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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

2001-2446(IT)I

ENTRE :

 

SALAH MANUEL,

 

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

Appels entendus le 29 mai 2002, à Toronto (Ontario), par

l'honorable juge Campbell J. Miller

 

Comparutions

 

Représentant de l'appelant :                 Joseph Manuel

Représentante de l'intimée :                 Lorraine Edinboro (stagiaire)

 

 


JUGEMENT

 

Les appels interjetés à l'encontre des cotisations établies en application de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1996 et 1997 sont rejetés.

 

Signé à Ottawa (Canada), ce 5e jour de juin 2002.

 

 

« Campbell J. Miller »

J.C.C.I.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de mai 2004.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Date: 20020605

Dossier: 2001-2446(IT)I

 

ENTRE :

 

SALAH MANUEL,

 

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Miller, C.C.I.

 

[1]     Monsieur Salah Manuel en appelle, sous le régime de la procédure informelle, des cotisations du ministre du Revenu national (le « ministre ») pour les années d'imposition 1996 et 1997. Le ministre a refusé la déduction des pertes locatives que M. Manuel affirme avoir subies.

 

[2]     M. Manuel a indiqué qu'en 1992, il voulait acquérir un bien immobilier dont il espérait qu'il augmenterait de valeur. Lui et son père ont trouvé une terre agricole de 5½ acres à Thorndale (Ontario) appartenant à un couple auquel le père de l'appelant avait déjà vendu son entreprise, Endless Arcade. Au départ, une offre a été faite par l'entremise d'une société dont l'appelant était l'unique propriétaire, 952563 Ontario Limited (la « société »). Cette offre était assujettie à l'approbation de la Banque Royale (la « banque ») à la prise en charge de l'hypothèque de la banque. La banque n'a pas permis à la société de prendre l'hypothèque en charge, et par conséquent la société a prétendu céder l'offre à l'appelant et à sa mère. Une résolution de la société à cet égard a été présentée en preuve. La résolution se lit en partie comme suit :

 

[TRADUCTION]

 

Par les présentes, autorisation et directive sont données à la société de céder sa participation dans la convention d'achat-vente concernant le bien‑fonds dont la désignation municipale est R.R. no 2, Thorndale (Ontario), à Salah Manuel à titre personnel et à Victoria Manuel à titre personnel, selon les proportions établies par eux, nommément 75 p. 100 à Salah Manuel et 25 p. 100 à Victoria Manuel, sous réserve que Salah Manuel et Victoria Manuel conviennent verbalement d'indemniser la société à l'égard de toute responsabilité relativement à ladite convention d'achat-vente.

 

La résolution était datée [TRADUCTION] « en date de février 1992 ».

 

[3]     À la suite de cela, toutefois, la mère de l'appelant a été inscrite comme unique propriétaire. Aucune explication n'a été donnée quant au motif pour lequel la propriété n'était pas partagée à 75 p. 100 et 25 p. 100, comme l'avait suggéré l'appelant. Le prix d'achat du bien immeuble était de 227 000 $. Le prix a été payé par la voie d'une cession de l'hypothèque de 167 000 $ consentie par la Banque Royale et par la remise d'une charge de 60 000 $ détenue par le père de l'appelant sur le bien immeuble en raison de la vente de son entreprise, Endless Arcade, aux propriétaires du bien-fonds. On a présenté de la documentation sous forme d'une copie de la charge grevant le bien-fonds indiquant George Manuel Industries Ltd. comme titulaire de la charge, bien que M. George Manuel ait témoigné que, dans son esprit, sa société et lui-même ne formaient qu'un. (Il s'agit là d'un sentiment assez courant dans le cas de petites entreprises.)

 

[4]     L'appelant a indiqué que chacun de ses frères avait reçu un cadeau en argent de son père lors de son mariage afin de contribuer au versement initial pour l'achat d'une résidence. Même si l'appelant n'était pas marié en 1992, la remise de la dette de 60 000 $ accordée pour l'achat de la terre agricole constituait, selon lui, un cadeau similaire de la part de son père. Dans son avis d'opposition, l'appelant n'a pas indiqué que la remise de la dette par son père constituait un cadeau. Puisque le montant en était supérieur à celui des cadeaux accordés à ses frères, l'appelant n'aurait reçu qu'une participation de 75 p. 100 dans la terre agricole, contre 25 p. 100 pour sa mère.

 

[5]     L'appelant n'a pas réclamé de pertes relativement au bien‑fonds en 1992 et en 1993, mais en 1994, il a commencé à réclamer 75 p. 100 des pertes. Aucune explication n'a été donnée pour ce retard, sauf qu'il s'agissait d'une erreur. L'appelant a affirmé qu'en 1993, il avait contribué 10 000 $ à la société, avec l'intention que ce montant soit consacré à la terre agricole. Il n'existe aucune preuve écrite de cette contribution. En 1995, l'appelant a transféré la propriété de la société à son père, George Manuel.

 

[6]     En 1994 et 1995, les pertes subies à l'égard de la terre étaient respectivement de 16 716 $ et de 8 695 $. La situation financière relativement à la terre en 1996 et 1997 était la suivante :

 

 

1996

1997

 

Revenu brut

6 000,00 $

1 200,00 $

 

Dépenses

 

 

Publicité

-

-

Assurances

730,00

730,00

Intérêts

11 177,18

10 456,53

Impôts fonciers

2 500,00

2 500,00

Frais de gestion et d'administration

 

2 000,00

 

2 000,00

Dépenses totales

16 407,18 $

16 656,53 $

 

La société a versé les intérêts à payer en 1996 et en 1997.

 

[7]     Les états financiers de la société pour 1996 et 1997 indiquent un effet à recevoir de 7 554 $ et 20 349 $ respectivement. Une note afférente aux états financiers de 1997 explique que l'effet à recevoir concernait des avances en argent à la mère de l'actionnaire pendant l'année. D'après l'appelant, cela concernait la terre agricole. Cette note est étrange, car l'appelant a témoigné qu'il avait transféré la propriété de la société à son père en 1995. Rien ne donne à penser que la note réfère à la mère du père de l'appelant.

 

[8]     L'appelant a commencé par déclarer que l'intérêt de l'hypothèque sur la terre agricole avait été payé par son père, mais il a ensuite expliqué que c'était en fait la société qui l'avait payé. Aucune preuve écrite n'a été présentée à l'appui des frais d'assurance et des frais de gestion et d'administration en 1996 et 1997. En ce qui concerne ces derniers frais, l'appelant soutient que l'exploitation de la terre demandait énormément de travail et qu'il était justifié de payer des frais de gestion de 2 000 $ à son frère.

 

[9]     La terre agricole a été vendue en 1998 pour 192 000 $, ce qui a donné environ 20 000 $ en espèces une fois l'hypothèque et les frais acquittés. D'après le témoignage de l'appelant, ce montant a été remis à son père, qui connaissait des difficultés financières à ce moment-là.

 

[10]    Il s'agit de savoir si l'appelant était propriétaire du bien-fonds et donc s'il avait engagé les dépenses qui ont produit les pertes liées à celui-ci et, dans l'affirmative, si les frais d'assurance et de gestion ont été établis.

 

[11]    L'appelant affirme qu'il était propriétaire à 75 p. 100 de la terre agricole et qu'il a donc subi 75 p. 100 des dépenses liées à celle-ci. À l'appui de cette position, il mentionne les facteurs suivants :

 

-        la résolution de la société cédant l'offre d'achat du bien-fonds à lui‑même et à sa mère;

 

-        le témoignage de son père selon lequel la remise de la charge de 60 000 $ grevant le bien-fonds constituait un cadeau fait à son fils;

 

-        le témoignage de sa mère selon lequel elle n'avait qu'une part de 25 p. 100 dans le bien-fonds.

 

[12]    L'intimée affirme que l'appelant n'avait aucun droit de propriété sur le bien‑fonds pour les raisons suivantes :

 

-       il n'était pas le propriétaire inscrit;

 

-       aucune mention n'a été faite d'un cadeau à l'étape de l'opposition ou de l'appel;

 

-       l'appelant n'a pas contribué aux dépenses en 1994, 1995, 1996 et 1997;

 

-       la société appartenant au père de l'appelant en 1996 et en 1997 a effectué les versements hypothécaires;

 

-       le produit de la vente a été remis au père de l'appelant;

 

-       la seule preuve relative à une dette envers la société relativement au bien‑fonds provenait de la mère de l'appelant, et non de l'appelant lui‑même.

 

[13]    Même si certains indices montrent que l'appelant avait pu avoir un droit de propriété sur la terre agricole, ils ne suffisent pas, somme toute, pour prouver un tel droit de propriété. Un trop grand nombre de facteurs pèsent contre M. Manuel.

 

[14]    J'examinerai en premier lieu les arguments soulevés par le représentant de M. Manuel. La résolution, qui est le seul document à l'appui de l'arrangement allégué relatif au partage à 75 p. 100 et à 25 p. 100 du droit de propriété par l'appelant et sa mère, prétend autoriser la cession d'un intérêt dans une convention d'achat‑vente. La convention est un contrat d'offre d'achat type, assujetti à l'approbation de la Banque Royale à la prise en charge de l'hypothèque dans les cinq jours suivant l'acceptation de l'offre. L'acceptation de l'offre n'est pas datée. L'offre elle-même est datée de février 1992, sans indiquer de jour. La résolution ne porte également pas de date, sauf le mois de février. La preuve montre que la banque n'a pas approuvé la prise en charge par la société. Par conséquent, qu'est-ce qui a réellement fait l'objet de la cession? Le seul autre document concernant le transfert du bien‑fonds était l'acte de cession du 28 février 1992 signé par la mère de l'appelant, qui indique qu'elle devait être l'unique propriétaire. Quelle qu'ait été la raison d'être de la résolution de la société, si elle en avait une, elle ne prouve pas que l'appelant ait acquis une participation de 75 p. 100 dans le bien-fonds.

 

[15]    En ce qui concerne le témoignage de l'appelant et de son père selon lequel la remise par le père d'une dette grevant le bien-fonds était conforme à la tradition familiale de donner un montant servant de versement initial pour l'achat d'une résidence aux enfants lors de leur mariage, cette affirmation est douteuse. En premier lieu, l'appelant n'était ni nouveau marié, ni fiancé. En deuxième lieu, le bien-fonds n'était pas destiné à devenir une résidence principale ou un foyer conjugal possible; il a été acheté en vue d'un accroissement de sa valeur et il était loué. En troisième lieu, l'appelant n'a mentionné ce prétendu « cadeau » que très tardivement lors du processus d'appel. En quatrième lieu, l'appelant n'a pas tout simplement trouvé le bien‑fonds; il appartenait à un couple avec qui le père de l'appelant avait fait affaires auparavant. Il me semble bien que c'est une entreprise commerciale, et non un cadeau conforme à la tradition de la famille Manuel.

 

[16]    Ensuite, la mère de l'appelant, dans son bref témoignage, a tout simplement reconnu qu'elle n'avait réclamé que 25 p. 100 des pertes liées au bien-fonds parce qu'elle croyait qu'elle était propriétaire à 25 p. 100. Madame Manuel ne semblait pas avoir compris la nature de l'opération et ne comprenait pas bien certaines des questions. Je ne m'appuie pas sur son témoignage pour établir la propriété juridique du bien-fonds.

 

[17]    Pour terminer, il manque des explications plausibles pour plusieurs aspects de la position de l'appelant. En premier lieu, même si la société de l'appelant n'avait manifestement pas reçu l'approbation nécessaire pour la prise en charge de l'hypothèque, on n'a pas expliqué pourquoi l'appelant et sa mère n'auraient pas pu tous deux apparaître sur le titre de propriété. Ensuite, même si l'appelant a témoigné avoir contribué 10 000 $ à la société en 1993 (sans présenter de preuve écrite à l'appui de cette affirmation), pourquoi n'y a-t-il pas eu d'autres paiements relativement au bien‑fonds dont il prétend avoir été propriétaire pendant les années pertinentes? Il n'y a aucune explication. Pourquoi l'appelant n'a-t-il pas réclamé ses pertes en 1992 et 1993? Il prétend avoir fait une erreur, mais en 1994 il s'en était rendu compte et n'a rien fait pour la rectifier relativement aux années 1992 et 1993. Pourquoi, à titre de propriétaire majoritaire, n'a-t-il pas reçu de produit en espèces lors de la vente? Il répond que son père avait besoin de cet argent. Il n'existe aucune preuve des difficultés financières de son père, mais de toute évidence, c'est son père qui a contribué 60 000 $ à l'achat du bien-fonds sous forme de remise de dette. Je ne trouve pas que son explication à cet égard soit particulièrement convaincante.

 

[18]    Dans l'ensemble, l'explication de l'appelant n'a pas prouvé une participation de 75 p. 100 dans le bien-fonds. Il n'a pas démoli les hypothèses du ministre. Selon la prépondérance des probabilités, je conclus qu'il ne détenait pas une participation de 75 p. 100 dans le bien-fonds en 1996 et en 1997, et qu'il n'a donc pas le droit de déduire de pertes liées à celui-ci pendant ces années.

 

[19]    Les appels sont rejetés.

 

Signé à Ottawa (Canada), ce 5e jour de juin 2002.

 

 

« Campbell J. Miller »

J.C.C.I.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de mai 2004.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

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