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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

2000-4595(IT)I

ENTRE :

 

CONRAD MOBLEY,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

Appel entendu le 12 avril 2002, à Kelowna (Colombie-Britannique), par

 

l'honorable juge D. W. Beaubier

 

Comparutions

 

Représentant de l'appelant :                          Dewey Lotosky

 

Avocat de l'intimée :                                     Me Michael Taylor

 

 

JUGEMENT

 

          Les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1995 et 1996 sont admis et la question est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation conformément aux motifs du jugement ci-joints.

 

          Le nom et l'adresse du représentant de l'appelant sont remplacés par ce qui suit : Dewey Lotosky, 1675, rue Pandosy, Kelowna (Colombie-Britannique).

 

         


Signé à Saskatoon (Saskatchewan), ce 30e jour d'avril 2002.

 

« D. W. Beaubier »

J.C.C.I.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 3e jour de mars 2004.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Date: 20020430

Dossier: 2000-4595(IT)I

 

ENTRE :

 

CONRAD MOBLEY,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Beaubier, C.C.I.

 

[1]     Le nom et l'adresse du représentant de l'appelant sont remplacés par ce qui suit : Dewey Lotosky, 1675, rue Pandosy, Kelowna (Colombie-Britannique).

 

[2]     Ces appels, interjetés sous le régime de la procédure informelle, ont été entendus à Kelowna (Colombie‑Britannique), le 12 avril 2002. L’appelant a témoigné et a en outre appelé Kent Gopett, éleveur de lamas et cultivateur à témoigner.

 

[3]     Les paragraphes 7 à 11 de la réponse à l’avis d’appel se lisent comme suit :

 

[TRADUCTION]

7.         Par voie d’avis datés du 18 mai 2000, le ministre a, pour les années d’imposition 1995 et 1996 de l’appelant, établi de nouvelles cotisations :

 

a)         ramenant à zéro les pertes d’entreprise nettes pour les années d’imposition 1995 et 1996;

 

b)         admettant des pertes agricoles nettes de 8 750 $ pour chacune des années d’imposition 1995 et 1996, comme l’indiquent en détail les annexes « H » et « I » respectivement;

 

c)         admettant des pertes agricoles restreintes de 16 906,26 $ pour l’année d’imposition 1995, comme l’indique en détail l’annexe « H »;

 

d)         admettant des pertes agricoles restreintes de 6 389,39 $ pour l’année d’imposition 1996, comme l’indique en détail l’annexe « I ».

 

8.         En établissant ces nouvelles cotisations à l’égard de l’appelant, le ministre s’est fondé sur les hypothèses de faits suivantes :

 

a)         en 1992, l’appelant a commencé une activité consistant à élever des lamas (l’« activité »);

 

b)         concernant l’activité, l’appelant et sa conjointe, Marlene Mobley (la « conjointe »), étaient des associés à parts égales;

 

c)         l’appelant a indiqué les montants suivants au titre de pertes provenant de l’activité :

 

1992                21 064 $

 

1993                31 928 $

 

1994                35 391 $

 

d)         pour les années d’imposition 1995 et 1996, l’appelant n’a pas étayé toutes les dépenses relatives à l’activité qu’il avait indiquées;

 

e)         pour les années d’imposition 1995 et 1996, les dépenses relatives à l’activité non admises par le ministre n’avaient pas été engagées en vue de tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien, étaient des frais personnels ou de subsistance de l’appelant ou avaient le caractère de dépenses en capital;

 

f)          l’appelant comptabilisait les éléments d'inventaire en utilisant la méthode de la comptabilité d’exercice;

 

g)         pour les années d’imposition 1995 et 1996, l’appelant a déclaré des revenus d’emploi de 52 816 $ et de 52 860 $ respectivement (feuillets T4);

 

h)         en 1996, l’appelant exerçait un emploi pour Northwood Pulp and Timber Limited;

 

i)          le revenu de l’appelant pour les années d’imposition 1995 et 1996 ne provenait principalement ni de l’agriculture ni d’une combinaison de l’agriculture et de quelque autre source;

 

j)          l’activité n’a pas généré le plus gros du revenu de l’appelant dans les années d’imposition 1995 et 1996;

 

k)         l’appelant n’avait pas d'expérience dans le domaine de l’agriculture;

 

l)          l’appelant n’avait pas établi un plan d’entreprise pour déterminer si l’activité serait rentable;

 

m)        l’activité n’occupait pas le premier plan dans le cadre du travail habituel de l’appelant;

 

n)         l’appelant ne consacrait pas le plus clair de son temps à l’activité;

 

o)         l’appelant a indiqué le coût d’un collier et d’un coffre comme dépense relative à l’activité pour l’année d’imposition 1995;

 

p)         l’appelant a vendu le collier et le coffre en 1996, pour 300 $ et 920 $ respectivement;

 

q)         l’appelant n’a pas déclaré le revenu provenant de la disposition du collier et du coffre pour l’année d’imposition 1996;

 

r)          l’appelant n’a pas remplacé le collier et le coffre dans l’année d’imposition 1996;

 

s)         les déductions de frais d’automobile demandées pour 1995 et 1996 incluaient une DPA au titre d’un bien amortissable de la catégorie 10, comme l’indiquent les annexes « B » et « F »;

 

t)          le camion de 1990 était non pas un bien amortissable de la catégorie 10 comme l’avait indiqué l’appelant, mais un bien amortissable de la catégorie 10.1 (le « bien de la catégorie 10.1 »);

 

u)         l’appelant a disposé du bien de la catégorie 10.1 en 1995;

 

v)         la fraction non amortie initiale du coût en capital du bien de la catégorie 10.1 n’excédait pas 25 680 $ pour 1995;

 

w)        l’appelant n’est pas en droit d’indiquer une perte finale relative à la disposition du bien de la catégorie 10.1 en vertu du paragraphe 20(16.1) de la Loi;

 

x)         concernant la catégorie 10.1, l’appelant n’a pas droit à une DPA de plus de 3 852 $ pour l’année d’imposition 1995, comme l’indique l’annexe « J »;

 

y)         l’appelant n’était pas propriétaire d’un bien amortissable de la catégorie 10.1 dans l’année d’imposition 1996, comme l’indique l’annexe « E ».

 

B.        QUESTIONS À TRANCHER

 

9.         Il s’agit de savoir :

 

a)         si le revenu de l’appelant provenait principalement de l’agriculture ou d’une combinaison de l’agriculture et de quelque autre source dans les années d’imposition 1995 et 1996;

 

b)         si le ministre a à bon droit restreint la perte agricole de l’appelant en vertu de l’article 31 de la Loi pour les années d’imposition 1995 et 1996;

 

c)         si le ministre a à bon droit calculé une DPA au titre d’un bien amortissable de la catégorie 10.1 pour l’année d’imposition 1995;

 

d)         si le ministre a à bon droit inclus le produit de disposition du collier et du coffre dans le revenu pour l’année d’imposition 1996.

 

C.        DISPOSITIONS LÉGISLATIVES INVOQUÉES

 

a)         Il invoque les articles 3, 9, 13, 28, 31, 67, 67.1 et 67.3, les paragraphes 18(12), 20(16.1) et 248(1) et les alinéas 18(1)a), 18(1)b), 18(1)h), 20(1)a) et 20(1)b) de la Loi et l’article 1100 du Règlement.

 

D.        MOTIFS INVOQUÉS ET REDRESSEMENT DEMANDÉ

 

10.       Il soutient respectueusement que, pour les années d’imposition 1995 et 1996, le revenu de l’appelant ne provenait principalement ni de l’agriculture ni d’une combinaison de l’agriculture et de quelque autre source, de sorte que les pertes agricoles sont restreintes par l’article 31 de la Loi.

 

11.       Subsidiairement, si cette honorable cour détermine que l’appelant est en droit de déduire les pertes agricoles, ce qui est non pas admis mais nié par l’intimée, les montants admissibles pour les années d’imposition 1995 et 1996 sont les montants indiqués aux annexes « H » et « I » respectivement.

 

[4]     Au cours de l’argumentation, les points litigieux suivants ont été réglés :

 

1.       L’intimée a concédé que le camion en question est un bien amortissable de la catégorie 10 et que l’appelant est en droit d’indiquer une perte finale à cet égard.

 

2.       Le collier et le coffre qui ont été vendus représentent un revenu pour l’appelant; ils ont été remplacés à un coût de 1 222 $, de sorte que, sur la foi de la preuve, l’appelant a subi une perte de 2 $ sur l'ensemble des opérations.

 

[5]     Ce qui restait en litige était la perte agricole restreinte relative à la ferme d’élevage de lamas. Il s’agissait d’une entreprise créée en 1992 par l’appelant et son épouse, en tant qu’associés. Mme Mobley est née et a été élevée dans une famille d'agriculteurs exploitant une ferme mixte en Saskatchewan. L'appelant et son épouse avaient fait des recherches sur les lamas, ainsi que sur d’autres possibilités d’élevage, avant d’acheter les lamas. Mme Mobley consacrait tout son temps à l’entreprise agricole, et M. Mobley consacrait plus de temps à l’entreprise agricole qu’à son emploi. Ils avaient engagé dans l’entreprise toute leur superficie et tout leur capital (environ 230 000 $ en tout) et ils avaient changé leurs habitudes de travail pour devenir des agriculteurs. Sur la foi de la preuve, ils avaient au départ conçu un plan pour constituer une ferme rentable en cinq ans, mais ils n’avaient pas mis ce plan par écrit.

 

[6]     En 1992, ils s’attendaient à faire des profits dans cinq ans — selon des projections qu’ils avaient reçues de M. Gopett — grâce à des ventes brutes d’environ 115 000 $ (c’est‑à‑dire en vendant environ cinq lamas). Leurs dépenses totales indiquées pour 1995 étaient de 71 701,68 $. Sur la base de ces dépenses, leur profit en 1997 aurait été d’environ 28 000 $, ce qui est un profit important.

 

[7]     Au départ, ce qu’ils prévoyaient et ce qu’ils voulaient en se lançant dans une entreprise agricole, c’était d’avoir un revenu d’agriculture important dans dix ans (en 2002), c’est‑à‑dire à l’étape où M. Mobley prendrait sa retraite et n’aurait qu’une très petite pension. C’est deux ans après leur naissance que les lamas deviennent des animaux adultes. Le plan des Mobley était de tirer le plus gros de leur profit de l’élevage et de la vente de lamas. C’était donc après la période de gestation et après la période d’environ deux ans que les Mobley pourraient effectuer des ventes. Au total, cela correspond aux années 1992, 1993 et 1994, soit les années d'exploitation précédant les années 1995 et 1996 pour lesquelles ont été établies les cotisations considérées en l'espèce. L’appelant et son épouse s’attendaient que, dans dix ans, ils auraient un troupeau de base de 15 animaux donnant lieu à des ventes suffisantes pour réaliser un profit moyen de 50 000 $ par année. (Ces chiffres étaient étayés par des documents que les Mobley avaient reçus de M. Gopett avant de se lancer dans l’entreprise d’élevage de lamas.) Ainsi, leurs revenus agricoles seraient beaucoup plus élevés que leurs revenus non agricoles et seraient importants par rapport à leurs autres revenus.

 

[8]     Il est arrivé deux choses qui les ont retardé :

 

1.       En 1995, un cancer a été diagnostiqué à M. Mobley, qui a dû suivre une série de traitements à Vancouver. Mme Mobley a fait de l’entretien sur la ferme près de Prince George pendant ce temps, et M. Mobley a eu besoin d’une période de récupération en 1995.

 

2.       En 1996, le gouvernement du Canada a ouvert la frontière à l’importation générale de lamas, et les prix ont chuté radicalement. Les Mobley avaient initialement acheté une femelle avec son petit pour 20 000 $ et un mâle pour 25 000 $. Par suite des mesures prises par le gouvernement, le marché des lamas reste faible. Il est également à noter que le lama mâle reproducteur que les Mobley avaient acheté à l’origine est mort après presque deux ans de traitements médicaux.

 

[9]     Les Mobley se sont lancés dans l’entreprise en se servant de fonds qu’ils avaient mis de côté, plutôt que de fonds empruntés. Ils avaient un plan modeste et raisonnable et ils ont subi de sérieux revers dans les cinq premières années d’exploitation. Le plus gros revers qu’ils aient subi, c’est quand le gouvernement du Canada a ouvert la frontière à l’importation générale de lamas, ce qui a entraîné l’effondrement des prix des lamas au Canada.

 

[10]    De l’avis de la Cour, l’appelant et son épouse étaient de vrais agriculteurs débutants qui avaient une attente raisonnable de réaliser des profits importants selon les prix courants des lamas en 1992, année du démarrage de l'entreprise. Au bas mot, une période de démarrage de cinq ans doit être accordée à l’appelant pour qu’il puisse constituer un troupeau et réaliser quelques ventes. La période de trois ans prise en compte par le ministre est trop brève, vu le laps de temps pendant lequel il faut attendre pour que de petits lamas deviennent des animaux adultes. Le revers subi en 1995 — le cancer de M. Mobley — était imprévisible. Les Mobley ne pouvaient non plus prévoir le revers que, en 1996, ils ont subi parce que le gouvernement du Canada a ouvert la frontière à l’importation générale de lamas, ce qui a fait baisser considérablement les prix des lamas. Notre cour ne peut les pénaliser — en restreignant la perte agricole de l’appelant — en raison d’une mesure qui a été prise par le gouvernement et que l’appelant ne pouvait prévoir.

 

[11]    La Cour conclut que le revenu de M. Mobley pour 1995 et 1996 provenait principalement d’une combinaison de l’agriculture et de l'emploi de M. Mobley. Donc, les appels sont admis en tenant pour acquis que les années 1995 et 1996 étaient des années de démarrage. Cependant, les pertes admissibles devant faire l’objet de nouvelles cotisations correspondent aux montants indiqués aux annexes « H » et « I » de la réponse à l’avis d’appel, sous réserve de ce qui a été déterminé au paragraphe [4] des présents motifs. Ainsi, l’appelant est en droit de déduire les pertes agricoles suivantes, compte tenu des modifications déterminées au paragraphe [4] :

 

1995 — perte agricole nette — 25 656,26 $

 

1996 — perte agricole nette — 15 139,39 $

 

[12]    Les questions sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations.

 

Signé à Saskatoon (Saskatchewan), ce 30e jour d'avril 2002.

 

« D. W. Beaubier »

J.C.C.I.

 

Traduction certifiée conforme

ce 3e jour de mars 2004.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur

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