Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 20010208

Dossier: 2000-456-GST-I

ENTRE :

LOUISETTE ASSELIN TRUDEL,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge P.R. Dussault, C.C.I.

[1]            L'appelante conteste une cotisation établie en vertu de la Partie IX de la Loi sur la taxe d'accise ( « TPS » ) (la « Loi » ) pour la période du 1er au 30 avril 1991, dont l'avis est daté du 24 octobre 1997 et porte le numéro PS97L0521. La cotisation est pour un montant total de 11 061,66 $, soit 7 540,37 $ pour la taxe nette et 3 521,29 $ pour les intérêts.

[2]            La cotisation résulte de l'application du paragraphe 191(1) concernant la fourniture à soi-même d'un immeuble d'habitation à logement unique. En effet, le ministre du Revenu national ( « le Ministre » ) a tenu pour acquis que l'appelante a commencé à louer, pour la première fois, un immeuble nouvellement construit, situé au 1580, rue Hansen à Terrebonne (Québec), le 9 avril 1991. Le paragraphe 191(1) se lit :

191. (1) Fourniture à soi-même d'un immeuble d'habitation à logement unique ou d'un logement en copropriété — Pour l'application de la présente partie, lorsque les conditions suivantes sont réunies :

a) la construction ou les rénovations majeures d'un immeuble d'habitation — immeuble d'habitation à logement unique ou logement en copropriété — sont achevées en grande partie,

b) le constructeur de l'immeuble :

(i) soit en transfère la possession à une personne aux termes d'un bail, d'une licence ou d'un accord semblable (sauf un accord qui est connexe à un contrat de vente visant l'immeuble et qui porte sur la possession ou l'occupation de l'immeuble jusqu'au transfert de sa propriété à l'acheteur aux termes du contrat) conclu en vue de l'occupation de l'immeuble à titre résidentiel,

(ii) soit en transfère la possession à une personne aux termes d'une convention, sauf une convention portant sur la fourniture d'une maison mobile et d'un emplacement pour celle-ci dans un parc à roulottes résidentiel, portant sur l'une des fournitures suivantes :

(A) la fourniture par vente de tout ou partie du bâtiment dans lequel est située l'habitation faisant partie de l'immeuble,

(B) la fourniture par bail du fonds faisant partie de l'immeuble ou la fourniture d'un tel bail par cession,

(iii) soit, s'il est un particulier, occupe lui-même l'immeuble à titre résidentiel,

c) le constructeur, la personne ou le particulier locataire de celle-ci ou titulaire d'un permis de celle-ci est le premier à occuper l'immeuble à titre résidentiel après que les travaux sont achevés en grande partie,

le constructeur est réputé :

d) avoir effectué et reçu, par vente, la fourniture taxable de l'immeuble au dernier en date du jour où les travaux sont achevés en grande partie et du jour où la possession de l'immeuble est transférée à la personne ou l'immeuble est occupé par lui;

e) avoir payé à titre d'acquéreur et perçu à titre de fournisseur, au dernier en date de ces jours, la taxe relative à la fourniture, calculée sur la juste valeur marchande de l'immeuble ce jour-là.

[3]            L'intimée soutient que l'appelante, selon les termes de l'alinéa 191(1)e) de la Loi, est réputée avoir payé à titre d'acquéreur et perçu à titre de fournisseur, à la date de la location, la taxe relative à la fourniture, calculée sur la juste valeur marchande de l'immeuble ce jour-là.

[4]            Selon l'intimée, l'appelante, qui est un non-inscrit aux fins de la TPS, devait produire une déclaration au mois de mai 1991 et remettre, à ce moment, la taxe réputée perçue, le tout en application des règles énoncées au paragraphe 238(2) et à l'alinéa 245(1)a) de la Loi.

[5]            Par ailleurs, l'intimée soutient que la cotisation est valide et non prescrite en invoquant l'application de plusieurs dispositions, soit le sous-alinéa 298(1)a)(i), l'alinéa 298(1)b) et les paragraphes 298(4) et 298(5) de la Loi.

[6]            De son côté, l'appelante, tout en reconnaissant l'application du paragraphe 191(1) de la Loi, soutient que la cotisation n'est pas valide du fait qu'elle a été établie après le délai de quatre ans prévu à l'alinéa 298(1)c) de la Loi. De plus, selon elle, la cotisation ne pouvait être établie après ce délai de quatre ans en se fondant sur le paragraphe 298(4) de la Loi puisqu'elle n'a pas fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire.

[7]            Avant d'aborder cette question de la prescription, laquelle, selon les parties, est la seule en litige, il convient de rappeler certains faits mis en lumière lors du témoignage de l'appelante elle-même et de celui de monsieur Richard Houde, vérificateur à Revenu Québec à l'époque pertinente.

[8]            En 1995, au cours d'une vérification des affaires du conjoint de l'appelante par monsieur Houde, l'appelante a déclaré à ce dernier que l'immeuble nouvellement construit, situé au 1580, de la rue Hansen à Terrebonne (Québec) lui appartenait et qu'il avait été loué pour la première fois en mai 1992. Une première cotisation fût donc établie à l'égard de l'appelante en application du paragraphe 191(1) de la Loi pour la période du 1er au 31 mai 1992. L'avis de la cotisation est en date du 19 octobre 1995 et porte le numéro T95L067[1]. S'en est suivi une certaine confusion au motif, selon l'appelante, que l'avis référait à l'immeuble situé au 1570, rue Hansen, soit le lieu de sa résidence et non à l'immeuble situé au 1580, rue Hansen qui était celui qui avait été loué.

[9]            Quoiqu'il en soit, cette cotisation a fait l'objet d'une opposition puis d'un appel de la part de l'appelante. Lors de l'audition de l'appel par la Cour canadienne de l'impôt en mai 1997, l'appelante a affirmé avoir répondu n'importe quoi à la question posée par monsieur Houde lors de sa vérification de 1995 concernant la date du début de la première location de l'immeuble situé au 1580, rue Hansen. Lors de cette audition, elle a même affirmé que la location aurait débuté en novembre 1990[2].

[10]          Lors de l'audition du présent appel, l'appelante a affirmé avoir répondu aux questions posées par monsieur Houde lors de sa vérification de 1995 en toute bonne foi et que c'est plutôt lors de l'audition de mai 1997 qu'elle n'aurait pas témoigné correctement.

[11]          Lors de l'audition du présent appel, monsieur Houde a, pour sa part, affirmé avoir obtenu une lettre du locataire de l'immeuble situé au 1580, rue Hansen, un certain monsieur Dery, lequel a affirmé que la location avait débuté le 9 avril 1991. De plus, monsieur Houde a vérifié auprès de la société Hydro-Québec, laquelle a confirmé que le branchement avait bien eu lieu à cette date.

[12]          Comme la cotisation établie le 19 octobre 1995 portait sur la période du 1er au 31 mai 1992 et qu'il s'avérait que la location de l'immeuble à monsieur Dery avait plutôt débuté le 9 avril 1991, l'appel de cette cotisation fut admis par jugement de cette Cour en date du 27 mai 1997.

[13]          Suite au jugement, le 24 octobre 1997, monsieur Houde procéda à établir une nouvelle cotisation couvrant cette fois la période du 1er au 30 avril 1991. C'est cette cotisation que l'appelante conteste maintenant au motif qu'elle a été établie après le délai de quatre ans prévu à l'alinéa 298(1)c) de la Loi. De plus, tel que mentionné plus haut, l'appelante prétend que la cotisation ne pouvait être établie après le délai normal de prescription de quatre ans après le jour où la taxe est devenue payable en se fondant sur le paragraphe 298(4) de la Loi puisqu'elle soutient ne pas avoir fait de présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire. En effet, elle affirme avoir répondu à la question posée par monsieur Houde lors de sa vérification de 1995 en toute bonne foi.

[14]          De son côté, l'avocat de l'intimée soutient que la cotisation est valide même si elle a été établie après le délai de quatre ans puisque l'appelante a fait une présentation erronée des faits, à tout le moins par négligence ou inattention, puisqu'elle n'a aucunement tenté de vérifier auprès de son locataire le caractère véridique de la réponse donnée à monsieur Houde. L'avocat de l'intimée invoque donc le paragraphe 298(4) de la Loi pour soutenir la validité de la cotisation. Toutefois, l'avocat de l'intimée s'est d'abord référé au sous-alinéa 298(1)a)(i), à l'alinéa 298(1)b) de même qu'au paragraphe 298(5) pour démontrer que la cotisation était valide en vertu de ces différentes dispositions. À mon avis, la référence à ces multiples dispositions est de nature à créer une certaine confusion qu'il importe de dissiper.

[15]          D'abord, il est important de reproduire les différentes dispositions invoquées par les parties. Il s'agit du sous-alinéa 298(1)a)(i), des alinéas 298(1)b) et c) ainsi que des paragraphes 298(4) et (5). Ces dispositions se lisent ainsi :

298. (1) Période de cotisation — Sous réserve des paragraphes (3) à (6.1), une cotisation ne peut être établie à l'égard d'une personne en application de l'article 296 après l'expiration des délais suivants :

a) s'agissant d'une cotisation visant l'un des montants suivants, quatre ans après le dernier en date du jour où la personne était tenue par l'article 238 de produire une déclaration pour la période et du jour de la production de la déclaration :

(i) la taxe nette de la personne pour sa période de déclaration,

[. . .]

b) s'agissant d'une cotisation visant la taxe payable par la personne en application de la section II relativement à un immeuble que le fournisseur lui a fourni par vente dans des circonstances où le paragraphe 221(2) s'applique, quatre ans après le jour où elle était tenue par l'article 228 de produire la déclaration dans laquelle cette taxe devait être indiquée ou, s'il est postérieur, le jour de la production de la déclaration;

c) s'agissant d'une cotisation visant la taxe payable par la personne en application de la section II, sauf la taxe visée à l'alinéa b), quatre ans après le jour où la taxe est devenue payable;

[. . .]

                298(4) Exception en cas de négligence, fraude ou renonciation — Une cotisation peut être établie à tout moment si la personne visée a :

a) fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire;

b) commis quelque fraude en faisant ou en produisant une déclaration selon la présente partie ou une demande de remboursement selon la section VI ou en donnant, ou en ne donnant pas, quelque renseignement selon la présente partie;

c) produit une renonciation en application du paragraphe (7) qui est en vigueur au moment de l'établissement de la cotisation.

298(5) Exception en cas d'erreur sur la période de déclaration — Si le ministre constate, lors de l'établissement d'une cotisation, qu'une personne a payé, au titre de la taxe à payer ou de la taxe nette à verser pour une période de déclaration, un montant qui était à payer ou à verser pour une autre période de déclaration, il peut établir une cotisation pour l'autre période.

[. . .]

[16]          Par ailleurs, le paragraphe 296(1) de la Loi prévoit ce qui suit :

296. (1) Cotisation — Le ministre peut établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire pour déterminer :

a) la taxe nette d'une personne, prévue à la section V, pour une période de déclaration;

b) la taxe payable par une personne en application des sections II, IV ou IV.1;

c) les pénalités et intérêts payables par une personne en application de la présente partie;

d) un montant payable par une personne en application des alinéas 228(2.1)b) ou (2.3)d) ou de l'article 230.1;

e) un montant qu'une personne est tenue de payer ou de verser en vertu du paragraphe 177(1.1) ou des sous-sections a ou b.1 de la section VII.

[17]          Le paragraphe 168(1)[3] stipule que la TPS est payable par l'acquéreur au premier en date du jour où la contrepartie de la fourniture taxable est payée et du jour où cette contrepartie devient due. Bien que l'acquéreur d'une fourniture taxable soit assujetti à la TPS et puisse être cotisé à cet égard en vertu de l'alinéa 296(1)b) de la Loi, c'est habituellement le fournisseur qui fait l'objet d'une cotisation. Toutefois, si l'acquéreur de la fourniture taxable a été cotisé, l'alinéa 298(1)c) limite la période normale de cotisation à quatre ans après le jour où la taxe est devenue payable. Dans le cas qui nous occupe, l'alinéa 191(1)e) de la Loi stipule que le constructeur, soit l'appelante, est réputé avoir payé la TPS à titre d'acquéreur. À mon avis, cette présomption élimine la nécessité d'établir une cotisation à l'égard du constructeur réputé acquéreur de la fourniture taxable. Toutefois, l'alinéa 191(1)e) établit également que le constructeur est aussi réputé avoir perçu la TPS à titre de fournisseur. À ce titre, il doit remettre la taxe qu'il est réputé avoir perçu et il peut faire l'objet d'une cotisation, ce qui a précisément été le cas en l'instance.

[18]          C'est la section V de la Loi qui traite de la perception et du versement de la taxe prévue à la section II. Selon le paragraphe 221(1) de la Loi, le fournisseur d'une fourniture taxable doit d'abord, à titre de mandataire de Sa Majesté du chef du Canada, percevoir la taxe payable par l'acquéreur en vertu de la section II de la Loi. Par ailleurs, le paragraphe 238(2) prévoit qu'un non-inscrit est tenu de présenter une déclaration au Ministre dans le mois suivant chacune de ses périodes de déclaration pour laquelle il doit verser la taxe nette. Le paragraphe 245(1) précise que la période de déclaration d'une personne qui n'est pas un inscrit correspond au mois civil. La taxe nette à verser pour une période de déclaration est établie au paragraphe 225(1) et correspond aux montants devenus percevables et aux autres montants perçus par le fournisseur, diminués des crédits pour intrants et des autres montants qui peuvent être déduits dans le calcul de la taxe nette. Comme dans le cas présent, l'immeuble situé au 1580, rue Hansen a été loué pour fins résidentielles, la location est exonérée[4] et l'appelante ne pouvait réclamer de crédit pour intrants. C'est l'alinéa 228(2)b) qui, dans le présent cas, prévoit que la taxe nette doit être versée au Receveur général au plus tard le jour où la déclaration visant la période est à produire. Tout ceci pour dire que l'appelante devait, en mai 1991, produire une déclaration et verser la TPS résultant de l'application du paragraphe 191(1) de la Loi pour la période du 1er au 30 avril 1991 puisque la première location à des fins résidentielles a débuté, selon la preuve soumise, le 9 avril 1991.

[19]          C'est l'alinéa 296(1)a) qui prévoit que le Ministre peut établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire pour déterminer la taxe nette d'une personne, prévue à la section V, pour une période de déclaration. En ce qui concerne la taxe nette d'une personne pour sa période de déclaration, le sous-alinéa 298(1)a)(i) prévoit qu'une cotisation ne peut être établie après l'expiration de quatre ans après le dernier en date du jour où la personne était tenue par l'article 238 de produire une déclaration pour la période et du jour de la production de la déclaration. Or, l'appelante n'a jamais produit de déclaration suite à l'application de l'alinéa 191(1)e) de la Loi selon lequel elle est réputée avoir perçu la TPS suite à la location de son immeuble en avril 1991. Ainsi, le délai pour établir une cotisation à l'égard de l'appelante n'était pas expiré le 24 octobre 1997. La cotisation a donc validement été établie à cette date.

[20]          Ceci est suffisant pour disposer du présent litige. Toutefois, comme l'avocat de l'intimée s'est également référé aux alinéas 298(1)b) et c) ainsi qu'aux paragraphes 298(4) et (5), quelques commentaires additionnels sont de mise.

[21]          Quant à l'alinéa 298(1)b), il est évident qu'il ne pouvait s'appliquer dans les circonstances. Il n'est aucunement question ici de l'application du paragraphe 221(2) lequel, à l'époque pertinente, prévoyait la fourniture par vente d'un immeuble dans des circonstances spéciales, soit par un fournisseur qui ne résidait pas au Canada, soit à un acquéreur qui était un inscrit et qu'il ne s'agissait pas de la fourniture d'un immeuble d'habitation au profit d'un particulier.

[22]          Comme je l'ai dit plus haut, l'alinéa 298(1)c) vise la taxe payable par l'acquéreur et il est, à mon avis, inapplicable en l'espèce, vu le libellé de l'alinéa 191(1)e) de la Loi.

[23]          Puisque le délai dans lequel le Ministre pouvait cotiser en vertu du sous-alinéa 298(1)a)(i) n'était pas expiré le 24 octobre 1997, il est complètement inutile dans les circonstances de faire appel au paragraphe 298(4) et de discuter de la question de savoir s'il y a eu ou non présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire.

[24]          Finalement, en ce qui concerne le paragraphe 298(5) de la Loi, j'estime qu'il ne saurait s'appliquer en l'espèce puisqu'on y fait référence à une situation où une personne a payé la taxe à payer ou la taxe nette à verser pour une mauvaise période de déclaration, ce qui n'est pas le cas dans la présente affaire puisque rien n'a été payé.

[25]          En résumé, j'estime que la cotisation du 24 octobre 1997 est valide en vertu du sous-alinéa 298(1)a)(i) de la Loi puisque l'appelante n'a jamais produit de déclaration comme elle était requise de le faire suite à l'application du paragraphe 191(1) de la Loi.

[26]          En conséquence, l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de février 2001.

« P. R. Dussault »

J.C.C.I.



[1] Voir pièce I-3.

[2] Voir pièce I-1, transcription du 12 mai 1997, page 17 et pages 19 à 21.

[3] Section II, sous-section a).

[4] Annexe V, partie I, alinéa 6a).

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.