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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

 

2001‑2445(IT)I

ENTRE :

SAMUEL ALLEN MOSSMAN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

Appel entendu le 31 mai 2002 à Toronto (Ontario) par

 

l’honorable juge J. E. Hershfield

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :                         Me Richard G. Fitzsimmons

 

Avocates de l’intimée :                        Me Andrea Jackett et

Audrea Hammell (stagiaire en droit)

 

 

JUGEMENT

 

L’appel interjeté à l’encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 1999 est accueilli, avec dépens, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

 

 

Signé à Winnipeg (Manitoba), ce 18e jour de juillet 2002.

 

 

 

 

« J. E. Hershfield »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme,

ce 2jour d’avril 2004.

 

 

 

 

Nancy Bouchard, traductrice


 

 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

 

Date : 20020718

Dossier : 2001‑2445(IT)I

 

ENTRE :

 

SAMUEL ALLEN MOSSMAN,

 

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge Hershfield, C.C.I.

 

[1]     Le présent appel concerne l’année d’imposition 1999 de l’appelant pour laquelle il a demandé une déduction de 24 000 $ à titre de pension alimentaire pour enfants. Cette obligation de verser une pension alimentaire découle d’accords qu’il a conclus avec Mme Mossman en 1994 et en 1998. Cette déduction lui a été refusée pour le motif que le montant de la pension alimentaire a été versé à Mme Mossman en vertu du dernier accord qui prévoyait une « date d’exécution » en vertu du paragraphe 56.1(4)[1] de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). En règle générale, les versements de pension alimentaire pour enfants effectués en vertu d’un accord conclu après mai 1997 ne sont pas déductibles. Les accords assujettis à cette restriction prévoient, en vertu de la Loi, une « date d’exécution », tel que le définit le paragraphe 56.1(4).

 

[2]     Si l’hypothèse du ministre selon laquelle le paiement était conforme à un accord ayant une date d’exécution en 1998 est correcte, la déduction demandée aurait donc été refusée à bon droit, conformément à l’alinéa 60b) de la Loi qui, selon le calcul prévu, refuse la déduction d’une « pension alimentaire pour enfants qui est devenue payable [] aux termes d’un accord [] à la date d’exécution ou postérieurement [] ».

 

[3]        Pour déterminer si les versements en question étaient payables aux termes d’un accord à la « date d’exécution » ou postérieurement, il sera nécessaire de déterminer si le deuxième accord consiste en une modification du premier accord. S’il ne s’agit que d’une modification du premier accord et que les versements de pension alimentaire ont été payés aux termes dudit accord, il n’y aura aucune date d’exécution jusqu’à ce qu’un montant modifié de pension alimentaire soit payable. S’il n’y a aucun montant modifié de pension alimentaire payable en 1999 ou antérieurement, alors il n’y aura aucune date d’exécution en 1999 ou antérieurement. Par contre, si le deuxième accord a pour effet d’annuler le premier accord, alors le deuxième accord sera le seul aux termes duquel les paiements auraient pu être versés et, si tel est le cas, l’accord en question indique clairement l’année 1998 comme date d’exécution. 

 

[4]     L’intimée a également soulevé une question secondaire ou subsidiaire quant à savoir notamment si les paiements qu’a versés l’appelant étaient payables à Mme Mossman à titre d’une « allocation ». Pour que ces paiements soient déductibles, ils doivent avoir été versés à Mme Mossman à titre d’une « allocation ».

 

FAITS

 

[5]     Les faits suivants de la présente affaire sont ceux sur lesquels l’intimée s’est fondée et tels qu’ils m’ont été présentés. L’appelant, M. Mossman, était le seul témoin à l’audience. 

 

A.       L’appelant et Helen Mossman se sont mariés en 1970 et se sont séparés en 1988.

 

B.       Jeremy Mossman, né en 1979, était un enfant à charge et, après la séparation du couple, il a été placé sous la garde légale de sa mère.

 

C.     En juin 1997 ou vers cette date, Jeremy a obtenu son diplôme de treizième année et, ensuite, pendant toute la période pertinente, Mme Mossman et son fils Jeremy ont vécu ensemble à Miami, en Floride, où ce dernier a poursuivi des études universitaires à temps plein.

 

D.     En décembre 1994, l’appelant et Mme Mossman ont conclu un accord écrit (l’accord de 1994) qui obligeait l’appelant à verser une pension alimentaire pour son fils Jeremy. Le résumé de cet accord exposé dans l’Avis d’appel et admis dans la Réponse est ainsi rédigé :

 

                         [traduction]

 

(1)  la somme de 2 000 $ par mois, jusqu’à ce que Jeremy obtienne son diplôme de treizième année et, par la suite;

 

(2)  jusqu’à ce que Jeremy cesse de résider avec Mme Mossman ou s’il cesse de fréquenter un établissement d’enseignement à temps plein ou jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge de 21 ans ou s’il se marie ou décède, ou jusqu’au décès de l’appelant ou de Mme Mossman, la somme de :

 

     a) 1 700 $ par mois; 

 

     b) un certain montant par mois, selon ce qu’il pourra être établi aux termes d’une formule dont auront convenu les parties aux fins de calcul de la part des dépenses de l’appelant engagées pour permettre à Jeremy de terminer ses études postsecondaires, sous réserve que ladite part des dépenses de l’appelant soit toujours d’au moins 300 $ par mois. 

 

 

Je me suis fondé sur ce résumé puisque son contenu est suffisant pour trancher les questions qu’a soulevées l’intimée concernant le présent appel. Cependant, on peut soutenir que ce résumé comporte des lacunes à certains égards. Par exemple, l’accord ne semble pas indiquer qu’il existe une différence quant à savoir à qui les paiements doivent être versés. Bien que les termes explicites de l’accord ne fournissent aucune réponse à cette question, celle‑ci est, à tout le moins, abordée dans l’accord en soi et s’avère pertinente, comme j’expliquerai plus en détail dans mon analyse.   

 

5.       Pendant toute la période pertinente, l’appelant a versé la somme de 2 000 $ par mois à Mme Mossman à titre de pension alimentaire pour Jeremy. L’appelant déposait cette somme tous les mois dans le compte bancaire de Mme Mossman.

 

6.       Le 19 janvier 1998, l’appelant et Mme Mossman ont conclu un deuxième accord écrit (l’accord de 1998) qui stipulait que l’appelant :

 

[traduction]

 

[] continuera de verser la somme de 2 000 $ par mois à titre de pension alimentaire pour enfants tant et aussi longtemps que  Jeremy demeure un « enfant à charge ». Ledit versement s’appuie sur ledit paiement de 2 000 $ qui est déductible du revenu imposable de M. Mossman, mais qui ne peut être inclus dans le revenu de Mme Mossman pour le motif que celle‑ci vit en Floride. » (Je souligne.)

 

[6]     Je commenterai plus loin, dans les présents motifs, les raisons pour lesquelles j’ai mis le terme « continuera » en italique, mais, tout d’abord, il est nécessaire de commenter les termes placés entre guillemets. L’accord de 1998 consiste en une entente manuscrite conclue entre l’appelant et Mme Mossman en vue d’établir entre eux la procédure d’arbitrage. L’expression « enfant à charge » est placé entre guillemets et, à cet égard, M. Mossman a témoigné que l’intention était de mettre l’accent sur une expression ayant une signification particulière en vertu de la Loi sur le divorce[2] et qu’il inclut un enfant ayant atteint l’âge de la majorité mais qui ne peut, pour certaines raisons, cesser d’être à la charge de ses parents. L’avocate de l’intimée a reconnu que l’expression « enfant à charge » incluait un enfant majeur qui fréquente un établissement d’enseignement postsecondaire à temps plein, et elle n’a pas contesté l’interprétation de l’accord de 1998 selon laquelle il est stipulé que l’appelant continuera de verser une pension alimentaire sous réserve que Jeremy poursuive ses études postsecondaires[3].

 

[7]     Dans le calcul de son revenu pour l’année 1999, l’appelant a déduit la somme de 24 000 $ à titre de pension alimentaire pour enfants versée à Mme Mossman en 1999. Une somme équivalente avait été déduite et accordée pour chacune des années précédentes depuis l’accord de 1994.

 

LA QUESTION RELATIVE À L’ALLOCATION

 

[8]     Avant d’examiner la question principe susmentionnée quant à savoir si les paiements de pension alimentaire ont été versés en vertu de l’accord de 1994 et si cet accord prévoyait une date d’exécution, je trancherai d’abord la question secondaire ou subsidiaire qu’a soulevée l’intimée quant à savoir notamment si les paiements qu’a versés l’appelant étaient payables à Mme Mossman à titre d’une « allocation ». Le calcul de la déduction permise selon la formule prévue à l’alinéa 60b) de la Loi comprend, à titre de somme déductible, un « montant de pension » visé au paragraphe 56.1(4), pour désigner un montant payable ou recevable à titre d’une « allocation ». La somme versée sera considérée comme une allocation si Mme Mossman a exercé un pouvoir discrétionnaire quant à l’utilisation des fonds que lui a versés l’appelant. J’admets que Mme Mossman n’était pas redevable à M. Mossman de l’usage de la somme de 2 000 $ déposée tous les mois dans son compte. Il s’agit là du témoignage de l’appelant qui n’a pas été contredit. De plus, ni l’accord de 1994 ni l’accord de 1998, selon leurs modalités explicites, ne prévoyait que Mme Mossman devait rendre compte de la façon dont elle utilisait les fonds payables à titre de pension alimentaire pour Jeremy pendant ses études. Ce dernier fréquentait l’université. Ainsi, puisque cette condition a été satisfaite, la somme (2 000 $) était payable et recevable à titre d’une allocation[4].

 

[9]     Cette conclusion m’oblige à commenter un autre aspect de l’obligation de verser un paiement mensuel de 2 000 $ en vertu de l’accord de 1994. Bien que la somme dont il est fait mention au point a) du paragraphe 2 de l’accord, dans le paragraphe [5] au point D des présents motifs ci‑dessus, ait été (en vertu des modalités explicites dudit accord) payable à Mme Mossman, l’excédent de 300 $ dont il est fait mention au point b) du paragraphe 2 était expressément payable à Jeremy. On peut donc se demander si la somme de 300 $ qui faisait partie du montant dont il est fait mention au point b) du paragraphe 2 était payable à Jeremy ou à sa mère. L’accord n’est pas précis sur ce point. S’il était payable à Jeremy, la pension alimentaire en vertu de l’accord de 1994 ne peut être que de 1 700 $. Cependant, l’intimée n’a pas fait valoir cette position, et l’appelant a fourni à la Cour une interprétation de l’accord qui correspond à sa conduite selon laquelle la somme de 300 $ était payable à Mme Mossman. J’admets le témoignage et les affirmations de l’appelant à cet égard. En admettant cela tout en admettant que d’autres dépenses calculées n’étaient payables que pour Jeremy, cela signifie que la pension alimentaire payable à Mme Mossman était établie à 2 000 $ par mois en vertu de l’accord de 1994.

 

DÉFINITION DE « DATE D’EXÉCUTION »

 

[10]    On trouve la définition de « date d’exécution » ainsi formulée au paragraphe 56.1(4) :

 

« date d’exécution » Quant à un accord ou une ordonnance :

 

a)         si l’accord ou l’ordonnance est établi après avril 1997, la date de son établissement;

 

b)         si l’accord ou l’ordonnance est établi avant mai 1997, le premier en date des jours suivants, postérieur à avril 1997 :

 

(i)         le jour précisé par le payeur et le bénéficiaire aux termes de l’accord ou de l’ordonnance dans un choix conjoint présenté au ministre sur le formulaire et selon les modalités prescrits,

 

(ii)        si l’accord ou l’ordonnance fait l’objet d’une modification après avril 1997 touchant le montant de la pension alimentaire pour enfants qui est payable au bénéficiaire, le jour où le montant modifié est à verser pour la première fois,

 

(iii)               si un accord ou une ordonnance subséquent est établi après avril 1997 et a pour effet de changer le total des montants de pension alimentaire pour enfants qui sont payables au bénéficiaire par le payeur, la date d'exécution du premier semblable accord ou de la première semblable ordonnance,

 

(iv)       le jour précisé dans l’accord ou l’ordonnance, ou dans toute modification s’y rapportant, pour l’application de la présente loi.

 

LA POSITION DE CHACUNE DES PARTIES

 

[11]    Selon l’intimée, l’accord de 1994 prévoyait une formule pour le calcul de la pension alimentaire pour enfants que l’accord de 1998 a modifié, et les paiements versés en 1999 l’ont été en vertu de l’accord de 1998. L’intimée soutient que lorsqu’un accord modifie la formule pour le calcul de la pension alimentaire pour enfants, le sous‑alinéa b)(ii) de la définition de « date d’exécution » stipule que la date à laquelle les parties conviennent de modifier le montant de la pension correspond à la « date d’exécution » et que, de toute façon, en vertu de l’alinéa a) de cette définition, la date d’exécution est la date à laquelle l’accord apportant la modification est conclu. Pour sa part, l’appelant soutient que l’accord de 1998 a pour effet de prolonger l’obligation en vertu de l’accord de 1994 de verser une pension alimentaire minimale établie de 2 000 $ par mois pendant que Jeremy suit des études à temps plein et qu’en vertu de l’accord de 1998, aucune modification n’a été apportée au montant payable. L’appelant soutient aussi que lorsqu’un accord est conclu en vue de modifier le montant de la pension alimentaire pour enfants, la date de l’accord n’est pas la date pertinente. La date d’exécution d’un accord qui modifie le montant de la pension alimentaire pour enfants est la date à laquelle le premier paiement ainsi modifié doit être versé. Il ne fait aucun doute que le sous‑alinéa b)(ii) de la définition de « date d’exécution » appuie la position de l’appelant. Cependant, après avoir établi à un moment donné si le montant d’un paiement obligatoire a été modifié, la question centrale consiste à déterminer « en vertu de quel accord le paiement devait‑il être versé? ». Il s’agit d’une question de droit en matière de contrat.

 

ANALYSE

 

[12]    En effet, l’accord de 1994 prévoit sa propre formule pour établir les montants de la pension alimentaire pour enfants que devait verser l’appelant à Mme Mossman. Sous réserve que certains conditions soient satisfaites, l’appelant a accepté, en vertu dudit accord, de verser à Mme Mossman une pension alimentaire pour enfants de 2 000 $ par mois, ce qui résulte de mes conclusions énoncées au paragraphe [9] des présents motifs.

 

[13]    Je reconnais que cette conclusion concernant l’obligation de l’appelant en vertu de l’accord de 1994 est quelque peu simpliste et qu’il s’avère utile que je la commente davantage. D’abord, les montants dont il est fait mention aux points 2a) et 2b) du paragraphe [5] D des présents motifs ne sont payables que si les conditions suivantes sont réunies :

 

          1.       Jeremy habite avec Mme Mossman;

2.       Jeremy fréquente un établissement d’enseignement et y poursuit des études à temps plein;

          3.       Jeremy est âgé de moins de 21 ans;

          4.       Jeremy est célibataire[5].

 

Ensuite, ma conclusion selon laquelle une obligation de verser un paiement fixe de 2 000 $ par mois en vertu de l’accord de 1994 ne peut être que juste, si j’admets que l’appelant était tenu de verser la somme de 300 $ tous les mois peu importait les dépenses réelles, les frais de scolarité, les bourses ou même pendant les vacances d’été. Sinon, le montant de pension alimentaire à verser tous les mois en vertu de cet accord aurait été moins de 2 000 $. Je suis convaincu selon la preuve que la somme de 2 000 $ versée à Mme Mossman tous les mois était une obligation en vertu de l’accord de 1994. L’accord de 1998 confirme d’ailleurs cette obligation. Les accords, contrairement à certaines lois, doivent être interprétés avec une certaine latitude pour donner effet aux intentions. En conséquence, pour ce qui est d’interpréter les obligations de l’appelant en vertu de l’accord de 1994, je suis convaincu que le montant que l’appelant a accepté de verser à titre de pension alimentaire pour enfants à l’égard de Jeremy était de 2 000 $ par mois, sous réserve que les quatre conditions énoncées ci‑dessus soient satisfaites.  

 

[14]    Il importe de noter que les conditions relatives au paiement en vertu de l’accord de 1998 sont différentes de celles relatives au paiement en vertu de l’accord de 1994. La mention d’« enfant à charge » dans l’accord de 1998 modifie les circonstances dans lesquelles une pension alimentaire pour enfants sera payable. La Loi sur le divorce[6] définit « enfant à charge » de la façon suivante :

 

« enfant à charge » Enfant des deux époux ou ex‑époux qui, à l’époque considérée, se trouve dans une des situations suivantes :

 

a)          il n’est pas majeur et est à leur charge;

 

b)          il est majeur et est à leur charge, sans pouvoir, pour cause notamment de maladie ou d’invalidité, cesser d’être à leur charge ou subvenir à ses propres besoins;

 

 

[15]    Comme je l’ai mentionné précédemment, l’intimée a admis que Jeremy, même s’il avait atteint l’âge de 20 ans en 1999, était un « enfant à charge » du fait qu’il vivait avec sa mère et parce qu’il fréquentait à temps plein un établissement d’enseignement postsecondaire. Quand même, l’intimée ne reconnaît que deux des conditions énoncées dans l’accord de 1994. Il est seulement nécessaire que je fournisse un seul exemple des différences entre les conditions stipulées dans chacun des accords pour souligner l’importance de ces différences. Lorsque Jeremy atteindra l’âge de 21 ans et s’il est toujours aux études et qu’il vit encore avec sa mère, le montant de la pension alimentaire pour Jeremy que l’appelant serait tenu de verser à Mme Mossman en vertu de l’accord de 1994 sera nul, tandis qu’en vertu de l’accord de 1998, tel qu’il m’a été présenté, l’appelant sera encore tenu de verser à Mme Mossman le montant de pension alimentaire pour Jeremy de 2 000 $ par mois.

 

[16]    En 1999, toutes ces conditions stipulées dans l’accord de 1994 avaient été satisfaites. Le montant payable en vertu de cet accord est de 2 000 $ par mois. Dans la Réponse, le ministre ne formule aucune hypothèse selon laquelle le montant payable à Mme Mossman en 1999 en vertu de l’accord de 1994 aurait été plus ou moins élevé selon le calcul prévu à l’accord aux fins de partage des dépenses liées aux études postsecondaires que le montant payable en vertu de l’accord de 1998. Ainsi, je ne dispose que de cet argument selon lequel le montant payable aurait pu être plus ou moins élevé et que la possibilité d’imposer une obligation de paiement différente après l’entrée en vigueur de l’accord de 1998 est une modification du montant de la pension alimentaire à verser. Qui plus est, comme je l’ai mentionné précédemment, même si je concluais que l’accord de 1994 exigeait une obligation alimentaire plus importante, le montant de cette pension supplémentaire ne pourrait être considéré à titre de pension alimentaire pour enfants puisque ce montant était payable directement à Jeremy. Ainsi, le montant de la pension alimentaire pour enfants payable en vertu de l’accord de 1998 ne serait pas réduit. Je constate également que le montant supplémentaire de la pension alimentaire payable pour subvenir aux besoins de Jeremy n’a jamais été traité comme un montant déductible, même lorsque ce montant a été versé en 1998 et en 1999. Seuls les paiements mensuels de 2 000 $ ont été déduits avant et après avoir conclu l’accord de 1998, ce qui appuie la conclusion selon laquelle le montant payable en vertu de l’accord de 1998 à titre de pension alimentaire pour enfants visait à prolonger l’obligation alimentaire pour enfants créée en vertu de l’accord de 1994. De toute façon, je suis convaincu qu’aucune modification n’a été apportée au montant de la pension alimentaire pour enfants payable en 1999 ou antérieurement en vertu de l’accord de 1998 relativement au montant payable en vertu de l’accord de 1994.

 

[17]    De plus, comme je l’ai souligné précédemment, les termes explicites de l’accord de 1998 stipulent que les paiements mensuels de 2 000 $ « continueront »[7], ce qui est au moins cohérent avec ma conclusion selon laquelle aucune modification n’a été apportée au montant de la pension alimentaire pour enfants payable en vertu de l’accord de 1998 suivant ses propres termes si l’on compare ce montant à celui payable en vertu de l’accord de 1994 en soi.  

 

[18]    L’importance que revêt cette conclusion selon laquelle aucune modification n’a été apportée au montant payable en vertu de l’accord de 1998 est soulignée dans la définition de « date d’exécution ». En effet, le sous‑alinéa b)(ii) de la définition de « date d’exécution » stipule qu’une date d’exécution prend effet le jour où le montant modifié est à verser pour la première fois. Il ne suffit pas qu’un montant de pension alimentaire puisse être modifié en vertu d’un accord modificateur. La date d’exécution prend effet le jour où la première modification est réellement apportée au montant payable. Il ne suffit pas non plus que la formule prévue dans l’accord de 1994 ait été abandonnée et que les conditions ou conditions préalables relatives à l’obligation de paiement aient changé. Lorsqu’il s’agit de déterminer une date d’exécution à laquelle un montant de pension alimentaire est modifié, on doit tenir compte de la date à laquelle le montant payable est réellement modifié. La possibilité d’une modification n’est pas pertinente.

 

[19]    Il est d’importance essentielle de savoir si, dans l’affaire en l’espèce, nous devons tenir compte d’un accord modifié ou si, en droit, nous ne devons tenir compte que du dernier accord. Ainsi, en droit, un accord qui modifie un accord précédent n’a pas pour effet d’annuler l’accord qui est modifié. La question de savoir si un accord subséquent consiste en une annulation ou en une modification dépend de la mesure dans laquelle il s’écarte du contrat original. Il s’agit d’une annulation si l’accord modifie certains aspects essentiels du contrat original, mais s’il ne touche pas au fondement même du contrat original, alors il ne s’agit que d’une modification[8]. D’un point de vue de l’impôt sur le revenu, une modification des paiements de pension alimentaire peut radicalement changer les effets d’un accord quant à l’un de ses aspects essentiels. Cependant, on se doit d’être prudent lorsque l’on utilise les conséquences fiscales d’une modification ou d’un changement apporté aux modalités d’un contrat pour déterminer s’il s’agit d’une résiliation ou d’une modification selon les principes de droit en matière de contrat. D’une part, il ne fait aucun doute que les règles transitoires qui visent à s’assurer que les paiements de pension alimentaire pour enfants ne sont pas déductibles à l’égard du payeur et sont non imposables à l’égard du bénéficiaire ne devraient pas être contournées aussi facilement pour établir qu’un accord modificateur n’a pas pour effet d’annuler l’accord précédent. À cet égard, l’intention des parties ne devrait pas être pertinente puisque les parties ne peuvent, sur intention mutuelle, convenir de maintenir ou de rétablir le régime fiscal en vigueur avant mai 1997 concernant la pension alimentaire pour enfants. D’autre part, lorsque l’on doit déterminer s’il s’agit d’une annulation ou d’une modification, on ne peut totalement ignorer l’intention des parties. 

 

[20]    Outre l’intention des parties, j’accorde dans la présente affaire de l’importance au fait que l’intimée n’a pas cherché à qualifier les changements apportés à l’accord de 1998 autrement que d’une modification apportée à l’accord de 1998. Dans la Réponse, le ministre affirme que l’accord de 1998 a eu pour effet de modifier l’accord de 1994. Aucune comparaison des accords concernant les points autres que ceux dont il est fait mention dans les présents motifs n’a été faite. On ne m’a pas demandé d’examiner chacun de ces accords dans son ensemble, et la question de l’annulation n’a pas été invoquée.

 

[21]    Par conséquent, je conclus en me fondant sur le droit en matière de contrat, que l’accord de 1998 doit être considéré comme un accord ayant pour effet de modifier l’accord de 1994. L’accord de 1994 n’a pas été annulé et les paiements peuvent être et ont été versés conformément à cet accord. Bien que de toute évidence cela ne soit pas concluant, l’accord de 1998 stipule que l’appelant « continuera » à s’acquitter de l’obligation alimentaire, ce qui indique que la chose même qui, selon l’intimée, a été modifiée ne constituait pas une modification et ne peut encore moins être considérée comme une modification essentielle de l’obligation alimentaire prévue dans l’accord de 1994. L’obligation alimentaire envers l’enfant a été clarifiée. Toutes les ambiguïtés possibles que contenait l’accord de 1994 ont également été clarifiées. L’accord de 1998 reconnaît les obligations imposées en vertu de l’accord de 1994[9].

 

[22]    Bien que les avocats des parties n’aient pas renvoyé la Cour à la récente décision Samycia c. Canada[10], il est nécessaire que j’y fasse référence. Ainsi, cette affaire portait sur une ordonnance sur consentement (prononcée après avril 1997) qui visait à remplacer une ordonnance précédente (prononcée en 1994). Ces deux ordonnances exigeaient des paiements de pension alimentaire pour enfants de 400 $ par enfant. En vertu de la dernière ordonnance, moins d’enfants y étaient visés, et diverses conditions donnant effet à la durée des paiements ont été ajoutées. Ces conditions stipulées dans la dernière ordonnance étaient totalement absentes de la première ordonnance. L’appelant, dans cette affaire, devait continuer de verser les paiements prévus à la première ordonnance jusqu’à ce que la cour rende une autre ordonnance. Le juge en chef adjoint Bowman a conclu que la dernière ordonnance avait eu pour effet de modifier la totalité des paiements de pension alimentaire et qu’elle prévoyait une date d’exécution (soit la date de la dernière ordonnance), conformément au sous‑alinéa b)(iii) de la définition du terme « date d’exécution ». Il a également conclu que la dernière ordonnance remplaçait entièrement l’ordonnance précédente et que c’était en vertu de cette ordonnance que les paiements de pension alimentaire en cause dans cette affaire avaient été versés. En conséquence, il a conclu que l’alinéa a) de la définition s’appliquait.

 

[23]    De toute évidence, l’arrêt Samycia n’était pas une affaire qui traite d’un accord ou d’une ordonnance modifié. Le juge dans cette affaire a implicitement conclu que les ordonnances étaient fondamentalement différentes, et il a expressément conclu que la dernière ordonnance remplaçait l’ordonnance précédente. Cette dernière conclusion, si j’emploie le jargon de mon analyse, signifie que la première ordonnance a été annulée. Aucun paiement ne peut être versé en vertu d’une ordonnance ou d’un accord qui a été remplacé ou annulé. Dans l’affaire Samycia, la seule ordonnance en vertu de laquelle des paiements pouvaient être versés était celle prévoyant une date d’exécution aux termes de la Loi, tel que le définit l’alinéa a).

                                       

[24]    En ce qui concerne l’application de l’alinéa a) de la définition du terme « date d’exécution » dans l’affaire en l’espèce, il est essentiel de faire la distinction entre un accord modifié et un accord remplaçant un premier accord. Le sous‑alinéa b)(ii) serait sans effet en faisant en sorte que la « date d’exécution » corresponde à la date où les premiers paiements sont versés si un accord visant à modifier la pension alimentaire pour enfants était « un accord » pour l’application de l’alinéa a) de la définition du terme « date d’exécution ». Tout accord conclu après avril 1997 qui modifie un accord précédent aurait pour effet de créer une date d’exécution différente de celle que prévoit le sous‑alinéa a)(ii) (à moins que la date du dernier accord corresponde à la date à laquelle un paiement modifié est versé). Lorsqu’un accord modifié modifie (réellement ou éventuellement) un montant de pension alimentaire pour enfants à payer, les termes les plus précis du sous‑alinéa b)(ii) doivent prévaloir sur les termes généraux de l’alinéa a) lorsqu’il s’agit d’établir la date d’exécution.

 

[25]    Comme je l’ai mentionné, l’accord de 1998 modifie seulement l’accord de 1994. Le régime relatif aux paiements de pension alimentaire pour enfants versés à Mme Mossman en vertu de l’accord de 1994 a essentiellement poursuivi en vertu de l’accord de 1998, et ce, malgré le fait que certaines conditions préalables au versement d’une pension alimentaire ont été modifiées et malgré le fait aussi que le calcul des montants autres que ceux de pension alimentaire pour enfants (notamment les dépenses liées aux études universitaires) est passé d’un calcul fondé sur la formule à des montants modifiés établis. Selon le sous‑alinéa b)(ii) de la définition du terme « date d’exécution », celle‑ci doit correspondre à la date à laquelle un montant de pension alimentaire pour enfants modifié est à verser. Ainsi, il n’y aura date d’exécution que lorsque le premier paiement de la pension alimentaire pour enfants modifié est versé. 

 

[26]    En dernier lieu, je constate qu’en prévision de la question qu’a soulevée l’intimée concernant le sous‑alinéa b)(iii) de la définition du terme « date d’exécution », l’appelant a insisté pour que ce sous-alinéa ne soit pas appliqué lorsqu’il n’y avait qu’une chance que la totalité des paiements de pension soit modifiée comme c’était le cas entre les deux accords. En fait, l’intimée n’a jamais soutenu qu’une date d’exécution avait été établie en vertu de ce sous‑alinéa. Bien que je n’aie pu profiter du point de vue de l’intimée concernant cette question, il me semble nécessaire d’ajouter que je suis d’accord avec l’appelant sur ce point. Un accord conclu après avril 1997 susceptible d’être modifié en vue de modifier les montants payables de pension alimentaire pour enfants en vertu d’un accord précédent conclu avant mai 1997 n’est pas un accord qui a « pour effet de changer le total des montants de pension alimentaire pour enfants payable ». L’accord de 1994 prévoyait peut-être de mettre fin au versement d’une pension alimentaire pour enfants en tout temps dès qu’une ou l’autre des conditions préalables n’était plus satisfaite, par exemple, si Jeremy n’habitait plus avec sa mère ou s’il cessait ses études. Ni l’un ni l’autre de ces événements ne donnera lieu à une différence dans le total des montants de pension alimentaire pour enfants entre les deux accords (le montant payable en vertu de chacun de ces accords serait nul). L’un ou l’autre de ces événements aurait pu survenir avant le 21e anniversaire de Jeremy. Par conséquent, l’effet du deuxième accord sur le total des paiements est incertain. Étant donné que le montant total de la pension alimentaire en l’espèce dépend d’une modification apportée aux paiements de pension alimentaire pouvant être régie par le sous‑alinéa b)(ii) de la définition du terme « date d’exécution », son contenu s’applique plus clairement dans l’affaire en l’espèce en ce sens qu’il permet d’établir la date d’exécution de l’accord modifié, c’est‑à‑dire l’accord de 1998.  

 

[27]    Bien qu’à mon avis aucune date d’exécution n’ait été établie en 1999 ou antérieurement, je constate qu’un paiement versé au 21e anniversaire de Jeremy ou après n’est payable qu’en vertu de l’accord de 1998. Ce paiement ainsi que les paiements suivants auront été modifiés en fonction des obligations de paiement prévues à l’accord de 1994, et la première modification apportée au montant à verser crée ainsi une date d’exécution. En d’autres termes, même si l’affaire en l’espèce ne porte pas sur l’année 2000 et que je ne peux traiter de cette année d’imposition, il m’apparaît que la date d’anniversaire de Jeremy en 2000 donnera lieu à une date d’exécution en vertu du sous‑alinéa b)(ii) de la définition du terme « date d’exécution ».

 

[28]    De toute façon, je conclus que l’accord de 1998 n’a pas eu pour effet de modifier le total des montants de pension alimentaire pour enfants payable en 1999 ou antérieurement en fonction des montants payables en vertu de l’accord de 1994 et que, en conséquence, aucune date d’exécution n’a été établie en 1999 ou antérieurement.

 

[29]    Par conséquent, l’appel est accueilli, avec dépens.

 

 

Signé à Winnipeg (Manitoba), ce 18e jour de juillet 2002.

 

 

 

 

« J. E. Hershfield »

J.C.C.I.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 2jour d’avril 2004.

 

 

 

 

Nancy Bouchard, traductrice


 



[1]     L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1 [ci‑après la Loi].

[2]     L.R.C. 1985 (2e suppl.), ch. 3, paragr. 2(1)

[3]     Voir par exemple Trottier v. Bradley (1999) 49 R.F.L. (4th) 432; Newman v. Thompson [1997] 149 D.L.R  (4th) 605; Bradley v. Zaba (1996) R.F.L. (4th) 52. On pourrait soutenir que l’expression « enfant à charge », selon ces autorités, peut avoir une signification soit plus large ou plus restreinte que la fréquentation d’un établissement d’enseignement postsecondaire et, par conséquent, qu’elle introduit un changement considérable à l’accord qui va au‑delà d’une simple variante. Toutefois, étant donné le témoignage de l’appelant quant au contexte factuel dans lequel l’emploi de cette nouvelle terminologie a été adoptée, et parce que l’avocate de l’intimée a reconnu et n’a pas contesté le sens que l’on a voulu donner à cette expression employée dans l’accord, j’admets que l’adoption de l’expression « enfant à charge » ne devrait pas servir à trancher la question en litige dans l’affaire en l’espèce. 

[4]     J’ai également constaté que M. Mossman devait verser chaque année une somme supplémentaire de 12 000 $ pour couvrir les frais de scolarité de Jeremy en vertu de l’accord de 1998. L’appelant n’a jamais réclamé cette somme qu’il a versée pour couvrir ces coûts directs, ce qui, à mon avis, tend à corroborer la nature des paiements mensuels versés à Mme Mossman à titre de pension alimentaire pour Jeremy et qu’elle utilisait comme bon lui semblait.

[5] Les autres conditions stipulant que Jeremy et Mme Mossman vivent ensemble semblent être comprises dans la première condition. J’ai également constaté que les montants des dépenses stipulés à 2b) ne sont payables que si l’établissement d’enseignement que fréquentait Jeremy à temps plein offrait des cours de niveau « postsecondaire ». Quoi qu’il en soit, Jeremy a obtenu son diplôme de treizième année puis s’est inscrit à l’université, de sorte qu’une telle distinction n’a jamais modifié les obligations de l’appelant de verser la somme minimale de 300 $ par mois.

[6] Précitée à la note en bas de page 2.

[7]     Voir Vassilios Katsoras v. Her Majesty the Queen, [2002] T.C.J. No. 254, au paragraphe 9 en ligne : QL (TAXQ). Cet arrêt fait autorité pour appuyer l’opinion selon laquelle les paiements à verser en vertu d’un accord précédent et qui continuent d’être versés en vertu d’un nouvel accord peuvent, pour l’application du sous‑alinéa b)(ii) de la définition de « date d’exécution », être à bon droit considérés comme payables en vertu du premier accord conclu. Cependant, il est à noter qu’à mon avis, comme je l’ai exposé dans les présents motifs, une telle conclusion est justifiée lorsque le deuxième accord n’a pas pour effet d’annuler le premier accord. 

[8]     C. H. Treitel, The Law of Contract, 10éd., Londres, Sweet and Maxwell, 1999, à la p. 172.

[9]     Voir Price c. Canada, [2001] A.C.I. no 355, au paragr. 9 en ligne dans QL (TAXQ) : Une reconnaissance n’a pas pour effet de modifier l’accord en vertu duquel un montant est payable.

[10]    [2002] A.C.I. no 82 en ligne : QL (TAXQ).

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