Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

2001-3102(GST)I

 

ENTRE :

 

SERGIO MARIANI,

 

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

Appel entendu les 13 et 14 mars 2002, à Toronto (Ontario), par

 

l'honorable juge Michael J. Bonner

 

Comparutions

 

Représentant de l'appelant :                 Joel N. Hoffman

 

Avocate de l’intimée :                         Me Suzanne M. Bruce

___________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 22 décembre 2000 et porte le numéro 21525 est accueilli et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvelle cotisation éliminant toute responsabilité sauf en ce qui a trait à la période qui a pris fin le 30 septembre 1996.

 


Signé à Toronto (Ontario), ce 22e jour de mars 2002.

 

 

« Michael J. Bonner »

J.C.C.I.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de mai 2004.

 

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Date: 20020530

Dossier: 2001-3102(GST)I

 

ENTRE :

 

SERGIO MARIANI,

 

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

(Rendus oralement à Toronto (Ontario), le 14 mars 2002,

et modifiés ultérieurement quant à la forme.)

 

 

Le juge Bonner, C.C.I.

 

 

 

[1]     Durant les périodes pertinentes, l’appelant était un administrateur de Vaughan Iron Works Ltd. Il a reçu un avis de cotisation établi en application de l’article 323 de la Loi sur la taxe d'accise qui impose aux administrateurs d’une personne morale une responsabilité eu égard aux taxes impayées par celle-ci.

 

 


[2]     Le paragraphe 323(1) se lit comme suit :

 

Les administrateurs de la personne morale au moment où elle était tenue de verser une taxe nette comme l'exigent les paragraphes 228(2) ou (2.3), sont, en cas de défaut par la personne morale, solidairement tenus, avec cette dernière, de payer cette taxe ainsi que les intérêts et pénalités y afférents.

 

[3]     L’appelant se fonde sur le moyen de défense de la diligence raisonnable prévu au paragraphe 323(3) qui se lit comme suit :

 

L'administrateur n'encourt pas de responsabilité s'il a agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le manquement visé au paragraphe (1) que ne l'aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances.

 

[4]     L’appelant a mis fin à ses études formelles au terme de sa 12 e année de scolarité. Par la suite, il a commencé à travailler pour l’entreprise de soudure de son oncle. En 1987, il a pris la relève de ce dernier à la tête de l’entreprise qui portait le nom de North York Welding et qu’il a géré comme s’il en était propriétaire.

 

[5]     En 1993, l’appelant et Aldo Ricciuti ont constitué une société, la Vaughan Iron Works Ltd.

 

[6]     Les deux individus sont devenus les seuls actionnaires et administrateurs de Vaughan. Cette dernière a commencé à oeuvrer dans le domaine de la fabrication et de l’installation de composantes de fer et d’acier requises dans le secteur de la construction.

 

[7]     Les deux administrateurs s'étaient partagés la responsabilité de la gestion des affaires de Vaughan. La responsabilité première de l’appelant avait trait à la fabrication et à l’installation de produits de fer et d’acier tels des escaliers et des balustrades. Il faisait également des esquisses de pièces qui allaient devoir être construites dans le cadre des activités de Vaughan. La majeure partie du travail de l’appelant était exécutée sur le terrain. Au cours d’une journée typique, il se rendait tout d’abord à l’atelier de l’entreprise, il signait des chèques, s’occupait de tout document laissé sur son bureau par M. Ricciuti ou l’aide-comptable. Ensuite, il changeait de vêtements et s’en allait sur le terrain. Il retournait au bureau de la compagnie à la fin de la journée, s’occupait de toute autre tâche administrative laissée sur son bureau par les autres, puis, il retournait chez lui.

 

[8]     M. Ricciuti, pour sa part, était chargé des prévisions budgétaires et des ventes de même que de l’administration des affaires de la compagnie. Il accomplissait ses tâches en grande partie dans les bureaux de Vaughan et ce, plus particulièrement depuis qu’il a été blessé dans un accident d’automobile en 1994.

 

[9]     Vaughan employait un petit nombre de travailleurs qui effectuaient leurs tâches tant à l’atelier que sur le terrain. Un aide-comptable était également employé à temps partiel. La signature des deux administrateurs était requise sur les chèques de la compagnie Vaughan.

 

[10]    Il semble que les années 1993 et 1994, et l'année 1995 en grande partie, ont été sans histoire quant à la perception et la remise de la TPS. Dans la mesure où je peux me prononcer, à la lumière de la preuve quelque peu floue qui a été fournie, le problème est survenu pour la première fois eu égard à la période se terminant le 31 décembre 1995. La cotisation dont il est fait appel en l’espèce découle du défaut par Vaughan de verser la taxe nette pour les périodes se terminant les 31 décembre 1995, 31 mars 1996 et 30 septembre 1996. L’avis de cotisation vise également la période se terminant le 31 décembre 1996, mais l’intimée a reconnu à l’audience que rien n’aurait dû être réclamé à Vaughan pour cette période.

 

 [11]   Au cours des mois d’avril ou mai 1996, l’appelant a eu connaissance pour la première fois que Vaughan ne payait pas ses créanciers en temps opportun. Il a commencé à recevoir des appels de fournisseurs qui réclamaient le paiement de leurs factures échues. L’appelant dit s’être informé auprès de Ricciuti qui lui a dit que, bien qu’il y avait un problème de flux de trésorerie, dû au fait que les clients ne payaient pas leurs dettes promptement, la compagnie était rentable et avait plus qu’assez de comptes recevables pour payer ce qu’elle devait.

 

[12]    La preuve ne démontre pas que l’appelant a soulevé, ni à ce moment ni à aucun autre, de question spécifique, relative aux obligations de Vaughan quant à la TPS.

 

[13]    Je note au passage que rien ne suggère qu’il y ait jamais eu de problème relativement aux déductions à la source prélevées sur le salaire des employés de Vaughan. Il semble que la corporation a engagé un gestionnaire professionnel de la rémunération et que c’est ce qui explique que la compagnie a réussi à éviter les problèmes à cet égard.

 

[14]    L’appelant soutient qu’il a été victime  d’une tromperie volontaire de la part d’Aldo Ricciuti. Il a conclu que ce dernier a, à tout le moins, exagéré l’importance des comptes recevables de Vaughan lorsqu’il a répondu à ses questions relatives à la capacité de payer les créanciers de Vaughan.

 

[15]    Le comptable qui a représenté l’appelant lors de l’audience a tenté de démontrer que M. Ricciuti a agi de façon irrégulière et que c’est la malhonnêteté qui a causé l’effondrement ultime de Vaughan.

 

[16]    La preuve relative à la situation financière réelle de Vaughan et aux causes de ses problèmes financiers qui ont entraîné son défaut de payer la TPS est nettement trop nébuleuse et imprécise pour en tirer quelque conclusion que ce soit. En outre, cette preuve n’était absolument pas à propos puisque la question pertinente est de savoir si  l’appelant a agi avec le degré requis de  soin, de diligence et de compétence pour prévenir le manquement. Avec tout le respect dû à ceux qui ne partagent pas mon point de vue, je suis d’avis qu’il n’est pas possible pour quiconque de prévenir un manquement après que ce manquement soit survenu. L’article 323 traite du défaut de payer les taxes une fois qu’elles sont devenues exigibles. Il ne traite pas des tentatives de remédier aux manquements qui sont déjà survenus.

 

[17]    Les efforts de l’appelant pour s’acquitter des obligations contractuelles de Vaughan, de façon à permettre à cette dernière de percevoir des comptes recevables et de  recueillir l’argent pour payer les taxes en souffrance, ne peuvent constituer des gestes accomplis avec le soin envisagé au paragraphe 323(3) de la Loi sur la taxe d’accise pour prévenir le manquement.

 

[18]    L’intimée soutient que l’appelant était un administrateur interne et qu’à ce titre il avait l’obligation de prendre des mesures concrètes pour prévenir le manquement. L’avocate de l’intimée soutient que l’appelant n’a pas pris de telles mesures. Elle se fonde sur l’arrêt de la Cour d’appel fédérale Soper c. Canada (C.A.), [1998] 1 C.F. 124 (97 D.T.C. 5407) et affirme que, comme l’appelant était un administrateur interne et qu’il a été passif eu égard à la TPS, il n’a pas été dûment diligent.

 

 [19]   Je ne peux souscrire au point de vue de l’intimée. La distinction entre les catégories d’administrateurs internes et externes ne fait pas partie d'un processus mécanique de classification dans des catégories définies de manière rigide de gagnants et de perdants. Il s’agit plutôt d’une reconnaissance qui va de soi. Certains administrateurs, généralement parce qu’ils participent à la gestion au jour le jour de l’entreprise, sont en meilleure position que d’autres pour détecter la possibilité de manquements et y faire face. Il s’agit là d’un élément pertinent.

 

[20]    Il est vrai que l’appelant faisait partie de l’équipe de direction, mais il ne lui incombait pas, du moins au départ, de voir, sur une base régulière, au paiement de la TPS. Le partage interne des responsabilités au sein d’une compagnie est un élément qui doit être pris en considération dans des situations comme celle qui nous occupe. Lorsque, dans un cas comme celui-ci, il n’y avait aucune allusion à quelqu’irrégularité que ce soit relativement à la TPS entre le moment où Vaughan a entrepris ses activités et avril ou mai 1996, le défaut par l’appelant de se préoccuper de la TPS avant le printemps 1996 n’est pas incompatible avec une gestion empreinte des soins requis.

 

 [21]   Comme le juge Robertson de la Cour d’appel fédérale l’a noté dans l'arrêt Soper :

 

... l'administrateur peut à juste titre compter sur les dirigeants de la société pour s'acquitter avec intégrité des fonctions qui leur ont été régulièrement déléguées, sauf s'il a des motifs d'avoir des soupçons.

 

À mon avis, cette affirmation s’applique également à la confiance que doit pouvoir accorder un administrateur à un collègue gestionnaire à qui des responsabilités ont été déléguées.

 

[22]    Les évènements d’avril ou de mai 1996 étaient toutefois de nature à éveiller des soupçons de telle sorte que tout administrateur, même s’il n’était pas au préalable assigné à la remise de TPS, devait alors agir de manière résolue pour vérifier si les taxes sont versées conformément à la Loi et pour s’assurer qu’elles soient bel et bien versées. Lorsqu’il existe des motifs de suspicion, toute démarche qui ne serait pas à ce point résolue ne satisferait pas aux exigences de soin prévues par la Loi.

 

 [23]   J’ai conclu que l’appelant n’est pas responsable en vertu du paragraphe 323(3) quant aux manquements qui sont survenus lors des périodes antérieures à celle qui s’est terminée le 30 septembre 1996. Les plaintes ont été portées à l’attention de l’appelant en avril ou mai de cette année-là et le premier manquement que l’appelant aurait pu prévenir est survenu plus tard, soit au trimestre prenant fin le 30 septembre. Il ne ressort pas de la preuve plutôt nébuleuse en l’espèce qu’il y ait eu défaut de procéder à la remise pour le trimestre d’avril, mai et juin.

 

 [24]   L’appel sera donc accueilli et la cotisation déférée au ministre pour qu’une nouvelle cotisation soit établie, éliminant toute responsabilité sauf  en ce qui a trait à la période qui a pris fin le 30 septembre 1996.

 

 

Signé à Toronto (Ontario), ce 30e jour de mai 2002.

 

 

« Michael J. Bonner »

J.C.C.I.

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de mai 2004.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.