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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

2001-2792(IT)I

ENTRE :

 

NASRIN KHALIL,

 

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

Appel entendu le 13 février 2002, à Toronto (Ontario), par

 

l'honorable juge M. A. Mogan

 

Comparutions

 

Pour l'appelante :                                L'appelante elle-même

 

Avocate de l'intimée :                          Me P. Tamara Sugunasiri

 

 

JUGEMENT

 

          L'appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1999 est accueilli et la nouvelle cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que de la pénalité imposée en vertu du paragraphe 163(1) de la Loi doit être annulée.


Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour d'octobre 2002.

 

 

« M. A. Mogan »

J.C.C.I.

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour de septembre 2004.

 

 

 

 

Erich Klein, réviseur


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Date: 20021011

Dossier: 2001-2792(IT)I

 

ENTRE :

 

NASRIN KHALIL,

 

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Mogan

 

[1]     Dans sa déclaration de revenus pour 1999, l’appelante a omis un certain montant de revenu d’emploi. À cause de cette omission, le ministre du revenu national a imposé une pénalité en vertu du paragraphe 163(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu. L’appelante a interjeté appel de la cotisation qui imposait la pénalité, soutenant qu’elle n’était pas passible de cette pénalité. Le seul point en litige est de savoir si l’appelante est tenue d’acquitter la pénalité établie en vertu du paragraphe 163(1) de la Loi  pour son année d’imposition 1999. L’appelante a choisi la procédure informelle.

 

[2]     L’appelante est née en  Afghanistan en 1962. Elle est venue au Canada en 1993 en tant que femme célibataire. Elle a eu de la difficulté à trouver au Canada un emploi à plein temps et, dans ses premières années au pays, elle faisait du travail occasionnel (souvent comme traductrice et interprète) au sein de la communauté afghane de Toronto. On la payait toujours en espèces pour ce travail occasionnel; il n'y avait pas de retenues à la source et aucun feuillet T4 n'était établi. Elle voulait se conformer aux lois du Canada et a donc produit chaque année une déclaration de revenus déclarant l’intégralité du revenu en espèces qu’elle gagnait. Avant 1998, elle n’avait jamais reçu de feuillet T4.

 

[3]     En 1998, l’appelante s’était entendue avec une agence de placement qui l’a envoyée travailler à la Banque de Montréal pour une courte période. La Banque de Montréal versait des honoraires à l’agence de placement qui, elle, payait une somme moindre à l’appelante. À la fin de 1998, l’agence de placement a envoyé à l’appelante un feuillet T4 qui indiquait sa rémunération mais qui ne faisait état d'aucune retenue à  la source puisque aucune n’avait été effectuée. Également en 1998, l’appelante a trouvé un emploi à plein temps chez Symcor Services Inc. (ci-après appelée « Symcor »). À la fin de 1998, Symcor a envoyé à l’appelante un feuillet T4 indiquant sa rémunération brute et les retenues à  la source habituelles, y compris l’impôt sur le revenu.

 

[4]     Quand l’appelante a produit sa déclaration de revenus de 1998, elle a déclaré sa rémunération reçue de l’agence de placement selon le feuillet T4 établi par celle-ci, parce qu’il n’y avait pas de retenues à  la source; mais elle a omis sa  rémunération reçue de Symcor (17 658 $) parce qu’elle a constaté que, d'après le feuillet T4 établi par cette société, on avait prélevé de l’impôt sur le revenu, et elle a présumé que Symcor allait déclarer sa rémunération et remettre son impôt. En conséquence, l’appelante a omis de déclarer sa rémunération reçue de Symcor (17 658 $) pour 1998 sur sa déclaration de revenus pour cette année, mais, en réalité, l'impôt sur cette rémunération avait été payé du fait des retenues à  la source.

 

[5]     En 1999, l’année visée par l’appel, la même chose s’est produite. L’appelante était une employée à plein temps de Symcor en 1999 et a reçu une rémunération brute de 27 626 $. Cette somme figurait sur son feuillet T4 pour 1999, qui indiquait les retenues à la source habituelles, y compris l’impôt sur le revenu. En 1999, l’appelante exploitait aussi, à temps partiel, une entreprise de traduction. Dans sa déclaration de revenus pour 1999, elle a déclaré des gains bruts de 3 618,25 $ tirés de son entreprise de traduction et un revenu net de 3 018,23 $. De nouveau, comme en 1998, elle a omis de déclarer sa rémunération provenant de Symcor (27 626 $) pour 1999 parce qu’elle a constaté que, d'après le feuillet T4 établi par Symcor, on avait retenu de l’impôt sur le revenu, et elle a présumé que Symcor allait déclarer sa rémunération et remettre son impôt.

 

[6]     In 1999, l’appelante a manqué de déclarer des intérêts s’élevant à 320,12  $ reçus de la Banque Royale du Canada. Par conséquent, le montant total de revenu que l’appelante a omis dans sa déclaration de revenus de 1999 était de 27 946 $, soit sa rémunération reçue de Symcor (27 626 $) plus les intérêts provenant de la Banque Royale (320,12 $). Le  ministre a imposé une pénalité de 2 794 $ en application du paragraphe 163(1) de la Loi. Le montant de la pénalité est de 10 % du total du revenu que l’appelante a omis dans sa déclaration de revenus de 1999. Le paragraphe 163(1) de la Loi dit :

 

163(1)  Toute personne qui ne déclare pas un montant à inclure dans le calcul de son revenu dans une déclaration produite conformément à l'article 150 pour une année d'imposition donnée et qui a déjà omis de déclarer un tel montant dans une telle déclaration pour une des trois années d'imposition précédentes est passible d'une pénalité égale à 10 % du montant à inclure dans le calcul de son revenu dans une telle déclaration, sauf si elle est passible d'une pénalité en application du paragraphe (2) sur ce montant.

 

[7]     L’avocate de l’intimée a accepté le fardeau de la preuve prescrit par le paragraphe 163(3) de la Loi et a appelé l’appelante comme seul témoin. L’appelante est l’une de ces personnes qui, comme témoin, ne laisse aucun doute au sujet de sa crédibilité. Elle est croyable à 100 %. On lui a demandé pourquoi elle avait omis d'indiquer dans ses déclarations de revenus pour 1998 et 1999 sa rémunération provenant de Symcor, qui figurait très clairement sur le feuillet T4. Elle a donné la réponse suivante :

 

[TRADUCTION]

 

A.        Comme je vous l’ai déjà dit, je croyais que parce que, sur chaque paie que je recevais de Symcor, on avait déjà déduit l’argent pour Revenu Canada de mes chèques de paye. Je croyais que l’argent avait déjà été payé au gouvernement, à Revenu Canada; en conséquence,  je ne l’ai pas envoyé.

 

            Mais l’argent que je recevais en espèces, 3 000 $, c’était cet argent que je déclarais chaque année et c’est ce que j’ai écrit.

                                                                                    [Transcription, page 14.]

 

[8]     La réponse de l’appelante citée ci-dessus est  d’une franchise qui fait plaisir à voir. Elle a vécu ses trente premières années en Afghanistan. Elle était une nouvelle arrivante au  Canada en 1993. La manière canadienne de faire les choses était pour elle différente et nouvelle. Avant 1998, elle gagnait seulement un revenu en espèces provenant d’un travail occasionnel; il n'y avait ni retenues à la source ni feuillet T4. Elle a toujours déclaré ce revenu reçu en espèces parce qu’elle voulait observer les lois du  Canada. Elle a déclaré qu’elle avait utilisé son feuillet T4 établi par l’agence de placement en 1998 pour déclarer sa rémunération provenant de l’agence parce qu’elle voyait qu’on n’avait retenu à  la source aucun impôt sur le revenu. Selon le même raisonnement, elle pouvait voir qu’on avait retenu à la source, sur sa rémunération payée par Symcor, de l’impôt sur le revenu et elle n'a donc pas déclaré cette rémunération. Elle pensait que Symcor allait déclarer sa rémunération et remettre à Revenu Canada l’impôt sur le revenu retenu à la source.

 

[9]     À mon avis, l’appelante est totalement innocente de toute faute ou négligence. Elle avait toujours eu l’intention de payer l’impôt sur la totalité de sa rémunération pour les deux années 1998 et 1999. Elle n’a tout simplement pas compris comment le système fonctionne. Elle a déclaré qu’elle avait payé un comptable ou une personne semblable 40 $ chaque année pour faire ses déclarations de revenus pour les années avant 1998. Pour 1998 et 1999, elle a décidé d’économiser les 40 $ en faisant elle-même ses déclarations. Comme par hasard, 1998 et 1999 étaient les deux premières années après son arrivée au Canada où elle a eu un emploi à plein temps, des retenues à la source et un feuillet T4 indiquant les montants du revenu brut et de l’impôt sur le revenu retenu.

 

[10]    À la conclusion de l’audience, j’ai réservé ma décision et demandé à l’avocate de l’intimée d’envoyer à la Cour par la poste une photocopie de trois documents : (i) la déclaration de revenus de l’appelante pour 1999; (ii) le premier avis de cotisation pour 1999 daté du 30 mars 2000; et (iii) l’avis de nouvelle cotisation daté du 18 décembre 2000, qui fait l’objet de l’appel. Je désirais déterminer le montant (s'il en est) par lequel le montant que l’appelante devait réellement selon la nouvelle cotisation (sans tenir compte des intérêts et de la pénalité, mais avec prise en compte de l’impôt retenu et remis par Symcor) dépassait le montant qu’elle devait selon la première cotisation.

 

[11]    Quand l’appelante a produit sa déclaration de revenus pour 1999 indiquant un revenu net et un revenu imposable de 3 018,25 $, elle a réclamé certains crédits d'impôt remboursables et un remboursement de 422 $  qui a été ajouté à son solde à payer selon l’avis de cotisation daté du  30 mars 2000. Dans l’avis de nouvelle cotisation pour 1999 daté du 18 décembre 2000, qui est la cotisation faisant l’objet de l’appel, les montants pertinents sont indiqués ainsi :

 

Impôt fédéral net

$ 3 922,60

Impôt net de l’Ontario

1 553,80

Régime de pensions du Canada

   211,20

Total à verser

5 698,60

Impôt retenu à la source selon T4

4 641,61

Total partiel

1 056,99

Ajouter remboursement de la première cotisation  

    422,00

Montant effectivement dû avant les intérêts et la pénalité

 

1 478,99

Intérêts sur l'arriéré

    242,41

Pénalité – paragraphe 163(1)

2 794,00

Solde à payer

$ 4 515,40

 

À ce que je vois en lisant les chiffres ci-dessus, la différence de base entre ce que l’appelante devait selon sa déclaration de revenus pour 1999 telle qu'elle l'a produite et l’avis de nouvelle cotisation faisant l’objet de l’appel se réduit à 1 478,99 $, si l'on exclut les intérêts sur l’arriéré (242,41 $ ) et la pénalité en litige (2 794 $). Cette différence de base peut se résumer ainsi :

 

Impôt total plus RPC

$ 5 698,60

Moins : impôt retenu selon T4

4 641,61

Total partiel

1 056,99

Rajouter le remboursement antérieur

      422,00

Différence de base

$ 1 478,99

 

En d’autres mots, parce que les revenus que l’appelante a reçus de Symcor étaient en fait libérés d’impôt par suite des retenues à la source qui ont été effectuées, Revenu Canada s'est vu priver de seulement 1 478,99 $ d’après la façon dont l’appelante a fait sa déclaration pour 1999.

 

[12]    À mon avis, considérant l’ensemble des faits de cette affaire, il n’est pas équitable d’imposer une pénalité de 2 794 $ en application du paragraphe 163(1) lorsque le montant de cette pénalité s’élève à presque deux fois la différence de base (1 478,99 $) représentant le total du remboursement que l’appelante a réclamé dans sa déclaration (422 $) et de la somme complémentaire exigible (1 056,99 $) après déduction du montant total de l’impôt retenu à la source. Le cas de l’appelante réclame l’équité, mais il existe une jurisprudence abondante qui affirme que l’équité n’a pas de place dans la détermination de l’obligation fiscale que peut avoir une personne en vertu d’une loi. Il peut, toutefois, y avoir une place pour l’équité ou la diligence raisonnable lorsqu’il s’agit de l'imposition d’une pénalité.

 

[13]    Je ne peux pas conclure qu’une personne a « omis de déclarer un [...] montant » au sens du paragraphe 163(1) quand cette personne sait (i) que le montant devait lui être versé à titre de revenu par un payeur particulier, (ii) que le payeur a retenu au titre de l’impôt sur le revenu à remettre à Revenu Canada une certaine partie de ce montant, (iii) que le payeur lui a versé en réalité seulement le solde qui restait après déduction de l’impôt retenu, et (iv) que le payeur était tenu de déclarer à Revenu Canada, sur un formulaire prescrit par Revenu Canada, le montant brut payable à cette personne ainsi que la partie retenue et remise à titre d’impôt. En conséquence, je ferai droit à l’appel. Si j’ai raison dans mon interprétation du paragraphe 163(1), il n’existe pas d’omission antérieure de déclarer en ce qui concerne les intérêts de 320,12 $ reçus de la Banque Royale du Canada.

 

[14]    Si mon interprétation du paragraphe 163(1) devait s'avérer erronée, alors je demanderais au ministre, avec tout le respect que je lui dois, qu’il envisage d'exercer le pouvoir discrétionnaire, que lui confère le paragraphe 220(3.1) de la Loi, de renoncer à la totalité ou presque de la pénalité imposée relativement aux revenus provenant de Symcor ou d'annuler cette pénalité.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour d'octobre 2002.

 

 

« M. A. Mogan »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour de septembre 2004.

 

 

 

 

Erich Klein, réviseur

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