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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

2000-3607(GST)G

ENTRE :

ABSOLUTE BAILIFFS INC.,

appelante,

et

 

Sa Majesté La Reine,

intimée.

 

 

Appel entendu le 11 avril 2002 à Vancouver (Colombie‑Britannique), par

l'honorable juge J. E. Hershfield

 

Comparutions

 

Avocat de l'appelante :              Me Jonathan Corbett

 

Avocate de l'intimée :                Me Margaret E. T. Clare

 

 

JUGEMENT

 

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 17 mai 1995 et porte le numéro 31128, est accueilli,
avec dépens, et la cotisation est renvoyée au ministre du
Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation selon les motifs du jugement ci‑joints.

 

          L'appelante n'a droit à aucune autre mesure de redressement.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour d'octobre 2002.

 

 

« J. E. Hershfield »

J.C.C.I.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 10e jour de septembre 2004.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Date : 20021018

Dossier : 2000-3607(GST)G

 

ENTRE :

 

ABSOLUTE BAILIFFS INC.,

 

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

Motifs Du Jugement

 

 

Le juge Hershfield, C.C.I.

 

[1]     Le 13 mars 1995, Revenu Canada a établi à l'égard de l'appelante et lui a délivré un ordre de verser 84 177,39 $, en vertu du paragraphe 317(3) de la Loi sur la taxe d'accise (la « Loi »). Aux termes de ce paragraphe, si le ministre croit qu'une personne est débitrice d'une somme à un débiteur fiscal ou à un créancier garanti d'un débiteur fiscal, il peut obliger la personne à verser cette somme au receveur général au titre du montant dont le débiteur fiscal est redevable. Le débiteur fiscal nommé dans l'ordre de verser qui a été établi en vertu de cette disposition légale était Star Furniture Ltd. (« Star »).

 

[2]     Avant de recevoir l'ordre de verser, l'appelante, engagée par un locateur, MacIntosh Estates Ltd. (« MacIntosh »), avait saisi des biens appartenant à Star, un locataire de MacIntosh, et ce, en vertu de la loi de la Colombie‑Britannique intitulée Rent Distress Act (Loi sur la saisie‑gagerie des loyers, la « RDA »). Le 14 mars 1995, une société liée à l'appelante, Absolute Equipment and Vehicle Sales Inc. (« ASI »), a disposé des biens ainsi saisis et a, le même jour, reçu le produit de cette vente, soit 43 000 $. Le même jour, soit le 14 mars 1995, ASI a, de cette somme, versé 34 000 $ à MacIntosh. L'intimée affirme que MacIntosh était un créancier garanti de l'appelante et que la somme détenue le 14 mars était assujettie à l'ordre de verser qui avait été délivré le 13 mars.

 

[3]     Ce qui ajoute une certaine complexité à l'affaire, c'est que Star a fait une cession de faillite le 14 mars 1995, soit le jour de réalisation du produit de la vente des biens de Star qui avaient été saisis, et que le syndic de faillite (le « syndic ») a subséquemment demandé une ordonnance pour que soit déclarée nulle la vente des biens de Star qui avaient été saisis. Peu de détails ont été fournis quant à l'issue de l'action du syndic, si ce n'est que Revenu Canada a avisé le syndic de sa réclamation, mais n'a pris aucune mesure ultérieure pour faire valoir sa réclamation auprès du syndic, et que l'appelante a fait au syndic un paiement d'environ 9 000 $ en règlement de la réclamation du syndic à l'égard des biens de Star qui avaient été saisis. Le dirigeant de l'appelante, Terry Bohn (le président et seul actionnaire de l'appelante et d'ASI), a témoigné que le règlement de cette affaire avait pris plusieurs années.

 

[4]     Nonobstant la faillite du débiteur fiscal, le ministre a établi à l'égard de l'appelante un avis de cotisation d'un montant de 43 960,02 $ en date du 17 mai 1995 en vertu du paragraphe 317(7), pour le motif que l'appelante ne s'était pas conformée à l'ordre de verser. Le montant de la cotisation inclut 960,02 $ d'intérêts et de pénalités. Si l'ordre de verser qui a été signifié à l'appelante est valide, le paragraphe 317(7) rend l'appelante redevable de la somme payée ou payable à MacIntosh. Ce paragraphe est une disposition pénalisante conçue pour assurer l'exécution d'un ordre de verser.

 

[5]     En bref, l'appelante soulève les questions suivantes :

 

          A)      Le ministre a‑t‑il nommé la bonne partie dans l'ordre de verser et a‑t‑il signifié l'ordre de verser à la bonne partie dans la mesure où l'appelante n'a pas été en possession de la somme versée à MacIntosh? C'est ASI et non l'appelante qui a été en possession du produit de la vente des biens saisis et qui a fait le paiement à MacIntosh.

 

B)      Le fait que le ministre n'a pas fait valoir une réclamation dans la procédure de faillite a‑t‑il une incidence sur le présent appel? L'appelante invoque la règle de la préclusion. Cette question nécessite l'examen de l'incidence de la cession de faillite de Star faite le même jour que la somme a été reçue et distribuée.

 

          C)      D'une manière générale, le paragraphe 317(3), qui donne la priorité ultime à Revenu Canada à l'égard d'une somme payable à un créancier garanti d'un débiteur fiscal, est‑il destiné à s'appliquer de manière à accorder une priorité envers des locateurs ayant effectué une saisie‑gagerie pour défaut de paiement de loyer? Il est argué qu'une distinction doit être faite lorsque la somme est payée à une personne pouvant être un créancier garanti à certaines fins mais étant autorisée à recevoir la somme à son propre compte.

 

          D)      Dans les circonstances du présent appel, est‑il satisfait aux exigences rigoureuses du paragraphe 317(3) de la Loi? Ce paragraphe autorise et invoque un ordre de verser seulement lorsque la personne nommée dans l'ordre de verser et à qui est signifié l'ordre de verser est débitrice d'une somme à un « débiteur fiscal » ou à un « créancier garanti » du débiteur fiscal dans les circonstances prévues à ce paragraphe. L'appelante argue qu'il n'est pas satisfait aux conditions préalables pour invoquer une responsabilité selon l'ordre de verser.

 

[6]     Les faits et la chronologie des événements suivants ont été admis par les parties ou ont été présentés en preuve au cours du procès :

 

1.       Star est un inscrit aux fins de la TPS, et son numéro d'inscription est le 128434016.

 

2.       Le 22 décembre 1994, le ministre a établi à l'égard de Star une cotisation de 54 330,96 $ de taxe nette, de 8 110,24 $ d'intérêts et de 21 918,19 $ de pénalités, et ce, pour la période allant du 1er janvier 1991 au 30 avril 1994.

 

3.                 Le 8 mars 1995, l'appelante a, au nom du locateur, MacIntosh, saisi les biens de Star en vertu d'un bref de saisie‑gagerie décerné pour un arriéré de loyer de 41 160,04 $, plus les frais.

 

4.                 Le 9 mars 1995, l'appelante a informé Revenu Canada que [TRADUCTION] « nous nous sommes occupés d'une affaire relative à un locataire en vertu de la RDA » et a nommé Star comme étant le locataire. Dans cet avis, elle demandait à être immédiatement informée quant à savoir si de l'argent était dû. Cet acte volontaire correspondait à la pratique de l'appelante concernant les saisies qu'elle effectue comme huissier.

 

5.                 Le 13 mars 1995, l'appelante a reçu un ordre de payer 84 177,39 $ en vertu du paragraphe 317(3) de la Loi.

 

6.                 Les biens de Star qui avaient été saisis ont été vendus par ASI le 14 mars 1995 pour 43 000 $, plus les taxes applicables, soit en tout 46 010 $. Le grand livre général d'ASI indique qu'un dépôt de ce montant a été fait le même jour. En outre, le même jour, ASI a versé à MacIntosh 34 000 $, soit le produit de vente diminué des droits de huissier, des droits de vente et des droits provinciaux.

 

7.                 Le 14 mars 1995, après la vente des biens de Star qui avaient été saisis, Star a fait une cession de faillite.

 

8.                 Après que de l'argent a été transféré par ASI à MacIntosh, le syndic a, par téléphone, fait savoir à M. Bohn que Star avait effectué une cession de faillite. Monsieur Bohn a alors informé le syndic de la vente qui avait été faite.

 

9.       Le syndic a subséquemment engagé une procédure pour faire déclarer nulle la vente des biens du locataire.

 

10.     En avril 1995, Revenu Canada a déposé une preuve de réclamation auprès du syndic.

 

11.     Revenu Canada connaissait l'existence de cette procédure et de la faillite en général. Il a choisi de ne pas prendre part à la procédure devant décider du sort du produit de la vente sur saisie‑gagerie.

 

12.     Les parties qui participaient à la procédure engagée par le syndic ont subséquemment accepté de régler le différend à l'amiable. L'appelante a, dans le cadre de ce règlement, versé une somme d'environ 9 000 $, et l'argent en question a été distribué dans le cadre de la faillite. Il ne semble pas que Revenu Canada ait reçu d'argent du syndic, malgré le fait qu'il avait signifié une preuve de réclamation.

 

13.     Durant toute la période pertinente, ASI et l'appelante exploitaient leur entreprise dans le même bureau et avaient les mêmes cadres et le même actionnaire. L'appelante et ASI traitaient systématiquement la saisie de biens et la vente de biens saisis comme des entreprises distinctes (ou comme des parties distinctes d'une entreprise) exploitées séparément par chacune d'elles. Aucun document n'étayait cette pratique ou ne faisait état des modalités de l'arrangement.

 

14.     Il n'y avait aucune documentation concernant le transfert, par l'appelante à ASI, des biens de Star qui avaient été saisis ou concernant le fait qu'ASI avait été engagée pour effectuer la vente.

 

[7]     Les dispositions pertinentes de la Loi, soit les paragraphes 317(3), (4) et (7), se lisent comme suit :

 

317. (3) Malgré les autres dispositions de la présente partie, tout texte législatif fédéral à l'exception de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, tout texte législatif provincial et toute règle de droit, si le ministre sait ou soupçonne qu'une personne est ou deviendra, dans les quatre-vingt-dix jours, débitrice d'une somme à un débiteur fiscal, ou à un créancier garanti qui, grâce à une garantie en sa faveur, a le droit de recevoir la somme autrement payable au débiteur fiscal, il peut, par lettre recommandée ou signifiée à personne, obliger la personne à verser au receveur général tout ou partie de cette somme, immédiatement si la somme est alors payable, sinon dès qu'elle le devient, au titre du montant dont le débiteur fiscal est redevable selon la présente partie. Sur réception de la lettre par la personne, la somme qui y est indiquée comme devant être versée devient, malgré toute autre garantie au titre de cette somme, la propriété de Sa Majesté du chef du Canada, jusqu'à concurrence du montant dont le débiteur fiscal est ainsi redevable selon la cotisation du ministre, et doit être versée au receveur général par priorité sur toute autre garantie au titre de cette somme.

 

(4) « créancier garanti » Personne qui a une garantie sur le bien d'une autre personne — ou qui est mandataire de cette personne quant à cette garantie —, y compris un fiduciaire désigné dans un acte de fiducie portant sur la garantie, un séquestre ou séquestre‑gérant nommé par un créancier garanti ou par un tribunal à la demande d'un créancier garanti, un administrateur‑séquestre ou une autre personne dont les fonctions sont semblables à celles de l'une de ces personnes.

 

« garantie » Droit sur un bien qui garantit l'exécution d'une obligation, notamment un paiement. Sont en particulier des garanties les droits nés ou découlant de débentures, hypothèques, mortgages, privilèges, nantissements, sûretés, fiducies réputées ou réelles, cessions et charges, quelle qu'en soit la nature, de quelque façon ou à quelque date qu'elles soient créées, réputées exister ou prévues par ailleurs.

 

[...]

 

(7) Toute personne qui ne se conforme pas à une exigence du paragraphe (1), (3) ou (6) est redevable à Sa Majesté du chef du Canada d'un montant égal à celui qu'elle était tenue de verser au receveur général en application d'un de ces paragraphes.

 

A) La question de savoir si l'ordre de verser a été signifié à la bonne personne

 

[8]     Sur la foi de la preuve qui m'a été présentée, je ne peux que conclure que MacIntosh n'a traité qu'avec l'appelante. ASI a joué un rôle comme sous‑traitant engagé par l'appelante pour s'occuper de l'aspect « vente » relatif à l'ensemble de services que peut comporter l'entreprise d'un huissier. Il n'y a aucune preuve — et l'appelante ne soutenait pas ceci non plus — que MacIntosh avait un lien contractuel avec ASI. Il n'y a aucune preuve — et l'appelante ne soutenait pas ceci non plus — que le contrat qui liait l'appelante et MacIntosh prévoyait que MacIntosh aurait un lien contractuel avec ASI comme cela pourrait avoir été le cas s'il avait été expressément prévu dans le contrat qu'une partie de celui‑ci pourrait être cédé à ASI. Aucune documentation n'a été produite, aucun représentant de MacIntosh n'a été appelé à témoigner, et l'impression assez nette que j'ai, c'est qu'ASI a passé un contrat avec l'appelante pour fournir un service pour cette dernière et qu'ASI, ayant fourni ces services, détenait des fonds pour le compte de l'appelante. À l'étape du dépôt du produit de la vente des biens de Star qui avaient été saisis, l'argent était détenu pour le compte de l'appelante. Dans le cadre du contrat qu'elle avait avec MacIntosh, l'appelante a fait en sorte qu'ASI verse la somme nette payable à MacIntosh. C'est en tant que mandataire de l'appelante qu'ASI a payé MacIntosh. ASI avait un intérêt juridique dans les fonds, puisqu'elle les avait dans son compte bancaire, mais cet intérêt, issu de la possession, était soumis à la direction et au contrôle de l'appelante. Les actes d'ASI se rapportant aux fonds étaient les actes de l'appelante.

 

[9]     Il est également à noter que, en vertu du paragraphe 317(3), la personne débitrice d'une somme à un débiteur fiscal (ou à un créancier garanti du débiteur fiscal) est la personne à qui doit être signifié l'ordre de verser. Sur réception de l'ordre de verser, la somme payable par la personne ayant reçu l'ordre doit être versée au receveur général. La disposition légale ne dit pas expressément que la personne recevant l'ordre de verser doit être en possession de la somme, et je ne pense pas non plus qu'une telle condition préalable doive être nécessairement considérée comme implicite vu les circonstances. Le fait de signifier l'ordre de verser à la personne débitrice d'une somme à un débiteur fiscal est suffisant. Par exemple, le ministre n'a pas à signifier l'ordre de verser à la banque de cette personne où l'argent de celle‑ci est conservé. Le fait de signifier l'ordre de verser à la personne débitrice d'une somme à un débiteur fiscal est suffisant.

 

[10]    Par conséquent, en ce qui a trait à l'application des paragraphes 317(3), 317(4) et 317(7), je vais considérer l'appelante comme étant la personne qui a reçu le produit de la vente des biens de Star qui avaient été saisis et comme étant la personne qui a payé MacIntosh.

 

B) La question relative à la préclusion et à l'incidence de la cession de faillite de Star

 

[11]    L'appelante affirme qu'un préjudice résulte du fait que Revenu Canada n'a pas fait valoir une réclamation auprès du syndic. Je ne peux que spéculer quant à savoir ce qui serait arrivé si Revenu Canada avait fait valoir une réclamation auprès du syndic. Je n'ai aucun détail sur la position du syndic à l'égard d'une telle réclamation. On est apparemment parvenu à un règlement sans que l'appelante insiste pour résoudre ou imposer quoi que ce soit concernant la réclamation de Revenu Canada.

 

[12]    En me fondant sur le peu que je sais au sujet de ces affaires, il me semble que l'appelante a agi à son détriment. Quel était le fondement de l'action du syndic visant à faire annuler la vente des biens saisis, dans la mesure où, comme on l'a admis, une somme a été versée à MacIntosh avant qu'on n'ait connaissance de la faillite de Star? Le paragraphe 73(4) de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité (la « LFI »)[1] indique qu'un bien saisi pour loyer doit être remis au syndic seulement si ce dernier produit une copie certifiée conforme de la cession. Nous savons que l'appelante n'a pas reçu un tel avis. De plus, si le paragraphe 73(4) s'appliquait aux biens saisis, pourquoi l'appelante a‑t‑elle versé au syndic une somme équivalant à ce qu'elle a retenu comme honoraires sur la somme versée à MacIntosh? Le paragraphe 73(4) dispose que les frais de saisie constituent une créance de premier rang sur les biens remis au syndic. Le syndic a‑t‑il rendu de l'argent à l'appelante? Ces questions me déconcertent quelque peu.

 

[13]    Bien que le règlement qui a été conclu me confonde, l'interaction entre la LFI et la Loi est à mon avis claire sur la foi des faits qui ont été admis.

 

[14]    Le paragraphe 71(1) de la LFI dispose qu'une faillite est réputée commencer au moment du dépôt d'une pétition. On ne conteste pas le fait que la faillite a eu lieu le 14 mars, après la délivrance de l'ordre de verser. De plus, sur la foi des faits admis, la faillite a eu lieu après la vente des biens saisis et après la réception du produit de la vente, de sorte que l'ordre de verser était déjà en vigueur lorsque la somme, qui devient la propriété de Sa Majesté si le paragraphe 317(3) s'applique par ailleurs, était détenue par l'appelante. Cette propriété (qui existe si le paragraphe 317(3) s'applique par ailleurs) fait que le syndic ne peut toucher à la somme lorsque l'ordre de verser précède la faillite[2].

 

[15]    Par conséquent, aux fins de la Loi, je suis convaincu que l'article 317 s'applique malgré la faillite. Tel étant le cas, l'ordre de verser qui a été signifié à l'appelante est la meilleure protection de l'État pour ce qui est d'assurer le paiement de fonds dont un débiteur fiscal est redevable. Revenu Canada s'est saisi d'une priorité prévue par le Parlement, et ce, sur la foi des faits de l'espèce tels qu'il les percevait. Si Revenu Canada avait fait valoir sa réclamation auprès du syndic, cela pourrait avoir aidé l'appelante dans sa défense relative à l'action intentée par le syndic pour faire annuler la vente, dans la mesure où l'on aurait pu démontrer, de manière à convaincre le syndic, que l'État avait de toute façon une priorité (s'il en avait effectivement une), mais je ne pense pas que l'on puisse dire que Revenu Canada avait l'obligation d'essayer d'aider l'appelante de cette manière. La véritable plainte est peut‑être que l'appelante, qui s'était opposée à la cotisation établie en vertu du paragraphe 317(7), a dû attendre la réponse de Revenu Canada pendant environ cinq ans. Ce délai pourrait indiquer que Revenu Canada lui‑même n'était pas certain quant à sa position à l'égard de l'opposition. Bien que ce délai puisse avoir eu un certain effet préjudiciable pour l'appelante relativement à l'action intentée par le syndic, l'appelante a reconnu que ce problème aurait pu être réglé. L'appelante aurait pu interjeter appel sans attendre la ratification. Au lieu de cela, l'appelante a accepté le risque de conclure un règlement avec le syndic avant de connaître la position de Revenu Canada. En fait, ce risque a été accepté par l'appelante lorsque, après avoir reçu l'ordre de verser, elle a versé la somme à MacIntosh. Revenu Canada est quand même en droit de se fonder sur l'article 317.

 

[16]    Comme je ne vois aucun préjudice dans le fait que Revenu Canada n'a pas fait valoir sa réclamation auprès du syndic, je n'ai pas à examiner davantage l'application de la règle de la préclusion.

 

C) La question de savoir si le paragraphe 317(3) est destiné à accorder une priorité à l'État envers des locateurs ayant effectué une saisie‑gagerie pour défaut de paiement de loyer

 

[17]    Il est utile à ce stade d'examiner d'une manière générale la question de savoir si la priorité de l'État doit s'appliquer en l'espèce. Commencer l'analyse en partant de ce point de vue pourrait aider à interpréter le libellé exprès de la disposition légale au cas où celle‑ci se révélerait ambiguë.

 

[18]    L'appelante fait valoir que le locateur, MacIntosh, n'a jamais fait crédit au locataire, Star, et que, eu égard à la définition de « créancier garanti » figurant dans la Loi, l'application de la disposition légale en question devrait se limiter à de véritables relations créancier‑débiteur. À l'appui de sa position, l'appelante cite l'affaire Pigott Project Management Ltd. v. Land‑Rock Resources Ltd[3]. Dans cette affaire, le juge Cory a déclaré : « Fondamentalement, une garantie est quelque chose que l'on donne pour assurer le remboursement d'un prêt.[4] » Toutefois, cette citation doit être considérée dans le contexte de cette affaire, qui se rapportait à une garantie de prêt. Il est clair que ces propos, qui commencent par le terme « Fondamentalement », n'étaient pas destinés à donner une définition du mot « garantie » et encore moins à en donner une définition exhaustive. En fait, une définition plus vaste du mot « garantie » conforme à la définition figurant dans la Loi est citée et approuvée au même paragraphe de ce jugement[5]. Aux fins du paragraphe 317(3), un créancier garanti est une personne ayant un « droit sur un bien qui garantit l'exécution d'une obligation, notamment un paiement », et « [s]ont en particulier des garanties les droits nés ou découlant de [...] privilèges [...] et charges, quelle qu'en soit la nature, de quelque façon [...] qu'elles soient créées [...] ou prévues [...] ». Ainsi, l'appelante n'est pas fondée à affirmer que, d'une manière générale, la Loi entend limiter la définition de « créancier garanti » à un « prêteur garanti ».

 

[19]    Toutefois, pour ce qui est de l'argument de l'appelante selon lequel le paragraphe 317(3) n'est pas destiné à s'appliquer en l'espèce, il y a un autre aspect qui n'est pas si facile à rejeter. L'appelante m'a renvoyé à la pratique administrative de Revenu Canada énoncée dans une directive interne en matière de validation et recouvrement datée du 3 mars 1988 (no CA‑88‑13), qui a été publiée après la présentation de modifications aux dispositions correspondantes de la Loi de l'impôt sur le revenu en matière de saisie‑arrêt. Cette directive dit notamment :

 

Selon une des diverses fausses interprétations possibles des nouvelles dispositions de saisie‑arrêt, le Ministère serait maintenant autorisé à intercepter les sommes payables à un créancier hypothécaire pour recouvrer les retenues à la source non versées d'un employeur visé par une cotisation établie en vertu du paragraphe 227(10.1), lorsque les sommes payables au créancier hypothécaire proviennent de la vente du bien hypothéqué par le créancier hypothécaire pour réaliser sa garantie. Une telle interprétation ne doit pas être appliquée, car elle irait à l'encontre du but de la législation, tel qu'il est énoncé dans les notes techniques citées plus haut.

 

Si le produit d'une telle vente dépasse le montant nécessaire pour régler l'obligation, l'excédent peut devenir payable au débiteur fiscal et alors être assujetti à une saisie‑arrêt.

[Souligné dans l'original]

 

[20]    Cette directive énonce l'objet de la modification selon les notes techniques, à savoir :

 

Le paragraphe 224(1) permet la saisie‑arrêt dans le cas où une personne est redevable d'un montant à un débiteur fiscal. La modification qui y est apportée fait en sorte que des mesures de saisie puissent être prises dans le cas où, en raison d'une cession de biens ou autre garantie, des paiements sont réacheminés à un créancier garanti du débiteur fiscal. En pareil cas, les paragraphes 224(1.2) et (1.3) prévoient que le ministre du Revenu national peut, nonobstant la réclamation ou garantie du créancier, intercepter le paiement et l'appliquer en réduction des versements de retenues à la source, comme l'impôt retenu sur la rémunération et sur les paiements aux non‑résidents, que le débiteur fiscal n'a pas remis comme il en est tenu par la loi. En fait, ces paragraphes confèrent une priorité à l'État sur le droit de certains créanciers garantis qui bénéficient de la cession des biens du débiteur fiscal. La priorité s'applique à tous paiements à faire après signification de l'avis à la personne redevable des paiements.

 

[21]    Il n'y a pas de doute que ce passage des notes techniques préconise une limite quant à l'application des dispositions en question. Il indique que l'État n'a une priorité qu'envers certains créanciers garantis, à savoir les créanciers garantis « qui bénéficient de la cession des biens du débiteur fiscal », et que cette priorité s'applique à des « paiements à faire ». Le « réacheminement » de « paiements à faire » est au cœur du genre de garantie à l'égard duquel l'État a une priorité en vertu des dispositions en question. Il doit y avoir une somme payable au débiteur fiscal par un tiers avant la cession de la somme à la personne devant avoir une garantie à cet égard. Dans le contexte de la disposition du paragraphe 317(3) relative à un « créancier garanti qui, grâce à une garantie en sa faveur, a le droit de recevoir la somme autrement payable au débiteur fiscal » par un tiers, ce droit doit être « réacheminé » au créancier garanti au titre d'une garantie pour une somme payable à ce créancier. Lorsqu'une personne a une créance sur un débiteur fiscal (pour services rendus, par exemple), le droit de recouvrer cette créance auprès du débiteur fiscal n'est pas issu d'une cession ou d'un réacheminement d'un droit d'un débiteur fiscal.

 

[22]    Sur la foi des notes techniques, je reconnais qu'il y a une distinction entre des paiements « réacheminés » — dus au débiteur fiscal par un tiers saisi — qui ont été donnés en garantie à un créancier au titre d'une obligation de ce débiteur fiscal envers ce créancier, et des paiements relatifs à la réparation d'un manquement à une obligation du débiteur fiscal de verser de l'argent à une partie envers laquelle le débiteur fiscal a une dette, par exemple le locateur. Il est plus difficile de dégager cette distinction du simple libellé des dispositions légales, quoique cela est utile, compte tenu du fait que l'appelante est le mandataire de MacIntosh dans une opération de recouvrement. Je traiterai davantage de ce point dans mon analyse de la question D ci‑après.

 

[23]    Avant de passer à la prochaine question, qui a trait au libellé exprès des dispositions en cause de la Loi, il est à noter que l'avocate de l'intimée n'a fait aucun effort pour m'aider dans cette partie de l'analyse concernant la portée que l'on entendait donner à ces dispositions. En fait, l'avocate de l'intimée m'a demandé de refuser que la directive soit admise en preuve, alors que c'était elle qui en avait fourni une copie à l'appelante. Cette requête a été rejetée.

 

D) La question de savoir si le libellé du paragraphe 317(3) accorde une priorité à Revenu Canada et crée une dette due par l'appelante en vertu du paragraphe 317(7)

 

[24]    Je passe maintenant à l'analyse des exigences expresses du paragraphe 317(3). Il y a deux questions à examiner : premièrement, la question de savoir si MacIntosh était un « créancier garanti » au sens du paragraphe 317(4); deuxièmement, la question de savoir si, en vertu du paragraphe 317(3), la somme que MacIntosh avait le droit de recevoir aurait été autrement payable à l'appelante. Dans le cadre de la première question, il faut déterminer si MacIntosh avait une « garantie » sur le bien d'une autre personne, ce qui, à son tour, exige que l'on conclue que MacIntosh avait une telle garantie et qu'elle « garantissait » l'exécution d'une obligation, notamment un paiement.

 

[25]    MacIntosh sera considérée comme un créancier garanti aux fins du paragraphe 317(3) si, conformément à la définition de « créancier garanti » figurant au paragraphe 317(4), elle est une « personne qui a une garantie sur le bien d'une autre personne » (c'est-à-dire Star). En vertu de la définition de « garantie » figurant au paragraphe 317(4), une garantie est un « droit sur un bien qui garantit l'exécution d'une obligation, notamment un paiement » (l'italique est de moi), et sont en particulier des garanties les droits nés de divers titres de garantie comme des débentures, hypothèques et cessions, qui semblent être des droits créés par voie de convention, ainsi que des droits comme des privilèges pouvant être créés par opération du droit. Le fait que les droits garantissant l'exécution d'une obligation, notamment un paiement, incluent les « charges, quelle qu'en soit la nature, de quelque façon [...] qu'elles soient créées [...] » montre bien que, par définition, les garanties incluent les charges dont l'origine est un contrat, une loi ou la common law. Voilà une définition extrêmement vaste.

 

[26]    L'intimée argue que la RDA crée en faveur du locateur un privilège sur les biens du locataire et que ce privilège confère au locateur, MacIntosh, une garantie sur les biens du locataire, Star, saisis par l'appelante. L'intimée argue également que la RDA crée en faveur du locateur, MacIntosh, un privilège sur le produit de la vente. L'intimée soutient qu'il s'ensuit que MacIntosh est un créancier garanti. Il est à noter que la RDA ne crée pas expressément un privilège en faveur du locateur, mais reconnaît au locateur un droit de saisie-gagerie à l'égard des biens meubles d'un locataire pour loyer impayé. La RDA établit un cadre légal dans lequel s'inscrit l'exercice du droit de saisie-gagerie d'un locateur. Elle ne semble pas créer le droit de saisie-gagerie lui‑même.

 

[27]    L'article 7 de la RDA se lit comme suit :

 

[TRADUCTION]

 

7. (1) Le présent article s'applique si, à la fois :

 

a) des biens meubles ont fait l'objet d'une saisie-gagerie pour loyer impayé;

 

b) dans un délai de cinq jours après que la saisie a été effectuée et qu'un avis de celle‑ci a été laissé à la maison d'habitation ou à un autre endroit situé dans les locaux pour lesquels était demandé le loyer relativement auquel la saisie a été effectuée, le locataire ou le propriétaire des biens saisis n'intente pas une action en recouvrement des biens et ne signifie pas un avis d'une telle action au saisissant.

 

(2) Après la saisie, l'avis et l'expiration du délai de cinq jours, le saisissant doit faire évaluer les biens saisis par deux évaluateurs, qui doivent être assermentés devant un juge ou un commissaire aux affidavits.

 

(3) Après l'évaluation, le saisissant peut vendre les biens saisis.

 

(4) Le saisissant doit :

 

a) utiliser le produit de la vente pour payer l'arriéré de loyer, ainsi que les frais de saisie, d'évaluation et de vente;

 

b) verser au shérif l'excédent, s'il en est, destiné au propriétaire.

 

[28]    L'intimée se fonde sur l'alinéa 7(4)b) de la RDA pour dire que, en vertu du paragraphe 317(3) de la Loi, MacIntosh était un créancier garanti qui, grâce à une garantie en sa faveur sur les biens saisis, avait le droit de recevoir le produit de la vente qui, autrement, aurait été payable au débiteur fiscal.

 

[29]    L'intimée invoque en outre l'affaire Active Bailiff Service Ltd. v. Broadway Plaza Properties Ltd. (1986), 24 D.L.R. (4th) 425, 70 B.C.L.R. 117 (C.S. C.‑B.), et ce, à l'appui des affirmations qu'un privilège possessoire est créé en faveur du locateur une fois que celui‑ci a saisi les biens meubles d'un locataire débiteur et qu'un privilège d'origine légale est créé en faveur du locateur une fois que les biens meubles sont vendus[6]. L'intimée cite les propos suivants tenus par le juge Hinds à la page 123 :

 

[TRADUCTION]

 

Le droit de saisie-gagerie du locateur ne crée pas un privilège. Cependant, une fois qu'il a effectué une saisie‑gagerie pour défaut de paiement de loyer et qu'il a pris possession des biens meubles d'un locataire, le locateur est en droit de conserver ces biens meubles jusqu'à ce que l'arriéré de loyer soit payé. Le locateur a un privilège possessoire au sens de la définition précitée [du mot anglais « lien » (privilège)]. Lorsqu'il vend les biens meubles du locataire en vertu du paragraphe 8(2) de la loi intitulée Rent Distress Act, le locateur a une sûreté sur le produit de la vente pour le paiement de l'arriéré de loyer. Le locateur a une charge d'origine légale sur le produit de la vente au sens de la première partie de la définition précitée.

 

La définition dont il est question est la suivante :

 

[TRADUCTION]

 

Par conséquent, un privilège est « une charge sur des biens meubles ou immeubles destinée à garantir l'acquittement d'une dette ou d'une obligation », tandis qu'un privilège possessoire désigne « le droit d'une personne de garder en sa possession des biens appartenant à une autre personne, et ce, jusqu'à ce qu'il soit satisfait à ses exigences »[7].

 

[30]    Le juge Hinds a ensuite examiné plusieurs autres affaires concernant la question de savoir si un privilège existe quant au droit de saisie-gagerie du locateur. Il a examiné l'affaire Commercial Credit Corp. Ltd. v. Harry D. Shields Ltd.[8], dans laquelle il a été confirmé que, bien que le droit de saisie‑gagerie ne soit pas un privilège, un privilège existe lorsqu'il y a prise de possession, réelle ou induite des faits, par la partie ayant un droit de saisie‑gagerie. Dans cette affaire, on a énoncé plusieurs définitions du terme anglais « lien » (privilège), y compris une définition qui figure dans l'affaire Royal Trust Co. v. Molsons Bank[9] et selon laquelle ce terme désigne [TRADUCTION] « le droit de quelqu'un ayant en sa possession les biens d'une autre personne de les conserver jusqu'à ce qu'il obtienne satisfaction relativement à une charge qu'il a sur ces biens ou à un devoir qui lui est dû ». Il est à noter que la décision rendue dans l'affaire Commercial Credit Corp. a été confirmée en appel. Le juge Hinds fait remarquer que le juge Weatherston a déclaré ceci en rendant le jugement de la Cour d'appel :

 

[TRADUCTION]

 

L'alinéa 3(1)a) de la Loi sur les sûretés mobilières exempte de l'application de cette loi « un privilège conféré par une loi ou une règle de droit ». La saisie‑gagerie est le droit du locateur de prendre possession de biens et de les garder en sa possession jusqu'à ce qu'un loyer soit payé, plus le droit d'origine légale de vendre les biens saisis. Nous convenons avec le juge de première instance que, une fois effectuée, une saisie‑gagerie confère au locateur un privilège au sens de l'alinéa 3(1)a) de la Loi sur les sûretés mobilières, quoiqu'elle ait d'autres attributs juridiques[10].

 

[31]    Le juge Hinds a également examiné l'affaire Bank of Montreal v. Int. Polyurethane Co.[11], dans laquelle il a été statué qu'une saisie‑gagerie effectuée par un locateur ne constituait pas une cession par voie de garantie ou de privilège. Le juge Hinds a fait remarquer que, dans l'affaire Polyurethane, la Cour s'était fondée sur l'affaire Re Newmarket Lumber Co.[12], ce qu'il a jugé inapproprié en ce sens que l'affaire Newmarket concernait le droit de saisie‑gagerie du locateur par opposition au droit du locateur aux biens meubles qu'il a en sa possession conformément à son droit de saisie‑gagerie. Le juge Hinds a fait remarquer que, dans l'affaire Commercial Credit Corp., on avait correctement fait cette distinction en déterminant la question de l'application de l'affaire Newmarket.

 

[32]    Une affaire non mentionnée par le juge Hinds (mais incluse dans le recueil de jurisprudence de l'intimée) est l'affaire Re Gingras Automobile Ltée[13]. Dans cette décision de la Cour suprême du Canada, il a été conclu que le droit de saisie‑gagerie du locateur ne créait pas un privilège sur les biens meubles saisis. Il est à noter que, bien qu'étant plus ancienne, cette décision de la Cour suprême du Canada est encore mentionnée dans l'ouvrage de Houlden et C. H. Morowetz intitulé Bankruptcy Law in Canada[14] comme faisant autorité quant au principe selon lequel le locateur n'a pas de privilège sur les biens saisis et doit remettre ceux‑ci au syndic conformément aux dispositions de la LFI. Toutefois, il est également à noter que le motif de la conclusion de la Cour suprême dans l'affaire Gingras s'inscrivait dans le contexte des dispositions de la LFI indiquant quelles étaient les priorités du locateur. Ces dispositions (semblables à l'alinéa 136f) de la version actuelle de la LFI) font clairement état de la distribution privilégiée à laquelle un locateur a droit. Le principe de droit adopté par la Cour suprême dans l'affaire Gingras était que, dans le contexte des dispositions légales en matière de faillite, le locateur doit être considéré comme ayant renoncé à son droit de privilège. La décision majoritaire de cinq juges sur sept a été rendue par le juge Abbott, qui a adopté les propos suivants tenus par le juge Gordon de la Cour d'appel de la Saskatchewan :

 

[TRADUCTION]

 

En toute déférence, je ne pense pas qu'un locateur ayant une réclamation pour arriéré de loyer entre dans la définition de ce qu'est un « créancier garanti ». Un locateur n'a pas un privilège sur les biens saisis; il doit remettre ceux‑ci au syndic et déposer sa réclamation de la manière habituelle. Il n'a pas de garantie au sens des dispositions des articles 87 à 92 de la Loi sur la faillite. De plus, je ne pense pas qu'il convienne de tirer une telle conclusion étant donné les directives explicites formulées à l'article 95 de la loi. À mon sens, la loi prive le locateur de son droit de privilège et utilise simplement la valeur des biens saisis comme indicateur pour fixer le montant pour lequel on reconnaît au locateur une réclamation privilégiée, mais la loi ne fait pas du locateur un « créancier garanti ».

 

[33]    Bien que la première phrase de ce passage favorise une conclusion selon laquelle l'appelante en l'espèce n'est pas un créancier garanti, je ne pense pas que, située dans son contexte, cette phrase soit suffisante en tant qu'énoncé de droit définitif. Située dans son contexte, l'assertion qui a été faite indique que c'est la LFI qui prive le locateur du droit de créancier garanti qu'il aurait par ailleurs. De plus, dans l'affaire Gingras, il ne semble pas que le droit de saisie‑gagerie avait été exercé avant la faillite. Dans l'affaire Active Bailiff, il est reconnu qu'un privilège n'existe que lors de l'exercice du droit de saisie‑gagerie. Par conséquent, je ne trouve pas que le principe énoncé dans l'affaire Gingras entre en conflit avec l'affaire Active Bailiff Service. Il n'y a rien dans la Loi pour priver MacIntosh de son droit de privilège à l'égard des biens saisis.

 

[34]    Je reconnais que, une fois qu'un locateur a exercé son droit de saisie‑gagerie, les biens qu'il a de ce fait en sa possession donnent lieu à un privilège en sa faveur par opération du droit. Cela semble suffisant pour conclure que MacIntosh avait un droit de garantie sur les biens saisis. Il s'agit — du moins jusqu'à ce que les biens soient vendus — d'un droit sur les biens d'une autre personne (Star). Toutefois, j'ai deux restrictions à émettre. Premièrement, le fait qu'un privilège soit créé ne revient pas à dire que celui‑ci existe pour « garantir » l'exécution d'une obligation. L'appelante argue que la RDA et le droit de saisie‑gagerie reconnu en common law représentent non pas un régime de garantie, mais plutôt un régime d'exécution forcée. Deuxièmement, malgré le fait qu'il y avait un privilège sur les biens saisis, je ne suis pas d'accord pour dire qu'il y avait un privilège sur le produit de la vente. Un privilège légal sur le produit de la vente, par opposition à un privilège possessoire sur les biens meubles saisis, est un privilège sur la somme due au bénéfice de la personne qui la détient. J'ai des réserves au sujet d'une telle notion. Un locateur a un droit légal au produit de la vente, sous réserve d'une disposition légale quant à l'application de tout excédent du produit de la vente sur le loyer dû. Le fait de décrire ce droit comme un « privilège » sur les fonds n'est pas étayé par la jurisprudence citée par le juge Hinds. Ma deuxième restriction soulève donc la question de savoir s'il est suffisant que MacIntosh ait eu un privilège sur les biens saisis.

 

[35]    Pour ce qui est de la première restriction, il faudrait, en déterminant si MacIntosh a une garantie, conclure que le droit de MacIntosh sur les biens saisis — son privilège de saisie‑gagerie — « garantit » l'exécution d'une obligation, notamment un paiement. Dans ce contexte, le mot « garantit » invite à une interprétation qui ferait que le droit en question serait antérieur à la date d'exigibilité du paiement ou antérieur à la date à laquelle l'obligation doit être exécutée, c'est‑à‑dire qu'il s'agit d'un droit qui garantit une promesse de faire quelque chose à une date ultérieure. Lorsque l'appelante en tant que mandataire de MacIntosh vend les biens saisis, l'obligation de Star envers MacIntosh est exécutée. Ce processus à deux étapes (saisie et vente) donne effet au paiement d'une dette arriérée, par opposition au fait de garantir une obligation à venir. Il est donc possible de conclure que le droit de garantie que MacIntosh avait sur les biens saisis (le privilège possessoire) n'est pas un droit qui « garantit » un paiement au sens requis pour considérer MacIntosh comme étant un « créancier garanti » aux fins du paragraphe 317(3) de la Loi. Une telle conclusion serait conforme à la pratique administrative énoncée dans la directive mentionnée précédemment. En fait, ce qui appuie également cette pratique, ainsi que le fait de distinguer un droit de garantie qui « garantit » une obligation d'un droit de garantie qui découle d'une opération de recouvrement, c'est le libellé exprès du paragraphe 317(3). En vertu de ce paragraphe, il faudrait que l'appelante ait été « débitrice d'une somme [...] à un créancier garanti [...] ». La meilleure façon de montrer qu'il n'est pas satisfait à cette exigence est de faire abstraction de l'interposition de l'appelante en tant que mandataire de MacIntosh. Si MacIntosh saisit les biens directement, elle détient le produit de la vente pour elle‑même. Elle ne doit rien à Star, si ce n'est l'excédent du produit de la vente sur le montant de la dette de Star. Aux termes du paragraphe 317(3), cet excédent peut être saisi, mais il n'est pas question ici d'un « créancier garanti qui [...] a le droit de recevoir la somme ». Comme le dirait l'avocat de l'appelante, MacIntosh détient alors l'argent à son propre compte. La dette est réglée. En fait, cette expression de la distinction entre une « réalisation » remédiant à un manquement et une cession de sommes payables visant à garantir une obligation semble faire écho à la pratique administrative énoncée dans la directive en matière hypothécaire. En matière hypothécaire, la directive dit que les dispositions en cause sur la saisie‑arrêt seraient incorrectement appliquées « lorsque les sommes payables au créancier hypothécaire proviennent de la vente du bien hypothéqué par le créancier hypothécaire pour réaliser sa garantie ». En d'autres termes, même lorsque le droit de garantie est créé pour garantir l'exécution d'une obligation, la pratique administrative, en matière hypothécaire du moins, est que la « vente » du bien dans le cadre de la réalisation de la garantie rompt le lien entre le produit de la vente et le droit du débiteur hypothécaire. La rupture du lien entre le produit de la vente et le droit du débiteur fiscal non seulement signifie qu'il n'est pas satisfait aux exigences du paragraphe 317(3), mais souligne qu'il ne s'agit pas d'une source de fonds garantissant l'exécution de l'obligation. Il s'agit du paiement.

 

[36]    Cette interprétation des dispositions en cause signifierait que la seule raison pour laquelle les hypothèques sont expressément mentionnées dans la définition de « garantie » est afin de couvrir le cas dans lequel le débiteur fiscal a cédé son droit en tant que créancier d'une hypothèque accordée par un tiers débiteur hypothécaire. Telle est la conclusion de la directive, étayée par les notes techniques. À moins qu'il y ait quelque chose dans la nature des hypothèques qui les distingue des autres charges, alors les privilèges et autres charges expressément inclus comme « garanties » cesseraient également d'entrer dans le cadre des dispositions en cause lors de la vente du bien auquel la charge se rapporte. Je ne crois pas qu'il y ait quoi que ce soit dans la nature des hypothèques qui permette de traiter celles‑ci de façon différente des privilèges et des autres charges énumérés dans la définition de « garantie » figurant au paragraphe 317(4)[15].

 

[37]    Ce qui précède peut être exprimé d'une autre manière. Le privilège afférent aux biens saisis est un privilège sur les biens du débiteur fiscal. La vente de ces biens met fin au privilège et effectue le paiement. Une fois satisfait aux exigences de l'article 7 de la RDA quant à l'expiration du délai dans lequel l'appelante pouvait intenter une action en recouvrement des biens saisis, et le locateur ayant reçu des évaluations (au plus tôt le 13 mars dans ce cas‑ci), la vente pouvait avoir lieu et le droit du locataire sur les biens saisis a pris fin au moment de la vente. La vente est l'étape à laquelle le droit sur le bien (alors devenu des espèces) passe au créancier à son propre compte. À ce stade, le transfert est achevé. La pertinence de cette conclusion est que, comme je l'ai dit, le paragraphe 317(3) exige qu'une personne soit « débitrice d'une somme [...] à un créancier garanti ». L'exigence est non pas qu'il y ait un créancier garanti lorsque l'ordre de verser est établi, mais qu'il y ait une obligation de verser une somme à une personne qui est un créancier garanti lorsque cette obligation prend naissance, c'est‑à‑dire lorsque la somme est disponible pour être versée. Dans ce cas‑ci, lorsque la somme se matérialise, elle se matérialise au profit du créancier. La somme est la propriété de MacIntosh au moment de la vente des biens saisis. Il y a eu un « transfert » au cours de la conversion. D'après le raisonnement tenu dans l'affaire Pigott[16], le moment où le transfert au créancier est achevé est le moment où cesse de s'appliquer le paragraphe 317(3). Après cela, la somme est un bien en la possession du créancier que celui‑ci détient à son propre compte.

 

[38]    À mon avis, l'analyse faite dans le paragraphe précédent vaut même quand on considère que la dernière phrase du paragraphe 317(3) invite à arguer que, une fois que l'ordre de verser a été reçu, une somme est alors fixée et devient la propriété de Sa Majesté, de sorte que l'appelante, sur réception de l'ordre de verser, était redevable de la somme. Une telle interprétation des dispositions en cause imposerait une responsabilité à MacIntosh même si elle n'était pas un créancier garanti une fois vendus les biens saisis. À mon avis, un tel argument ne peut être admis. L'obligation de verser la somme au receveur général se pose dès que la somme devient payable au créancier garanti. Si une somme n'est jamais devenue payable à une personne qui était un créancier garanti lorsque l'obligation en question s'est posée, et telle est ma conclusion en l'espèce, aucune responsabilité ne peut exister en vertu du paragraphe 317(7) de la Loi. Si la disposition était ambiguë sur ce point, je l'interpréterais d'une manière conforme aux pratiques administratives qui aident les contribuables qui peuvent s'y être fiés. Je ne crois pas en fait qu'il y ait d'ambiguïté sur ce point et, de toute façon, sur la foi des faits de l'espèce, j'ai conclu que MacIntosh n'était pas un créancier garanti, même lorsque l'ordre de verser a été établi. Le privilège sur les biens saisis visait à donner effet au recouvrement relatif à une dette arriérée avant la naissance du privilège et ne peut être considéré comme un droit qui garantit l'exécution de l'obligation. Ainsi, le privilège qui existait lorsque l'ordre de verser a été délivré n'était pas une garantie au sens du paragraphe 317(4) de la Loi. Les biens ont été saisis pour être vendus et non pour servir de garantie. La vente rapporte l'argent nécessaire pour l'exécution de l'obligation envers MacIntosh. Il s'agit à ce stade de l'argent de MacIntosh. L'ordre de verser ne confère pas au ministre un droit à cet argent.

 

[39]    Quoique ces conclusions soient suffisantes pour trancher l'affaire, il est à noter que l'on parvient au même résultat en analysant l'exigence du paragraphe 317(3) relative aux termes « la somme autrement payable ». La position de l'intimée concernant cette exigence est basée sur l'article 7 de la RDA. Il est argué que l'appelante, en tant que huissier, a une responsabilité envers le locataire, Star, en vertu de l'alinéa 7(4)b) de la RDA et qu'ainsi, si ce n'était de l'intérêt de MacIntosh sur les fonds détenus par l'appelante, le produit de la vente serait « autrement payable » par l'appelante à Star. Je fais toutefois remarquer que l'article 7 de la RDA semble s'adresser au locateur et non à un huissier pouvant être engagé par le locateur pour effectuer la saisie et la vente au nom du locateur. Le droit de saisie‑gagerie est un droit du locateur. L'action en recouvrement de biens saisis qui est prévue à l'alinéa 7(1)b) de la RDA est une action devant être intentée contre le locateur, et c'est le locateur qui est le saisissant mentionné aux paragraphes 7(2), 7(3) et 7(4). En d'autres termes, c'est au locateur que la RDA impose une responsabilité quant à un excédent relatif au produit de la vente. L'appelante en l'espèce est le mandataire du locateur. Elle détient l'argent pour le locateur. Elle n'est pas tenue de payer quoi que ce soit au débiteur fiscal, si ce n'est de la part du locateur. Comme il n'y avait aucune relation entre l'appelante et le locataire, on ne peut dire que le locataire avait le droit de recevoir une somme, y compris un excédent relatif au produit de la vente, qui aurait été « autrement payable » au locataire. Le locataire a un droit d'origine légale sur un tel excédent, mais il s'agit d'une créance sur le locateur. Si l'appelante était tenue de payer quoi que soit (en tant que mandataire de MacIntosh), cela se limiterait à un « excédent », mais il n'y en a pas en l'espèce. Même si elle existait, une telle responsabilité consisterait à exécuter l'obligation du mandant, MacIntosh. Ce serait MacIntosh qui serait le tiers saisi dans ce cas‑là. Par conséquent, outre ma conclusion selon laquelle MacIntosh n'était pas un créancier garanti de Star, je conclus que, dans les circonstances de l'espèce, il n'est pas satisfait à l'exigence du paragraphe 317(3) relative aux termes « autrement payable ». Encore là, je fais remarquer qu'une telle conclusion est conforme à la pratique administrative énoncée dans la directive examinée précédemment.

 

[40]    Enfin, il est à noter que j'avais demandé à l'avocat de l'appelante de me fournir une analyse d'un certain nombre d'affaires auxquelles je l'avais renvoyé[17]. Ayant examiné ces affaires, je suis convaincu qu'aucune n'est incompatible avec mes conclusions en l'espèce. Ces affaires (et les autres qui ont été portées à mon attention) ne concernent pas des garanties créées en remédiant à un manquement dans l'exécution d'une obligation et ne concernent pas des droits vendus et convertis en argent en acquittement d'une obligation. Dans ces affaires, il n'y a donc aucune conclusion quant à l'application du paragraphe 317(3) de la Loi ayant un rapport avec les faits de la présente espèce. Cela dit, je suis convaincu, pour les raisons énoncées précédemment, que le paragraphe 317(3) de la Loi ne s'applique pas dans des affaires comme celle‑ci.

 

[41]    En conséquence, l'appel est accueilli, avec dépens.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour d'octobre 2002.

 

 

 

« J. E. Hershfield »

J.C.C.I.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 10e jour de septembre 2004.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 



[1]           L.R.C. 1985, ch. B‑3.

 

[2]           La suite du paragraphe 317(3) assure ce résultat, tout comme les conclusions sur ce point qui ont été rendues par le juge Forsyth, de la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta. Voir l'affaire Canada Trustco Mortgage Corp. v. Port O'Call Hotel Inc., [1992] G.S.T.C. 14, aux pages 14 et 15. Ces conclusions n'ont pas été invalidées dans les appels subséquents relatifs à cette affaire. Quoique je suis convaincu que l'ordre de verser prime la faillite aux fins de la Loi, il semble bien qu'il y ait une certaine possibilité de conflit entre la responsabilité de l'appelante envers le syndic et la responsabilité de l'appelante envers le receveur général. Dans l'affaire Gingras (voir la note 13 des présents motifs), la Cour suprême du Canada a conclu que, aux fins de la LFI, le droit de saisie‑gagerie d'un locateur ne créait pas un privilège sur les biens meubles saisis et que le locateur devait remettre au syndic les biens saisis. Toutefois, une telle conclusion ne traite pas de l'application du libellé exprès du paragraphe 73(4) de la LFI, en vertu duquel le syndic doit donner un avis avant d'exiger qu'un locateur remette des biens saisis. La relation entre l'alinéa 136(1)f) et le paragraphe 73(4) (figurant dans la LFI actuelle) n'est pas examinée, car il ne semble pas que la saisie-gagerie avait été effectuée avant la faillite. Si la décision Gingras s'applique à la réclamation du syndic en l'espèce malgré le paragraphe 73(4) de la LFI, on pourrait arguer que le syndic a, en vertu de la LFI, une réclamation antérieure à l'égard des biens saisis. Le fait que le rang de sa réclamation sur les biens saisis puisse l'emporter sur celui du locateur (d'après le principe posé dans l'arrêt Gingras) ne revient pas nécessairement à dire que le produit de la vente des biens saisis (qui a été réalisé après la délivrance de l'ordre de verser et avant la cession de faillite) n'est pas la propriété de Sa Majesté du chef du Canada en vertu du paragraphe 317(3) de la Loi. Cette question est examinée plus loin dans les présents motifs.

 

[3]           Sub. nom. Alberta (Treasury Branches) c. M.R.N.; Banque Toronto-Dominion c. M.R.N., [1996] 1 R.C.S. 963, [1996] 5 W.W.R. 153.

 

[4]           Ibid., au paragraphe 20.

 

[5]           Ibid. (Voir aussi les paragraphes 21 et 22.)

 

[6]           Dans cette affaire, il fallait déterminer le rang du locateur saisissant et de la commission des accidents du travail. Le locateur avait effectué une saisie‑gagerie pour défaut de paiement de loyer en vertu de la RDA, et la commission revendiquait un privilège en vertu d'une disposition de la loi intitulée Worker's Compensation Act (Loi sur les accidents du travail). Dans cette affaire, on a examiné d'une manière relativement détaillée divers textes faisant autorité quant à la signification du mot anglais « lien » (privilège). Les renvois au paragraphe 8(2) semblent être des renvois à une version antérieure de la RDA. Le renvoi approprié serait maintenant un renvoi à l'article 7 de la RDA. Il est également à noter que, dans l'affaire Active Bailiff, le juge Hinds a conclu que les dispositions de la Worker's Compensation Act conféraient à la commission un privilège qui avait priorité sur le privilège du locateur, et ce, en raison d'une disposition de la Worker's Compensation Act qui portait que, nonobstant toute autre disposition de toute autre loi, le montant dû par un employeur à la commission accorde un privilège en faveur de la commission payable en priorité sur les privilèges, charges et hypothèques de quiconque, à quelque date qu'ils aient été ou soient créés, relativement aux biens ou au produit des biens. Quoique ce libellé ressemble aux dispositions en cause de la Loi, la définition de « créancier garanti » figurant dans la Loi indique qu'il doit être satisfait à d'autres exigences avant qu'une priorité en faveur de l'État soit établie. En d'autres termes, bien que cet arrêt fasse autorité sur la question du statut du locateur en tant que détenteur de privilège, il ne fait pas autorité sur la question de savoir si le locateur est un créancier garanti aux fins du paragraphe 317(3) de la Loi.

 

[7]           Cette définition apparaissait dans l'affaire Chassey v. May et a été citée et approuvée dans l'affaire Re Clemenshaw; W.C.B. v. Can. Credit Men's Trust Assn. (1962), 36 D.L.R. (2d) 245, 40 W.W.R. 199 (C.A. C.-B.).

 

[8]           (1980), 29 O.R. (2d) 106 (H.C. Ont.).

 

[9]           (1912), 27 O.L.R. 441.

 

[10]          Précitée.

 

[11]          119 D.L.R. (3d) 755.

 

[12]          Re Newmarket Lumber Co.; Int. Wood Prod. Ltd. v. Royal Bank of Can., [1951] 4 D.L.R. 720, [1951] O.R. 642 (H.C.).

 

[13]          [1962] R.C.S. 676, 34 D.L.R. (2d) 751.

 

[14]          3e éd., feuillets mobiles (Toronto, Carswell, 2001), à la p. 5‑120.2.

 

[15]          Quant à la nature des hypothèques, celles‑ci sont définies comme étant des « transferts » rachetables (voir The Canadian Law Dictionary, 1980, sous « mortgage »). Cela pourrait distinguer les hypothèques d'autres sûretés comme des privilèges qui ne comportent pas de « transferts ». D'autre part, la Cour suprême du Canada a statué dans l'affaire Pigott que des transferts rachetables (cessions de comptes débiteurs) ne représentaient pas une aliénation suffisante pour éviter l'application du paragraphe 317(3).

 

[16]          Dans l'affaire Pigott, le juge Cory a, en traitant d'une cession générale de comptes débiteurs, considéré qu'un créancier garanti était une personne ayant une « garantie sur un bien d'une autre personne », ce qui est une exigence énoncée dans la définition de « créancier garanti ». Si la cession était un transfert absolu de comptes débiteurs, le droit du cessionnaire sur ces créances serait un droit de propriété. Le cessionnaire dans ce cas‑là n'aurait pas un droit sur un bien d'une autre personne et ne serait pas un créancier garanti. S'exprimant pour la majorité des juges de la Cour, le juge Cory a conclu qu'une cession de comptes débiteurs n'était pas un transfert absolu. En l'espèce, cependant, une fois que le produit de la vente est entre les mains de la personne à qui l'argent est dû (ou entre les mains du mandataire de cette personne), le transfert est achevé. Même si la somme réalisée excède le montant de la dette, de sorte qu'il y ait une obligation de rendre compte de cet excédent, le transfert est achevé. Il semble conforme au raisonnement du juge Cory de dire que la réalisation de la somme lors de la vente des biens saisis est l'étape à laquelle la garantie (le privilège sur les biens saisis) cesse d'être une garantie « sur un bien d'une autre personne », même s'il y a une obligation de rendre compte d'un excédent relatif au recouvrement. Cette obligation n'annule pas l'effet du transfert. Dans l'affaire Pigott, le juge Major, dissident, est allé plus loin. Au sujet de la cession de comptes débiteurs, il a dit que le droit de rachat reconnu en equity ne pouvait empêcher que la cession s'applique en common law et il a dit que le transfert était achevé à l'étape de la cession. Quoique la majorité n'ait pas adopté ce raisonnement, il semble plus convaicant que le transfert est achevé lorsqu'il n'est soumis qu'à une obligation de rendre compte prévue par la loi, comme en l'espèce.

 

[17]          Les affaires auxquelles j'avais renvoyé l'avocat de l'appelante sont : Bonavista (Town) v. Atlantic Technologists Ltd. (1994), 117 Nfld. & P.E.I.R. 19 (C.S. T.‑N.); Wa‑Bowden Real Estate Reports Ltd. c. Canada, no 94‑2949(GST)G, 3 juin 1997, [1997] A.C.I. n° 582 (C.C.I.); National Trust Co. c. Canada, no A‑969‑96, 3 juillet 1998, [1998] A.C.F. n° 968 (C.A.F.); Re Modatech Systems Inc. (1998), 161 D.L.R. (4th) 449 (C.A. C.‑B.); Japan Canada Oil Sands Ltd. v. Stoney Mountain Steel Corp., [2001] 8 W.W.R. 284 (B.R. Alberta).

 

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