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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

2001-3303(IT)I

ENTRE :

PATROCINIA GRAUMANN,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

 

Appel entendu le 5 septembre 2002, à Kelowna (Colombie-Britannique), par

 

l'honorable juge Campbell J. Miller

 

Comparutions

 

Pour l'appelante :                      L'appelante elle-même

 

Avocate de l'intimée :                Me Nadine Taylor

 

 


JUGEMENT

 

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation d'impôt établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1997 est rejeté.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour de septembre 2002.

 

 

« Campbell J. Miller »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour de juillet 2004.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Date : 20020912

Dossier : 2001-3303(IT)I

ENTRE :

PATROCINIA GRAUMANN,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Miller, C.C.I.

 

[1]     La présente affaire concerne la question de savoir si le coût d'un appareil d'hydrothérapie, communément appelé jacuzzi, est admissible à titre de frais médicaux aux fins du paragraphe 118.2(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Le ministre du Revenu national n'a pas admis le montant de 7 750 $ déclaré par Mme Graumann comme frais médicaux déductibles pour l'année d'imposition 1997. Madame Graumann interjette appel sous le régime de la procédure informelle.

 

Faits

 

[2]     Madame Graumann a eu un accident de voiture en 1992. Elle a été grièvement blessée au cou, et l'on a fini par lui diagnostiquer une hernie discale. Elle éprouvait de l'engourdissement et de la douleur, et on lui a conseillé de passer du temps sous traction, ainsi que dans une cuve thermale. Son état a empiré et, sur les conseils d'un spécialiste en orthopédie, elle a subi une opération à la fin de 1993. Cette opération comportait de gros risques, y compris la possibilité d'une paralysie ou d'une défaillance cardiaque, et l'on n'était pas certain quant à savoir si elle réussirait. L'appelante avait déterminé qu'elle ne mènerait jamais une vie normale sans l'opération, de sorte qu'elle avait pris le risque.

 

[3]     Dans cette opération, il fallait prendre de l'os de la hanche pour reconstruire un disque. Une fusion à deux niveaux était nécessaire. L'appelante a passé trois semaines à recevoir des soins postopératoires, à l'hôpital, puis des mois à récupérer pour s'assurer que la greffe prenne. Elle ne pouvait prendre part à aucune activité pendant ces nombreux mois en 1994. À la fin de 1994, on lui a permis de remplacer l'orthèse cervicale rigide par une orthèse souple, qu'elle porte encore parfois. On lui a conseillé de ne plus exercer d'activité produisant un impact, par exemple faire du ski ou du jogging. Elle a encore un problème de jonction au cou, c'est‑à‑dire que les disques sept et huit ne fonctionnement pas bien à cause de la fusion des disques six et sept.

 

[4]     Madame Graumann était déterminée à vaincre la douleur et à retourner au travail. Le Dr Van Peteghem lui a prescrit d'acquérir un jacuzzi et de suivre un traitement intensif en physiothérapie et en massothérapie, ce qu'elle s'est empressée de faire. Elle a passé environ deux ans à développer ses muscles et à faire en sorte d'être apte au travail. En 1997, elle a bel et bien trouvé un emploi; lentement, elle est arrivée à travailler à temps partiel et a fini par travailler à temps plein.

 

[5]     Durant cette période, elle cherchait un jacuzzi qui réponde le mieux à ses besoins, qui étaient que les jets permettent surtout de traiter la partie supérieure du dos et le cou. C'est par l'intermédiaire de Sundance Spa qu'elle a trouvé le jacuzzi, qu'elle a payé 7 750 $. Elle l'a fait installer sur la terrasse située à l'arrière de sa maison. Aucune rénovation n'a été nécessaire pour l'installation. C'est le coût de ce jacuzzi que l'appelante a inclus comme frais médicaux dans sa déclaration de revenu pour 1997.

 

[6]     Madame Graumann utilise le jacuzzi aussi bien avant qu'après le travail. Il lui fallait son propre jacuzzi, car elle n'aurait pu s'absenter du travail pour accéder à des cuves thermales situées dans des cliniques ou des hôpitaux. Elle a expliqué que le jacuzzi l'aide pour ce qui est des spasmes et pour ce qui est de la mobilité. Il lui permet d'être apte au travail. Elle a également décrit les traumatismes liés aux accès de douleur causés par une lésion aux nerfs. Elle est clouée au lit pendant deux ou trois jours quand elle a ces fortes migraines. En outre, elle souffre d'arthrite. Elle a dit que, lorsque ses muscles deviennent tendus, cela entraîne une déviation de la colonne vertébrale, et elle a alors des problèmes au bas du dos. Bien qu'elle ait reconnu qu'elle est capable de marcher, elle a répété qu'elle est complètement immobile pendant les périodes où elle a des accès de douleur. Quand on lui a demandé ce qu'elle fait comme exercice, elle a répondu qu'elle fait beaucoup de marche.

 

[7]     En l'an 2000, l'appelante et son mari ont emménagé dans une nouvelle maison, et il a fallu effectuer des travaux de rénovation pour installer le jacuzzi. L'appelante a réussi à faire admettre comme frais médicaux le coût de ces travaux de rénovation.

 

Analyse

 

[8]     Bien que l'on ait discuté jusqu'à un certain point de l'applicabilité de l'alinéa 118.2(2)l.2), les parties ont convenu que le coût du jacuzzi n'entrerait pas dans le cadre de cet alinéa et que, si le coût en question doit être considéré comme représentant des frais médicaux, il faudrait que ce soit en vertu de l'alinéa 118.2(2)m). Je suis d'accord que l'alinéa dont il convient de traiter est l'alinéa 118.2(2)m) et non pas l'alinéa l.2). L'alinéa 118.2(2)m) se lit comme suit :

 

118.2(2) Pour l'application du paragraphe (1), les frais médicaux d'un particulier sont les frais payés :

 

[...]

 

m) pour tout dispositif ou équipement destiné à être utilisé par le particulier, par son époux ou conjoint de fait ou par une personne à charge visée à l'alinéa a) et qui répond aux conditions suivantes, dans la mesure où le montant payé ne dépasse pas le montant fixé par règlement, le cas échéant, relativement au dispositif ou à l'équipement :

 

(i) il est d'un genre visé par règlement,

 

(ii) il est utilisé sur ordonnance d'un médecin,

 

(iii) il n'est pas visé à un autre alinéa du présent paragraphe,

 

(iv) il répond aux conditions prescrites quant à son utilisation ou à la raison de son acquisition;

 

[...]

 


[9]     En outre, l'alinéa 5700i) du Règlement se lit comme suit :

 

5700. Les dispositifs ou équipements suivants sont prescrits pour l'application de l'alinéa 118.2(2)m) de la Loi :

 

[...]

 

i) tout dispositif qui est conçu à l'intention du particulier à mobilité réduite pour l'aider à marcher;

 

[...]

 

[10]    L'intimée ne nie pas que le jacuzzi était utilisé sur ordonnance d'un médecin, mais elle soutient qu'il n'est pas d'un genre visé par l'alinéa 5700i) du Règlement. Je suis d'accord.

 

[11]    Le sens ordinaire de l'alinéa 5700i) du Règlement indique qu'il est question d'un dispositif pour aider quelqu'un à marcher. Cela implique tout d'abord que le particulier a de la difficulté à marcher, c'est‑à‑dire une « mobilité réduite ». Je reconnais que Mme Graumann avait un certain problème en matière de mobilité réduite. Ce problème était lié non pas à la capacité de marcher, mais à la mobilité du haut du corps, surtout du cou. En fait, pour ce qui est de la marche, Mme Graumann a dit que c'était sa principale forme d'exercice.

 

[12]    Il y a lieu de louer l'appelante pour sa force et sa détermination face à un accident très grave qui a été suivi d'une opération extrêmement sérieuse. L'appelante a raison de considérer qu'elle mérite une certaine reconnaissance pour avoir renoncé à toute forme d'aide sociale et avoir fait en sorte de travailler à temps plein pour contribuer à la vie de la société. Je la félicite. Ses malheurs physiques sont une source de souffrance et ont parfois un effet débilitant. Ils ne se rapportent toutefois pas à sa capacité de marcher, bien qu'elle doive garder le lit pendant les périodes où elle a des migraines. Je ne pense pas que ce type de problème entre dans le cadre de la « mobilité réduite » dont il est question dans le contexte de l'utilisation d'un dispositif pour aider à marcher. Lorsque l'appelante est clouée au lit, rien ne l'aide à marcher.

 

[13]    La seconde exigence de l'alinéa 5700i) du Règlement est que le dispositif lui‑même soit conçu pour aider un particulier à marcher. Manifestement, Mme Graumann éprouve de la douleur, de la raideur et de l'engourdissement, et l'appareil d'hydrothérapie aide bel et bien à soulager ces maux. Le principal objet de l'appareil n'est toutefois pas de permettre à Mme Graumann de marcher. Malgré tout le respect que Mme Graumann inspire en raison de ce qu'elle a accompli, je ne peux en l'espèce élargir le sens ordinaire de « dispositif [...] pour l'aider à marcher » de manière à englober le jacuzzi en question. Celui‑ci est conçu pour avoir un effet apaisant, pour assouplir les muscles et peut‑être pour soulager la douleur. Sa conception n'est pas destinée à favoriser la capacité de marcher de Mme Graumann. Comme l'a reconnu Mme Graumann, cet appareil est davantage conçu pour son dos et son cou, et les résultats à cet égard étaient très satisfaisants. Le soulagement procuré à Mme Graumann a bel et bien permis à cette dernière d'être apte au travail. On ne peut toutefois dire que la conception du jacuzzi aidait Mme Graumann dans sa capacité de marcher, qui n'était pas réduite.

 

[14]    Les deux parties m'ont cité des jugements dans lesquels le coût d'une cuve thermale a été admis ou non comme frais médicaux. Étant donné que je crois que le jacuzzi n'est pas admissible en l'espèce, je traiterai seulement des jugements cités par Mme Graumann à l'appui de son argumentation. Les trois jugements qu'elle a cités sont des jugements du juge Beaubier, de notre cour, à savoir l'affaire Gordon[1], l'affaire Galipeau[2] et l'affaire Wood[3]. L'affaire Gordon a été tranchée en vertu de l'alinéa 118.2(2)l.2), qui concerne des frais de rénovation, de sorte que cela ne s'applique pas à l'affaire dont je suis saisi. Dans l'affaire Galipeau, Mme Galipeau avait une mobilité très réduite. La preuve indiquait que Mme Galipeau prenait 45 minutes pour sortir du lit et 15 à 20 minutes pour aller à la salle de bain, à moins d'être aidée. Il était clair qu'elle avait énormément de difficulté à marcher; il lui fallait rester allongée presque toute la journée. Le juge Beaubier a conclu que la cuve thermale avait été conçue pour aider Mme Galipeau sur le plan de la marche et de la mobilité. Il n'en est pas ainsi dans le cas de Mme Graumann. Je ne minimise nullement ses problèmes, mais ma conclusion n'est pas que ses problèmes limitent sa capacité de marcher comme dans le cas de Mme Galipeau.

 

[15]    De même, dans l'affaire Wood, la preuve indiquait que Mme Wood ne pouvait marcher sans aide. Sa situation était bien différente de celle de quelqu'un dont la principale forme d'exercice est la marche. Encore là, le juge Beaubier a conclu que, sans l'utilisation de la cuve thermale et sans les exercices faits dans cette cuve, Mme Wood ne pouvait absolument pas se mouvoir pendant l'hiver. La conclusion du juge Beaubier était que la cuve thermale avait été conçue pour aider Mme Wood à marcher. Je ne peux arriver à la même conclusion concernant la situation de Mme Graumann.

 

[16]    Ce que j'éprouve pour Mme Graumann, c'est non pas de la compassion, mais du respect. Toutefois, je dois également respecter le libellé de la loi et ne pas en étirer le sens de manière à accorder à Mme Graumann une mesure de redressement ne correspondant pas à l'intention sous‑jacente à la loi. Le jacuzzi permet à Mme Graumann d'être pleinement apte au travail, mais tel n'est pas le critère. Le critère a trait à sa capacité de marcher et concerne un dispositif conçu pour l'aider à marcher. L'issue de la présente affaire semblera probablement injuste à Mme Graumann, mais, vu la détermination et la fermeté dont elle a fait preuve en témoignant, je n'ai aucun doute qu'elle comprend que pouvoir proclamer que la marche est sa principale forme d'exercice est bien mieux que d'arriver à obtenir un crédit d'impôt pour frais médicaux parce que l'on est incapable de marcher.

 

[17]    Je rejette l'appel.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour de septembre 2002.

 

 

« Campbell J. Miller »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour de juillet 2004.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 



[1]           C.C.I., no 98‑1553(IT)I, 29 février 2000, [2000] A.C.I. no 111.

[2]           C.C.I., no 2000‑1651(IT)I, 19 octobre 2000, [2001] 1 C.T.C. 2048.

[3]           C.C.I., no 2000‑1272(IT)I, 19 octobre 2000, [2000] A.C.I. no 708.

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