Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

 

2001-4568(GST)I

ENTRE :

CALVIN D. BRUNER,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

 

Requête entendue le 28 juin 2002 et décision rendue oralement

le 12 juillet 2002, à Toronto (Ontario), par

 

l'honorable juge E. A. Bowie

 

Comparutions

 

Pour l'appelant :                        L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :                  Me John Shipley

 

 

ORDONNANCE

 

Vu la requête de l'intimée afin d'obtenir une ordonnance annulant le présent appel ou, subsidiairement, une ordonnance en vertu de l'article 18.3003 de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt prorogeant le délai fixé par cet article pour déposer une réponse à l'avis d'appel;

 

Et vu la demande subsidiaire de l'intimée afin d'obtenir une ordonnance ajournant l'audition du présent appel prévue pour le jeudi 25 juillet 2002;

 

Et vu les déclarations sous serment de Micheal Ezri et de Calvin D. Bruner, déposées, et les observations de l'appelant et de l'avocat de l'intimée;

 

          La Cour ordonne que :

 

1.       La requête en annulation de l'appel est rejetée.

 

2.       Le délai pendant lequel l'intimée peut signifier et déposer une réponse à l'avis d'appel est prorogé jusqu'au 30 août 2002.

 

3.       L'audition de l'appel, fixée au 25 juillet 2002, est reportée à la date qui sera établie par le juge en chef, ou un juge désigné par lui, après que la Cour d'appel fédérale aura rendu son jugement relativement à la demande de contrôle judiciaire et que toute instance résultant de ce jugement aura été menée à terme.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de juillet 2002.

 

 

 

« E. A. Bowie »

J.C.C.I.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 24e jour de juin 2004.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 

 

 


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Date: 20020718

Dossier: 2001-4568(GST)I

 

 

ENTRE :

CALVIN D. BRUNER,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

(Rendus oralement à l'audience

à Toronto (Ontario), le 12 juillet 2002.)

 

Le juge Bowie, C.C.I.

 

[1]     J'ai été saisi de deux requêtes présentées par l'intimée dans le cadre du présent appel. La première vise à obtenir une ordonnance radiant l'avis d'appel et annulant l'appel. Dans cette requête, l'intimée demande, à titre subsidiaire, que soit rendue une ordonnance prorogeant le délai prévu à l'article 18.3003 de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt pour déposer une réponse à l'avis d'appel. La seconde requête vise à obtenir, au cas où la première requête serait rejetée, une ordonnance ajournant l'audition de l'appel prévue pour le 25 juillet 2002. À l'appui de la première requête, l'avocat de l'intimée fait valoir que l'appel se rapporte à une cotisation portant qu'aucune taxe n'est payable et qu'on ne peut interjeter appel d'une telle cotisation et que, dans son avis d'appel, l'appelant ne précise pas les conclusions recherchées.

 

[2]     Avant d'examiner ces arguments, toutefois, il convient d'exposer les faits relatifs aux opérations qui sont à l'origine de l'appel ainsi que l'historique de l'appel proprement dit. À cette fin, j'ai tenu pour avérés les faits exposés dans l'avis d'appel. J'ai également pris connaissance de l'avis d'appel de 1088275 Ontario Limited, dossier no 2001‑4569(GST)G, que j'appellerai la société. Cette société a été constituée par M. Bruner et il en est l'unique actionnaire, dirigeant et administrateur. J'ai procédé de la sorte parce que, pour comprendre les questions en litige dans l'appel personnel de M. Bruner, il est nécessaire de comprendre les deux facettes de l'opération. Les deux avis d'appel sont verbeux et renvoient, outre aux faits pertinents, à une abondance d'éléments de preuve. J'entends toutefois résumer les faits qui se rapportent plus particulièrement aux présentes requêtes. Je tiens à préciser qu'aux fins de la requête en annulation de l'appel, je suis tenu de tenir pour acquis que les faits allégués dans l'avis d'appel peuvent être prouvés, et c'est ce que j'ai fait; je n'ai toutefois évidemment entendu aucun témoignage et je ne tire donc aucune conclusion à cet égard. La déclaration produite par l'appelant en vertu de la Loi sur la taxe d'accise (la « Loi ») et l'avis de cotisation dont il est interjeté appel sont mentionnés dans l'avis d'appel et je peux donc m'y reporter aux fins de la requête en annulation de l'appel. Ils m'ont été présentés au moyen d'une preuve par affidavit.

 

[3]     M. Bruner a constitué la société le 4 juillet 1994. Il en est depuis le début l'unique actionnaire, dirigeant et administrateur, en même temps que l'âme dirigeante. La société et M. Bruner sont devenus des inscrits en vertu des dispositions de la partie IX de la Loi le 7 juillet 1994. La première période de déclaration pour chacun d'eux s'est terminée le 31 juillet 1994. Le 5 juillet 1994, M. Bruner a enregistré l'appellation commerciale « More Black Ink » en vertu de la Loi sur les noms commerciaux de l'Ontario, ce qui lui a coûté 60 $. Le 29 juillet 1994, il a vendu cette appellation commerciale à la société, qui lui a remis en échange un billet à ordre ne portant pas intérêt d'une valeur nominale d'un billion de dollars (1 000 000 000 000 $) arrivant à échéance 499 ans plus tard, soit le 29 juillet 2493. Monsieur Bruner prétend qu'il s'agit d'une opération commerciale se rapportant à une entreprise que la société entendait exploiter et au sujet de laquelle il ne m'est pas nécessaire de fournir des précisions aux fins des présentes requêtes. Au même moment, la société a remis un second billet à ordre à M. Bruner (le billet relatif à la TPS) pour s'acquitter prétendument de l'obligation qui lui incombait en vertu de l'article 165 de la Loi de payer la taxe sur les produits et services (TPS) et pour satisfaire à l'obligation de M. Bruner de percevoir cette taxe. C'était aussi un billet à ordre ne portant pas intérêt, mais il était payable au porteur, sur demande, et avait une valeur de 70 milliards de dollars (70 000 000 000 $), ce qui représente, bien entendu, 7 p. 100 d'un billion de dollars. En vertu des modalités de ce billet, la société avait le droit de porter en déduction du montant nominal qu'elle était tenue de payer au porteur toute somme qui lui est due par ce dernier. Le 31 juillet, ou aux environs de cette date, M. Bruner a produit une déclaration de TPS pour le compte de la société pour la période de déclaration se terminant le 31 juillet 1994. Le 30 août, il a produit une déclaration pour son propre compte pour la même période; il a également présenté le billet relatif à la TPS, prétendument pour s'acquitter de son obligation de remettre la TPS perçue relativement à la vente. Si l'on exclut, aux fins des présentes, une ou deux autres opérations de peu d'importance conclues par la société, les déclarations en cause auraient eu les conséquences suivantes. Monsieur Bruner a fait état de ventes totalisant un billion de dollars et d'une obligation de remettre la TPS perçue, au taux de 7 p. 100, de 70 milliards de dollars. Il a soutenu qu'il avait satisfait à cette obligation en présentant le billet relatif à la TPS. La société a demandé un crédit de taxe sur les intrants de 70 milliards de dollars et un remboursement d'impôt net égal à ce montant. Je vais maintenant reproduire directement les paragraphes 23 à 31 de l'avis d'appel de la société.

 

[TRADUCTION]

 

23.       Le 26 août 1994, M. Bruner, en sa qualité d'administrateur, de dirigeant et d'âme dirigeante de l'appelante, a envoyé à Revenu Canada une deuxième lettre (la « deuxième lettre ») accompagnée de l'entente. Monsieur Bruner demandait à nouveau à Revenu Canada de compenser le crédit de taxe sur les intrants de l'appelante par l'obligation de M. Bruner de remettre le billet relatif à la TPS. Dans cette deuxième lettre, adressée à Mme Lisa Kelly de Revenu Canada, M. Bruner demandait une nouvelle fois à Revenu Canada de lui répondre rapidement parce qu'il était tenu de produire sa déclaration de TPS personnelle pour la période de déclaration se terminant le 31 août 1994.

 

24.       Monsieur Bruner s'est entretenu avec Mme Kelly, qui lui a dit de remettre le billet relatif à la TPS et de produire sa déclaration de TPS personnelle, ce qu'il a fait le 30 août 1994, car il était impossible de rendre une décision sur la question de la compensation avant le 31 août 1994.

 

25.       Du 25 août au 20 septembre 1994, M. Bruner a appelé Revenu Canada de nombreuses fois pour parler à des vérificateurs et obtenir des renseignements supplémentaires ainsi que pour prendre rendez‑vous afin de se rendre aux bureaux de Revenu Canada pour accepter la présentation du billet relatif à la TPS pour fins de paiement par Revenu Canada.

 

26.       Le 14 septembre 1994, ou aux environs de cette date, M. Bruner s'est entretenu par téléphone avec Lorn Tarnow, directeur de la vérification à Revenu Canada, qui l'a informé que le dossier avait été transféré à l'administration centrale du ministère à Ottawa et que la société et lui-même pouvaient s'attendre à faire l'objet de cotisations.

 

27.       Le 19 septembre 1994, ou aux environs de cette date, M. Bruner a reçu un appel de M. Norman Mar de Revenu Canada qui lui a fixé un rendez‑vous le 21 septembre 1994 aux fins du remboursement.

 

28.       Le 21 septembre 1994, M. Bruner s'est présenté aux bureaux de Revenu Canada pour rencontrer M. Norman Mar. À cette occasion, le billet relatif à la TPS a été remis à M. Bruner, en sa qualité de président de l'appelante, pour paiement et a été porté en déduction du remboursement de taxe nette de l'appelante pour la période de déclaration.

 

29.       Au cours de la rencontre avec M. Norman Mar, une quittance d'un montant de 69 999 999 993 $ a été remise à Revenu Canada. Ce montant correspond au montant de 70 000 000 000 $ indiqué dans le billet à ordre, moins la somme de 7 $ payée en espèces au titre de la TPS résultant des services de conseils rendus.

 

30.       Monsieur Bruner a obtenu des quittances pour le montant de 7 $ payé en espèces à Revenu Canada ainsi que pour le paiement du billet à ordre.

 

31.       Aucune cotisation n'a été établie relativement à la déclaration de l'appelante durant les quatre années suivant le dernier en date du jour où ou avant lequel la déclaration a été produite, soit le 31 août 1994.

 

[4]     Les deux avis d'appel renvoient ensuite de façon détaillée à des éléments de preuve au sujet de négociations entre M. Bruner et Revenu Canada qui ont duré un certain nombre d'années, au cours desquelles M. Bruner, agissant pour le compte de la société, a revendiqué le droit de recevoir des intérêts sur le remboursement de taxe nette de 70 milliards de dollars en application du paragraphe 229(3) de la Loi. Le montant de l'intérêt réclamé pour le compte de la société à dénomination numérique n'est pas précisé dans les avis d'appel. L'avocat de l'intimée a affirmé, dans le cadre de sa plaidoirie, que le montant d'intérêt en litige est d'environ 300 millions de dollars. J'ai effectué quelques calculs rudimentaires pour établir que ce montant semble exact. C'est la fortune que M. Bruner espère récolter à l'issue des appels.

 

[5]     Pour en revenir aux faits allégués dans les deux avis d'appel, le 30 juillet 1999, le ministre a établi des avis de cotisation à l'égard de M. Bruner personnellement et de la société. Les cotisations prétendaient rajuster à « néant » la taxe que M. Bruner avait l'obligation de percevoir et de verser ainsi que le remboursement de taxe nette auquel la société avait droit. La raison invoquée, dans le cas de M. Bruner du moins, pour justifier le rajustement est que : [TRADUCTION] « Le ministre a déterminé que la vente de la marque de commerce à 1088275 Ontario Limited n'était pas une opération commerciale authentique [...] ». La société et M. Bruner ont déposé des avis d'opposition à ces cotisations, qui ont été ratifiées, et ils ont alors interjeté appel devant la Cour.

 

[6]     Monsieur Bruner, en tant qu'âme dirigeante de la société, a décidé que l'appel de la société serait régi par la procédure générale de la Cour. Il a aussi décidé que son propre appel serait régi par la procédure informelle. L'avis d'appel de M. Bruner, qu'on me demande d'annuler, a été déposé le 21 décembre 2001. Le 7 mars 2002, le procureur général du Canada a présenté une requête en vertu de l'article 18.3002 de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt afin que l'appel soit régi par la procédure générale. Le procureur général peut obtenir une telle ordonnance de plein droit lorsque la requête est présentée dans les 60 jours suivant le dépôt de l'avis d'appel. Or, la requête a été présentée après l'expiration du délai et la décision est dès lors laissée à la discrétion de la Cour. Le 1er mai 2002, l'honorable juge Miller a rejeté la requête. Le procureur général du Canada a présenté une demande de contrôle judiciaire de cette ordonnance à la Cour d'appel fédérale en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale et cette demande est en instance. Le 23 mai 2002, l'intimée a déposé la première des deux requêtes dont je suis saisi afin d'obtenir une ordonnance annulant l'appel. L'objet de la requête et les moyens invoqués sont les suivants :

 

[TRADUCTION]

 

La requête vise à obtenir :

 

1.         Une ordonnance annulant le présent appel.

 

2.         Subsidiairement, une ordonnance prorogeant le délai pour déposer une réponse à l'avis d'appel dans la présente affaire de 60 jours suivant la date de l'ordonnance.

 

3.         Toute autre mesure de redressement que la Cour jugera équitable.

 

Les moyens au soutien de la requête sont les suivants :

 

1.         L'appelant ne cherche qu'à obtenir une ordonnance déclaratoire et ne conteste pas le montant de la cotisation visée par l'appel.

 

2.         Il est raisonnable d'accorder une prorogation du délai en l'espèce vu que l'intimée fait la présente requête dans un délai raisonnable après que la Cour canadienne de l'impôt a statué sur la requête qu'elle a présentée afin que l'appel soit régi par la procédure générale et vu que l'intimée a toujours eu l'intention de déposer une réponse relativement à l'affaire et de demander une prorogation du délai prévu à cet égard.

 

Dans l'intervalle, soit le 21 mai 2002, le greffier de la Cour a avisé par écrit les deux parties que l'audition de l'appel avait été fixée au 25 juillet 2002. L'intimée a alors déposé la deuxième requête dont je suis saisi en l'espèce, laquelle vise à obtenir une ordonnance ajournant l'audience sine die.

 

[7]     Ayant terminé cette mise en situation, j'en viens maintenant à l'examen du bien-fondé des deux requêtes dont je suis saisi.

 

[8]     La première question que je dois trancher est s'il est possible d'en appeler à la Cour à l'encontre d'une cotisation établie en vertu du paragraphe 296(1) de la Loi qui porte qu'aucune taxe n'est payable pour la période de déclaration en cause. L'avocat de l'intimée soutient qu'on ne peut en appeler d'une telle cotisation, en s'appuyant sur la jurisprudence établie à cet égard en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu. Cette jurisprudence a été examinée par le juge Dussault de notre cour dans l'affaire Consoltex Inc. c. La Reine, C.C.I., no 91‑231(IT)G, 19 novembre 1991, 92 D.T.C. 1567. Dans cette affaire, le juge Dussault, après avoir passé en revue les précédents bien connus, a cité un passage du jugement rendu par le juge Hugesson de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Canada c. Consumers' Gas Co., [1987] 2 C.F. 60, 87 D.T.C. 5008 :

 

C'est la cotisation du ministre qui fait l'objet d'un appel devant les tribunaux aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu. Bien que le terme « cotisation » puisse être interprété de deux manières différentes, soit comme la procédure au moyen de laquelle l'impôt est évalué, soit comme le produit de cette évaluation, il me semble évident, à la lecture des articles 152 à 177 de la Loi de l'impôt sur le revenu, que le terme y est employé seulement dans son second sens. Cette conclusion découle en particulier du paragraphe 165(1) et du principe bien établi selon lequel un contribuable ne peut ni s'opposer à une cotisation égale à zéro ni interjeter appel contre celle-ci.

 

Le juge Dussault fait ensuite observer ce qui suit :

 

Conséquemment, je suis d'avis que nous sommes forcés de reconnaître qu'il n'y a en l'espèce aucun redressement auquel l'appelante pourrait avoir droit ou que la Cour pourrait raisonnablement lui accorder.

 

Puisqu'aucun impôt, intérêt ou pénalité n'a été appliqué et que la Cour ne peut pas augmenter le montant établi par le ministre du Revenu national, on peut facilement comprendre qu'il est logique en principe que le contribuable ne puisse interjeter appel d'une cotisation égale à zéro. Il a été jugé que chaque fois que le contribuable reproche au ministre d'avoir commis une erreur dans le calcul de l'impôt qui résulte en une cotisation égale à zéro, la question peut être examinée sur le fond à l'égard d'autres années d'imposition où la cotisation n'est pas égale à zéro et où un tel examen s'avère nécessaire pour fixer l'impôt payable pour ces années. […]

 

Il ressort de ce qui précède que ce que vise l'appelante en l'espèce, c'est un jugement déclaratoire au sujet d'une question particulière concernant le calcul de son revenu pour 1980 et 1981 ou de son revenu imposable pour les années à venir. Qu'il s'agisse de l'un ou de l'autre cas, la Cour n'a pas compétence pour rendre ce jugement déclaratoire. […]

 

L'avocat de l'intimée invoque aussi le jugement rendu par le juge Bonner de notre cour dans l'affaire Orlando Corp. c. La Reine, C.C.I., no 91‑2345(IT)G, 23 décembre 1993, 94 D.T.C. 1046, où, relativement à une question, il a refusé de trancher une affaire au motif que l'appelante ne soulevait qu'une question abstraite et que la Cour ne pouvait accorder quelque réparation qui aurait un résultat concret pour l'appelante. En s'appuyant sur la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342, il a fait observer ce qui suit :

 

[…] Les tribunaux ont le pouvoir discrétionnaire de refuser de trancher une affaire qui ne soulève qu'une question abstraite.

 

[9]     L'avocat a soutenu qu'étant donné que la cotisation établie à l'égard de l'appelant en vertu de la Loi indique qu'aucune taxe n'est payable, le fait d'accueillir l'appel et d'annuler la cotisation aurait nécessairement pour effet d'augmenter le montant de la taxe payable, ce que la Cour ne peut pas faire. C'est l'affaire Harris v. M.N.R., 64 D.T.C. 5332, qui fait autorité à cet égard. Si l'argument de la Couronne dans cette affaire avait été accepté, l'appel aurait été admis et la cotisation déférée au ministre afin que soit refusée la déduction d'un montant et que soit admise celle d'un montant moindre, ce qui aurait entraîné une augmentation de l'impôt payable par l'appelant. À cet égard, le juge Thurlow a fait observer ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

 

Je ne crois cependant pas que c'est ainsi qu'on doit procéder pour trancher l'affaire. Lorsqu'un contribuable interjette appel devant la Cour, la question à trancher est essentiellement de savoir si la cotisation établie est trop élevée. Cela peut dépendre des montants que le contribuable est autorisé ou n'est pas autorisé à déduire dans le calcul de son revenu, mais, à mon sens, il est nécessaire de se prononcer sur ces questions à la seule fin d'en arriver à une conclusion sur la question fondamentale. La loi ne prévoit pas que le ministre puisse interjeter appel d'une cotisation devant la Cour, et puisqu'en l'espèce le refus d'un montant de 775,02 $ et l'admission d'un autre de 525 $ entraînerait une augmentation du montant de la cotisation, le renvoi de l'affaire au ministre à cette fin équivaudrait essentiellement à accueillir un appel interjeté par lui devant la Cour. La demande d'autorisation de modification est dès lors rejetée.

 

[10]    L'autre moyen invoqué par l'intimée pour annuler l'appel en l'instance est que l'appelant a omis de préciser les conclusions recherchées dans son avis d'appel.

 

[11]    Le critère à appliquer pour déterminer s'il y a lieu d'annuler un avis d'appel et, dès lors, de mettre un terme au projet d'appel de l'appelant sans tenir d'audience est qu'il doit être clair et évident que l'appel est voué à l'échec : Prior c. La Reine, C.A.F., no A‑179‑88, 10 octobre 1989, aux pages 3 à 6, 89 D.T.C. 5503 aux pages 5504 et 5505. En appliquant ce critère, la Cour doit tenir pour acquis que toutes les hypothèses de fait exposées dans l'avis d'appel peuvent être prouvées à l'audience.

 

[12]    Je ne suis pas convaincu qu'il est clair et évident en l'espèce qu'aucune mesure de redressement ne puisse être accordée à l'appelant à l'issue d'une audience. Selon la sagesse populaire, avec laquelle la jurisprudence est d'accord, on ne peut en appeler d'une cotisation en vertu de l'article 162 de la Loi de l'impôt sur le revenu portant qu'aucun impôt n'est payable. Même si l'économie de la Loi de l'impôt sur le revenu et l'économie de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise comportent de nombreuses similitudes, il existe aussi des différences importantes et fondamentales entre les deux. L'une de ces différences est qu'en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, le ministre n'est pas obligé d'établir une cotisation à l'égard d'un inscrit pour chaque période de déclaration. L'article 238 porte qu'un inscrit doit produire une déclaration pour chaque période de déclaration en indiquant notamment la taxe nette payable ou le remboursement demandé pour la période en cause. Si les crédits de taxe sur les intrants auxquels l'inscrit a droit excèdent le montant qu'il avait l'obligation de percevoir et de remettre, il peut alors avoir droit à un remboursement. On se saurait qualifier une affaire de théorique quand un inscrit produit une déclaration dans laquelle il indique avoir droit à un remboursement et que le ministre, pour une raison ou pour une autre, établit qu'aucune taxe n'est payable pour la période de déclaration. Avant que la Loi de l'impôt sur le revenu soit modifiée pour permettre au ministre de déterminer le montant de pertes à la demande des contribuables, ces derniers avaient toutes les raisons de souhaiter pouvoir interjeter appel des cotisations portant qu'aucun impôt n'est payable; ces cotisations étaient souvent établies à l'égard de contribuables ayant subi une perte autre qu'en capital et ayant tout intérêt à faire déterminer le montant de cette perte par le ministre à des fins de report. Ils avaient toutefois la possibilité de contester le montant de la perte établi par le ministre pour l'année à laquelle ils tentaient de la reporter. En vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise, chaque période de déclaration est une période indépendante et la taxe nette, qu'elle soit payable ou remboursable, doit être établie pour chacune d'elles. En conséquence, l'exactitude de chaque cotisation établie en vertu de cette Loi est susceptible de contestation et il n'existe aucune possibilité de contester ultérieurement une cotisation portant qu'aucune taxe n'est payable pour la période de déclaration visée. En conséquence, il est impossible d'affirmer, contrairement à ce qu'on disait lors de certaines des premières affaires en matière d'impôt sur le revenu, en s'appuyant sur le libellé de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'époque, qu'un avis portant qu'aucune impôt n'est payable n'est pas un avis de cotisation et qu'il n'est donc pas possible d'en interjeter appel.

 

[13]    De même, il n'est pas clair et évident, à mon sens, qu'aucun droit d'appel n'est accordé au contribuable qui a fait l'objet d'une cotisation en vertu de l'article 296 relativement à une taxe nette dont le montant est inférieur à celui qu'il prétend être tenu de payer lorsque le droit est appliqué comme il se doit aux faits de l'espèce. Le droit de faire opposition à une cotisation est énoncé au paragraphe 301(1.1) dans les termes suivants :

 

301(1.1) La personne qui fait opposition à la cotisation établie à son égard peut, dans les 90 jours suivant le jour où l'avis de cotisation lui est envoyé, présenter au ministre un avis d'opposition, en la forme et selon les modalités déterminées par celui-ci, exposant les motifs de son opposition et tous les faits pertinents.

 

La loi ne limite pas le droit de faire opposition à une cotisation aux personnes qui estiment que le montant de la cotisation de taxe nette établie à leur égard est trop élevé.

 

[14]    Le droit d'interjeter appel d'une cotisation est accordé par les articles 302 et 306. L'appel en l'instance a été interjeté sous le régime de l'article 306, qui porte notamment ceci :

 

306. La personne qui a produit un avis d'opposition [...] peut interjeter appel à la Cour canadienne de l'impôt pour faire annuler la cotisation ou en faire établir une nouvelle lorsque, selon le cas [...] [sans pertinence]

 

Il n'y a rien dans cette disposition qui limite le droit d'interjeter appel aux seules personnes qui soutiennent que le montant de la cotisation établie à leur égard devrait être réduit. Il peut sembler inhabituel qu'un contribuable souhaite faire augmenter le montant de sa cotisation, mais le libellé de la loi ne semble pas interdire une telle pratique.

 

[15]    L'article 309 accorde certains pouvoirs à la Cour en ce qui concerne les appels dont elle est saisie.

 

309(1) La Cour canadienne de l'impôt peut statuer sur un appel concernant une cotisation en le rejetant ou en l'accueillant. Dans ce dernier cas, elle peut annuler la cotisation ou la renvoyer au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation.

 

Le paragraphe 298(1) limite la période durant laquelle le ministre peut établir une cotisation à l'égard d'un inscrit pour une période de déclaration à quatre ans après le dernier en date du jour où la personne était tenue de produire une déclaration et du jour de la production de la déclaration. Le paragraphe 298(4) porte néanmoins qu'une cotisation peut être établie à tout moment si l'inscrit a fait une présentation erronée des faits ou a commis quelque fraude. Dans les avis d'appel de M. Bruner et de la société, il est dit que les cotisations ont été établies après l'expiration de la période de quatre ans et qu'il n'y a eu ni présentation erronée des faits, ni fraude, ni renonciation. L'intimée a déposé une réponse relativement à l'appel de la société dans laquelle elle prétend qu'il y a eu fraude ou présentation erronée des faits par M. Bruner et par la société. L'avocat de l'intimée a indiqué que la réponse qui sera déposée relativement à l'appel en l'instance comprendra la même allégation. Je ne vois pas pourquoi les deux appelants, s'ils obtiennent gain de cause sur la question de la fraude et de la présentation erronée des faits, n'auraient pas le droit d'obtenir des jugements annulant les cotisations établies à leur égard. On ne peut donc pas affirmer que l'appelant ne pourrait jamais obtenir quelque mesure de redressement dans le cadre de l'appel en l'instance.

 

[15]    L'avocat de l'intimée a raison de dire que l'avis d'appel en l'instance est muet sur la question des conclusions recherchées par l'appelant. Cela n'est pas inhabituel dans les appels régis par la procédure informelle dont la Cour est saisie. Du reste, les règles régissant les appels interjetés sous le régime de la procédure informelle en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise ne renferment aucune disposition qui oblige expressément l'appelant à préciser dans son avis d'appel les conclusions recherchées. Il en va autrement des règles de la Cour relativement à la procédure générale, lesquelles obligent les contribuables à soumettre les avis d'appel selon la formule 21(1)a). Il est clairement indiqué dans cette formule que l'appelant doit indiquer les conclusions qu'il souhaite obtenir à l'issue de l'appel. De toute évidence, le comité des règles n'a pas jugé nécessaire d'imposer une exigence semblable aux appelants dont l'appel est régi par la procédure informelle, et si la réticence de l'appelant en l'espèce à fournir cette précision peut sembler étrange, elle ne constitue pas, à mon sens, un motif pour radier son avis d'appel et annuler son appel.

 

[16]    Pour les motifs exposés précédemment, la requête en annulation de l'appel sera rejetée. J'en viens maintenant à la mesure de redressement demandée à titre subsidiaire, soit la prorogation du délai prévu pour que l'intimée puisse déposer une réponse. Il convient cependant de trancher d'abord la question de la requête en ajournement de l'audience.

 

[17]    Pour s'opposer à l'ajournement de l'audience, M. Bruner a fait valoir qu'en vertu de la procédure informelle, il a le droit d'être entendu sans délai. L'article 18.3005 de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt est libellé comme suit :

 

18.3005(1) Sous réserve du paragraphe (2), la Cour fixe l'audition d'un appel visé à l'article 18.3001 à une date qui ne peut être ultérieure au cent quatre‑vingtième jour ou, lorsqu'elle est convaincue qu'il serait difficilement réalisable de fixer une date d'audition à l'intérieur de ce délai, au trois cent soixante‑cinquième jour suivant celle où le ministre du Revenu national est tenu, aux termes du paragraphe 18.3003(1), de répondre à l'avis d'appel.

 

18.3005(2) La Cour peut, dans les cas exceptionnels, fixer l'audition d'un appel visé à l'article 18.3001 à un moment ultérieur aux délais visés au paragraphe (1).

 

De toute évidence, la loi est libellée de manière à favoriser une décision rapide dans les appels en matière de TPS qui sont interjetés sous le régime de la procédure informelle, mais elle reconnaît aussi qu'il existe des affaires qui ne peuvent pas être entendues même à l'intérieur de la période relativement longue d'un an après la clôture de la procédure écrite.

 

[18]    Monsieur Bruner s'appuie notamment sur la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Paynter c. La Reine, C.A.F., no A‑754‑96, 22 octobre 1996, 96 D.T.C. 6578. Dans cette affaire, la Cour a confirmé la décision du juge en chef Couture de notre cour, qui avait rejeté la demande d'ajournement de l'appelant, lequel avait fait valoir qu'il avait récemment changé d'avocat et que celui‑ci avait besoin de temps pour préparer sa défense. La Cour d'appel fédérale a confirmé la décision du juge en chef de refuser l'ajournement demandé, même si la demande d'ajournement n'avait pas été contestée, parce que la procédure informelle de la Cour prévoit « l'accélération des procédures pour les contribuables lorsque de petits montants sont en cause » (le juge Strayer, page 5, D.T.C. : à la page 6580). Cette affaire portait sur un appel à l'encontre d'une cotisation d'impôt sur le revenu, qui ne peut être régi par la procédure informelle que si le montant en litige n'excède pas 12 000 $. Bien entendu, d'autres considérations entrent en ligne de compte quand le montant en cause est plus élevé. Les appels à l'encontre de cotisations de TPS qui sont régis par la procédure informelle ne comportent pas de limites pécuniaires. Comme je l'ai indiqué précédemment, le présent appel et l'appel de la société sont très étroitement liés et l'objectif financier final recherché se situe dans les centaines de millions de dollars.

 

[19]    Monsieur Bruner, qui est un comptable agréé, soutient également que le report de l'audience lui causerait des problèmes car il a pris des dispositions pour s'absenter de son travail à la date prévue de l'audience et qu'il lui importe que soit dissipé rapidement tout doute qui plane sur sa réputation depuis que l'intimée a allégué qu'il avait fait une présentation erronée des faits ou commis une fraude en produisant les déclarations de TPS. Quoique ces facteurs sont pertinents, je trouve que, eu égard aux faits de l'espèce, ils revêtent beaucoup moins d'importance que les considérations opposées liées au contrôle judiciaire de l'ordonnance du juge Miller par la Cour d'appel fédérale, au souci d'éviter que des décisions contraires soient rendues dans les deux appels, et à la somme très considérable que l'appelant espère recevoir à l'issue de l'appel en l'instance et de celui de la société. Ainsi que Me Shipley l'a fait observer avec pertinence, le fait d'entendre l'appel en l'instance avant que la Cour d'appel fédérale ait entendu la demande de contrôle judiciaire de l'ordonnance du juge Miller équivaudrait à priver la Cour d'appel fédérale de la possibilité d'exercer sa compétence. En fait, dans l'affaire Paynter, bien que la Cour, après avoir entendu la demande, ait confirmé la décision de refuser un ajournement, le juge en chef Isaac a jugé bon d'accorder un sursis jusqu'à la date de l'audience devant la Cour d'appel fédérale. Si le juge n'avait pas agi de la sorte, l'appelant aurait été privé du droit de demander le contrôle judiciaire de la décision. Si je refusais d'accorder l'ajournement demandé par l'intimée, je m'attendrais à ce que la Cour d'appel fédérale, ou un juge de ce tribunal, accorde un sursis, pour la même raison que le juge en chef Isaac l'a fait dans l'affaire Paynter. À mon sens, ce facteur pèse beaucoup plus lourd dans la balance que les autres facteurs invoqués en l'espèce. À l'audition de la requête, Me Shipley s'est engagé à ce que le procureur général donne suite à la demande de contrôle judiciaire sans délai inutile. Pour cette raison, j'accorde l'ajournement demandé, sine die. Je ne donne aucune directive quant à l'inscription de l'appel au rôle après que la Cour d'appel aura rendu son jugement. Si la demande de contrôle judiciaire est accueillie et qu'il est donné suite à l'appel sous le régime de la procédure générale, il faudra un certain temps avant que l'affaire soit prête à être entendue. La Cour pourrait alors ordonner que l'appel en l'instance et celui de la société soient joints ou entendus simultanément ou consécutivement, en conformité avec l'article 26 des règles de la procédure générale. Les appels ont un grand nombre de questions de fait en commun; en fait, la plupart des questions à trancher, voire la totalité, se retrouvent dans les deux appels. Ceux‑ci représentent en réalité les deux côtés de la même médaille. En particulier, la question de l'authenticité de la vente conclue par M. Bruner et la société et celle de la fraude ou de la présentation erronée des faits dans les déclarations de TPS produites par M. Bruner devront être tranchées dans les deux appels. Les questions sont soulevées dans les actes de procédure, dans le cas de l'appel de la société, et dans l'avis d'appel, dans le cas de l'appel en l'instance. Me Shipley affirme qu'elles seront soulevées dans la réponse relativement à l'appel en l'instance. Si les appels ne sont pas entendus conjointement, une bonne partie des éléments de preuve devra être produite deux fois, et, surtout, il est possible que des décisions contraires soient rendues relativement à la même opération.

 

[20]    Si la demande de contrôle judiciaire est rejetée par la Cour d'appel, c'est à ce moment‑là qu'on pourra fixer la date de l'audition de l'appel en l'instance. Les facteurs qui militent en faveur de l'audition conjointe des affaires justifient également le report de l'audition de l'appel en l'instance même s'il finit par être instruit sous le régime de la procédure informelle. Même dans ce cas, il est possible que l'on ordonne que les appels soient entendus simultanément ou consécutivement. C'est là une question qu'il n'est pas nécessaire de trancher pour le moment. L'ajournement sera donc assorti de la condition que la date de l'audition sera fixée par le juge en chef de la Cour, ou un juge désigné par lui, après que la Cour d'appel fédérale aura statué sur la demande de contrôle judiciaire et que toute instance résultant de ce jugement aura été menée à terme.

 

[21]    J'accorde également la requête de l'intimée visant à obtenir le droit de déposer une réponse à l'avis d'appel. Les faits pertinents sont les suivants. Ayant décidé de présenter une demande fondée sur le paragraphe 18.3002 de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt, le procureur général s'est abstenu de déposer une réponse, probablement parce qu'il s'attendait à obtenir l'ordonnance demandée, auquel cas il aurait fallu modifier l'avis d'appel pour satisfaire aux exigences des règles de la procédure générale. C'est seulement par inadvertance que l'ordonnance en question n'a pas été obtenue, car elle aurait été rendue de plein droit si la demande en avait été faite quelques jours plus tôt. C'est aussi par simple mégarde que l'avocat a omis d'inclure une demande de prorogation du délai prévu pour déposer la réponse dans les mesures de redressement demandées au juge Miller. Cependant, cette demande subsidiaire était effectivement formulée dans le mémoire qui se trouvait dans le dossier de requête déposé le 7 mars, ou aux environs de cette date, relativement à la requête dont le juge Miller était saisi. Je suppose que si l'intimée avait présenté une demande de modification de l'avis de requête au juge Miller, il y aurait accédé, mais nulle demande du genre n'a été faite. Il est normal de demander une telle mesure de redressement subsidiaire dans le cadre d'une requête présentée avant la clôture de la procédure écrite, et cette mesure de redressement est habituellement accordée lorsque la requête est rejetée, à moins qu'il existe des motifs exceptionnels de rendre une décision contraire. Quoi qu'il en soit, le libellé de l'article 18.3003, qui fixe le délai de 60 jours pour le dépôt de la réponse, indique clairement qu'une demande de prorogation peut être présentée après l'expiration du délai et que la Cour peut y accéder. Si aucune prorogation du délai n'est accordée, l'intimée peut néanmoins déposer une réponse, mais il existe alors une présomption réfutable que les faits allégués dans l'avis d'appel sont vrais. Le seul préjudice que la prorogation du délai est susceptible de causer à l'appelant, selon ce qu'il m'a dit, c'est qu'il ne pourra pas bénéficier de cette présomption réfutable, qui est le simple fait d'un oubli. Si cette raison constituait à elle seule un préjudice suffisant pour justifier le rejet de la demande de prorogation du délai, il n'y aurait alors jamais de motif d'accéder à une demande du genre dans le cadre d'une requête présentée après l'expiration du délai, et le pouvoir d'accorder une prorogation du délai en pareil cas perdrait toute valeur. Je ne crois pas que l'appelant subira un préjudice important en l'espèce si je décide d'accorder la prorogation demandée. Comme je l'ai déjà mentionné, les questions de fait à trancher en l'espèce sont pratiquement les mêmes que celles soulevées dans l'appel de la société; il ne fait aucune doute qu'il y a de multiples chevauchements. Une réponse a été déposée dans cette affaire et la contestation est liée. Monsieur Bruner n'a pas démontré, ou même laissé entendre, que des éléments de preuve ne lui sont plus disponibles à cause de ce bref retard. J'ai déjà ordonné que l'affaire ne soit entendue que lorsque la Cour d'appel aura entendu la demande de contrôle judiciaire dont elle est saisie et qu'elle aura statué à cet égard. Le fait d'accorder une prorogation du délai pour déposer la réponse ne retardera pas l'appel davantage. J'estime que l'appréciation de l'équité et des inconvénients fait incontestablement pencher la balance en faveur de la prorogation du délai. Il n'est pas
nécessaire que cette prorogation soit bien longue. L'intimée a jusqu'au 30 août 2002 pour signifier et déposer une réponse à l'avis d'appel.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de juillet 2002.

 

 

 

« E. A. Bowie »

J.C.C.I.

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 24e jour de juin 2004.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 

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