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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

1999-4930(IT)G

 

ENTRE :

 

BLUE MOUNTAIN RESORTS LIMITED,

 

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

Appel entendu le 10 juin 2002, à Toronto (Ontario), par

 

l'honorable juge D. W. Beaubier

 

Comparutions

 

Avocat de l'appelante :                        Me Colin Campbell

 

Avocate de l'intimée :                          Me Margaret J. Nott

 

 

JUGEMENT

 

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1994 est admis et l'affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation conformément aux motifs du jugement ci-joints.

 

          L'appel interjeté à l'encontre de la détermination rendue en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1995 est admis et l'affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation conformément aux motifs du jugement ci-joints.

 

          Les dépens partie-partie sont adjugés à l'appelante.

 

 

Signé à Saskatoon (Saskatchewan), ce 3e jour de juillet 2002.

 

 

« D. W. Beaubier »

J.C.C.I.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 1er jour de juin 2004.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Date: 20020703

Dossier: 1999-4930(IT)G

 

ENTRE :

 

BLUE MOUNTAIN RESORTS LIMITED,

 

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Beaubier, C.C.I.

 

[1]     L'appel en l'instance, interjeté sous le régime de la procédure générale, a été entendu à Toronto (Ontario) le 10 juin 2002. L'appelante a fait témoigner son vice‑président aux finances, Harold Abbotts, et un témoin expert, James Saloman, C.A., qui a satisfait aux critères établis pour témoigner à titre d'expert au sujet du traitement, en vertu des principes comptables généralement reconnus au Canada, du revenu que l'appelante a tiré de la vente des abonnements qui sont l'objet de l'appel en l'instance.

 

[2]     Les paragraphes 1, 2, 3, 4, 6, 7, 8, 9, 12 et 13 de l'Avis d'appel ont été admis. Ils sont reproduits ci‑après :

 

[TRADUCTION]

 

L'appelante

 

1.         L'appelante est une société constituée sous le régime des lois de la province de l'Ontario dont le principal établissement commercial est situé à la route de comté 19, The Blue Mountains, R.R. no 3, Collingwood (Ontario) L9Y 3Z2.

 

La cotisation visée par l'appel

 

2.         La cotisation visée par l'appel a été établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (Canada) (la « Loi ») au moyen d'un avis de nouvelle cotisation daté du 1er mai 1998 relativement à l'année d'imposition de l'appelante se terminant le 31 octobre 1994.

 

La détermination visée par l'appel

 

3.         La détermination d'une perte autre qu'en capital visée par l'appel a été établie en vertu de la Loi au moyen d'un avis de détermination d'une perte daté du 8 octobre 1998 relativement à l'année d'imposition de l'appelante se terminant le 31 octobre 1995.

 

Les faits

 

4.         À toutes les périodes pertinentes, l'entreprise de l'appelante comprenait la fourniture de services récréatifs, y compris des pistes de ski et des courts de tennis intérieurs.

 

[...]

 

6.         Dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition 1994, l'appelante :

 

(i)         a inclus le montant de 1 175 055 $ à titre de revenu tiré de la vente d'abonnements de saison donnant droit à leurs détenteurs à des services rendus par l'appelante après la fin de l'année d'imposition, c'est‑à‑dire l'utilisation de ses installations de ski et de tennis intérieur, en vertu de l'alinéa 12(1)a) de la Loi;

 

(ii)        a déduit le montant de 1 175 055 $ à titre de provision relativement aux services qui devaient être rendus après la fin de l'année en vertu de l'alinéa 20(1)m) de la Loi.

 

7.         Dans le calcul de la perte autre qu'en capital pour l'année d'imposition 1995, l'appelante :

 

i)          a inclus le montant de 1 211 913 $ à titre de revenu tiré de la vente des abonnements de saison donnant droit à leurs détenteurs à des services qui devaient être rendus par l'appelante après la fin de l'année d'imposition, c'est‑à‑dire l'utilisation de ses installations de ski et de tennis intérieur, en vertu de l'alinéa 12(1)a) de la Loi;

 

ii)         a déduit le montant de 1 211 913 $ à titre de provision relativement aux services qui devaient être rendus après la fin de l'année en vertu de l'alinéa 20(1)m) de la Loi.

 

8.         Dans la nouvelle cotisation établie pour l'année 1994, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a inclus dans le calcul du revenu le montant de 1 175 055 $ provenant de la vente des abonnements de saison, mais il n'a admis aucune provision.

 

9.         Dans la nouvelle cotisation établie pour l'année 1995, le ministre a inclus le montant de 1 211 913 $ provenant de la vente des abonnements de saison dans le calcul des pertes de l'appelante, mais il n'a admis aucune provision.

 

[...]

 

12.       L'appelante s'est dûment opposée à la nouvelle cotisation susmentionnée au paragraphe 2 et le ministre a ratifié la nouvelle cotisation au moyen d'un avis de ratification daté du 17 septembre 1999.

 

13.       L'appelante s'est dûment opposée à la détermination de perte susmentionnée au paragraphe 3 et le ministre a ratifié la détermination au moyen d'un avis de ratification daté du 17 septembre 1999.

 

[3]     Les paragraphes 3 à 7 inclusivement de la Réponse modifiée à l'avis d'appel sont reproduits ci‑après :

 

[TRADUCTION]

 

3.         Il admet les faits exposés aux paragraphes 10 et 11 de l'Avis d'appel, sauf qu'il dit que le montant de la perte autre qu'en capital que l'appelante a initialement reportée rétrospectivement de l'année d'imposition 1995 à l'année d'imposition 1994 s'établissait à 117 609 $ et non pas à 117 639 $.

 

4.         En établissant la nouvelle cotisation à l'égard de l'appelante pour l'année d'imposition 1994 et en déterminant la perte autre qu'en capital pour l'année d'imposition 1995 de l'appelante de la manière décrite aux paragraphes 8, 9 et 11 de l'Avis d'appel et en ratifiant la nouvelle cotisation pour l'année d'imposition 1994 ainsi que la détermination de la perte pour l'année d'imposition 1995 de la manière décrite aux paragraphes 12 et 13 de l'Avis d'appel, le ministre du Revenu national (le « ministre ») s'est appuyé notamment sur les hypothèses de fait suivantes :

 

a)         l'appelante est une société constituée sous le régime des lois de l'Ontario;

 

b)         l'année d'imposition de l'appelante se termine le 31 octobre;

 

c)         l'appelante exploite une entreprise de services de loisir, d'alimentation et de logement et offre d'autres services, notamment des installations de ski et de tennis, à Collingwood (Ontario);

 

d)         généralement, la saison de ski dure quatre mois et commence au mois de décembre d'une année civile pour se terminer à la fin mars de l'année civile suivante;

 

e)         pendant toute la durée de son année d'imposition 1994, l'appelante a vendu des abonnements de saison pour la saison de ski subséquente, en 1994‑1995 (les « abonnements pour la saison 1994 »);

 

f)          pendant toute la durée de son année d'imposition 1995, l'appelante a vendu des abonnements de saison pour la saison de ski subséquente, en 1995‑1996 (les « abonnements pour la saison 1995 »);

 

g)         dans la « demande d'abonnement de saison » et la « demande et contrat » offertes aux clients durant les années d'imposition 1994 et 1995 de l'appelante relativement aux abonnements pour les saisons 1994 et 1995 respectivement figuraient les clauses de limitation de responsabilité (les « clauses de limitation ») suivantes :

 

Blue Mountain n'accorde aucun remboursement ni aucun crédit sur les abonnements de saison pour quelque raison que ce soit. Au cas où vous souhaiteriez vous prévaloir de la protection d'un régime d'assurance, nous avons inclus des renseignements sur le régime d'assurance des abonnements de saison offert par les courtiers Creighton and Company Insurance Brokers.

 

La durée de la saison de ski varie selon les conditions météorologiques et l'état de la neige, mais le centre Blue Mountain est généralement ouvert du mois de décembre jusqu'à la fin mars;

 

Le centre de villégiature est ouvert tous les jours, selon la décision de la direction. Aucun remboursement n'est accordé en cas d'annulation des activités pour cause de mauvais temps ou de bris du matériel.

 

h)         la « demande d'abonnement de saison » et la « demande et contrat » renferment également les modalités suivantes :

 

L'acheteur atteste par les présentes qu'il a pris connaissance des modalités de la DEMANDE ET CONTRAT APPLICABLE AUX ABONNEMENTS POUR LA SAISON [subséquente] imprimées au verso du formulaire de demande et qu'il convient de s'y conformer.

 

i)          durant la période pertinente, les clauses de limitation et les autres dispositions énoncées dans la « demande d'abonnement de saison » et la « demande et contrat » étaient valides et liaient l'appelante et ses clients;

 

j)          au cours de son année d'imposition 1994, l'appelante a tiré de la vente des abonnements pour la saison 1994 un revenu de 1 175 055 $ (le « revenu provenant des abonnements pour la saison 1994 »);

 

k)         au cours de son année d'imposition 1995, l'appelante a tiré de la vente des abonnements pour la saison 1995 un revenu de 1 211 913 $ (le « revenu provenant des abonnements pour la saison 1995 »);

 

l)          l'appelante n'était assujettie à aucune restriction, notamment contractuelle, relativement à la disposition, l'utilisation ou la jouissance des revenus provenant des abonnements pour les saisons 1994 et 1995;

 

m)        l'appelante n'était nullement tenue de remettre à ses clients les revenus provenant des abonnements pour les saisons 1994 et 1995, ni n'était assujettie à quelque restriction concernant l'utilisation de ces revenus;

 

n)         le revenu provenant des abonnements pour les saisons 1994 et 1995 était un revenu gagné par l'appelante dans les années d'imposition 1994 et 1995 respectivement;

 

o)         la perte autre qu'en capital de l'appelante pour son année d'imposition 1995 s'établissait à 332 728 $ et non pas à 369 586 $;

 

p)         la perte autre qu'en capital que l'appelante pouvait reporter rétrospectivement de son année d'imposition 1995 à son année d'imposition 1994 est de 80 751 $ et non pas de 117 609 $;

 

q)         subsidiairement, si les revenus provenant des abonnements pour les saisons 1994 et 1995 sont inclus dans le revenu de l'appelante pour ses années d'imposition 1994 et 1995 respectivement en vertu de l'alinéa 12(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1, tel que modifiée (la « Loi ») au titre de services rendus par l'appelante après la fin de ces années et s'ils sont déductibles à titre de provision en vertu de l'alinéa 20(1)m) de la Loi, ce qui est nié, alors le montant de la provision de l'appelante établie en vertu de l'alinéa 20(1)m) pour ses années d'imposition 1994 et 1995 n'est que symbolique.

 

B.        POINTS EN LITIGE

 

5.         Le point en litige est de savoir si le revenu provenant des abonnements pour les saisons 1994 et 1995 était un revenu gagné par l'appelante durant ses années d'imposition 1994 et 1995 respectivement.

 

6.         Subsidiairement, si le revenu provenant des abonnements pour les saisons 1994 et 1995 est inclus à bon droit dans le revenu de l'appelante pour ses années d'imposition 1994 et 1995 respectivement en vertu de l'alinéa 12(1)a) de la Loi au titre des services rendus après la fin de ces années et qu'il est déductible à bon droit à titre de provision en vertu de l'alinéa 20(1)m) de la Loi, ce qui est nié, la question est alors de savoir si le montant de la provision de l'appelante établie en vertu de l'alinéa 20(1)m) pour ses années d'imposition 1994 et 1995 respectivement n'est que symbolique.

 

C.        DISPOSITIONS LÉGISLATIVES INVOQUÉES, MOYENS, ET CONCLUSIONS RECHERCHÉES

 

7.         Il invoque notamment les paragraphes 9(1) et 111(8) et les alinéas 12(1)a), 18(1)e), 20(1)m) et 111(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.), telle que modifiée (la « Loi »).

 

[4]     Les hypothèses 4a) à m) inclusivement n'ont pas été réfutées. En ce qui concerne les questions en litige, il convient plus particulièrement d'attirer l'attention sur l'hypothèse 4c), qui indique que l'appelante exploite une entreprise de « services ».

 

[5]     Les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi ») en cause sont les suivantes.

 

1.       La définition de « biens » au paragraphe 248(1), qui comprend :

 

a) les droits de quelque nature qu'ils soient, les actions ou parts,

 

2.       L'alinéa 12(1)a) :

 

12(1) Sont à inclure dans le calcul du revenu tiré par un contribuable d'une entreprise ou d'un bien, au cours d'une année d'imposition, celles des sommes suivantes qui sont applicables :

 

a) les sommes reçues au cours de l'année par le contribuable dans le cours des activités d'une entreprise :

 

(i) soit qui sont au titre de services non rendus ou de marchandises non livrées avant la fin de l'année ou qui, pour toute autre raison, peuvent être considérées comme n'ayant pas été gagnées durant cette année ou une année antérieure,

 

(ii) soit qui sont, en vertu d'un arrangement ou d'une entente, remboursables en totalité ou en partie lors du retour ou de la revente au contribuable d'articles dans lesquels ou au moyen desquels des marchandises ont été livrées à un client;

 

3.       L'alinéa 20(1)m) :

 

20(1) Malgré les alinéas 18(1)a), b) et h), sont déductibles dans le calcul du revenu tiré par un contribuable d'une entreprise ou d'un bien pour une année d'imposition celles des sommes suivantes qui se rapportent entièrement à cette source de revenus ou la partie des sommes suivantes qu'il est raisonnable de considérer comme s'y rapportant :

 

[...]

 

m) sous réserve du paragraphe (6), lorsque des sommes visées à l'alinéa 12(1)a) ont été incluses dans le calcul du revenu tiré par un contribuable d'une entreprise, pour l'année ou une année antérieure, une somme raisonnable à titre de provision dans le cas :

 

(i) de marchandises qui, selon ce qu'il est raisonnable de prévoir, devront être livrées après la fin de l'année,

 

(ii) de services qui, selon ce qu'il est raisonnable de prévoir, devront être rendus après la fin de l'année,

 

(iii) de périodes pour lesquelles le loyer ou d'autres sommes relatives à la possession ou à l'usage d'un fonds de terre ou de biens meubles, ont été payées à l'avance,

 

(iv) de remboursements en vertu d'arrangements ou d'ententes de la catégorie visée au sous‑alinéa 12(1)a)(ii) qui, selon ce qu'il est raisonnable de prévoir, devront être faits après la fin de l'année sur remise ou revente au contribuable d'articles autres que des bouteilles;

 

[6]     L'alinéa 12(1)a) s'appuie sur l'existence présumée d'un contrat ou d'un droit de réclamation relativement à la fourniture par le fournisseur de biens ou de services futurs. Sinon, la somme que l'appelante a reçue aurait été un don effectué par le payeur.

 

[7]     Dans l'affaire qui nous occupe, le contrat se rapporte à la fourniture de services futurs, c'est‑à‑dire l'utilisation d'installations de tennis et de ski. En droit, si ces services ne pouvaient pas être fournis ultérieurement, le contrat deviendrait inexécutable et l'appelante serait obligée de rembourser les paiements.

 

[8]     Des éléments de preuve ont été produits concernant un certain nombre de remboursements accordés de façon discrétionnaire par l'appelante et les clauses de limitation du formulaire de « demande d'abonnement pour la saison de ski 1994‑1995 » de l'appelante, ainsi que la clause faisant état de l'existence d'un régime d'assurance des abonnements de saison offert par un courtier. En dépit de ces clauses, la loi pourrait obliger l'appelante à rembourser les droits payés dans certaines circonstances.

 

[9]     Cependant, la réponse à la question en litige se trouve dans les dispositions de la Loi elle‑même. En utilisant le libellé de l'alinéa 12(1)a), les sommes reçues au cours de l'année par l'appelante dans le cours des activités d'une entreprise étaient au titre de services non rendus avant la fin de l'année. Dès lors, en vertu du sous‑alinéa 20(1)m)(ii), l'appelante peut déduire une somme raisonnable à titre de provision lorsque les montants visés à l'alinéa 12(1)a) ont été inclus dans le calcul du revenu tiré par le contribuable d'une entreprise pour l'année dans le cas de services qui, selon ce qu'il est raisonnable de prévoir, devront être rendus après la fin de l'année.

 

[10]    La totalité des services allaient être rendus après le 31 octobre, étant donné que les abonnements n'étaient disponibles qu'après le 7 novembre. En conséquence, il est raisonnable que la totalité des droits constituent une provision.

 

[11]    Les appels sont admis. Les dépens partie-partie sont adjugés à l'appelante.

 

 

Signé à Saskatoon (Saskatchewan), ce 3e jour de juillet 2002.

 

 

« D. W. Beaubier »

J.C.C.I

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 1er jour de juin 2004.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 

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