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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

2001-2415(IT)I

 

ENTRE :

 

ROBERT CHRISTOPHER EDWARD ARNEW,

 

appelant,

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

Requête entendue le 20 novembre 2001 à Sudbury (Ontario), par

l'honorable juge D. W. Beaubier

 

Comparutions

 

Pour l'appelant :                                  L'appelant lui-même

 

Avocat de l'intimée :                           Me Roger Leclair

 

 

ORDONNANCE ET MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

Le juge Beaubier, C.C.I.

 

[1]     Cette requête visant à faire annuler un appel interjeté sous le régime de la procédure informelle a été entendue à Sudbury (Ontario) le 20 novembre 2001. L’appelant a été le seul témoin. L’intimée a produit l’affidavit de David Young à l’appui de sa requête.

 

[2]     La requête est présentée au motif que l’appelant n’a pas demandé que la cotisation établie à son égard soit annulée ou modifiée et déférée au Ministre conformément à l’article 171 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »).

 

[3]     Voici la chronologie des faits en l’espèce :

 

1.       Le 17 février 1998, M. Arnew a procédé à une cession en faillite. La société Starkman Kraft Inc. a été désignée syndic de faillite (le « syndic »).

 

2.       Le 20 février 1998, M. Arnew et sa femme, Elizabeth, ont reçu un jugement ordonnant à M. Arnew de verser à compter du 15 janvier 1998 une pension alimentaire de 800 $ par mois pour les deux enfants (pièce R‑1).

 

3.       Le 17 novembre 1998, M. Arnew a été libéré de sa faillite (pièce A‑4). (On n’a aucune indication de la date à laquelle le syndic a été libéré.)

 

4.       Le 22 mars 1999, le syndic a remis à l’Agence des douanes et du revenu du Canada (l’« ADRC ») une déclaration de revenu relative à M. Arnew pour la totalité de l’année 1998 (pièce A‑1), qui n’avait pas été signée par M. Arnew et dont celui‑ci n’avait pas eu connaissance. La déclaration avait été établie par le syndic conformément à une autorisation donnée par M. Arnew (pièce A‑2). Cette déclaration de revenu indiquait à tort que M. Arnew avait versé en 1998 13 650 $ de pension alimentaire. Il y était donc demandé un remboursement de 1 924,56 $.

 

5.       L’ADRC a fait le remboursement de 1 924,56 $ au syndic.

 

6.       Sur ce, le syndic a versé à partir des fonds disponibles (dont faisaient partie les 1 924,56 $) un dividende aux créanciers de M. Arnew, dont l’ADRC, qui a reçu 277,53 $ sur une réclamation de 7 704,51 $ (pièce A‑3).

 

7.       Le 13 mars 2001, l’ADRC a établi une nouvelle cotisation à l'égard de M. Arnew pour 1998 au titre de la « période postérieure à la faillite » (affidavit de David Young, paragraphe 8). Après le dépôt d'un avis d'opposition, l’ADRC a confirmé que la prétention du syndic selon laquelle 13 650 $ avaient été versés en pension alimentaire ne répondait pas aux exigences de l’article 60.1 ni de l’alinéa 60b) de la Loi.

 

8.       L’appelant a fait appel de la décision et a témoigné qu’il savait cela, mais que le syndic avait établi une déclaration de revenu erronée pour 1998 et l’avait produite à son insu.

 

[4]     Par conséquent, il découle de l’avis d’appel interjeté par l’appelant sous le régime de la procédure informelle qu’il demande que son appel soit admis pour l'un ou l'autre des motifs suivants :

 

1.       le syndic est responsable des impôts dus à concurrence de l'actif à administrer, puisque c’est lui qui a produit la déclaration erronée et a reçu et distribué le remboursement;

 

2.       le Ministre, à titre de détenteur d’une créance de 7 704,31 $ sur le failli, aurait dû exercer un droit de compensation et ne rien verser au syndic (ou est préclus d’établir cette cotisation), de sorte que l’obligation fiscale maintenant établie par le Ministre devrait être réduite.

 

Il reste enfin à déterminer si la nouvelle cotisation aurait dû être établie à l’égard de l'actif de la faillite. La Cour canadienne de l’impôt peut à bon droit connaître de ces questions et décider, le cas échéant, d’admettre l’appel et de déférer le tout au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, pour les motifs exposés ci‑après.

 

[5]     En ce qui concerne l’argument de l’appelant qui est énoncé à l’alinéa [4] 2, la pièce A‑1 est constituée par la déclaration de revenu de l’appelant pour 1998 qui a été produite par le syndic. Cette déclaration

 

1.       ne fait pas mention de la faillite ni du syndic,

 

2.       semble porter sur la totalité de l’année civile 1998.

 

La pièce A‑2 est la [TRADUCTION] « lettre d’autorisation et d’instruction » de l’appelant précisant que le syndic peut établir et produire la déclaration de revenu de l’appelant pour 1998 et recevoir le remboursement éventuellement dû. Le remboursement a été versé au syndic. Par conséquent, il faut que la pièce A‑2 ait été transmise à l’ADRC. Cette pièce informe bel et bien l’intimée de la faillite. Dans les circonstances, l’intimée aurait pu être en droit de retenir les 1 924,56 $ à titre de compensation de l’obligation fiscale de l’appelant dans le cadre de sa faillite. Le paragraphe 97(3) de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité dispose :

 

97 (3) Les règles de la compensation s'appliquent à toutes les réclamations produites contre l'actif du failli, et aussi à toutes les actions intentées par le syndic pour le recouvrement des créances dues au failli, de la même manière et dans la même mesure que si le failli était demandeur ou défendeur, selon le cas, sauf en tant que toute réclamation pour compensation est atteinte par les dispositions de la présente loi concernant les fraudes ou préférences frauduleuses.

 

Cependant, dans le texte intitulé The Law of Set-Off in Canada (Aurora, Canada Law Book Inc., 1993), l'auteur Kelly R. Palmer déclare ce qui suit, à la page 186, concernant la compensation dans le contexte d’une faillite, lorsqu’une créance est exigible après la date de la faillite :

 

[TRADUCTION]

Cette situation, comme dans le cas de séquestre, est assez simple. La cession des biens du failli au syndic entraîne un changement de relations mutuelles. Ainsi, toute créance née après la cession existe entre le créancier et le syndic, et non entre le créancier et le failli. Il n'y a pas de dettes mutuelles, et la compensation n’est pas permise.

 

Dans l’affaire Re Kryspin (1981), 131 D.L.R. (3d) 239, un médecin devait de l’argent au régime provincial d’assurance‑santé (le RASO) pour cause de surfacturation. Le médecin a fait faillite, mais a continué à pratiquer sa profession et à présenter des factures au RASO. Le RASO a voulu appliquer les sommes dues aux termes de ces factures ultérieures en réduction des montants qui lui avaient été facturés en trop. La compensation a été refusée, la cour déclarant :

 

Je suis d’avis qu’aucune compensation n’est applicable en droit parce que les sommes dues par le RASO au failli sont postérieures à la faillite. Le contrat porte sur la méthode de paiement des dettes contractées avant la faillite. On a, dans un cas, un revenu personnel du failli postérieur à l'ordonnance de séquestre et, dans l’autre, une créance sur l'actif de la faillite. Il n’y a pas de dettes mutuelles.

 

Par conséquent, il faut disposer de plus de preuves que celles qui ont été présentées à l’appui de cette requête pour déterminer si l’intimée était en mesure d’appliquer les 1 924,56 $ en réduction de l’obligation fiscale de l’appelant au titre de la faillite, dans le cadre d'une compensation. La preuve doit établir clairement, en particulier, à quel nom la déclaration de revenu et le chèque de remboursement ont été établis et à quel nom ils auraient dû l'être.

 

[6]     En ce qui concerne l’argument de l’appelant énoncé à l’alinéa [4] 1, il se peut que le syndic soit redevable du montant qui reste dû à l’intimée dans le cadre de la faillite, à concurrence de la proportion des biens à administrer qui correspond au rapport entre ce montant et les autres réclamations. Il faudrait dans ce cas modifier les dividendes déjà versés par le syndic de faillite. Il se pourrait que cette question ne relève pas de la compétence de la Cour.

 

[7]     Il reste à déterminer si la cotisation en cause aurait dû être établie à l’égard de l’actif de la faillite et non de l’appelant à titre personnel. Cette question n’a pas été débattue de façon approfondie; il faudra pour la trancher disposer de plus de preuves qu’il n’en a été présenté à l’appui de cette requête.

 

[8]     Pour ces motifs, l’avis d’appel n’est pas annulé. L’intimée a demandé que, dans l’éventualité où l’avis d’appel ne serait pas annulé, le délai de 60 jours qui est prévu, à partir de la date de la présente ordonnance, pour produire et signifier une réponse à l’avis d’appel soit prolongé. En ce qui concerne cette demande subsidiaire :

 

1.       L'avis d'appel a été déposé le 22 juin 2001.

 

2.       La requête de l'intimée a été déposée le 30 août 2001.

 

3.       Le paragraphe 18.16(1) de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt prévoit qu’une réponse à un avis d’appel produit sous le régime de la procédure informelle doit être produite dans les 60 jours suivant la transmission de l’avis par la Cour au Ministre.

 

4.       L’avis a été transmis le 4 juillet 2001. Par conséquent, l’avis de requête a été produit dans les 60 jours prévus.

 

[9]     Étant donné que l’avis de requête a été produit dans les 60 jours, l’intimée a droit à 60 jours, à compter d’aujourd’hui, pour produire et signifier une réponse à l’avis d’appel.

 

[10]    Étant donné mes conclusions, l’appelant pourrait devoir faire comparaître comme témoin dans cette affaire un représentant du syndic. Aussi l’appelant pourrait‑il souhaiter que l’appel soit entendu à Toronto plutôt qu’à Sudbury, car cela serait peut‑être plus économique. Si l’appelant souhaite que l’appel soit entendu à Toronto, il devrait entrer en communication avec le greffier de la Cour.

 

 

          Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de novembre 2001.

 

 

« D. W. Beaubier »

J.C.C.I.

 

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour de mai 2003.

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur

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