Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 20010509

Dossier: 2000-1502-IT-I

ENTRE :

NADIRA MARHRAOUI,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

La juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'un appel par voie de la procédure informelle concernant l'année d'imposition 1998. Il s'agit de savoir si l'appelante a droit à un crédit d'impôt pour déficience physique grave et prolongée.

[2]            Pour établir la cotisation à l'égard de l'année d'imposition 1998, le ministre du Revenu national (le “ Ministre ”) a tenu pour acquis les faits décrits au paragraphe 6 de la Réponse à l'avis d'appel (la “ Réponse ”) comme suit :

a)              lors de la production de sa déclaration de revenus pour l'année d'imposition 1998, l'appelante avait annexé un formulaire T2201 F(98) intitulé “ Certificat pour le crédit d'impôt pour personnes handicapées ” qui fut complété par un médecin autorisé, le docteur Yves Chatelois, en date du 22 février 1999, qui indiquait que la dite appelante souffrait de séquelles d'une poliomyélite qui la limitait dans sa capacité à marcher;

b)             cependant, les réponses du médecin sur le formulaire T2201 F(98) ne permettaient pas de conclure que l'appelante se trouve limitée de façon marquée dans ses activités courantes de la vie quotidienne.

[3]            Pour maintenir la cotisation à l'égard de l'année d'imposition en litige, le Ministre a tenu pour acquis les faits décrits au paragraphe 7 comme suit :

a)              le 20 septembre 1999, le Ministre fit parvenir au docteur Yves Chatelois, un questionnaire à remplir;

b)             le docteur Yves Chatelois a rempli le questionnaire le 8 octobre 1999 et a indiqué que l'appelante peut se déplacer sur une distance de 50 mètres avec une orthèse avec quelques périodes de repos, mais qu'elle n'est pas incapable de marcher;

c)              le Ministre a déterminé que l'appelante n'était pas limitée de façon marquée dans ses activités courantes de la vie quotidienne pendant l'année en litige.

[4]            L'appelante travaille comme préposée comptable. Elle a une occupation à plein temps. Elle a un garçon de sept ans. En 1998, elle habitait avec son frère, maintenant elle habite avec un compagnon.

[5]            À la suite d'une poliomyélite à l'âge de 18 mois, l'appelante a une paralysie de la jambe droite de la hanche au pied. Sa jambe droite n'est pas développée et elle a besoin d'une orthèse pour l'aider à marcher. (Selon ce qui a été dit à l'audience, une orthèse n'est pas un membre artificiel qui porte le nom de prothèse). Cette orthèse se plie mais elle doit l'être manuellement.

[6]            Le certificat pour le crédit d'impôt pour personne handicapée a été produit comme pièce A-1. Il a été signé par monsieur Yves Chatelois, médecin. Dans la case concernant le diagnostic médical, il dit ce qui suit :

Séquelle de poliomyélite à la jambe droite. Doit porter orthèse pour ses déplacements. Doit limiter ses déplacements. Beaucoup de difficultés à descendre ou monter escalier.

[7]            En ce qui concerne la marche, la question est la suivante : “ Votre patient peut-il marcher, à l'aide d'un appareil si nécessaire ? (Par exemple, au moins 50 mètres sur un terrain plat) ”. La réponse : “ Oui, mais se déplace lentement et avec précaution pour éviter chutes. ”

[8]            La pièce A-2 est un questionnaire qui a été envoyé par le ministère du Revenu au médecin signataire du certificat. Il est en date du 20 septembre 1999. Cette fois-ci, à la question :

Q.             Votre patient(e) pouvait-il(elle) marcher 50 mètres à l'aide d'un appareil spécial (ex. canne(s), béquille(s), prothèse(s), orthèse(s) ou marchette) ?

R.             Non.

Q.             Veuillez expliquer et indiquer le genre d'appareil utilisé et la fréquence d'utilisation :

R.             Orthèse membre inférieur droit. Ne peut marcher 50 mètres consécutifs sans arrêter même avec orthèse.

[9]            Toujours dans le questionnaire, le médecin indique que la patiente peut marcher 50 mètres avec des périodes de repos.

Q.             Votre patient(e) prenait-il(elle) un temps excessivement long pour marcher 50 mètres, même avec l'aide de thérapie, de médicaments ou d'appareils ?

R.             En raison du poids de la prothèse qui va du dessous du pied et jusqu'à la hanche, de la faiblesse musculaire, de la douleur, le temps requis pour parcourir la distance en question est quelque fois prolongé.

Q.             Pour 1998, indiquez le pourcentage du temps durant lequel votre patient(e) était INCAPABLE de marcher 50 mètres, malgré utilisation d'aide, d'appareils, de médicaments ou de thérapie.

R.             N'est pas incapable de marcher mais quelques fois, dans certaines conditions, chaussée glissante, mouillée, gelée, inégale, le temps requis peut varier.

[10]          Selon l'appelante, cette prothèse n'est pas un appareil avec lequel elle est à l'aise. Elle le trouve lourd et inconfortable mais indispensable. À son bureau, l'appelante n'est pas loin de la photocopieuse ni du télécopieur, mais elle est souvent aidée par ses collègues de travail. Dans les exercices de feu, elle est la dernière à descendre. Elle n'a aucune activité sportive, les seules balades sont en auto. Elle porte des pantalons tout le temps et toujours des bottes. Elle est une personne plutôt fragile. Tout en mesurant 1,67 mètre, elle pèse 45 kilos. Elle est une personne qui a besoin d'aide pour sa vie de tous les jours. En ce qui concerne l'épicerie, elle y va rarement et toujours accompagnée. Les tâches ménagères, c'est son compagnon ou une autre personne qui passe l'aspirateur. Quand elle a accouché de son fils, sa mère est venue du Maroc l'aider pendant un an et demi. Quand son conjoint a été en Espagne, elle n'a pas pu garder son fils. Elle ne peut utiliser les transports en commun. L'hiver, comme c'est plus difficile, elle est bien limitée dans ses déplacements.

Analyse

[11]          Les deux parties se sont référées à la décision de la Cour d'appel fédérale du Canada dans Johnston c. Canada, [1998] A.C.F. no 169, et plus particulièrement aux paragraphes 18, 22 et 23 :

On n'a pas défini ce qui constitue un temps excessif pour accomplir les activités courantes de la vie quotidienne. À mon avis, l'expression “ temps excessif ” renvoie à un temps beaucoup plus long que celui que doivent normalement consacrer à ces activités des personnes en santé. Il implique une différence marquée d'avec ce que l'on considère normal.

...

Cependant, il peut ressortir de la nature des activités sociales ou récréatives du réclamant que sa capacité de marcher, de s'habiller ou de s'alimenter n'est pas limitée de façon marquée. À mon avis, ce n'est pas le mode de vie comme tel du réclamant qui est pertinent pour évaluer l'incapacité de ce dernier, mais plutôt la nature, la durée et la fréquence de toute autre activité à laquelle il s'adonne, étant donné que le fait d'accomplir une telle autre activité peut contribuer à établir que sa capacité d'accomplir les activités courantes de la vie quotidienne n'est pas limitée de façon marquée.

Je suis convaincu que pour évaluer la capacité du requérant de marcher et la distance ainsi couverte, le juge de la Cour de l'impôt pouvait à bon droit tenir compte d'autres activités de ce dernier, tel le fait de conduire son auto et de se déplacer souvent pour aller jouer au bridge ou recevoir des soins thérapeutiques.

[12]          Il ne s'agit pas d'un cas facile à déterminer car il y a des exemples de personnes qui ont perdu une jambe et qui non seulement marchent mais font du jogging. À l'audition, l'appelante se déplaçait lentement, en s'appuyant sur les meubles, et elle a demandé à témoigner assise. Elle dit qu'une canne ne l'aiderait pas dans sa marche. Il est possible que le membre non développé et qui n'a aucune force musculaire lui cause plus d'embarras que dans le cas d'une amputation. L'orthèse dans laquelle elle doit placer sa jambe ne lui permet pas une marche sans efforts excessifs. Son orthèse part de sous le pied gauche et va jusqu'à la hanche.

[13]          Ainsi que le disait l'avocate de l'intimée, plusieurs cas de crédit d'impôt pour handicapés sont des cas d'espèce. Une personne peut marcher avec une jambe artificielle passablement bien, d'autres peuvent avoir beaucoup de difficultés, et cela peut dépendre de la force musculaire de la personne elle-même et du genre de prothèse ou d'orthèse requis.

[14]          Dans le présent cas, vu le genre d'orthèse requis à cause d'un membre existant mais non développé, vu la preuve présentée par l'appelante de ses difficultés de locomotion et vu les réponses écrites du médecin, je crois qu'on peut accepter, que dans le cas de cette appelante, l'activité de la marche ne peut être exercée qu'avec un effort excessif.

[15]          L'appel est accordé sans frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de mai 2001.

“ Louise Lamarre Proulx ”

J.C.C.I.

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