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Date: 19990723

Dossier: 98-289-GST-I

ENTRE :

COLLÈGE ALGONQUIN DES ARTS APPLIQUÉS ET DE TECHNOLOGIE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge O'Connor, C.C.I.

[1] Cet appel a été entendu à Vancouver (Colombie-Britannique) le 14 juin 1999, conformément à la procédure informelle de cette cour. Les faits sont exposés dans l'exposé conjoint des faits, rédigé comme suit :

[TRADUCTION]

Faits dont les parties ont convenu

1. Les parties conviennent que les faits exposés aux paragraphes 4 à 18 inclusivement sont exacts.

2. Les parties conviennent que les documents en annexe sont des copies conformes des documents qu'ils représentent, qu'ils ont été signés aux dates mentionnées par les personnes désignées comme étant les signataires.

3. Ces ententes ne portent que sur les fins du présent appel et tous appels auxquels il pourrait donner lieu. Aucun élément de preuve incompatible avec les faits exposés aux présentes ou avec les documents ci-joints ne peut être produit; les éléments de preuve non incompatibles avec les faits ou les documents en question peuvent cependant être produits.

Les faits

4. À toutes les époques pertinentes, l'appelant exploitait un collège public, tel que défini à l'article 123 de la Loi sur la taxe d'accise (la “ Loi ”).

5. L'appelant a déposé une formule d'inscription aux fins de la taxe sur les produits et services en date du 20 mai 1990, et il a été inscrit en vertu de la partie IX de la Loi à compter du premier janvier 1991.

6. Jusqu'au 19 novembre 1996, l'appelant a déposé ses déclarations en tenant pour acquis qu'il était un collège public faisant des fournitures exonérées telles que les définit l'article 6 de la partie III de l'annexe V de la Loi.

7. Conformément au paragraphe 259(3) de la Loi, jusqu'au 19 novembre 1996, l'appelant a demandé et reçu le remboursement de sa TPS payée sur des achats comme le permet ce paragraphe à un collège public qui ne réclame pas des crédits de taxe sur intrants, le remboursement en question étant égal à 67 p. 100 de la TPS payée.

8. Le 19 novembre 1996, l'appelant a signé et fait un choix en application de l'article 6 de la partie III de l'annexe V de la Loi, par lequel il décidait de ne pas être fournisseur de fournitures exonérées et d'appliquer ce choix rétroactivement de façon à le reporter quatre ans plus tôt pour le faire entrer en vigueur le 19 novembre 1992.

9. Dans sa déclaration pour la période allant du premier mars 1997 au 31 mars 1997, l'appelant a demandé des crédits de taxe sur intrants s'élevant à 83 581,34 $, somme qui est égale à 33 p. 100 de la TPS qu'il a payée sur des achats entre le 19 novembre 1992 et le 19 novembre 1996 à l'égard des programmes d'apprentissage qu'il offrait.

10. À toutes les époques antérieures au 19 novembre 1996, l'appelant était fournisseur de fournitures exonérées conformément à l'article 123 et l'article 6 de la partie III de l'annexe V de la Loi.

11. L'appelant a produit une déclaration auprès du ministre du Revenu national conformément à l'article 238 de la Loi dans laquelle il demandait des crédits de taxe sur intrants s'élevant à 185 227,64 $ à l'égard de la période de déclaration allant du premier mars 1997 au 31 mars 1997.

12. Le 15 juillet 1997, le ministre a adressé l'avis de cotisation numéro 971211285129P-12 qui accordait des crédits de taxe sur intrants s'élevant à 96 061,52 $ pour la période allant du premier mars 1997 au 31 mars 1997, et qui refusait des crédits de taxe sur intrants au montant de 89 166,12 $, dont 83 581,34 $ afférents à des programmes d'apprentissage pour la période allant du 19 novembre 1992 au 19 novembre 1996.

13. L'appelant a déposé un avis d'opposition le 15 septembre 1997 à l'égard de la partie de la cotisation visant les programmes d'apprentissage et la demande de crédit de taxe sur intrants au montant de 83 581,34 $.

14. Le 28 octobre 1997, le ministre du Revenu national a adressé un avis de décision à l'égard de l'avis d'opposition de l'appelant, conformément auquel le ministre confirmait sa cotisation initiale refusant les crédits de taxe sur intrants de 83 581,24 $.

15. Le 22 janvier 1998, l'appelant a déposé un avis d'appel à l'égard de l'avis de décision.

16. Le ministre convient que si l'appelant a le droit de réclamer des crédits de taxe sur intrants à compter du 19 novembre 1992 en raison du choix qu'il a fait en la forme déterminée conformément à l'annexe V, partie III, article 6 de la Loi, il a dans ce cas droit au montant de 83 581,34 $ qu'il réclame.

17. Jointe au présent exposé conjoint des faits à titre d'annexe no 1 est la copie conforme de la formule prescrite TPS29 en date du 19 novembre 1996.

18. Les programmes d'apprentissage offerts par l'appelant et qui sont l'objet du présent appel ont été financés par la province de l'Ontario, en raison de quoi aucune TPS n'est imposable.

[2] Aucune preuve n'a été produite et les avocats des parties ont fait valoir leurs arguments en se fondant sur l'exposé conjoint des faits.

ARGUMENTS DE L'APPELANT :

[3] L'appelant a fait valoir qu'aucune date n'est fixée pour le dépôt du choix prévu à l'article 6 de la partie III de l'annexe V. L'avocat de l'appelant a comparé cela à plusieurs autres dispositions de la Loi relatives à des choix qui prévoient des dates précises applicables à leur dépôt. Il a mentionné en particulier les choix prévus au paragraphe 167(1) relatif à la fourniture des actifs d'une entreprise, au paragraphe 211(1) visant le choix visant l'immeuble d'un organisme de services publics, au paragraphe 225.1(1) qui traite d'une comptabilité simplifiée applicable aux organismes de bienfaisance et au paragraphe 225.2(1) qui traite des choix effectués par des institutions financières désignées particulières. L'avocat de l'appelant a aussi renvoyé à la formule TPS29 qui envisage le choix en litige, et il a souligné la présence d'un espace vierge pour la date de signature du choix et un autre espace pour sa date de prise d'effet. Il soutient, en s'appuyant principalement sur ce qui précède, que l'appelant avait le droit d'établir la date de prise d'effet du choix comme il l'a fait, à savoir le 11 novembre 1992.

ARGUMENTS DE L'INTIMÉE :

[4] L'intimée soutient que le libellé même de la disposition prévoyant le choix à faire indique que la prestation des services d'enseignement en question conserve la qualité de fourniture exonérée jusqu'à ce que le fournisseur procède au choix concerné. Il renvoie en particulier au libellé précis de l'article 6 de la partie III de l'annexe V, qui dit ceci :

... sauf si le fournisseur fait un choix en application du présent article, en la forme déterminée par le ministre et contenant les renseignements requis par celui-ci.

En d'autres termes, la transformation des fournitures exonérées en fournitures taxables offrant l'avantage consécutif de permettre de réclamer des crédits de taxe sur intrants entiers prend seulement effet après que le fournisseur a procédé au choix. Il a renvoyé à l'arrêt Her Majesty the Queen v. Miller [1993] 1 C.T.C. 269 (C.A.F.), dans lequel la Cour d'appel fédérale a déclaré ce qui suit à la page 271 :

L'intention du Parlement était claire : le contribuable avait le droit d'effectuer un choix en fonction des circonstances, que lui seul pouvait connaître, qui existaient au moment où il a produit sa déclaration. La Loi ne prévoyait pas le choix effectué sur le fondement de nouvelles circonstances découlant d'une cotisation ou d'une nouvelle cotisation.

Permettre que le choix soit modifié, soit par le ministre dans le cadre de l'établissement de la cotisation ou par le contribuable une fois cette dernière établie, exigerait, à mon avis, l'introduction inadmissible dans la Loi, par une interprétation large, de termes qui n'y sont pas.

L'avocat de l'intimée a aussi renvoyé à l'arrêt Nassau Walnut Investments Inc. v. Her Majesty the Queen [1998] 1 C.T.C. 33 (C.A.F.), dans lequel la Cour d'appel fédérale a établi une distinction entre une désignation et un choix. La Cour a dit à la page 46 :

À mon avis, il ne fait guère de doute que la méthode restrictive adoptée par les tribunaux à l'égard des dispositions de la Loi prévoyant l'exercice d'un choix vient de la possibilité que les contribuables se livrent à une planification fiscale rétroactive. C'est l'une des raisons qui expliquent la décision de la présente Cour dans l'arrêt Miller, précité, qui est l'une des principales causes sur lesquelles s'appuie le ministre. Dans cette affaire, le contribuable avait choisi d'étaler son revenu pour son année d'imposition 1982. Le ministre a refusé la déduction du contribuable relativement à sa cotisation au REER pour l'année en question et a aussi refusé d'augmenter le montant d'étalement choisi. À la page 5 (version française, A-782-90), le juge Mahoney, s'exprimant au nom de la Cour (avec l'appui des juges Linden et Robertson), a refusé au contribuable l'avantage de faire son choix en profitant d'un certain recul :

[...]

Il a aussi été fait renvoi au jugement Visser v. Her Majesty the Queen [1994] G.S.T.C. 75 (CCI) dans lequel le juge Lamarre Proulx de notre cour traitait du choix d'un fournisseur de biens immeubles qui n'avait été fait et déposé qu'une fois la fourniture effectuée. Le juge Lamarre Proulx a déclaré ce qui suit :

D'après le libellé de cette disposition, il est clair que, pour obtenir un remboursement, une personne doit avoir effectué la fourniture taxable d'un immeuble.

Elle a dit notamment à la page 75-3 :

[...] Quoi qu'il en soit, il manque un élément essentiel pour que l'appelant ait droit à un remboursement, soit la présentation du choix prévu au sous-alinéa 9b)(ii) de la partie I de l'annexe V de la Loi avant que la fourniture de l'immeuble ait été effectuée.

Le libellé de la disposition examinée dans l'affaire Visser était presqu'identique à la disposition prévoyant le choix en l'espèce, c'est-à-dire que la disposition ne prenait effet que lorsque le particulier “ a présenté au ministre un choix établi en la forme, selon les modalités et avec les renseignements déterminés par celui-ci. ”

[5] L'avocat de l'intimée a aussi souligné qu'il serait extrêmement difficile d'appliquer la Loi s'il était possible au contribuable de faire des choix et de les antidater, particulièrement après avoir formellement produit des déclarations pendant une période de temps considérable indiquant que le contribuable faisait des fournitures exonérées et qu'en conséquence il avait droit, conformément au paragraphe 259(3) de la Loi, à un remboursement de 67 pour 100 de la TPS payée.

ANALYSE ET CONCLUSION :

[6] À mon sens, les arguments de l'avocat de l'intimée sont bien fondés. Dans la version anglaise de la disposition même qui prévoit le choix, le législateur a employé le verbe “ has filed ” (a présenté), indiquant de la sorte que le choix ne peut prendre effet qu'une fois présenté. Quant à l'espace vierge prévu par la formule TPS29 pour la date de prise d'effet du choix effectué, il faut noter que plusieurs formules prévoyant un choix contiennent un espace vierge pour la date de prise d'effet et, dans de nombreux cas, le ministre établit cette date en se fondant sur les dispositions de la Loi. Quoi qu'il en soit, une formule ne peut l'emporter sur la Loi, et en l'espèce celle-ci dit clairement que le choix doit avoir été effectué avant de produire l'effet recherché.

[7] Conséquemment, l'appel est rejeté avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de juillet 1999.

“ T. P. O'Connor ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 26e jour de juin 2000.

Mario Lagacé, réviseur

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