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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

2002-2115(IT)I

 

ENTRE :

 

LARRY CHAN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

Appels entendus le 3 octobre 2002 et le 13 janvier 2003,

à Toronto (Ontario), par

 

l'honorable juge Gerald J. Rip

 

Comparutions

 

Pour l'appelant :                                  L'appelant lui-même

 

Représentant de l'intimée :                   Jason Mitschele

                                                                   (stagiaire en droit)

 


JUGEMENT

 

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1994, 1995 et 1996 sont rejetés.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de janvier 2003.

 

 

 

« Gerald J. Rip »

J.C.C.I.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour de décembre 2004.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Date : 20030120

Dossier : 2002-2115(IT)I

 

ENTRE :

 

LARRY CHAN,

appelant,

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Rip, C.C.I.

 

[1]     Larry Chan interjette appel à l'encontre de cotisations d'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1994, 1995 et 1996, cotisations par lesquelles le ministre du Revenu national (le « ministre ») a, en vertu du paragraphe 15(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi »), inclus dans le calcul du revenu de l'appelant la valeur d'avantages qui auraient été conférés à ce dernier par la société 777387 Ontario Limited (la « société Ontario »), dont l'appelant était un actionnaire. Le ministre a en outre imposé à M. Chan des pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi, pour le motif que M. Chan avait, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait une omission dans chacune de ses déclarations de revenu pour 1994, 1995 et 1996. Monsieur Chan nie avoir reçu des avantages de la société Ontario et il considère que des pénalités ne devraient pas lui être imposées.

 

[2]     En 1993, la société Ontario a acheté un restaurant franchisé « Select Sandwich ». Monsieur Chan jouait un rôle dans l'exploitation quotidienne du restaurant, principalement dans la cuisine, comme cuisinier. Le restaurant était ouvert cinq jours sur sept. Monsieur Chan a dit que, les soirs de semaine et le samedi, il achetait régulièrement du matériel et des fournitures pour le restaurant dans des libres‑services de détail. La société Ontario a vendu l'entreprise en 1996.

 

[3]     Lorsque la société Ontario exploitait le restaurant, M. Chan n'a jamais reçu de salaire. Il a apparemment consenti un prêt d'actionnaire à la société Ontario. Son seul revenu provenant de la société Ontario consistait en des intérêts mensuels d'environ 700 $ sur le prêt d'actionnaire. Il a indiqué le revenu en intérêts dans ses déclarations de revenu. Il a expliqué que, comme il vivait avec sa mère et que son épouse travaillait, il n'avait pas besoin de plus de 700 $ par mois pour vivre.

 

[4]     Monsieur Chan a fait des dépôts en espèces dans son compte bancaire personnel d'un montant total de 27 700 $, de 29 200 $ et de 6 700 $ en 1994, en 1995 et en 1996 respectivement. Il ne nie pas avoir fait ces dépôts en espèces dans son compte bancaire. Des bordereaux bancaires confirment ces dépôts. Dans son avis d'appel, M. Chan dit que ces montants représentaient des remboursements au titre du prêt d'actionnaire. « S'il y avait des différences dans les déclarations de revenu, il s'agissait simplement de prélèvements sur mon placement... »

 

[5]     Au procès, cependant, M. Chan insistait sur le fait que, comme le compte bancaire de la société ne portait pas intérêts, il déposait de l'argent de la société dans son compte bancaire personnel, qui, lui, était productif d'intérêts. Il a dit qu'il utilisait cet argent pour acheter des provisions pour le restaurant. Comme la banque où la société Ontario avait son compte fermait à 15 heures pendant la semaine et n'était pas ouverte le samedi, il était commode pour lui d'avoir de l'argent de la société dans son compte personnel à une banque ouverte en soirée et le samedi, quand il avait besoin d'argent pour acheter des provisions pour le restaurant. Toutes sommes en sus de ce qui était nécessaire pour ces achats étaient déposées dans le compte de la société.

 

[6]     Monsieur Chan ne tenait pas de registres financiers et n'a pu produire de documentation faisant état des sommes d'argent retirées de la société Ontario. Rien n'indique que l'on ait rajusté le compte de prêt d'actionnaire de M. Chan pour tenir compte de retraits ou de paiements effectués par la société Ontario. Le solde de son compte de prêt d'actionnaire était de 125 952 $ le 31 janvier 1993 et a augmenté à 232 741 $ le 31 janvier 1994, soit durant l'exercice au cours duquel la société a acquis le restaurant. Ce solde était encore de 232 741 $ le 31 janvier 1995. Lorsque, au cours de son exercice 1996, la société Ontario a vendu le restaurant, elle a remboursé à M. Chan 135 000 $, en trois versements : 20 000 $ le 4 avril 1995, 95 000 $ le 12 janvier 1996 et 20 000 $ le 31 janvier 1996. Ces sommes provenaient du produit de la vente. Il est à noter que le frère de M. Chan était également un actionnaire qui avait avancé de l'argent à la société Ontario durant l'année de l'acquisition du restaurant par la société Ontario. Le compte de prêt de cet actionnaire n'a également été réduit que dans l'année de la vente du restaurant.

 

[7]     Il n'y a également aucun registre faisant état de retraits de la petite caisse ou d'autres retraits utilisés pour acheter des provisions. Monsieur Chan ne comptabilisait pas les sommes prises dans la caisse enregistreuse de la société Ontario; il évaluait combien d'argent il lui fallait et retirait cet argent de la caisse enregistreuse, a‑t‑il déclaré.

 

[8]     Monsieur Chan n'a jamais informé son comptable des dépôts qu'il faisait dans son compte bancaire personnel et il n'a jamais donné pour instructions au comptable de réduire le solde de son prêt d'actionnaire en raison de l'argent qu'il retirait de la société Ontario et qu'il versait dans son compte bancaire personnel. Aucune preuve n'indique que M. Chan ait rendu de l'argent à la société Ontario, quoiqu'il ait témoigné qu'il avait remis tous les reçus au vérificateur de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (« ADRC »). Monsieur Chan lui‑même ne pouvait expliquer ce qui s'était en fait passé, affirmant que la confusion était attribuable au fait que la vérification à son sujet n'avait pas été bien effectuée par l'ADRC.

 

[9]     Monsieur Chan a produit une copie du dossier de 324 pages de l'ADRC ayant mené aux présents appels. Ce dossier comprend une copie des états financiers de la société Ontario pour son exercice se terminant le 31 janvier 1996, exercice au cours duquel le restaurant a été vendu. D'après l'état des résultats de la société Ontario pour 1996, la société a réalisé 558 981 $ de ventes et a acheté 225 510 $ de provisions. Au cours de son exercice 1995, la société Ontario a réalisé 649 577 $ de ventes et a acheté 256 768 $ de provisions, d'après les états financiers de 1996. Aucune preuve n'indiquait que les achats de provisions enregistrés dans les livres comptables de la société n'étaient pas raisonnables dans les circonstances et devraient être augmentés d'un montant correspondant aux sommes d'argent approximatives qui ont été déposées dans le compte bancaire personnel de M. Chan au cours des années civiles 1994 et 1995.

 

[10]    Marc Wentzel a été le premier vérificateur de l'ADRC à recevoir le dossier de M. Chan. Monsieur Wentzel a été muté au cours de la vérification, qui a commencé au milieu de 1997 et s'est terminée au début de 2001. En avril 2000, le dossier a été confié à Gary Groman, qui a témoigné pour l'intimée. Monsieur Groman a déclaré qu'il avait « vérifié des documents » qui étaient dans une boîte et qu'il avait trouvé des bordereaux relatifs aux dépôts faits dans le compte personnel de M. Chan, des chèques d'intérêts et des calculs relatifs à l'utilisation d'une automobile. Il n'avait trouvé aucun reçu. Il avait parlé à M. Chan, qui lui avait dit que les dépôts en espèces faits dans son compte bancaire personnel représentaient des remboursements de prêt effectués par la société Ontario.

 

[11]    Monsieur Chan, qui a immigré au Canada en 1987, a reconnu lors du contre‑interrogatoire que, malgré le fait qu'il passait le plus clair de son temps dans la cuisine à l'époque où le restaurant était ouvert aux clients, il avait bel et bien de l'expérience en affaires. Il a cependant fait remarquer que, dans une entreprise franchisée, « tout est aménagé par l'acheteur ». Les registres comptables de la société Ontario étaient établis par l'épouse de M. Chan ou un autre membre de la famille de M. Chan. Ce dernier n'examinait pas les livres comptables. Il signait les chèques.

 

[12]    J'ai examiné le dossier de l'ADRC produit par M. Chan. Ce dernier n'a produit aucune preuve qui confirme ou pourrait confirmer la probabilité de la véracité de l'une ou l'autre de ses deux explications quant à savoir pourquoi il avait déposé de l'argent de la société Ontario dans son compte bancaire personnel. La société Ontario n'a jamais rajusté le solde du prêt d'actionnaire de M. Chan pour refléter des retraits en espèces, et il n'y a aucune trace écrite indiquant que M. Chan a utilisé l'argent pour acheter des provisions. Monsieur Chan disait que ses difficultés étaient imputables à l'ADRC, alors qu'il était l'auteur de sa propre infortune. Il a été prudent en faisant en sorte de recevoir chaque mois de la société Ontario le montant précis des intérêts, mais il n'a pas comptabilisé les retraits en espèces ni fait en sorte que son épouse ou un membre de sa famille les comptabilise.

 

[13]    Après les témoignages et l'argumentation, j'ai demandé à M. Chan de remettre tout élément de preuve qu'il avait en sa possession mais n'avait pas apporté en cour au représentant de l'intimée pour que celui-ci l'examine. J'étais réticent à rejeter l'appel si M. Chan avait des éléments de preuve étayant sa position. J'ai dit aux parties que l'audience reprendrait à une date ultérieure.

 

[14]    M. Chan a soumis à l'intimée des documents incluant des déclarations de revenu, des talons de caisse enregistreuse et des reçus. Monsieur Groman, de l'ADRC, a examiné les documents. Ceux‑ci ont été transmis à la Cour et ont été produits au procès.

 

[15]    Monsieur Groman a examiné les documents envoyés par M. Chan après le premier jour de procès. Il a décrit les documents et a expliqué sa conclusion selon laquelle M. Chan n'avait pas fait d'achats pour l'entreprise avec des fonds provenant de son compte bancaire personnel. L'argent nécessaire pour ces achats venait du compte bancaire de la société Ontario. Des documents étayant la conclusion de M. Groman ont été produits.

 

[16]    De plus, d'après l'examen de documents bancaires fait par M. Groman, les soldes dans les comptes bancaires personnels de M. Chan étaient modestes, c'est‑à‑dire d'environ 5 000 $; par contre, le solde dans le compte bancaire de la société Ontario a, en janvier 1995, varié entre 71 671 $ et 89 538 $. Monsieur Groman a donc conclu que, contrairement à ce que M. Chan avait prétendu au procès, il n'y avait pas de fonds qui étaient détenus dans le compte bancaire personnel de M. Chan pour gagner un taux d'intérêt plus élevé que si l'argent avait été dans le compte de la société Ontario.

 

[17]    Apparemment, il y a eu des discussions en vue d'un règlement entre M. Chan et l'ADRC. Les parties ne sont pas parvenues à un règlement, et je ne peux prendre en compte des concessions que les parties peuvent avoir proposées pour arriver à un règlement.

 

[18]    Dans les circonstances, je ne vois aucune raison de modifier les cotisations. Bien que M. Chan puisse ne pas être un homme d'affaires particulièrement chevronné, je n'ai aucun doute après l'avoir observé au procès qu'il savait que ce qu'il faisait était incorrect, que les dépôts en espèces n'étaient pas des remboursements de son compte de prêt et que cet argent n'était pas utilisé pour acheter des produits pour la société Ontario.

 

[19]    Les appels sont rejetés.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de janvier 2003.

 

 

 

 

« Gerald J. Rip »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour de décembre 2004.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

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