     L'un des articles sur le sujet comprenait le commentaire suivant :

         

 

          [TRADUCTION]

 

Dans bien des cas, les accords signés avant 1997 n'ont pas de date d'exécution. Selon la formule de l'alinéa 56(1)b), les montants de pension alimentaire pour enfants recevables en vertu d'ordonnances rendues avant mai 1997, sans date d'exécution, ne produiraient pas les montants totaux de pension alimentaire décrits à l'alinéa a). Ainsi ces montants de pension alimentaire pour enfants continuent d'être inclus dans le calcul du revenu du destinataire. Cependant, une date d'exécution existe dans certaines ordonnances rendues avant mai 1997 dans des circonstances limitées.

 

Par exemple, dans le genre d'accord que vous avez signé, c'est-à-dire daté d'avant le 30 avril 1997, il ne peut y avoir de changement en vertu des nouvelles règles que si le destinataire et le payeur s'accordent tous les deux pour faire un choix, en la forme et selon les modalités déterminées (c'est-à-dire en utilisant le formulaire T1157), et produisent ce formulaire auprès du ministre. Lorsque cela est fait, le jour que les parties ont choisi dans le formulaire comme date d'exécution est le jour qui va être utilisé. La deuxième façon de faire serait de modifier l'ordonnance après avril 1997 afin de changer le montant dû de pension alimentaire pour l'enfant. Le jour où le premier paiement doit être versé devient la date d'exécution. De même, si une autre ordonnance, qui modifie dans les faits le montant total de la pension alimentaire, est rendue après avril 1997, la date d'exécution de cette ordonnance vous assujettirait aux nouvelles règles. Finalement, lorsque l'ordonnance, l'accord ou toute modification de l'accord précise une date d'exécution pour ces raisons, la date est par là même définie. En d'autres termes, si votre ordonnance avait énoncé « au 1er mai ou au 15 mai », cette date serait devenue la date d'exécution. Vous auriez pu signer l'accord en question, comme vous l'avez fait le 27 décembre 1996 et vous auriez pu délibérément énoncer dans cet accord une date d'exécution précise postérieure au 1er mai 1997 et cela aurait été acceptable.

 

[6]     Lorsque vous considérez l'ensemble, ainsi que le degré de précision du législateur dans la façon dont il a défini les règles, même s'il y avait eu un accord verbal, ce qui, d'après ce que vous suggérez, était votre cas, celui-ci ne serait pas suffisant au regard de la loi. C'est le problème auquel vous êtes réellement confrontée puisque, même si j'acceptais votre preuve, ce document ne reflète pas l'accord qui, d'après vous, a été réellement conclu, c'est-à-dire que les sommes seraient assujetties aux nouvelles règles. Les accords verbaux ne sont pas admissibles aux fins de pratiquement tous les articles concernant l'allocation d'entretien de la Loi de l'impôt sur le revenu. Les accords verbaux ne sont simplement pas suffisants, il doit y avoir un accord écrit. Vous n'êtes pas la première personne à vous retrouver dans ce genre de situation. Vous ne voulez pas retenir les services d'un avocat, cela coûte cher, tout le monde comprend cela. Vous faites confiance à l'autre partie. Vous concluez un accord verbal et puis, un peu plus tard, vous vous retrouvez devant la présente Cour. Et la Cour doit vous dire que vous ne pouvez pas déduire les allocations d'entretien qui ne résultent pas d'une ordonnance de la Cour ou d'un accord écrit d'allocation d'entretien. Ce n'est pas une cause facile pour nous. Nous reconnaissons qu'il y a longtemps que ce problème aurait pu être réglé. Malheureusement, il n'y a rien dans le cadre de la loi permettant à la Cour de vous accorder un redressement. L'accord que vous avez est écrit, n'est pas conforme aux exigences de la Loi et, malheureusement, il ne s'en approche même pas. Cette cour n'est pas un tribunal d'equity. Nous n'avons pas une compétence aussi étendue que celle des cours supérieures de l'Ontario et nous devons nous borner à donner une réponse à une question très simple, à savoir, est-ce que la contribuable s'est conformée aux dispositions pertinentes qui lui donneront droit à la déduction qu'elle voudrait ou à l'exemption qu'elle souhaiterait. Et si ce n'est pas le cas, je n'ai pas le pouvoir de dire, en dépit de tel fait dans telle circonstance, qu'il ne serait que juste et équitable d'admettre les appels. Je n'ai pas ce pouvoir.

 

[7]     Ainsi, malheureusement, et comme vous l'avez sans doute compris, vos appels doivent être rejetés.

 

LE JUGE :                    Maintenant, je suggère que vous vous trouviez un avocat et preniez des mesures, parce que cet accord est toujours en vigueur, je suppose. Recevez-vous toujours des versements d'allocation d'entretien ?

 

Mme MOSCATO :       Oui.

 

LE JUGE :                    À moins que vous ne fassiez des démarches pour le modifier en vous présentant devant un tribunal ontarien, vous serez tenue de continuer de le déclarer comme revenu. Donc il vaut mieux que vous agissiez le plus vite possible. Et le fait que vous puissiez faire en sorte que cette ordonnance soit rétroactive avant le 1er avril, peut vous permettre de récupérer l'an 2000. Je suis désolé, Madame, mais c'est –

 

Mme MOSCATO :       Vous savez, je croyais que cette loi était censée favoriser les mères, mais ce n'est pas le cas.

 

LE JUGE :                    Désolé.

 

Mme MOSCATO :       Non, c'est moi qui suis désolée. Je n'arrive pas à croire que je vais en fait perdre une année complète de pension alimentaire. Il va juste falloir que je trouve 6 000,00 $.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de mars 2003.

 

 

« A. A. Sarchuk »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de mars 2005.

 

 

 

 

Sophie Debbané, réviseure

 



[1]           56(1)    Sans préjudice de la portée générale de l'article 3, sont à inclure dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition:

 

b)         le total des montants représentant chacun le résultat du calcul suivant:

                               A - (B + C)

 

 

A         représente le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a reçue après 1996 et avant la fin de l'année d'une personne donnée dont il vivait séparé au moment de la réception de la pension,

B          le total des montants représentant chacun une pension alimentaire pour enfants que la personne donnée était tenue de verser au contribuable aux termes d'un accord ou d'une ordonnance à la date d'exécution ou postérieurement et avant la fin de l'année relativement à une période ayant commencé à cette date ou postérieurement,

C         le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a reçue de la personne donnée après 1996 et qu'il a incluse dans son revenu pour une année d'imposition antérieure;

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