Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 20000526

Dossiers: 1999-4208-EI; 1999-4209-CPP

ENTRE :

ACCESS POST PRODUCTION AUDIO INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Weisman, C.C.I.

[1] L'appelante oeuvre dans le domaine de la prestation de services audio de postproduction pour des séries de dessins animés. À cette fin, elle avait fait appel à Mark Grosicki (“ M. Grosicki ”), qui est qualifié pour incorporer des sons préenregistrés à des maquettes animatiques et pour accomplir le travail de découpage, ce qui comprend la synchronisation des dialogues avec le mouvement des lèvres des acteurs. M. Grosicki a travaillé pour l'appelante du 15 juin au 15 novembre 1998. Il s'agit de savoir s'il a exercé un emploi en vertu d'un contrat de louage de services, c'est-à-dire un emploi assurable et ouvrant droit à pension au sens de l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'assurance-emploi[1] et de l'alinéa 6(1)a) du Régime de pensions du Canada[2], respectivement.

[2] Le règlement de cette question exige l'application du “ critère composé de quatre parties intégrantes ” qui a été établi dans l'arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N.[3].

Contrôle

[3] Dans l'exécution de ses fonctions, M. Grosicki relevait directement de M. Steven Cole, soit le président de l'appelante (“ M. Cole ”), et indirectement des divers réalisateurs auxquels les clients de l'appelante faisaient appel de temps à autre pour leurs productions. M. Grosicki devait respecter des limites de temps strictes, mais celles-ci étaient imposées davantage par les nécessités des productions cinématographiques que par l'exercice d'un contrôle de la part de l'appelante. Comme c'est la norme dans l'industrie cinématographique, M. Grosicki jouissait d'une assez grande autonomie à l'intérieur de ces limites. Il était libre de travailler à des projets pour plus d'une société de productions audio en même temps. Aucun élément de preuve n'indique qu'un contrôle était exercé sur ses heures ou ses conditions de travail lorsqu'il remplissait ses fonctions dans les locaux de l'appelante. Le facteur du contrôle tend à indiquer que, dans la relation entre M. Grosicki et l'appelante, il n'y avait pas un degré de subordination indiquant que M. Grosicki était un employé.

Instruments de travail

[4] Dans l'exécution de ses tâches, M. Grosicki devait utiliser du matériel audiovisuel hautement perfectionné et coûteux — machine spectrale numérique, matériel DA88, JAZ Drive et DAT et matériel de source DAT (documents sonores), table de montage et matériel connexe. Tout cela était fourni à M. Grosicki par l'appelante, dans les locaux de cette dernière, comme je l'ai déjà mentionné. Ce facteur indique que M. Grosicki était un employé.

Intégration / organisation

[5] M. Grosicki était libre de travailler pour différentes sociétés de productions audio en même temps qu'il travaillait pour l'appelante et il l'a fait au cours de la période en question. Ce facteur tend à indiquer qu'il était un entrepreneur indépendant qui intégrait à sa propre entreprise les besoins de l'appelante.

Chances de bénéfice et risques de perte

[6] M. Grosicki ne prenait en charge aucune dépense relativement à son travail. On lui versait 266 $ par bobine pour le découpage et 1 000 $ par émission pour le montage. Ses revenus pouvaient varier selon le nombre de projets qu'il entreprenait. Toutefois, dans ses relations avec l'appelante, il n'avait de chances de bénéfice et de risques de perte que s'il n'avait pas à fournir ses services personnellement et s'il pouvait à cette fin faire appel à d'autres personnes à un tarif supérieur ou inférieur au tarif dont il était lui-même assuré. M. Grosicki a fait preuve d'ambivalence sur la question de savoir s'il devait fournir ses services personnellement. M. Cole a pour sa part adopté des positions contradictoires. Il a dit à la fois qu'il avait fait appel à M. Grosicki pour son expertise spéciale et que M. Grosicki pouvait retenir les services d'autres personnes pour l'exécution de ses propres fonctions, pourvu que le réalisateur des séries soit satisfait des résultats. Je suis convaincu selon la prépondérance des probabilités que M. Grosicki devait fournir ses services personnellement et qu'il n'avait donc aucune chance de bénéfice et aucun risque de perte relativement à ses services. Ce facteur indiquerait qu'il était un employé.

[7] L'application du critère composé de quatre parties intégrantes donne des résultats équivoques. Je dois prendre en compte la relation globale qui existait entre les parties, ainsi que l'ensemble des éléments qui entraient dans le cadre des opérations, pour déterminer si M. Grosicki était dans les affaires à son compte[4]. À cet égard, je constate qu'il n'était nullement dans les affaires à son compte. Il ne prenait en charge aucune dépense relativement à son travail, n'avait pas d'imprimés publicitaires, ne déclarait pas son revenu comme revenu d'entreprise aux fins de l'impôt sur le revenu et ne présentait aucun des nombreux autres attributs d'un entrepreneur. Le fait qu'il devait fournir ses services personnellement est également une forte indication qu'il était un employé[5].

[8] En l'espèce, la charge de la preuve incombe à l'appelante[6]. M. Grosicki et M. Cole ont témoigné pour l'appelante. Malheureusement, M. Grosicki était vague et incertain quant aux modalités de son contrat, et M. Cole tendait à se contredire à cet égard. Outre ce qu'il a dit au sujet de la question précédente qui consistait à savoir si les services étaient fournis personnellement, M. Cole a d'abord affirmé que M. Grosicki ne s'occupait que d'animation préproduction et ne relevait donc pas de lui, mais il a ensuite fait volte-face à cet égard. Ni l'un ni l'autre témoin ne s'est révélé digne de foi. L'appelante ne s'est pas acquittée de la charge de la preuve qui lui incombait en l'espèce. Je conclus que M. Grosicki exerçait un emploi en vertu d'un contrat de louage de services au cours de la période en question, donc un emploi assurable et ouvrant droit à pension.

[9] Les appels seront rejetés.

Signé à Toronto (Ontario) ce 26e jour de mai 2000.

“ N. Weisman ”

J.S.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 13e jour d'octobre 2000.

Isabelle Chénard, réviseure



[1] L.C. 1996, ch. 23.

[2] L.R.C. (1985), ch. C-8.

[3] [1986] 3 C.F. 553 (87 DTC 5025).

[4] Ibid.

[5] Ready Mixed Concrete v. Minister of Pensions, [1968] 1 All.E.R. 433 (B.R.).

[6] Johnston v. M.N.R., [1949] R.C.S. 486.

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