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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

98-2778(IT)G

1999-3618(IT)G

 

ENTRE :

 

BRENT GLYNN McCLELLAND,

 

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

Appels entendus sur preuve commune le 16 mai 2002,

à Calgary (Alberta), par l'honorable juge D. W. Beaubier

 

Comparutions

 

Avocat de l'appelant :                         Me Kerry McClelland

 

Avocate de l’intimée :                         Me Belinda Schmid

 

 

JUGEMENT

 

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1988, 1989, 1990, 1991, 1992, 1993, 1994, 1995, 1996 et 1997 sont rejetés selon les motifs du jugement ci-joints.


Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 27e jour de mai 2002.

 

 

« D. W. Beaubier »

J.C.C.I.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour de février 2004.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Date: 20020527

Dossiers: 98-2778(IT)G

1999-3618(IT)G

 

ENTRE :

 

BRENT GLYNN McCLELLAND,

 

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Beaubier, C.C.I.

 

[1]     Ces appels ont été entendus sur preuve commune à Calgary (Alberta), le 16 mai 2002. L’appelant a témoigné et a appelé à la barre des témoins Cynthia Freeland, titulaire d'un doctorat, qualifiée d’expert en théorie critique de l’art.

 

[2]     L’appelant a interjeté appel des cotisations pour les années 1988 à 1997 inclusivement. Selon l’avocat de l’appelant, le point en litige dans les deux appels portait sur la question de savoir si l’appelant était considéré comme un artiste au cours des années en cause. Il n’existe aucune preuve qu’il ait produit ou vendu une œuvre d’art au cours de ces années. La preuve se résumait à une liste de dépenses que l’on proposait de déduire pour ces années. Par conséquent, la question que l’avocat de l’appelant a présentée à la Cour est de savoir si l’appelant avait une expectative raisonnable de tirer un profit de son dit travail d’artiste pendant les années 1988 à 1997 inclusivement. C’est la question que la Cour doit trancher.

 

[3]     Mme Freeland a témoigné que [TRADUCTION] « pratiquement n’importe quoi » peut être considéré comme une œuvre d’art de nos jours. Essentiellement, elle a soumis que, pour être une œuvre d’art, l’objet doit transmettre une idée, communiquer, être original et réalisé selon les règles de l’art.

 

[4]     L’appelant n’a présenté aucune preuve à la Cour qu'il a produit quelque œuvre d’art que ce soit pendant les années en question, soit de 1988 à 1997 inclusivement.

 

[5]     La seule œuvre d’art que l’appelant aurait prétendument produite s’intitule « Apothesis ». Tout ce qu’on sait sur sa date de production, c’est que l’appelant l’aurait produite en mars 2002. (Voir la pièce A-2.)

 

[6]     L’appelant semble avoir environ 50 ans. D’après son témoignage, il aurait reçu un diplôme d’enseignant de l’Université de Calgary et aurait enseigné quelque temps. Il a une fille née vers 1984 qui l'a accompagné à New York en 1995. Il avait la garde partagée de sa fille avec la mère de celle-ci jusqu’au déménagement de cette dernière, de Calgary à Vancouver, et il a alors commencé à faire des séjours prolongés à Vancouver et à Nanaimo, en Colombie-Britannique. Au cours de quelques-unes des années en litige, il a résidé avec ses parents à Calgary. En contre-interrogatoire, il a admis que son seul revenu pour les années en question - salaire d’employé ou revenu déclaré tiré d’une entreprise - provenait d’une garderie. Interrogé sur le temps qu’il consacrait à ses activités d’artiste ou à sa dite entreprise d’art, ses réponses restaient vagues. Il a finalement avoué qu’il passait du temps à réfléchir sur l’art et qu’à son avis, une idée artistique peut se manifester juste avant le réveil ou au tout début du sommeil. Il n’a pas expliqué combien de fois il avait eu de telles idées.

 

[7]     Pour que l'appelant puisse établir qu’il était un artiste professionnel de 1988 à 1997, il doit montrer qu’il avait à l’époque une « expectative raisonnable de profit » relativement à ses œuvres d’art. Les principaux critères en la matière ont été énoncés par le juge Dickson dans l'affaire William Moldowan c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 480, aux pages 485 et 486 (77 DTC 5213, à la page 5216), où il dit :

 

Il y a d'abord eu controverse, mais il est maintenant admis que pour avoir une « source » de revenu, le contribuable doit avoir en vue un profit ou une expectative raisonnable de profit. L'expression source de revenu équivaut donc au terme entreprise : Dorfman c. M.R.N. Voir également l'al. 139(1)ae) de la Loi de l'impôt sur le revenu qui inclut à titre de « frais personnels ou frais de subsistance », donc non déductibles aux fins de l'impôt, les dépenses inhérentes aux propriétés entretenues par le contribuable pour son propre usage et avantage, et non entretenues relativement à une entreprise exploitée en vue d'un profit ou dans une expectative raisonnable de profit. Si le contribuable, en exploitant sa ferme, se livre simplement à un passe-temps, sans expectative raisonnable de profit, il ne peut réclamer aucune déduction pour les dépenses engagées.

 

Une jurisprudence volumineuse traite de la signification de l'expression expectative raisonnable de profit, mais il ne s'en dégage aucune constante. A mon avis, on doit s'appuyer sur tous les faits pour déterminer objectivement si un contribuable a une expectative raisonnable de profit. On doit alors tenir compte des critères suivants : l'état des profits et pertes pour les années antérieures, la formation du contribuable et la voie sur laquelle il entend s'engager, la capacité de l'entreprise, en termes de capital, de réaliser un profit après déduction de l'allocation à l'égard du coût en capital. Cette liste n'est évidemment pas exhaustive. Les facteurs seront différents selon la nature et l'importance de l'entreprise: La Reine c. Matthews. Personne ne peut s'attendre à ce qu'un fermier qui achète une affaire déjà productive subisse au départ les mêmes pertes que celui qui met sur pied une exploitation forestière sur un terrain vierge.

 

[8]     En appliquant ces critères, voici ce que la Cour constate à l’égard des appels de l’appelant :

 

1.       État des produits et pertes pour les années antérieures – Il n’y a aucun document attestant de profits ou de pertes de l’appelant relativement à une œuvre d’art quelconque. Il n’y a aucune preuve qu’il ait produit une œuvre d’art ni au cours des années en question, ni avant cela, ni jusqu’en mars 2002.

 

2.       Formation du contribuable – L’appelant est diplômé en enseignement. Il a déclaré qu’il avait donné des cours d’art. Il n’existe aucune preuve qu’il ait reçu une formation en art ou dans la production d’œuvres d’art. D’après son témoignage, il semblerait qu’il fait des lectures sur l’art et les artistes, dans les domaines de l’art visuel et de la sculpture. Il a déclaré que, vers 1995, lui et sa fille ont visité des galeries d’art à New York.

 

3.       Voie sur laquelle le contribuable entend s’engager – Il n’existe aucune preuve que l’appelant ait eu l’intention de faire quoi que ce soit au cours des années en question. En particulier, il n’y a rien qui prouve qu’il ait eu l’intention de s’engager dans la production d’une œuvre d’art ou dans la réalisation d’œuvres de quelque sorte en vue d’en tirer un profit au cours de ces années. En ce qui concerne « Apothesis », il a déclaré avoir produit en tout 12 versions de cette œuvre. Lui et sa fille [TRADUCTION] « les ont momifiées », ils se sont bandé les yeux et les ont enterrées dans la montagne. Ils ont noté les relevés d’odomètre pour se rendre à cet endroit, ils ont tendu des cordelettes jaunes, ils ont pris des photos; il espère ou pense pouvoir les vendre pour 1 000 000 $ à quelqu’un qui, par la suite,  découvrira les 12. Il pense aussi rédiger un texte sur ce processus et le faire publier. Il n’a pas montré « Apothesis » en public, mais a fait imprimer la pièce A-2 à un peu plus de 300 exemplaires qui ont, apparemment, été remis à un certain nombre de personnes gratuitement.

 

4.       Capacité de l'entreprise, en termes de capital, de réaliser un profit – Pour les années en question, on ne dispose d’aucun élément de preuve quant à un investissement de capital quelconque par l’appelant dans cette dite entreprise. Rien ne donne à penser qu’il se soit engagé dans la production d’une œuvre d’art au cours des années en cause. Il n’existe aucune preuve que l’appelant ait essayé ou eu l’intention de produire une œuvre d’art, ou qu’une œuvre d’art ait été mise en vente en vue d’en dégager un bénéfice pendant ces années-là. À deux reprises, pendant l’interrogatoire principal, on a demandé à l’appelant comment il pensait tirer un revenu de ses œuvres d’art, mais il n’a pas été capable de répondre. Il s’est plutôt lancé dans deux longs discours abscons.

 

[9]     La question de l’attente raisonnable de profit a également été développée dans l'affaire Enno Tonn c. Canada (C.A.F.), [1998] 1 C.F. 165 (96 DTC 6001). S’inspirant des concepts tirés de cet arrêt, la Cour se prononce comme suit:

 

1.       L’appelant a un intérêt personnel pour l’art. D’autre part, les exemples de dépenses dont il a demandé la déduction comprennent un grand nombre de frais de chambres de motel et des déplacements effectués afin de rendre visite à sa fille en Colombie-Britannique. D’après la preuve, il est clair que la majorité des dépenses déduites, peut-être toutes, ont trait à des frais engagés pour visiter sa fille ou effectuer des voyages de nature personnelle en Colombie-Britannique.

 

2.       Au cours des années en question, l’appelant n’avait aucun projet visant la production d’une œuvre d’art, et il ne savait ni quel en serait le support ou le matériau, ni comment en tirer un bénéfice. Il a témoigné qu’il faisait l'essai de différents matériaux. D’après son témoignage, il semble qu’il réfléchissait à l’art, qu’il lisait des publications à ce sujet et même qu’il cherchait de l’inspiration. Mais il n’avait aucun projet lui permettant de produire de l’art pour en tirer un profit. Il n’a formulé aucun plan de ce genre pendant les années visées.

 

[10]    L’appelant n’avait aucun espoir raisonnable de tirer un bénéfice d’un travail d’artiste au cours des années en question. Il n’exploitait pas ce genre d’entreprise pendant ces années.

 

[11]    Les deux parties aux appels ont soulevé d’autres questions, mais ce jugement de la Cour met fin aux appels et il n’est donc pas nécessaire d’aborder ces questions.

 

[12]    Les appels sont rejetés. La Cour accorde à l'intimée tous les dépens entre parties à l'égard de chaque appel.

 

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 27e jour de mai 2002.

 

 

« D. W. Beaubier »

J.C.C.I.

 

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour de février 2004.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur


 

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